M. le président. Il faut conclure, madame la secrétaire d’État.
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous pouvons commencer à envisager une sortie de la crise sanitaire, et je dois dire que c’est une bonne nouvelle.
En revanche, nous nous engageons dans une crise économique et sociale d’une ampleur terrible. Les chiffres sont tombés en début d’après-midi : le nombre de demandeurs d’emploi de catégorie A a augmenté de plus de 22 % durant le mois d’avril, ce qui représente 843 000 chômeurs de plus. Le dispositif de chômage partiel doit donc être prolongé afin que des milliers d’autres personnes ne connaissent pas le même sort.
Notre pacte social est malade et le désastre économique et social pourrait s’aggraver d’ici à la fin du mois de juin, enfin pas pour tout le monde si l’on en juge par le montant faramineux du bonus dont va bénéficier le PDG d’Air France, alors que l’État prête 7 milliards d’euros à la compagnie aérienne.
Il est donc nécessaire, voire d’une urgence absolue, de changer de logiciel. On voit où la loi du marché nous a conduits !
Elle a provoqué un affaiblissement de l’hôpital et du système de santé, quitte à mettre en danger l’ensemble de la population, mais aussi de tous les services publics qui structurent la solidarité nationale. Elle a ensuite mis à genoux le cœur de l’économie : notre industrie. Tout démontre que l’argent a pris le dessus sur l’intérêt général. L’argent roi est bien la clé d’un nouveau contrat social.
Une nouvelle répartition des richesses est la voie du salut public. Le Gouvernement s’arc-boute, ne veut même pas rétablir l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), lequel a été affaibli et réduit à la portion congrue depuis dix ans. M. Le Maire se gausse même de son inefficacité.
Alors, chiche ! Allons plus loin, beaucoup plus loin ! Supprimons les dispositions qui protègent de manière éhontée le capital, comme la flat tax ; agissons de manière déterminée contre l’évasion fiscale ; ramenons l’échelle des salaires à un écart raisonnable de un à vingt ; construisons un pôle public bancaire et financier pour donner à l’État les moyens d’agir et de se dégager de l’emprise des marchés.
Pour ne pas s’écraser sur le mur social, il faut faire d’autres choix que ceux qui sont mis en œuvre depuis quarante ans. Il faut, je le répète, changer de logiciel. Qu’en pensez-vous, madame la secrétaire d’État ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice, la pression fiscale ne sera pas la réponse à la crise sociale…
Mme Éliane Assassi. Pas seulement !
Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État. Notre pays est déjà celui de l’OCDE où la pression fiscale est la plus forte. Les Français ont exprimé ces dernières années un véritable ras-le-bol fiscal.
C’est au contraire en réduisant la pression fiscale que nous permettrons à l’économie de repartir. Ce sont des mesures comme la baisse massive des impôts annoncée l’année dernière par Gérald Darmanin, notamment pour les revenus les plus faibles, comme la baisse et la suppression progressive de la taxe d’habitation, comme l’augmentation de la prime d’activité pour nos travailleurs les plus modestes, qui permettront aux Français de conserver leur pouvoir d’achat, voire de l’augmenter. Telle est bien notre ambition.
Nos entreprises ont besoin de marges de manœuvre pour pouvoir réinvestir et recruter. C’est l’emploi qui permet de sortir de la pauvreté. Il faut permettre aux bénéficiaires des minima sociaux d’être accompagnés pour être opérationnels, pour pouvoir retravailler et sortir de la précarité dans laquelle ils sont trop souvent enfermés. Plus de la moitié des 2 millions de bénéficiaires du RSA sont dans ce dispositif depuis plus de quatre ans et plus de la moitié d’entre eux n’ont aucun accompagnement vers l’emploi. C’est la raison pour laquelle nous avons mis en place la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté, afin d’accompagner les départements. Il faut permettre aux allocataires des minima sociaux de sortir de la pauvreté par l’emploi. C’est ce qu’ils souhaitent, comme nos concitoyens.
Enfin, la transformation de l’ISF en impôt sur la fortune immobilière (IFI) a permis de préserver la justice sociale en favorisant le retour des investissements dans notre pays.
Je le répète, l’impôt n’est pas la réponse, d’autant que, comme le montrent les dépenses que nous avons engagées, l’État prend entièrement ses responsabilités pour faire vivre la solidarité nationale. L’emprunt est un outil à notre disposition, c’est un investissement sur l’avenir et sur nos forces vives. Les propositions communes du président Macron et de la chancelière Merkel vont dans ce sens.
M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau.
M. Joël Guerriau. Madame la secrétaire d’État, la crise a révélé les vulnérabilités de notre modèle social, mais également ses forces adaptatives, comme un catalyseur d’évolutions prêtes à émerger. Ce phénomène est flagrant dans le domaine du travail.
Entre mars et mai 2020, des millions de salariés ont poursuivi leur activité à distance. Si les grèves provoquées par la réforme des retraites ont été une sorte de répétition générale, il semble que l’épidémie de Covid-19 bouleverse durablement notre modèle traditionnel d’organisation du travail.
À l’aune de cette expérience à marche forcée, 62 % des Français plébiscitent le recours au télétravail. Si certaines entreprises annoncent vouloir recruter des télétravailleurs à temps complet, d’autres proposent un modèle hybride. Ces nouveaux modes d’organisation n’ont rien de philanthropique, la volonté affichée est bien de gagner en productivité, de fidéliser les meilleurs employés et de faciliter les recrutements dans les zones les plus éloignées.
En effet, l’enjeu sous-jacent est celui de l’égalité territoriale : 75 % des salariés intéressés par un télétravail à temps complet envisageraient de déménager. Cela nous conduit à considérer le télétravail comme un moyen de désengorger les centres urbains surpeuplés et pollués, où les loyers sont hors de prix. Il est donc un moyen d’offrir à la France une nouvelle politique d’aménagement de son territoire.
Dans cette perspective, un cadre national est indispensable afin d’éviter que la généralisation du télétravail ne se traduise par une délocalisation des emplois qualifiés vers des pays à bas salaires.
Madame la secrétaire d’État, quelles mesures le Gouvernement est-il prêt à prendre pour encadrer le recours au télétravail afin qu’il permette d’instaurer en France un nouvel équilibre territorial et qu’il ne soit pas un facteur supplémentaire de délocalisation ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur, permettez-moi de rappeler que les outils du télétravail sont issus des ordonnances relatives au travail de 2017, lesquelles ont fait de la législation française l’une des plus favorables au télétravail en simplifiant considérablement ses modalités de mise en œuvre. Elles ont fait du télétravail un véritable droit pour le salarié.
C’est ainsi que, vous l’avez rappelé, plus de 5 millions de salariés ont pu recourir au télétravail durant le confinement. Alors que le télétravail reste préconisé dans les semaines à venir, un guide opérationnel a récemment été publié pour faciliter sa mise en œuvre par les employeurs et les salariés.
Les partenaires sociaux pourraient également se saisir prochainement de cette question, tout comme les employeurs et les salariés. C’est par le biais du dialogue social que nous pourrons trouver ensemble la meilleure solution.
Cela étant, vous avez raison, nous devons être vigilants et veiller à ce que le télétravail n’entraîne pas de délocalisations des emplois locaux dans d’autres pays.
C’est l’homogénéité de nos territoires et l’accès au télétravail partout dans notre pays qui permettra d’instaurer en France un nouvel équilibre entre les différents bassins de vie.
Je rappelle que, en juin 2019, le ministère de cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales a lancé le programme « Nouveaux lieux, nouveaux liens », doté d’un budget important de 45 millions d’euros. Ce programme permet aux collectivités et aux acteurs privés de créer des tiers-lieux, c’est-à-dire des espaces de travail ou de vie où les gens peuvent bénéficier d’une connexion à internet et se retrouver sur des temps spécifiques afin de ne pas rester isolés chez eux. De tels outils permettent aux salariés de travailler dans de bonnes conditions. Enfin, c’est le dialogue avec l’employeur qui permet d’éviter d’éventuelles dérives. Nous serons attentifs à ces questions.
M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau, pour la réplique.
M. Joël Guerriau. Merci, madame la secrétaire d’État, de votre réponse.
Il me vient une réflexion sur le télétravail au sein des services de l’État. Je pense par exemple aux services des impôts, à l’Agence nationale des titres sécurisés (ANTS), qui exercent des activités de contrôle. Ces contrôles pourraient très bien être effectués en télétravail. Une telle réflexion est-elle à l’ordre du jour du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Je vois au moins quatre conditions pour reconstruire le pacte social national que souhaite le groupe socialiste et républicain : du travail, du pouvoir d’achat, du dialogue social et, bien évidemment, de la solidarité.
Je limiterai mon propos à l’amélioration du pouvoir d’achat. Plusieurs pistes peuvent être étudiées. La généralisation de l’intéressement peut être une des voies de relance après la crise sanitaire. Il existe déjà des plans d’intéressement dans les entreprises, mais cet outil est sous-utilisé. Relançons-le en l’améliorant.
Une telle mesure ne coûterait pas un euro aux finances publiques et associerait pleinement chaque salarié au redressement du pays.
Autre piste : le projet de loi sur les retraites. Le Gouvernement a décidé de surseoir à son examen. Néanmoins, un certain nombre d’avancées sociales avaient été actées : le minimum retraite, la lutte contre les effets pervers des carrières hachées, notamment pour les femmes, et la revalorisation des retraites des agriculteurs.
Toutes ces questions ne sont pas derrière nous. Elles sont toujours présentes, et peut-être plus que jamais. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale, à l’automne prochain, devrait nous permettre d’avancer, madame la secrétaire d’État. Une conférence sociale pourrait se tenir à la même période afin d’en préciser le contour et le contenu.
Enfin, face à la pauvreté et à l’exclusion sociale que la crise risque d’exacerber, la question de la mise en place du revenu universel de base mérite d’être à nouveau débattue. Pourquoi ne pas expérimenter cette mesure afin de lutter notamment contre la précarité des plus jeunes et soutenir les ménages les plus pauvres et les travailleurs les plus fragiles ?
Madame la secrétaire d’État, je crois que ne pas transformer notre modèle social serait une erreur historique. Pour réussir, il faudra, à l’instar de ce que proclamait Danton en 1792 : « De l’audace, encore de l’audace et toujours de l’audace ! » (Mme Annick Billon applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé. En ce qui concerne l’amélioration du pouvoir d’achat des Français, monsieur le sénateur, nous avons consacré plus de 6 milliards d’euros à la hausse des minima sociaux, dont l’allocation aux adultes handicapés (AAH), l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) ou encore la prime d’activité.
Vous évoquez à juste titre la nécessité de promouvoir l’intéressement pour améliorer le partage de la richesse au sein des entreprises. Ce constat vous a amené à adopter la loi Pacte, voilà un an. Ce texte comporte une série de mesures qui visent à inciter les entreprises à mettre en œuvre des accords d’intéressement. Je pense notamment à la suppression du forfait social sur l’intéressement pour les entreprises de moins de 250 salariés et sur la participation pour les entreprises de moins de 50 salariés. La loi Pacte prévoit également des accords d’intéressement types négociés au niveau de la branche et adaptés aux secteurs d’activité pour faciliter leur déploiement dans les petites et moyennes entreprises. Il s’agit de mesures qui vont dans le bon sens et que vous défendez.
En ce qui concerne vos interrogations sur le projet de loi sur les retraites, il ne me revient pas aujourd’hui de m’exprimer à titre personnel. Les arbitrages sont en cours sur le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale. Je ne peux m’étendre davantage sur ce sujet.
Comme je l’ai dit, les travaux sur le revenu universel d’activité ont été interrompus en raison de la crise du Covid-19. Nous devrons nous poser la question de la précarité des jeunes dans notre système de protection sociale, comme celle du montant des minima sociaux. Ces sujets seront débattus et nous pourrons vous convier à travailler sur ces questions avec nous, si vous le souhaitez.
La question de l’expérimentation du revenu de base est extrêmement complexe. Chaque caisse d’allocations familiales ayant son propre fichier, il faudrait modifier tout le système informatique pour mener une expérimentation, même sur deux ou trois territoires seulement.
M. Jean-François Husson. Il ne faut pas se cacher derrière l’informatique !
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe, pour la réplique.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Merci de vos réponses, madame la secrétaire d’État. J’ai bien noté quelques ouvertures.
J’ai encore une suggestion à vous faire pour financer tous ces projets : la suppression – déjà bien entamée – des cotisations salariales et patronales, hors retraites, et leur remplacement par une contribution légère sur l’ensemble des paiements scripturaux dont l’assiette est plus large et solidaire, ce qui ne coûterait pas un euro à l’État. Une contribution de 2 % suffirait à dégager 400 milliards d’euros pour payer les prestations sociales et renforcer ainsi la solidarité.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Je vous livre cette proposition de la Fédération pour la défense du pouvoir d’achat et de l’emploi…
M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier.
M. Guillaume Chevrollier. Avec cette crise sanitaire et la crise économique à venir, l’entrée des jeunes sur le marché de l’emploi est une vraie source d’inquiétude.
L’apprentissage est également en danger. J’ai la conviction que cette filière d’excellence doit être soutenue. Dans la réflexion sur le pacte social, il est indispensable de consacrer un volet de soutien à l’apprentissage, faute de quoi la France manquera de main-d’œuvre qualifiée dans les prochaines années.
L’apprentissage, dans ma région des Pays de la Loire, c’est presque 30 000 jeunes formés dans cinquante-quatre centres de formation. Les Pays de la Loire se positionnent ainsi en tête des régions pour leur nombre d’apprentis parmi les jeunes de 16 à 25 ans.
Mais l’entrée en apprentissage s’annonce fortement impactée : les prévisions de baisse du nombre de contrats en apprentissage se situent entre 30 % et 50 %. En effet, les entreprises, fragilisées par la baisse d’activité, vont être très frileuses pour recruter des apprentis. Cette baisse va elle-même entraîner un problème de financement des centres de formation : c’est un cercle infernal qui va entraîner des fermetures de classes et, in fine, un risque de disparition de compétences pour les métiers. Vous le comprenez, l’apprentissage est en danger.
Les régions ont fait la preuve de leur agilité et de leur réactivité lorsqu’elles exerçaient cette compétence, mais vous avez souhaité modifier cette gestion. En période de crise, cette transition va être difficile, notamment à cause des lourdeurs administratives.
Il me semble donc aujourd’hui nécessaire de sécuriser les parcours des apprentis, d’alléger le coût financier pour les entreprises, pour lesquelles recruter des apprentis dans ce contexte particulier représentera un effort, et de sécuriser les centres de formation afin qu’ils maintiennent l’activité et les compétences.
Il est urgent d’agir et de mettre en place, dès maintenant, des outils pour accompagner les entreprises qui feront le choix de recruter et de maintenir des apprentis. Il faut envisager, par exemple, d’allonger la durée du statut de scolaire alternant aux candidats à l’apprentissage qui ne parviendraient pas à trouver une entreprise.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Guillaume Chevrollier. Madame la secrétaire d’État, que compte faire le Gouvernement pour préserver l’entrée en apprentissage ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé. Merci de votre question, monsieur le sénateur, qui soulève un sujet important.
Muriel Pénicaud a longtemps œuvré pour le développement de l’apprentissage. Ce travail commençait à porter ses fruits. Malheureusement, avec la crise, nous craignons également de constater une baisse. Ce serait fort dommage, car il s’agit d’un levier important, notamment pour l’entrée dans la vie active de nos jeunes. Il est nécessaire et important de lier formation théorique et en entreprise.
Muriel Pénicaud est au fait de cette question. Elle travaille en lien avec l’ensemble des régions pour favoriser, maintenir et continuer à développer l’apprentissage.
La question se pose aussi de l’orientation des jeunes et de leur éventuel décrochage scolaire. En période de crise, la fermeture des écoles nous fait craindre une augmentation du nombre de jeunes décrocheurs. C’est la raison pour laquelle nous avons, avec Jean-Michel Blanquer et Muriel Pénicaud, rédigé un courrier à l’attention des préfets et des recteurs de façon à travailler en amont de la rentrée scolaire. Il s’agit, en lien avec les régions, d’aller chercher les jeunes qui ne donnent plus signe de vie dans les classes virtuelles ou dans les établissements qui ont rouvert, de les accompagner, de s’assurer qu’ils sont présents à la rentrée et de les réorienter, si besoin, vers l’apprentissage.
M. le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian.
Mme Sophie Taillé-Polian. Dans votre propos liminaire, madame la secrétaire d’État, vous avez commencé par faire le panégyrique de l’action du Gouvernement avant la crise. Je voudrais juste vous rappeler que, à tout mettre bout à bout, politique fiscale et politique sociale, on constate un enrichissement des 5 % les plus riches et un appauvrissement des 5 % les plus pauvres de nos concitoyens. Voilà qui pose les bases.
La crise a montré toutes les failles de notre système, notamment la précarité extrême d’une grande partie de la population, et particulièrement de la jeunesse. On a même entendu des préfets craindre des émeutes de la faim. Cette situation provoque un risque majeur d’augmentation de l’endettement et un basculement d’un grand nombre de personnes dans la pauvreté. Et nous avons assisté, cet après-midi, à l’indifférence totale de votre collègue secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances face aux agios bancaires que se verront appliquer certains de nos compatriotes en difficulté.
Les aides que vous avez apportées sont trop faibles. Le Président de la République a appelé à des décisions de rupture. Nous vous appelons donc à l’ouverture de l’expérimentation du revenu de base. De nombreux départements sont prêts à le faire pour lutter contre le non-recours, contre la pauvreté, pour permettre une existence enfin sereine. Le revenu de base est un outil pour l’autonomie, pour la dignité de chacune et de chacun des citoyens de notre pays. Quand allez-vous enfin permettre cette expérimentation ?
Nous vous appelons également à ne pas entrer dans une politique de création de pauvreté avec la réforme de l’assurance chômage, encore susceptible de s’appliquer à la rentrée. Il faut annuler cette réforme.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice, la crise a montré des failles, mais elle a aussi montré la solidarité de notre système de protection sociale. J’en ai longuement détaillé les aspects, je n’y reviendrai pas.
La crise a eu un impact particulier sur les précaires, ce qui pose de manière indiscutable la question de notre système de soutien aux revenus des plus précaires.
J’ai reçu les présidents de département socialistes, ainsi que les députés qui avaient déposé une proposition de loi visant à expérimenter l’instauration d’un revenu universel. Je les ai invités à venir travailler avec nous sur le revenu universel d’activité. Nous partageons l’objectif de lutte contre le non-recours, sujet important sur lequel nous avons consenti des efforts et auquel le revenu universel d’activité, tel que nous le concevons – plus juste, plus lisible et plus pilotable –, permettrait de répondre avec une seule prestation et un seul dossier pour chaque Français.
Comme je l’ai souligné, nous devons nous poser la question de la place de nos jeunes et du montant des minima sociaux dans notre système de protection sociale. Je vous le dis clairement : nous poserons la question, comme nous avons commencé à le faire dans le cadre de notre réflexion sur le revenu universel d’activité.
Je n’étais pas d’accord avec les auteurs de la proposition de loi sur la question de l’inconditionnalité. Toute prestation doit être couplée à un accompagnement qui permet aux personnes concernées de s’inscrire dans un parcours d’insertion sociale et professionnelle afin de sortir de la pauvreté. Une prestation permet de vivre quand on est en situation de pauvreté, mais pas de sortir de la pauvreté.
C’est donc par le travail que nous pourrons permettre à ces personnes d’en sortir, de gagner des revenus beaucoup plus décents, de garder leur dignité et de trouver une place dans la société. Nous avons contractualisé avec 99 départements pour développer un meilleur accompagnement des bénéficiaires du RSA dans un délai d’un mois quand il fallait attendre entre quatre et six mois pour obtenir un premier rendez-vous.
M. le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour la réplique.
Mme Sophie Taillé-Polian. Madame la secrétaire d’État, l’inconditionnalité est extrêmement importante. Il faut arrêter de mettre les gens en situation d’aller, tous les trois mois, réclamer et remplir des dossiers. On met les personnes en difficulté. On leur demande perpétuellement de venir se justifier au lieu de les aider à construire leur projet de manière positive.
Le revenu de base inconditionnel, c’est justement la possibilité d’accéder enfin à la sérénité pour construire. Nous, nous faisons confiance aux gens, nous ne pensons pas qu’il faille leur mettre le couteau sous la gorge, comme avec votre réforme de l’assurance chômage, pour les remettre au travail !
M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.
Mme Sophie Taillé-Polian. Ils ont envie de se construire un avenir. Et c’est justement ce que permettra le revenu universel d’existence ! (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
Mme Laurence Rossignol. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Olivier Henno.
M. Olivier Henno. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le confinement mis en place pour lutter contre le développement du Covid-19 restera une période dont il faudra longtemps pour mesurer les conséquences sanitaires, mais aussi économiques et sociales.
En parallèle de ce combat contre la maladie, une nouvelle révolution se déroule sous nos yeux : l’accélération de la digitalisation de la société dont nous sommes, au Sénat, les premiers témoins et même des acteurs. L’organisation de nos travaux a changé depuis maintenant plusieurs semaines, dans des proportions que nous n’aurions jamais imaginées jusqu’ici.
Le phénomène du télétravail modifie et va modifier en profondeur notre manière d’appréhender nos vies et aura un impact significatif. Les atouts du télétravail sont nombreux : gain de temps, économie d’espace et de transport – ce qui est appréciable en cette période si particulière –, meilleure conciliation entre vie professionnelle et vie personnelle, réévaluation du lieu de notre domicile, comme cela a déjà été souligné.
Mais le développement du télétravail inquiète également. Il engendre de nombreuses conséquences sociales en termes de management, avec des risques d’isolement, en termes de relations sociales et de construction d’un projet collectif d’entreprise, mais aussi de représentation des salariés. Il représente une mutation profonde et accélérée de notre environnement économique et social.
Madame la secrétaire d’État, comment voyez-vous l’évolution du paritarisme et du dialogue social dans ces conditions ? N’est-il pas l’heure d’organiser une grande conférence sociale et, pourquoi pas, de proposer de nouvelles lois sociales refondées afin d’aborder, dans le dialogue social, ces mutations profondes ? (M. Jean-Marie Vanlerenberghe applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé. Comme je l’ai déjà souligné, un guide opérationnel a récemment été publié sur le télétravail afin de faciliter son approbation par les employeurs et les salariés. Il est d’ailleurs préconisé de continuer le télétravail dans les semaines à venir.
Dans les secteurs d’activité qui correspondent davantage à mon périmètre – je pense à tous les métiers de l’accompagnement social –, nous avons essayé, autant que faire se peut, de poursuivre le travail par téléphone. Mais cette situation ne peut perdurer. En outre, dans certains métiers où la relation humaine est importante, comme pour les professionnels de la petite enfance, par exemple, le télétravail n’est pas possible.
Laissons nos forces vives, salariés et employeurs, mais aussi administrations, dialoguer et travailler ensemble pour trouver le juste équilibre. Faut-il revenir de temps en temps dans un lieu commun ? Doit-on développer les tiers lieux ? Tout le système est à réinventer. Cette crise permet des avancées majeures sur ce sujet.
Je ferai part à Muriel Pénicaud, qui est pleinement mobilisée sur l’accompagnement des salariés et des entreprises, de votre proposition de conférence sociale.
M. le président. La parole est à M. Olivier Henno, pour la réplique.
M. Olivier Henno. Merci de votre réponse, madame la secrétaire d’État.
La cohésion sociale va subir de nombreux chocs. Bruno Le Maire a déclaré ce matin que cette crise pourrait être d’une ampleur proche de celle de 1929. Eu égard aux chocs sanitaires, économiques, sociaux et technologiques à venir dans cette période si particulière, tous les moyens doivent être mis en œuvre pour associer les partenaires sociaux.