M. le président. La parole est à Mme Martine Filleul, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
Mme Martine Filleul. Ma question s’adresse à Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Je la formule au nom du groupe socialiste et républicain.
Alors que les Français tentent de reprendre progressivement un rythme de vie ordinaire, les craintes pour notre économie hantent les esprits. Une vieille marotte libérale a refait surface dans les débats ces derniers jours, brandie comme la seule solution à la crise économique qui suivra inévitablement cette crise sanitaire.
Cette solution est la remise en cause des 35 heures, responsables, selon certains, de tous les maux dont souffrirait notre compétitivité. Le Gouvernement n’a pas vraiment fermé la porte à cette éventualité. Pourtant, tout au long de cette période, des Français ont travaillé plus, souvent au péril de leur vie.
Nous ne pouvons demander aux caissiers, aux éboueurs, aux soignants, aux routiers, à toutes celles et tous ceux qui ont été les premiers de tranchée, de payer doublement l’effort de guerre en leur enjoignant d’allonger leur temps de travail. Quelle drôle de manière de leur témoigner notre reconnaissance que de leur proposer un monde d’après plus injuste et plus rude encore que celui d’avant !
Aujourd’hui, de nombreux citoyens sont au chômage partiel, ont ou vont perdre leur emploi. La priorité de ce gouvernement doit être d’empêcher le chômage de masse et le risque de centaines de milliers de sans-emploi supplémentaires. La question obsédante n’est donc pas celle du « travailler plus » individuellement, mais celle du « travailler tous ».
Aussi, madame la ministre, pouvez-vous nous indiquer très clairement si le Gouvernement a, oui ou non, le projet de remettre en cause les 35 heures ? Envisage-t-il de privilégier le retour à l’emploi de tous les Français par la concertation et le dialogue social ? (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail.
Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Madame la sénatrice Filleul, aujourd’hui, l’enjeu est pour nous de réussir le déconfinement du point de vue économique et social. Tous nos efforts visent à tempérer, à limiter le plus possible la crise économique et sociale qu’engendre la crise sanitaire.
Nous sommes confrontés à deux défis. Le premier est la reprise de l’activité économique dans des conditions sanitaires permettant la pleine protection de tous les salariés. C’est notre priorité d’aujourd’hui.
Le deuxième défi est que les 12 millions de salariés qui ont bénéficié du chômage partiel, et ont ainsi été protégés, puissent tous retrouver leur emploi durablement. C’est aussi notre priorité absolue.
La majorité des entreprises sont aujourd’hui en situation de sous-activité. Quelques entreprises, plus rares, sont au contraire en surchauffe d’activité, soit pour compenser, soit parce qu’elles sont dans des secteurs très demandés – je pense par exemple à la production de masques et d’équipements sanitaires ou à l’agriculture. Malheureusement, ces entreprises sont minoritaires.
Pour ces secteurs, l’ordonnance que nous avons prise il y a quelques semaines permet d’augmenter le temps de travail pendant quelques semaines si cela s’avère nécessaire. En fait, nous n’avons pas encore pris de décret d’application, car pour l’instant, les secteurs auxquels nous pensions – la santé, l’agroalimentaire – ont finalement trouvé par le dialogue social des modalités d’organisation du travail permettant de faire face à cette situation.
Elles ont puisé dans le quota, qui existe déjà dans la loi et qui a été peu utilisé en début d’année, de 220 heures supplémentaires. Grâce à nos ordonnances et sous réserve qu’un accord d’entreprise ait été trouvé, elles ont aussi pu utiliser une semaine de congés payés avant de recourir au chômage partiel.
Ces dispositifs existent. J’entends votre question, mais je crois qu’aujourd’hui elle ne se pose pas en ces termes. Il ne faut pas empêcher les réflexions, mais pour l’heure, nous sommes concentrés sur la réussite du déconfinement, notre objectif étant que tout le monde retrouve son travail. (M. François Patriat applaudit.)
soutien à l’apprentissage
M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour le groupe Union Centriste.
Mme Annick Billon. Ma question s’adresse également à Mme la ministre du travail.
L’apprentissage est en danger. Faute d’action forte en faveur de l’apprentissage, de nombreux métiers manqueront de main-d’œuvre qualifiée dans les prochaines années.
Un premier constat établi pendant le confinement fait état d’une baisse potentielle des candidats à l’apprentissage autour de 30 %. Portes ouvertes annulées, rencontres physiques impossibles : des élèves s’orientent vers les filières générales, quand ils n’y sont pas contraints en raison de la défection des maîtres de stage. En effet, des entreprises, fragilisées par l’arrêt brutal de leur activité, renoncent aujourd’hui à recruter des apprentis.
Avec la baisse du nombre d’apprentis, des centres de formation vont être confrontés à des problèmes de financement, puisque celui-ci dépend du nombre d’apprentis.
Avec la baisse du nombre d’apprentis, des centres de formation vont être amenés à fermer des classes, des spécialités et des niveaux d’études et à réduire le nombre de formateurs. À terme, cela se traduira par un déficit de compétences pour des métiers qui déjà peuvent se trouver en tension actuellement.
Madame la ministre, je vous soumets donc deux questions relatives à l’apprentissage, voie de la réussite.
La première est portée par mon collègue Olivier Henno : quels outils comptez-vous mettre en place pour accompagner les entreprises qui font le choix de recruter et de maintenir des apprentis ?
Par ailleurs – c’est ma seconde question –, pouvez-vous envisager dès aujourd’hui pour la rentrée prochaine et pour une durée limitée d’élargir le statut de scolaire alternant aux candidats à l’apprentissage qui ne parviendraient pas à trouver une entreprise ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail.
Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Madame la sénatrice Annick Billon, je vous remercie de votre question, car l’apprentissage est une de mes priorités et une de nos convictions profondes.
Il y a exactement trois mois, nous pouvions célébrer ensemble une augmentation historique de 16 % du nombre d’apprentis en France. Cela nous paraît déjà loin. L’enjeu est aujourd’hui de poursuivre dans cette dynamique.
Les jeunes ont répondu présent. Ils ont compris que l’apprentissage est une voie d’excellence et d’avenir. Nous leur devons cet avenir malgré la crise.
Le ministre de l’éducation nationale et moi-même avons pris de nombreuses mesures d’urgence. Nous avons prévu la préparation au diplôme en contrôle continu pour que les jeunes qui sont déjà en contrat d’apprentissage ne perdent pas le bénéfice de leur année. Les centres de formation des apprentis (CFA), que je salue, ont mis en place la formation à distance dans 90 % des cas. Par ailleurs, nous avons permis que les apprentis bénéficient du chômage partiel quand l’activité est arrêtée dans leur entreprise. Ils ont ainsi conservé leur contrat de travail.
Nous avons pris toutes les mesures pour que les apprentis actuels puissent poursuivre la préparation de leur diplôme et conserver leur contrat de travail. Les signaux sont très clairs : il n’y a pas de baisse du nombre de contrats de travail, et les contrats de travail actuels ont été préservés.
S’agissant du financement des CFA, nous avons maintenu le système du « coût au contrat », alors même que les CFA sont fermés, pour qu’ils ne rencontrent pas de difficulté financière.
Vous posez également la question de ce qui adviendra à la rentrée prochaine. Cette question sera l’une des priorités du plan de relance, car nous aurons besoin d’un grand élan national. Nous en discutons avec les partenaires sociaux, avec les branches professionnelles, avec tous les acteurs de l’apprentissage…
Nous examinerons leurs propositions avec le Premier ministre et l’ensemble des ministres concernés – le ministre de l’éducation, le ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation et le ministre de l’agriculture et de l’alimentation –…
M. Bruno Retailleau. Et les régions aussi !
Mme Muriel Pénicaud, ministre. … et nous ferons des propositions à notre tour.
Il est extrêmement important de ne pas perdre cette dynamique, et nous en ferons une priorité. Je suis certaine que les régions, qui ont accompagné le mouvement pendant cette période, continueront d’investir.
Cet élan est un enjeu clé pour la jeunesse et il sera un enjeu clé de la reprise des petites entreprises. Je ne doute pas que le moment venu, nous nous appliquerons à le préserver tous ensemble. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour la réplique.
Mme Annick Billon. Vous m’avez répondu sur ce qui a été fait pendant cette période de confinement. Je vous en remercie, mais j’aurais préféré que vous développiez davantage le sujet de la rentrée.
Les régions ont fait la preuve de leur agilité et de leur réactivité lorsqu’elles exerçaient cette compétence. Aujourd’hui, des propositions émanent de la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb), des CFA et de tous les acteurs de l’apprentissage. De grâce, écoutez ces propositions ! Il faut par exemple élargir immédiatement le statut de scolaire alternant, car au mois de septembre, il sera déjà trop tard. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. Christian Cambon. Très bien !
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.
Les prochaines questions d’actualité au Gouvernement auront lieu mercredi 20 mai 2020, à quinze heures.
5
Adoption des conclusions de la conférence des présidents
M. le président. En l’absence d’observation, je considère que les conclusions de la conférence des présidents sont adoptées.
6
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 19 mai 2020 :
À quatorze heures trente et le soir :
Débat sur les perspectives de la saison estivale, notamment pour les activités touristiques et culturelles, au regard de la situation liée à l’épidémie (demande du groupe Les Républicains) ;
Débat portant sur les modalités de réouverture des établissements d’enseignement ainsi que sur les conditions d’organisation des concours et examens et de préparation de la prochaine rentrée scolaire (demande de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication) ;
Proposition de loi relative aux Français établis hors de France, présentée par M. Bruno Retailleau et plusieurs de ses collègues (texte de la commission n° 365, 2019-2020 ; demande du groupe Les Républicains).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée à quinze heures cinquante.)
nomination de membres d’une mission commune d’information
Mission d’information sur le trafic de stupéfiants en provenance de Guyane (vingt-trois membres)
M. Guillaume Arnell, Mme Maryse Carrère, M. Olivier Cigolotti, Mme Catherine Conconne, MM. Michel Dagbert, Philippe Dallier, Mathieu Darnaud, Mme Chantal Deseyne, M. Jean-Luc Fichet, Mme Joëlle Garriaud-Maylam, MM. Fabien Gay, Joël Guerriau, Mmes Victoire Jasmin, Muriel Jourda, MM. Antoine Karam, Jacques Le Nay, Jean-Yves Leconte, Henri Leroy, Mme Vivette Lopez, MM. Pascal Martin, Georges Patient, Mme Claudine Thomas et M. Jean-Pierre Vial.
Pour la Directrice des comptes rendus du Sénat,
ÉTIENNE BOULENGER
Chef de publication