M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement. Je vais expliquer pourquoi.
Nous ne sommes pas opposés à l’expérimentation de la cour criminelle, qui va juger des crimes passibles de quinze à vingt ans de réclusion criminelle sans jury populaire. Cependant, il ne faut pas perdre de vue qu’il s’agit d’une révolution dans le système judiciaire français tel qu’il existe depuis fort longtemps. En effet, je rappelle que, si la justice est essentiellement rendue par des magistrats, elle l’est toujours « au nom du peuple français ». C’est d’ailleurs par cette formule que commencent toutes les décisions de justice.
Les cours d’assises sont l’occasion unique pour le peuple français de venir rendre la justice, qui, d’habitude, est rendue en son nom, mais en son absence. Ce n’est pas folklorique : c’est essentiel. Que le peuple français soit mis en dehors des lieux de justice est, à cet égard, extrêmement important symboliquement.
Nous ne nous sommes pas opposés à l’expérimentation, assortie d’une évaluation au bout de trois ans, qui consistait à créer dix cours. Dans un premier temps, ce sont sept cours qui ont été créées, puis neuf. Le quota attribué, si je puis m’exprimer ainsi, n’est pas encore atteint. Quelques mois plus tard, nous en sommes à une quarantaine de procès.
Si nous ne sommes pas hostiles à cette expérimentation, nous ne voulons pas qu’elle devienne, même momentanément, une solution de remplacement au système judiciaire tel qu’il existe aujourd’hui. Or, si le nombre de cours passait de dix à trente, conformément à votre souhait, c’est presque le tiers des départements qui seraient concernés.
Sur la base d’un bilan de six mois d’activité, nous sommes en train de remplacer le système des cours d’assises par un modèle dont nous ne connaissons ni les vices ni les vertus. Il nous semble que ce n’est pas ainsi que l’on transforme le système judiciaire français, en touchant à l’une de ses composantes qui n’est pas la plus négligeable.
Pour résumer, nous disons oui à l’expérimentation, mais non au remplacement.
Vous ne dissimulez pas que cette réforme s’explique par une simple raison de gestion de stocks ; je n’en disconviens pas. De fait, c’est à cette difficulté que le système judiciaire français doit faire face aujourd’hui. Nous ne souhaitons pas que l’on fasse évoluer aussi considérablement le système judiciaire français sans connaître exactement la portée de cette réforme.
Comme vous l’avez dit, cette question a été abondamment discutée en commission, parce qu’elle est primordiale pour la justice.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Nous sommes bien entendu opposés à cet amendement. Je suis d’ailleurs très étonné que vous nous le présentiez, madame le garde des sceaux. En effet, vous n’avez pas pu ignorer les débats qui ont eu lieu notamment au sein de notre commission.
Votre raisonnement pose de nombreux problèmes.
Premièrement, nous avions cru comprendre que les dispositions de ce projet de loi étaient liées à la situation d’urgence. Or tout votre discours montre qu’il s’agit, en réalité, d’instaurer un dispositif nouveau. Il ne s’agit pas d’une mesure limitée dans le temps et visant à parer à l’urgence. Vous profitez de la situation pour opérer un bouleversement de notre système judiciaire.
Deuxièmement, alors que toutes les instances nationales représentant les avocats sont naturellement réticentes à cette extension, vous affirmez tout à fait froidement que, pris individuellement, les avocats seraient très contents de ces nouvelles juridictions. Je prends acte de cet argument de la bizarrerie des avocats…
Troisièmement, le jury populaire est très important dans l’histoire de la justice française. Or il est clair que, si on laisse les choses se faire comme vous le souhaitez, on aboutira à sa disparition. On ne saurait l’accepter dans ces circonstances, sans qu’ait lieu un large débat. En effet, la justice est rendue au nom du peuple français, y compris quand elle l’est par des professionnels. De nombreuses personnalités, notamment des magistrats, sont intervenues dans la presse pour dire combien ce jury populaire était important.
Enfin, madame le garde des sceaux, alors que la majorité du Sénat a souscrit à une expérimentation concernant dix juridictions sur cent une et qu’aucune évaluation n’a été portée à notre connaissance, vous nous proposez de faire passer ce chiffre à trente, c’est-à-dire, pratiquement, d’instaurer un nouveau système. Ce n’est pas sérieux. Je suis sûr que vous en êtes consciente.
Pour ces raisons, vos arguments ne nous convainquent pas du tout. Nous voterons donc contre cet amendement.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Je ne souhaite pas prolonger excessivement ce débat, mais je crois que nous parvenons à une étape très importante de notre discussion. Nous ne pouvons pas l’escamoter.
Madame la garde des sceaux, vous avez engagé une expérimentation. À peine a-t-elle commencé que vous voulez l’étendre, sans l’avoir même évaluée. Pourquoi n’avez-vous pas immédiatement annoncé au Parlement que votre intention n’était pas d’expérimenter ? Il semble que vous aviez depuis le début l’intention d’acclimater une nouvelle manière de procéder au jugement des criminels.
Cette question est essentielle. Notre tradition du jury d’assises remonte à la Révolution française. Tous les régimes qui se sont succédé l’ont respectée. Elle repose sur des fondements solides. Nous n’avons pas l’intention de l’abandonner pour des motifs de convenance judiciaire.
Nous pouvons partager votre préoccupation, fondée sur les moyens et l’organisation des cours d’assises. Nous pouvons nous inquiéter avec vous de la difficulté à réunir les cours d’assises en France depuis quelques années. Nous pouvons nous inquiéter du report des procès. Si vous en discutez à cœur ouvert avec nous, vous remarquerez que nous partageons votre souci de trouver une solution à ces problèmes réellement très angoissants pour l’exercice de la justice.
Pour autant, si nous entrons, à la faveur de la crise sanitaire, dans un processus d’accélération de l’élimination des cours d’assises, pour les remplacer par des tribunaux criminels, cela signifie que nous préférons, pour juger de crimes dont les accusés peuvent être exposés à de très lourdes peines de prison ou, au contraire, être relaxés, un jugement professionnel à un jugement en humanité. Je ne dis pas que les magistrats ne sont pas capables d’humanité. Dieu merci, ils le sont ! Toutefois, le choix du jury d’assises, c’est le choix de Français désignés parmi les Français, c’est le choix du citoyen-juge,…
M. Loïc Hervé. Exactement !
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. … qui ne se fonde pas seulement sur une appréciation en droit. Le citoyen-juge entend les témoins. Il entend les experts. Il ne se contente pas de lire un dossier. Des débats aux assises émerge, chez lui, un sentiment profond, qu’on appelle « l’intime conviction ».
Si l’on fait confiance au citoyen français, à sa capacité d’exercer des responsabilités, au suffrage universel, il faut faire confiance aux jurés d’assises. Face aux difficultés qui vous assaillent pour juger les criminels en France, il ne faut pas perdre de vue ces principes essentiels, qu’aucun de nos prédécesseurs, dans le Parlement de la République, n’a jamais abandonnés.
Voter votre réforme reviendrait à considérer que, après tout, le jury d’assises n’est pas si important, que le procès d’assises, qui, par son oralité, permet l’expression des passions, ne l’est pas non plus et que l’on peut fort bien s’acheminer vers un autre système. Ce serait la première fois depuis la Révolution française !
Madame la garde des sceaux, quel que soit notre désir d’être utile à la résolution des problèmes d’encombrement de la justice, nous ne pouvons pas accepter cette évolution. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Viviane Artigalas et M. Loïc Hervé applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Je veux dire à mon tour que le groupe communiste républicain citoyen et écologiste est opposé à cette mesure et à la méthode que le Gouvernement utilise pour l’imposer.
Madame la garde des sceaux, avant d’envisager de modifier en profondeur la façon dont la justice doit être rendue dans ce pays, il faudrait d’abord dresser le bilan des neuf expérimentations qui ont été conduites.
Selon nous, la justice doit être rendue par le peuple.
Cet après-midi, j’ai assisté, avec mes collègues de la délégation aux droits des femmes du Sénat, à l’audition, en visioconférence, de M. Luc Frémiot, que vous connaissez très bien. Il a défendu ardemment cette justice du peuple. Je vous encourage à entendre sa voix.
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Permettez-moi de reprendre la parole, car les sujets de ce qu’est notre institution judiciaire, de la manière dont elle fonctionne et de la justice qui est rendue au nom du peuple français sont à la fois extrêmement sensibles et tout à fait essentiels.
Il se trouve que j’ai déjà souhaité, dans le cadre d’autres instances, que la justice puisse être rendue au nom du peuple français. Sur ce point important, les choses n’ont pas évolué comme je l’aurais voulu.
Madame la rapporteure, vous avez raison : que la justice puisse être rendue au nom du peuple français est plus que symbolique, c’est tout à fait essentiel. Loin de moi l’idée de vouloir mettre fin aux cours d’assises. Cela n’est pas pensable. Cela n’est pas possible. Cela n’est pas souhaitable. Cela n’est pas envisageable. Je le dis très clairement ici.
Nous restons bien, à ce stade, dans l’idée d’une expérimentation – rien ne préjuge du bilan qui en sera fait en 2022. Nous ne voulons pas aller vers un « remplacement », pour reprendre le mot que vous avez utilisé.
En passant de dix à trente, le nombre de départements concerné reste inférieur au tiers. C’est toujours, de mon point de vue, une expérimentation.
Au demeurant, la mise en place expérimentale des cours criminelles départementales répond aux demandes extrêmement fortes des chefs de cour, dans toute la France. Ces derniers se font les porte-voix de la communauté judiciaire, à Reims, Rennes, Rouen, Toulouse, Cayenne, Fort-de-France, Grenoble, Angers, Versailles ou encore Paris.
Pour terminer, il ne s’agit pas seulement, madame la rapporteure, de gérer des stocks. Ce serait absurde.
Je n’ai pas caché que nous nous trouvions dans une situation singulière, monsieur Sueur. Il s’agit d’apporter aux victimes ou aux accusés une réponse différente, complémentaire, plus adaptée, notamment dans le temps, pour éviter que les crimes soient correctionnalisés. Nous avons eu l’occasion d’exprimer, au cours de l’examen du projet de loi de réforme pour la justice, ce souci de limiter les correctionnalisations.
Ce n’est donc pas une question de défiance ou de confiance, monsieur le président de la commission. C’est une question de vérité judiciaire : nous voulons, par ces dispositifs multiples, servir la vérité judiciaire dans toute son ampleur, sans que soit porté atteinte à la cour d’assises. Il est important qu’un crime puisse être jugé en tant que tel, que ce soit par une cour criminelle ou par une cour d’assises.
Monsieur Sueur, ce n’est pas un dispositif nouveau, puisqu’il résulte de la loi de 2019. Vous l’avez d’ailleurs dit dans la seconde partie de votre propos.
Vous affirmez que l’urgence ne justifie pas cette extension. Pourtant, Mme la directrice des affaires criminelles et des grâces m’indique que 167 sessions de cours d’assises, d’une durée moyenne de quinze jours, ont été renvoyées pour cause de Covid-19. Il va bien falloir traiter les affaires ! À cet égard, la cour criminelle départementale peut, dans certains cas, constituer une réponse adaptée et de qualité.
Pour terminer, monsieur le président de la commission, et pour rester dans un débat très respectueux des positions de chacun, non, nous n’avions pas d’intention cachée depuis le début : le nombre de cours criminelles départementales serait resté à dix si la crise du Covid-19 ne nous avait pas obligés à trouver des solutions.
Les premiers bilans ont montré que le fonctionnement de ces cours criminelles pouvait présenter des atouts. Utilisons cette possibilité pour résoudre les difficultés que nous rencontrons. Nous n’avons pas du tout l’intention d’abandonner la justice des cours d’assises, fort au contraire. C’est une justice essentielle. C’est la justice du peuple français.
M. le président. Je mets aux voix l’article 1er octies C, modifié.
(L’article 1er octies C est adopté.)
Article 1er octies D
I. – Pour toutes les procédures correctionnelles ou contraventionnelles concernant des majeurs ou des mineurs dont les juridictions pénales de jugement ont été saisies avant la date de publication de la présente loi et pour lesquelles l’audience sur le fond n’est pas encore intervenue, le président du tribunal judiciaire ou le juge par lui délégué peut, sur requête du procureur de la République adressée avant le 31 décembre 2020, décider, par ordonnance prise, dans l’intérêt de la bonne administration de la justice, au moins un mois avant la date prévue pour l’audience, de renvoyer la procédure au ministère public afin que celui-ci apprécie à nouveau la suite à y donner conformément aux dispositions des 1° et 2° de l’article 40-1 du code de procédure pénale. Ces dispositions sont également applicables en cas de saisine d’un juge des enfants aux fins d’une mise en examen.
Cette ordonnance constitue une mesure d’administration judiciaire insusceptible de recours. Elle peut être commune à plusieurs procédures. Elle est portée par tout moyen à la connaissance du prévenu et de la victime, le cas échéant en même temps que ceux-ci sont informés de la suite de la procédure nouvellement décidée en application du même article 40-1.
Le présent I n’est pas applicable si le prévenu est placé en détention provisoire, assigné à domicile sous surveillance électronique ou placé sous contrôle judiciaire, si le tribunal correctionnel a été saisi par une ordonnance du juge d’instruction ou sur citation directe délivrée par la partie civile.
Si la victime avait été avisée de l’audience ou s’était déjà constituée partie civile devant la juridiction, le procureur de la République s’assure que la procédure qu’il retient lui permet de demander et d’obtenir son indemnisation. S’il a recours à la procédure de l’ordonnance pénale ou à la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, et si la victime avait déjà formé une demande de réparation, le juge doit statuer sur cette demande conformément aux articles 495-2-1 ou 495-13 du code de procédure pénale.
II. – Hors les cas prévus au troisième alinéa du I du présent article, le procureur de la République peut, pour toutes les procédures correctionnelles ou contraventionnelles concernant des majeurs ou des mineurs dont les juridictions pénales de jugement ont été saisies avant la date de publication de la présente loi et pour lesquelles l’audience sur le fond, prévue avant ou après cette date, n’a pas pu se tenir ou ne pourra pas se tenir en raison de la crise sanitaire liée à l’épidémie de covid-19 au plus tard au 10 juillet 2020 inclus, apprécier à nouveau la suite à y donner conformément aux 1° et 2° de l’article 40-1 du code de procédure pénale et du 3° du même article 40-1 s’il n’y a pas de victime avisée de l’audience. Dans ce cas, le dernier alinéa du I du présent article est applicable.
III (nouveau). – Le présent article est applicable sur l’ensemble du territoire de la République. – (Adopté.)
Article additionnel après l’article 1er octies D
M. le président. L’amendement n° 212 rectifié, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly, Gréaume, Assassi, Prunaud et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 1er octies D
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Par dérogation à l’article 515-12 du code civil, les mesures mentionnées à l’article 515-11 du même code et dont le délai a été allongé par l’ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière non pénale et aux contrats de syndic de copropriété sont prolongées de soixante jours.
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Chacun a pu le constater, les violences conjugales ont explosé en France durant la période de confinement. Les chiffres qui nous ont été envoyés voilà deux jours par le cabinet de la secrétaire d’État, notamment le nombre de signalements, le confirment.
Une fois n’est pas coutume, je tiens à saluer le Gouvernement – je pense en particulier à Marlène Schiappa –, qui a très vite réagi et pris des mesures face aux conséquences du confinement sur les violences intrafamiliales. Des dispositifs d’alerte ont été mis en place.
Je souligne également le rôle des associations de terrain, qui ont dû agir malgré le confinement, parfois avec peu de moyens, pour répondre à ces femmes, les accompagner et les mettre à l’abri en toute urgence.
L’article 12 de l’ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 a prolongé de deux mois la durée de validité de certaines ordonnances de protection dont le délai expirait prochainement. C’était une nécessité. À défaut, de nombreuses femmes auraient été exposées à encore plus de dangers. Certes, j’ai l’impression que cette mesure est quelque peu passée inaperçue…
Nous proposons une nouvelle prolongation du délai, de deux mois. En effet, compte tenu du ralentissement de l’activité des tribunaux durant la période que nous venons de connaître – vous y avez fait allusion, madame la garde des sceaux –, des femmes qui souhaitent faire une nouvelle requête auprès des juges aux affaires familiales risquent d’être confrontées à des délais d’attente et de se retrouver sans protection dans l’intervalle. Afin de leur éviter cette nouvelle démarche et cette attente, sources de stress, il convient de prolonger de deux mois supplémentaires les ordonnances de protection, faute de quoi celles-ci expireront très prochainement.
Les ordonnances de protection, qui existent depuis dix ans, ont fait la preuve de leur efficacité. Durant cette période lourde de dangers en matière de violences conjugales, il convient de les adapter aux réalités que vivent des femmes victimes et de faciliter leur délivrance.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Le souci qu’exprime notre collègue Laurence Cohen est tout à fait honorable et justifié. Les difficultés dont elle fait part sont réelles.
Néanmoins, cet amendement me semble satisfait en fait et en droit. En fait, les ordonnances de protection font l’objet d’une procédure prioritaire. En droit, en application de l’ordonnance du 25 mars 2020 – vous l’avez mentionnée, ma chère collègue –, les ordonnances de protection sont prorogées jusqu’au 10 octobre prochain. Elles n’arrivent donc pas à expiration prochainement.
La protection des femmes me paraît ainsi déjà assurée. Dans ces conditions, la commission sollicite le retrait de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Le Gouvernement demande également le retrait de cet amendement, pour les raisons que Mme la rapporteure vient d’exposer.
Comme vous l’avez rappelé, madame Cohen, la question des violences intrafamiliales a été prioritaire, y compris pendant le confinement. Cela faisait partie des contentieux de l’urgence qui étaient toujours traités dans les juridictions même quand elles étaient fermées pour d’autres activités. Les dispositions relatives à la prolongation des ordonnances de protection que Mme la rapporteure a rappelées me semblent satisfaire votre amendement.
M. le président. Madame Cohen, l’amendement n° 212 rectifié est-il maintenu ?
Mme Laurence Cohen. Non, je le retire, car il est effectivement satisfait dès lors que les ordonnances de protection sont prolongées jusqu’au mois d’octobre.
Je me réjouis que nous ayons pu aborder le sujet. Nous avons toutes et tous été beaucoup sollicités sur cette problématique pendant le confinement. Nous sommes extrêmement préoccupés. Il est bien que ces dispositifs soient prolongés quand c’est nécessaire.
M. le président. L’amendement n° 241 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
L’article 8 de la loi n° 2019-707 du 5 juillet 2019 portant diverses dispositions institutionnelles en Polynésie française est ainsi modifié :
1° Au début, est ajoutée la mention : « I. – »
2° Le mot : « janvier » est remplacé par le mot : « septembre » ;
3° Sont ajoutés deux paragraphes ainsi rédigés :
« II. – Par dérogation au I, les agents non titulaires de l’État régis par le droit privé travaillant pour le compte d’un service public administratif en Polynésie française peuvent choisir, dans un délai de six mois à compter de la date mentionnée au I, de conserver le bénéfice des stipulations de leur contrat de travail de droit privé.
« III. – Un décret en Conseil d’État fixe les conditions d’application du présent article, notamment les dispositions générales et les conditions d’emploi applicables aux agents non titulaires de l’État régis par le droit public en Polynésie française. »
La parole est à M. le ministre.
M. Marc Fesneau, ministre. Il s’agit d’un amendement de compromis. Le Sénat a supprimé le report d’un an du passage des agents non titulaires de l’État en Polynésie française vers un régime de droit public que l’Assemblée nationale avait prévu. Nous proposons un report de huit mois, afin de garantir que ce passage s’effectue dans des conditions satisfaisantes. Je sais que Mme la rapporteure a déposé un sous-amendement visant à en réduire encore la durée.
M. le président. Le sous-amendement n° 266 rectifié, présenté par Mme M. Jourda, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Amendement n° 241 rectifié, alinéa 4
Remplacer le mot :
septembre
par le mot :
juillet
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Le statut des agents de la Polynésie française est effectivement un peu particulier. Ils sont sous l’empire d’une convention collective qui a mon âge ; autant dire qu’elle n’est pas récente ! (Sourires.) La loi avait prévu de leur donner la possibilité d’opter pour un statut d’agent contractuel de l’État au 1er janvier prochain.
Le report de l’entrée en vigueur du dispositif que le Gouvernement avait demandé avait quelque peu courroucé nos collègues de Polynésie, car ils n’avaient pas le sentiment que les travaux avaient beaucoup avancé. Nous l’avions donc refusé.
Aujourd’hui, le Gouvernement nous tend la main en proposant de ramener la durée du report à neuf mois. Pour notre part, nous proposons une durée de six mois. L’idée n’est pas d’entrer dans une discussion de marchands de tapis. Simplement, une durée de six mois me paraît raisonnable au regard de la nécessité de régulariser ces agents tout en laissant à l’administration française le temps d’effectuer le travail qui s’impose.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 266 rectifié ?
M. Marc Fesneau, ministre. La proposition de Mme la rapporteure oblige, dans le bon sens du terme, le Gouvernement à respecter des délais plus restreints et raisonnables. C’est conforme à l’esprit dans lequel nous essayons de travailler sur ce projet de loi. Le Gouvernement émet donc un avis favorable.
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 266 rectifié.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l’article 1er octies E est rétabli dans cette rédaction.
Article 1er octies F
(Non modifié)
Le premier alinéa du VIII de l’article 72 de la loi n° 2019-1446 du 24 décembre 2019 de financement de la sécurité sociale pour 2020 est ainsi rédigé :
« VIII. – Les 2° et 3° ainsi que les trois derniers alinéas du II de l’article 373-2-2 du code civil dans sa rédaction résultant du I du présent article, le 2° du III, le troisième alinéa du c du 2° et le 4° du V ainsi que le VI entrent en vigueur à une date fixée par décret, et au plus tard le 1er janvier 2021. »
M. le président. L’amendement n° 52, présenté par Mmes Lubin, Rossignol et de la Gontrie, MM. Daudigny, Kanner, Kerrouche et Marie, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mme Meunier, M. Tourenne, Mme Van Heghe, M. Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline, Bérit-Débat, Jacques Bigot et Joël Bigot, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Botrel, M. Bourquin, Boutant et Carcenac, Mmes Conconne et Conway-Mouret, MM. Courteau, Dagbert, Daunis, Devinaz, Durain, Duran et Éblé, Mme Espagnac, MM. Féraud et Fichet, Mmes M. Filleul et Ghali, M. Gillé, Mmes Guillemot et Harribey, MM. Houllegatte, Jacquin et P. Joly, Mme G. Jourda, MM. Lalande et Leconte, Mme Lepage, MM. Lozach, Lurel, Magner, Manable et Mazuir, Mme Monier, M. Montaugé, Mmes Perol-Dumont et Préville, M. Raynal, Mme S. Robert, MM. Roger, Sueur et Sutour, Mme Taillé-Polian, MM. Temal et Tissot, Mme Tocqueville, MM. Todeschini, Vallini, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et républicain et apparentés, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Monique Lubin.
Mme Monique Lubin. Nous souhaitons la suppression de cet article, car il remet en cause le nouveau dispositif qui permet une récupération plus rapide des pensions alimentaires pour les personnes qui en sont privées. Celui-ci devait entrer en vigueur le 1er juin. Or il est reporté aux calendes grecques. Je n’ai même pas vu de date.
On nous explique que c’est à cause de la crise sanitaire que ce dispositif n’est pas prêt. J’ai tout de même un peu de mal à imaginer que des mesures censées entrer en application le 1er juin n’aient pas été préparées avant le 15 mars.
Nous parlons de personnes confrontées à de grandes difficultés, qui plus est aggravées par la crise. Je ne comprendrais pas qu’on ne trouve pas de solution dans les délais prévus.
Franchement, ce qui nous est proposé est, pour le moins – je préfère ne pas utiliser le mot qui me vient à l’esprit –, regrettable.
M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?