Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Il s’agit évidemment d’un sujet très important, que le Président de la République suit en personne. Bâtir l’école inclusive est l’une de nos plus grandes priorités
J’étais hier en visioconférence avec Sophie Cluzel et tous les recteurs et directeurs d’agence régionale de santé de France pour évoquer ce seul sujet. L’enjeu de court terme est de faire le bilan de la situation présente pour les élèves en situation de handicap et de préparer la rentrée prochaine.
La période de confinement a été particulièrement dure pour ces élèves et leurs familles. Nous avons cherché à en tenir compte le plus possible. Le Président de la République a provoqué la mise en place d’une dérogation aux règles du confinement pour les élèves autistes. Nous avons publié toute une série de ressources spécifiques sur le site Éduscol, saluées par les associations, pour aider les familles.
En ce qui concerne le déconfinement, les élèves en situation de handicap ont été définis comme un public prioritaire, mais la mise en œuvre de ce principe se heurte parfois à des difficultés, comme le respect des gestes barrières par les accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH) ou l’absence de ces personnels pour des raisons de santé. Il faut donc mettre en œuvre toute une réorganisation. Nous sommes véritablement concentrés sur cet objectif, en lien avec les associations et le monde médico-social. En particulier, des personnels des instituts médico-éducatifs (IME) viennent nous aider dans les établissements. La situation comporte beaucoup d’imperfections, mais la réouverture a eu lieu voilà huit jours seulement. Nous allons améliorer les choses au fil du temps.
J’en profite pour souligner que la rentrée 2020 verra le franchissement d’un cap supplémentaire en termes de qualité d’accueil et de scolarisation des élèves en situation de handicap, grâce notamment à des AESH plus nombreux, mieux formés et disposant de meilleurs contrats, à davantage de ressources pédagogiques et de coordination avec les collectivités locales. Nous continuons le travail en faveur des élèves en situation de handicap.
Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Lafon.
M. Laurent Lafon. Monsieur le ministre, vous aviez précisé dans un premier temps, au début du confinement et lors de votre audition devant notre commission, que les épreuves orales de français du bac seraient maintenues en présentiel, avant de vous montrer, dans un deuxième temps, un peu plus réservé sur ce point.
Lors de la présentation des modalités de sortie du confinement, le Premier ministre a bien mentionné que la réouverture des lycées était conditionnée à la situation sanitaire mais que, en tout état de cause, elle n’interviendrait pas avant le début du mois de juin, ce qui amène à reposer, d’une certaine manière, la question du maintien des épreuves orales de français, dont la préparation satisfaisante nécessite un travail spécifique entre l’élève et l’enseignant.
Nous avons bien compris que vous aviez le souci de maintenir un certain climat de stimulation pour les élèves, afin que la période actuelle ne soit pas inutile. Toutefois, je crois qu’il est temps de dire aux enseignants, aux élèves et à leurs parents si ces épreuves orales se tiendront ou pas au mois de juin prochain.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le sénateur, vous avez mentionné les éléments présidant à une telle décision ; permettez-moi d’y revenir très brièvement.
Lors de la concertation très large menée sur la transformation du baccalauréat de 2020, nous avons insisté sur un objectif : toute épreuve finale pouvant être maintenue le serait. Or il reste possible de maintenir l’oral de français si les lycées sont ouverts, dans le respect des gestes barrières et de l’ensemble du protocole sanitaire.
Concernant l’ouverture des lycées, qui est une condition sine qua non, nous commencerons à en avoir le cœur net dans une semaine, à la lumière de l’avis des autorités sanitaires et de l’évaluation que nous ferons des possibilités en la matière. D’ici à la fin de la semaine prochaine, je poursuivrai les concertations avec l’ensemble des partenaires, y compris les représentants des lycéens.
Comme vous l’avez souligné, il est important que les lycéens travaillent le français. Ce message que nous leur adressons, je l’ai résumé d’une formule : plutôt Phèdre que Netflix !
Nous parlons beaucoup du décrochage de 4 % des élèves parmi les plus défavorisés et les plus éloignés de l’école, mais il faut se soucier de tous les élèves. Nous recueillons des témoignages de démotivation et de difficultés rencontrées par un grand nombre d’élèves dans leur rapport à l’école. De ce point de vue, on le sait bien, l’épreuve finale est un facteur de motivation.
Nous avons développé des ressources, notamment dans le cadre de la « Nation apprenante ». Par exemple, France Culture propose des ressources pédagogiques sur chacun des textes au programme de l’oral de français. J’invite les élèves de première à travailler sur la base de ces ressources, et bien sûr avec leur professeur.
J’entends tous les arguments en faveur d’un contrôle continu. À la lumière des concertations et de la situation sanitaire concrète, la décision sera prise à la fin de la semaine prochaine.
Mme la présidente. La parole est à M. Max Brisson. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Max Brisson. Monsieur le ministre, selon une récente étude de l’association SynLab, les enseignants ont l’impression que 20 % de leurs élèves se sont désengagés de leur scolarité depuis le début du confinement. Il ne s’agit pas des élèves dont l’institution scolaire n’a aucune nouvelle – les 4 % de décrocheurs –, mais d’élèves ne communiquant que faiblement avec leurs professeurs. Cette proportion atteindrait 30 % dans les collèges en REP et les lycées professionnels. Ainsi, le confinement a une incidence importante sur l’acquisition et la consolidation des apprentissages.
Conscient de ce problème, votre ministère s’est déjà fortement engagé. Je pense notamment au soutien scolaire à distance mis en place pendant les vacances de printemps.
Votre circulaire du 4 mai dernier semble dessiner trois temps : la période de la reprise des cours, jusqu’au 4 juillet ; les vacances d’été ; la rentrée de septembre prochain. Ma question porte sur les deux dernières périodes.
S’agissant des vacances éducatives, quelle sera leur finalité ? Comporteront-elles des objectifs pédagogiques de progression scolaire ? Quand seront-elles organisées, et y aura-t-il une priorisation des élèves en fonction des classes ou des difficultés scolaires ?
En ce qui concerne la rentrée de 2020, la circulaire indique que l’année scolaire 2020-2021 devra ménager, jusqu’aux vacances de la Toussaint, des temps pour consolider les apprentissages. Peut-on aller plus loin et prévoir une adaptation des programmes et un lissage par cycle ?
Enfin, la circulaire de rentrée 2019 avait été publiée le 28 mai 2019. Pouvez-vous nous donner une échéance indicative pour la publication de la circulaire de rentrée 2020 ? Est-ce une question de jours, de semaines ? Sera-t-elle publiée avant le début des vacances d’été ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le sénateur, vos questions sont en partie liées à celle de l’orateur précédent, puisque vous avez commencé par faire observer, malheureusement à juste titre, que, au-delà des décrocheurs, certains élèves entretiennent un lien très lâche avec leur scolarité.
C’est évidemment une préoccupation pour moi que ce problème de société, voire de civilisation – toute l’Europe est touchée. Nous devons nous attacher à reconstruire le lien avec l’école. Les vacances peuvent être un moment pour le faire, de même que la rentrée scolaire.
S’agissant des vacances, des dispositifs de soutien scolaire gratuit seront mis en place, à l’image des ateliers de mise à niveau proposés en petits groupes la dernière semaine d’août. Plus largement, le panel de ce que nous pouvons offrir durant les vacances inclut un déploiement beaucoup plus important qu’à l’ordinaire du dispositif École ouverte, y compris en milieu rural, chaque fois que cela sera possible, sur la base du volontariat des communes et des équipes. Je serai amené à en préciser tous les détails prochainement. La concertation se poursuit avec l’ensemble des acteurs, et vos propositions sont les bienvenues pour contribuer à dessiner ces vacances d’été.
Par ailleurs, au travers du label « Vacances apprenantes », il sera possible d’inclure des éléments encore plus éducatifs que d’habitude dans les programmes des colonies de vacances et d’autres formes de vacances de nature sociale. Non seulement nous devons sauver les colonies de vacances, ce qui n’est pas encore gagné, mais nous devons profiter de l’été 2020 pour transformer un problème en opportunité, en permettant à un plus grand nombre d’enfants de partir en vacances ; le Président de la République s’y intéresse en personne.
Pour ce qui est de la rentrée scolaire, la circulaire sera évidemment publiée avant les vacances d’été. Elle sera le fruit de vastes concertations avec l’ensemble des acteurs, qui permettront de préparer l’année scolaire 2020-2021 en tenant compte de toutes ses particularités.
Mme la présidente. La parole est à M. Max Brisson, pour la réplique.
M. Max Brisson. Le confinement aura mis en valeur l’importance de l’école et des maîtres : tout ne peut pas s’apprendre à distance, devant un écran ! La preuve est faite qu’il est chimérique de songer à remplacer les maîtres par des écrans…
Il n’en est que plus nécessaire de reconstruire l’adhésion à l’école et, pour cela, de préparer très en amont et dans une perspective stratégique la prochaine rentrée. Devant Mme la présidente de notre commission de la culture, de l’éducation et de la communication, je puis vous assurer que le Sénat prendra sa part de ce travail pour la réussite de la rentrée 2020 ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission. Très bien !
M. Jacques Grosperrin. Oui, très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Vérien.
Mme Dominique Vérien. Monsieur le ministre, si l’école est libre et obligatoire jusqu’à 16 ans, elle est aujourd’hui devenue, Covid-19 oblige, libre et facultative…
Pour les enfants vivant au sein d’un foyer structuré, ce n’est pas un problème, car les professeurs font un travail formidable pour maintenir le contact et fournir des supports pédagogiques qui rendent la période tout à fait constructive pour les enfants bien accompagnés.
Seulement, tous les enfants ne sont pas bien accompagnés ; c’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles vous avez choisi de rouvrir les écoles. De fait, les enfants se trouvant dans ce cas ont besoin de l’école, même s’ils n’en sont pas toujours conscients, vivant parfois l’institution comme un lieu d’échec auquel ils préfèrent ne pas se confronter.
C’est pour ces enfants-là que vous rouvrez les écoles, mais ce sont ceux-là qui ne sont pas revenus… Ainsi, dans mon village, certains parents ne se sont même pas donné la peine de répondre aux professeurs sur leur souhait de remettre ou non leur enfant à l’école le 14 mai ; bien sûr, ils n’étaient pas présents à la rentrée, jeudi dernier – dans une des classes, cette situation concerne deux élèves sur vingt-cinq.
C’est aussi pour ces enfants-là que vous souhaitez créer les Vacances apprenantes : mais comment comptez-vous les toucher, ou plutôt toucher leurs parents ? Les services sociaux sont un premier relai, mais nous savons qu’il est insuffisant, surtout s’il s’agit d’inscrire ces enfants pour l’été 2020. Monsieur le ministre, quelle méthode et quels moyens comptez-vous mettre en place pour faire revenir ces enfants à l’école, pour leur faire connaître – ne serait-ce que cela –, ainsi qu’à leurs parents, les colonies de vacances en question et pour les faire adhérer à cette formule, et amener les parents à y inscrire leurs enfants ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Madame la sénatrice, votre question soulève des enjeux d’importance.
Oui, malheureusement, les élèves les plus défavorisés ont tendance à moins revenir à l’école que les autres, mais – ne soyons pas manichéens – ce n’est pas systématique : nous enregistrons aussi de premières réussites. La situation dépend des lieux et de toute une série de circonstances. À nous de gagner ce pari, notamment tout au long du mois de mai, par une alliance de tous les acteurs publics. À cet égard, chacun d’entre eux a un rôle fondamental à jouer ; je pense bien sûr aux élus, mais aussi aux assistantes sociales, que j’ai déjà mentionnées.
J’ai demandé à chaque recteur de France de mettre immédiatement en œuvre un plan de lutte contre le décrochage, pour créer ces systèmes d’alliances permettant de tenir les bons discours et de mener les bonnes actions à l’égard des familles. Je reste optimiste, du fait notamment des effets d’imitation des premières semaines : voyant que des enfants retournent à l’école et que cela se passe bien, d’autres familles feront le même choix, ce qui est éminemment souhaitable.
Vous avez indiqué que nous pourrons mieux promouvoir les Vacances apprenantes auprès des familles en mai et en juin si les enfants sont présents à l’école. C’est très juste, et ce sera d’ailleurs une première que de parler des vacances avec les enfants et leurs familles au mois de juin pour les inciter à profiter des systèmes que nous déploierons.
Pour toutes ces formes d’incitation, nous misons d’abord et avant tout sur l’alliance de tous les acteurs publics, notamment des élus, a fortiori dans les petites communes où les maires connaissent personnellement les familles.
Il nous faut aussi être innovants ; de ce point de vue, les propositions du Sénat peuvent être très pertinentes. Je pense en particulier aux clubs de sport, que nous allons engager autant que possible à aller chercher les élèves, qu’ils connaissent bien, parfois sous d’autres angles, de façon à nous aider dans ce travail de conviction.
Dans la période actuelle, nous devons faire flèche de tout bois : toutes les idées sont bienvenues pour gagner ce pari dès le mois de mai !
Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Vérien, pour la réplique.
Mme Dominique Vérien. Il faut bien rappeler que l’école est obligatoire, en présentiel ou derrière un écran, pour inciter les parents à remettre leurs enfants à l’école quand ils ne peuvent pas les accompagner, ce qui est souvent le cas pour les enfants décrocheurs. Quant à la promotion des colonies de vacances, je pense qu’une bonne campagne télévisuelle permettrait de toucher tous les foyers !
Mme la présidente. La parole est à Mme Laure Darcos.
Mme Laure Darcos. Monsieur le ministre, la réouverture des établissements scolaires dans le contexte épidémique que nous connaissons s’avère des plus complexes.
Complexe, elle l’est en premier lieu pour les élus locaux ; chacun de nous a pu mesurer, dans son département, la profonde et légitime inquiétude des maires devant le poids des responsabilités qui pèsent sur eux.
Complexe, elle l’est également pour les responsables éducatifs et les enseignants, compte tenu de la nécessité pour eux de réorganiser totalement l’accueil des élèves et les activités scolaires.
Complexe, elle l’est enfin pour les parents, tiraillés entre le désir de protéger leurs enfants et celui de retrouver une activité professionnelle aussi normale que possible.
Dans ce contexte, qui nous oblige à la rigueur des procédures et à la protection de tous à l’égard du virus, la situation des enfants handicapés est quelque peu passée à l’arrière-plan. Une fois encore, ce sont les plus fragiles que l’on oublie trop facilement lorsque surviennent des circonstances exceptionnelles…
Je voudrais évoquer, sans pathos mais avec réalisme, la situation vécue par Liam, un jeune autiste de 11 ans scolarisé en unité localisée pour l’inclusion scolaire (ULIS) à Morsang-sur-Orge, dans mon département, et que je suis depuis plusieurs années. Deux mois de confinement auront suffi à lui faire perdre tous ses repères, son environnement matériel et affectif, ainsi que les progrès accomplis au prix de tant d’efforts. Liam présente aujourd’hui des signes de régression et est devenu agressif. Ses parents sont d’autant plus impuissants face à ce drame que le retour en Ulis n’est actuellement pas possible.
Monsieur le ministre, les élèves en situation de handicap faisant partie des publics prioritaires identifiés par l’éducation nationale pour un retour progressif dans les établissements scolaires, dans quel délai les ULIS vont-elles pouvoir rouvrir ? En attendant, comment assurer aux enfants autistes une réelle continuité pédagogique, celle-ci n’ayant pas fait ses preuves jusqu’à présent malgré le dévouement des professeurs, des coordinateurs d’ULIS, des enseignants référents et des personnels médico-sociaux ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Madame la sénatrice, je serais le dernier à nier la réalité du problème que vous soulevez.
Je l’ai déjà souligné il y a quelques instants, le confinement peut avoir des effets extrêmement négatifs pour les élèves en situation de handicap. Le cas de l’autisme est très significatif à cet égard.
C’est l’une des raisons pour lesquelles il était très souhaitable de procéder au déconfinement. Imaginez les conséquences catastrophiques d’un confinement durant de mars à septembre !
Si le problème est bien réel, la priorité donnée aux élèves en situation de handicap l’est tout autant : nous l’avons affirmée noir sur blanc et en premier. Les ULIS ont donc vocation à rouvrir en premier. Peut-être la structure particulière dont vous parlez n’a-t-elle pas rouvert, mais la tendance générale est la réouverture prioritaire de ces unités.
De même, nous continuerons à créer des unités d’enseignement en maternelle autisme (UEMA). Il est vraisemblable que Liam ait bénéficié de la création récente d’une UEMA, ce qui est significatif de la politique volontariste que nous menons en faveur des enfants autistes, une politique qui a, bien entendu, vocation à perdurer.
Oui, madame la sénatrice, le problème est bien réel et nous confronte à des difficultés très particulières, le comportement des élèves rendant parfois difficile le respect des règles sanitaires. Mais, avec pragmatisme, volontarisme et esprit collectif – les personnels médico-sociaux venant prêter main-forte à l’éducation nationale –, nous respecterons la priorité donnée aux enfants autistes et à tous ceux atteints d’un handicap – je pense aussi aux enfants « dys », pour lesquels nous avons développé des ressources spécifiques.
Mme la présidente. La parole est à Mme Claudine Lepage.
Mme Claudine Lepage. Monsieur le ministre, les établissements d’enseignement français à l’étranger sont durement touchés par les conséquences de l’épidémie de Covid-19.
Si ces établissements commencent à rouvrir dans des conditions aussi bonnes que possible dans le contexte actuel, les inquiétudes sont nombreuses, s’agissant notamment de la santé financière d’un certain nombre d’entre eux. Ceux-ci auront besoin d’un soutien important du Gouvernement, tout comme l’ensemble du réseau de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE).
Monsieur le ministre, le groupe socialiste et républicain du Sénat a attiré votre attention sur les épreuves d’admission des concours internes qui doivent se dérouler à l’automne, pénalisantes par rapport à celles des concours externes, surtout pour les personnels non titulaires de l’AEFE, dans la mesure où leur année de stage doit être effectuée en France. Dans quelles conditions seront-ils affectés et pourront-ils s’installer en cours d’année ?
Par ailleurs, du fait de la fermeture des frontières, des contingences aériennes et des quatorzaines mises en place à l’arrivée, les candidats admissibles en poste à l’étranger ne sont pas certains de pouvoir se présenter aux épreuves d’admission en septembre. Pourquoi le ministère n’applique-t-il pas aux concours internes les mesures exceptionnelles qu’il a prises pour les concours externes, soit l’admission sur la base des épreuves d’admissibilité ?
Enfin, monsieur le ministre, étant donné la situation sanitaire et sécuritaire qui affecte nos élèves à l’étranger dans de nombreux pays, en particulier sur les continents américain et africain, pensez-vous qu’il soit possible d’organiser les épreuves orales anticipées de français du bac dans les établissements français à l’étranger ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Madame la sénatrice, nous avons examiné avec attention le cas des lycées français à l’étranger, aussi bien lors de la mise en place du confinement que pour le déconfinement. Ils sont dans une situation mixte, soumis aux règles françaises en même temps qu’obligés de prendre en compte les réalités et les règles locales, ce qui justifie que certaines situations soient réglées au cas par cas – le plus correctement possible, je crois.
Nous sommes aussi conscients des problèmes financiers que peuvent connaître ces lycées, dont la situation était parfois fragile dès avant la crise. C’est pourquoi Jean-Yves Le Drian et moi-même avons décidé de renforcer la dotation de l’AEFE.
Cet ensemble de mesures bienveillantes doit permettre aux lycées français à l’étranger de traverser cette crise.
S’agissant des candidats aux concours résidant à l’étranger, notre philosophie est également fondée sur la bienveillance : il s’agit de faire en sorte qu’ils ne soient pas lésés par la situation actuelle. Celle-ci, par définition, présente des inconvénients, mais nous nous sommes efforcés de les minimiser.
Pour les concours externes comme pour les concours internes, la règle est qu’un concours déjà entamé se poursuive jusqu’à son terme. C’est ce qui s’est passé pour les concours externes d’agrégation qui avaient commencé avant la crise.
En ce qui concerne les concours dont les épreuves n’avaient pas commencé avant la crise, nous avons prévu des adaptations. C’est la raison pour laquelle les concours externes auront lieu de mi-juin à fin juillet. Nous avons considéré que les candidats externes, qui ont travaillé beaucoup pour préparer un concours sans être déjà fonctionnaires, devaient être chronologiquement prioritaires.
S’agissant des concours internes, le report des épreuves en septembre et en octobre constitue, il est vrai, un inconvénient, mais le principe d’égalité s’applique dans le cadre d’un même concours. Nous avons recherché, là aussi, le moindre inconvénient. La possibilité de passer un concours en 2020 préservera l’essentiel des droits des candidats.
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Piednoir. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Stéphane Piednoir. Monsieur le ministre, tout au long de la crise sanitaire que nous traversons, vous avez dû prendre un certain nombre de mesures délicates pour assurer tant bien que mal la continuité de l’action de formation et d’évaluation relevant de l’éducation nationale. De nombreuses questions restent néanmoins en suspens, ainsi qu’en atteste ce débat.
S’agissant des concours internes de recrutement de l’éducation nationale, ils ne concernent pas seulement des fonctionnaires : des contractuels font eux aussi l’effort de préparer ces concours, et je tiens à souligner qu’il existe un risque d’iniquité à leur détriment.
Le confinement a imposé des changements de méthodes pédagogiques très importants, du primaire au supérieur : je pense à la mise en œuvre, quasiment du jour au lendemain, d’outils numériques auxquels, il faut bien le dire, les professeurs comme les élèves et les étudiants n’avaient parfois recours qu’avec parcimonie. Certes, le retour en classe est indispensable et le cours en présentiel est irremplaçable, mais nous pouvons imaginer un prolongement durable de l’utilisation de ces pratiques pédagogiques. Dès lors, monsieur le ministre, il me semble que la formation continue des professeurs doit être adaptée et comporter des modules spécifiques pour consolider ces nouvelles compétences et permettre de mieux appréhender les potentialités des outils numériques.
Par ailleurs, une sensibilisation aiguë à certains dangers, s’agissant notamment du visionnage sans filtre de certaines vidéos, peut aussi s’avérer utile dans la perspective d’une véritable éducation au sens critique.
Deux mois de distanciation physique ont inévitablement créé des perturbations dans les apprentissages, malgré l’investissement massif des professeurs pour éviter le décrochage scolaire. Des ateliers de remédiation et de consolidation peuvent être envisagés à la rentrée scolaire dans les établissements, mais ceux-ci auront-ils la possibilité de les mettre en place ?
En prévision de la rentrée de septembre, il faut envisager dès aujourd’hui les voies et moyens qui permettront ces évolutions de notre système scolaire, dont le caractère pachydermique peine à se dissiper… Par exemple, monsieur le ministre, prévoyez-vous d’augmenter les dotations horaires des établissements scolaires, pour leur allouer la souplesse dont ils auront besoin dès la rentrée ? (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le sénateur, je commencerai par contester votre référence au caractère « pachydermique » de notre système scolaire : à la rentrée dernière, j’ai expliqué que nous devions en finir avec cette image, pour lui préférer celle d’un peuple de colibris. Je voulais ainsi souligner à quel point nous avons besoin de souplesse, d’union et de capacité d’initiative des acteurs, à commencer par les professeurs, de sens de l’adaptation. J’avais aussi à l’esprit les enjeux écologiques, en particulier la création des délégués collégiens et lycéens aux enjeux environnementaux.
La période que nous venons de vivre a illustré la pertinence de cette image du peuple de colibris. En rendant hommage aux professeurs, monsieur le sénateur, vous saluez leur capacité de mobilisation et d’adaptation à chaque situation. D’une certaine façon, la crise accélère cette mutation, et nos discours ont un poids. Je vous adresse donc cette supplique : renonçons à une métaphore qui a fait tant de mal ! Elle est démentie par ce que nous venons de vivre.
Oui, nous avons besoin de donner de la souplesse aux acteurs, dans un équilibre entre la dimension nationale de notre service public, à laquelle nous tenons tous et qui est une garantie de qualité et de force, en même temps que d’égalité, et le souci du pragmatisme et de l’efficacité au service des élèves. C’est ce bel équilibre, fondé sur une juste appréciation de ce qui relève de la force nationale et de ce qui relève de la souplesse locale, que nous devons atteindre.
Dans cette perspective, je crois beaucoup au travail de préparation de la rentrée dont j’ai parlé en réponse au sénateur Brisson et auquel la Haute Assemblée pourra contribuer ; il permettra de faire le partage entre ce qui relève des marges de manœuvre locales et le respect des grands principes nationaux.