M. le président. La parole est à M. le ministre de la culture.
M. Franck Riester, ministre de la culture. Monsieur le sénateur Gattolin, vous avez raison, la culture est touchée de plein fouet par cette crise. Les artistes et les techniciens des secteurs du spectacle, de l’audiovisuel et du cinéma, qui sont les forces vives de la culture dans nos territoires, sont directement affectés par cette crise. C’est la raison pour laquelle le Président de la République a souhaité prendre des mesures fortes à leur endroit.
Nous avons d’abord pris des mesures d’urgence, dès le début de la crise, et prolongé les droits de trois mois afin de permettre aux intermittents d’avoir accès au régime du chômage partiel et créé un fonds de solidarité afin d’apporter des aides sociales aux intermittents qui ne pourraient pas entrer dans le régime de l’intermittence.
Il faut aussi offrir des perspectives aux intermittents, les protéger sur le temps long. C’est la raison pour laquelle le Président de la République a annoncé la prolongation des droits jusqu’à la fin du mois d’août 2021, ainsi que, monsieur le sénateur, le report d’autant des dates anniversaires des calculs des droits des intermittents du spectacle. Les modalités précises seront définies dans les jours qui viennent, en lien avec Muriel Pénicaud, ministre du travail.
Quant à l’éducation artistique et culturelle, elle est, vous le savez, une priorité du Président de la République depuis le début de son quinquennat. Il souhaite aujourd’hui, à l’occasion de la réouverture des écoles, et alors que leur organisation et le temps scolaire sont modifiés, que l’éducation artistique et culturelle soit renforcée, tant au cours de la période qui s’étend jusqu’à la fin du mois de juin que durant l’été.
Pour cela, il faut permettre le déplafonnement des heures des intermittents intervenant dans les écoles. J’y travaille avec Jean-Michel Blanquer et Muriel Pénicaud. Les choses sont en bonne voie. Jean-Michel Blanquer et moi-même espérons pouvoir vous annoncer de bonnes nouvelles prochainement. (MM. André Gattolin, Alain Richard et François Patriat applaudissent.)
lignes aériennes d’aménagement du territoire
M. le président. La parole est à Mme Josiane Costes, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
Mme Josiane Costes. Ma question s’adresse à M. le secrétaire d’État chargé des transports.
Monsieur le secrétaire d’État, alors que la Commission européenne a autorisé la France à octroyer une aide de 7 milliards d’euros à Air France, le ministre de l’économie et des finances, Bruno Le Maire, a évoqué la mise en place d’un plan de soutien à l’aéronautique, conditionné par des mesures écologiques et impliquant la suppression de lignes intérieures. En effet, selon lui, « quand on peut faire le trajet en train en moins de 2h30, l’avion ne se justifie pas ».
Dans le rapport que j’ai eu l’honneur de déposer à l’automne 2019, intitulé Contribution du transport aérien au désenclavement et à la cohésion des territoires, je soulignais pourtant que l’activité économique et touristique, en particulier dans certains territoires fragiles, était subordonnée à l’existence de ces liaisons aériennes. C’est précisément la raison pour laquelle ces lignes, dites « d’aménagement du territoire », bénéficient d’un soutien de l’État et des collectivités territoriales pour combler leur déficit d’exploitation.
Or les nouvelles normes sanitaires imposées aux compagnies aériennes auront pour conséquence directe un moindre remplissage des avions, ce qui aggravera leur déficit d’exploitation, et une hausse du prix du billet, lequel est déjà très élevé pour les passagers.
Les aides financières des collectivités sont déjà extrêmement lourdes pour leurs budgets, alors qu’elles sont elles-mêmes fragilisées par la crise sanitaire.
Dans les départements excentrés et difficilement accessibles en train, la relance économique est liée à une reprise rapide de ces liaisons aériennes, attendue par tous les acteurs économiques.
Monsieur le secrétaire d’État, l’aide de l’État doit aussi signifier que les avions volent pour remplir une mission de service public. Quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il pour éviter la fragilisation des lignes d’aménagement du territoire, dont les villes préfectures qu’elles desservent – Aurillac, Brive-la-Gaillarde, Le Puy-en-Velay, Rodez, Limoges, Agen, Castres, Tarbes – sont toutes situées à plus de trois heures de train de Paris…
M. Jean-Claude Requier. Tout à fait !
Mme Josiane Costes. … voire à six heures ? (MM. Jean-Claude Requier, André Gattolin et François Patriat applaudissent.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des transports.
M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire, chargé des transports. Merci, madame la sénatrice, pour cette question, qui porte sur les lignes d’aménagement du territoire dans le cadre du déconfinement progressif. Ayant été un lecteur attentif de votre rapport il y a quelques mois, je connais votre engagement en leur faveur.
Du fait du contexte sanitaire et du confinement, le trafic sur les lignes aériennes d’aménagement du territoire est suspendu depuis le 23 mars, notamment sur la ligne Aurillac-Paris. Je tiens toutefois à souligner que des lignes d’aménagement du territoire urgentes et temporaires ont été créées outre-mer pour assurer la continuité territoriale.
En tout état de cause, vous savez que ces lignes ne redémarreront pas avant le 2 juin, à condition que la situation sanitaire évolue positivement, comme cela a été rappelé à plusieurs reprises.
Nous avons toutefois pris des mesures fortes de soutien aux territoires et aux opérateurs.
Tout d’abord, nous avons suspendu les pénalités pour les vols non faits, qui ne sont pas imputables aux transporteurs. Par ailleurs, les deux premiers acomptes de la part de l’État, soit 80 % des coûts d’exploitation, ont été versés, ce qui correspond globalement au paiement des coûts fixes et répond au besoin de trésorerie des opérateurs.
Enfin, vous évoquez la question importante des contraintes liées aux règles sanitaires dans le secteur aérien. Le décret qui a été publié hier soir prévoit des mesures strictes en termes de protection sanitaire : port du masque obligatoire, déclaration d’absence de symptômes, contrôle de température possible à l’embarquement, comme le fait par exemple le groupe Air France à Roissy. Dans le même temps, des normes internationales sont en cours d’élaboration et devraient être publiées très prochainement. Elles permettront au transport aérien d’assurer un très haut niveau de protection sanitaire dans cette première phase du déconfinement.
gratuité des masques
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Mme Laurence Cohen. Madame la secrétaire d’État, après cinquante-cinq jours de confinement, des millions de Français rejoignent, dans les transports et sur leur lieu de travail, les premiers de corvée, qui sont à majorité des femmes – soignants, personnels d’entretien, caissières, éboueurs. Le masque est désormais obligatoire dans les transports, à juste titre, pour se protéger et protéger autrui.
Alors que, depuis le début de la pandémie, les masques font cruellement défaut, notamment pour les personnels de santé et du secteur médico-social, que certaines collectivités locales sont encore en attente de livraison, on en trouve désormais dans les rayonnages des supermarchés. Chacun doit donc payer pour se protéger !
Selon l’association de consommateurs UFC-Que Choisir, le budget d’une personne pour se munir de masques chirurgicaux à usage unique oscillera entre 54 euros et 85 euros par mois.
Ma question est simple, madame la secrétaire d’État : pourquoi ne pas prévoir la prise en charge des masques à 100 % par la sécurité sociale en tant que dispositifs indispensables de santé ? Telle est la demande que le député Fabien Roussel a formulée dans un courrier qu’il a remis lundi au ministère de la santé, fruit d’une démarche conjointe des parlementaires communistes et du Parti communiste français. Cette mesure de santé publique, mais également de justice sociale, permettrait de couper l’herbe sous le pied des spéculateurs.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances. Madame la sénatrice, en France, près d’un masque sur deux est distribué gratuitement par l’État.
Mme Éliane Assassi. Ah !
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Aux 100 millions de masques distribués aux soignants et aux malades au travers des circuits organisés par le ministère de la santé, dans les hôpitaux, les Ehpad et les pharmacies, il faut ajouter les 20 millions de masques lavables. Réutilisables vingt fois, ces derniers équivalent à 105 millions de masques à usage unique par semaine et sont destinés aux écoles jusqu’à la fin de l’année scolaire, aux agents publics et aux publics les plus précaires.
Ces chiffres ne prennent pas en compte tous les masques délivrés par les collectivités locales. J’ai encore travaillé avec certains d’entre vous la semaine dernière pour trouver des avions, débloquer des passages en douane ou les accélérer, afin de permettre la distribution de masques à leurs administrés.
L’effort d’équipement est effectivement important et le coût des masques est pris en compte.
Qu’est-il prévu pour les autres usages ? Les salariés qui ont besoin de masques parce qu’ils ne peuvent pas instaurer une distanciation physique dans leur travail sont équipés par les entreprises, que nous avons également accompagnées depuis huit semaines afin de leur permettre de se préparer au déconfinement.
Pour le reste, les masques sont effectivement largement accessibles dans les petits commerces, les pharmacies, auprès de la grande distribution, comme vous l’avez mentionné. Nous veillons, grâce aux contrôles effectués par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), à ce que les prix pratiqués soient les plus justes, au moins sur le territoire français, c’est-à-dire sans marges indues. Enfin, j’ajoute que le prix des masques chirurgicaux est plafonné.
Mme Éliane Assassi. Tout va bien, donc ?
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour la réplique.
Mme Laurence Cohen. Cherchez l’erreur : j’aurais bien aimé que ce soit M. le ministre des solidarités et de la santé qui me réponde, et non Mme la secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances.
Ce que nous demandons, c’est que les masques soient pris en charge à 100 % par la sécurité sociale. Nous ne vivons certainement pas dans le même monde, madame la secrétaire d’État : sachez que tout le monde ne dispose pas de masques aujourd’hui. Il faut penser à long terme, car le virus circulera plus que quelques jours. Les besoins en masques seront donc bien plus importants que ceux que vous avancez.
Puisque vous en êtes à un masque gratuit pour la moitié de la population, faites un effort, et prévoyez-en un pour tout le monde, pris en charge à 100 % par la sécurité sociale.
Dans la période exceptionnelle que nous traversons, je vous suggère une mesure très facile à prendre : 4 % seulement des 52 milliards d’allégements généraux de charges patronales épinglés par la Cour des comptes suffiraient à financer la prise en charge à 100 % des masques par la sécurité sociale.
La santé publique étant une mission régalienne de l’État, nous demandons une prise en charge à 100 % des masques. C’est possible. Il suffit d’une volonté politique, mais visiblement, vous ne l’avez pas ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SOCR.)
Mme Éliane Assassi. Très bien !
traitement des maires qui ne peuvent pas ouvrir leur école dans le cadre du déconfinement
M. le président. La parole est à M. Joël Bigot, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
M. Joël Bigot. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
Depuis hier, des milliers d’écoliers reprennent progressivement le chemin de l’école tandis que bon nombre d’entre eux restent chez eux. Vous le savez, monsieur le ministre, l’inquiétude est grande parmi les enseignants, les parents, les enfants, mais aussi les décideurs locaux.
Bien souvent, les protocoles sanitaires sont difficilement applicables, et ce malgré toute la bonne volonté et le dévouement des personnels municipaux et de l’éducation nationale. Le conseil scientifique lui-même estimait que cette rentrée si particulière était prématurée.
Face au danger épidémique et devant l’impossibilité de mettre en œuvre des règles sanitaires satisfaisantes, certains maires ont pris la lourde décision de ne pas rouvrir leurs écoles, désireux de protéger au mieux leur population. C’est ainsi la décision qu’ont prise quelques communes de Seine-et-Marne, notamment.
Qui est plus compétent que le maire pour évaluer la faisabilité ou non d’une réouverture ? Les élus qui ont fait ce choix, dans un contexte bien précis, l’ont fait non pas pour des raisons politiciennes, mais en responsabilité, compte tenu des capacités de leurs bâtiments, des effectifs à leur disposition et des protections qu’il est nécessaire de mettre en place.
Or certaines académies ont clairement fait comprendre à ces élus que leur choix entraînerait des conséquences fâcheuses : les enfants des personnels soignants ne seraient plus accueillis dans leurs écoles et aucun enseignant ne serait disponible pour y assurer l’éducation de ces enfants. Voilà de quoi forcer la main aux édiles réfractaires !
Si ces maires ne rouvrent pas leurs écoles, monsieur le ministre, c’est non pas par coquetterie, mais parce qu’ils estiment que les conditions ne sont pas réunies et qu’ils ne sont pas prêts pour une réouverture dans l’immédiat.
Monsieur le ministre, dans ces cas particuliers, allez-vous maintenir une offre spécifique pour les enfants des personnels soignants, ces écoles étant de surcroît situées dans des zones rouges, et travailler de manière apaisée avec les élus, afin de trouver des solutions adaptées pour chaque territoire ? (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Joël Bigot, je vais m’efforcer de répondre aux différentes questions que vous me posez.
Je déduis de votre introduction que vous êtes contre le déconfinement scolaire et que vous souhaitez que la réouverture des écoles ait lieu en septembre. Autrement dit, vous jugez – et vous devriez l’assumer – que les élèves, notamment de primaire, peuvent rester chez eux jusqu’au mois de septembre en dépit des conséquences sociales, sociétales et sanitaires qui en découlent et que nous mesurerons en ce moment même.
Vous êtes en droit de reprocher au Gouvernement d’avoir une préoccupation sociale plus forte que la vôtre. Il reste que cette préoccupation est réelle : le Gouvernement veut que les enfants retrouvent le chemin de l’école. En effet, loin d’être secondaire, l’école de la République est un élément fondamental en période normale, et encore plus fondamental en période de crise, à condition bien sûr d’avoir un protocole sanitaire strict.
Le protocole sanitaire qui est mis en œuvre est effectivement strict. Voudriez-vous qu’il ne le soit pas ? Ce protocole est exigeant pour nous tous et je l’assume : en cette période de crise, nous devons nous retrousser les manches afin de respecter ensemble les règles permettant de garantir la santé, et c’est ce que nous faisons.
Je me réjouis que les maires et l’éducation nationale coopèrent étroitement dans cet objectif. J’en veux pour preuve que plus de 90 % des communes rouvrent leurs écoles. Malgré les difficultés – si la période était facile, cela se saurait ! –, le travail engagé porte ses fruits. En période de crise, les obstacles doivent être surmontés ensemble.
C’est pourquoi je veux rendre hommage aux maires, qui, dans leur immense majorité, se sont retroussé les manches pour travailler avec les personnels des collectivités locales et de l’éducation nationale pour permettre aujourd’hui à 1 500 000 élèves de retrouver l’école. Nous voudrions que ce nombre soit plus élevé encore, mais il va augmenter au cours des prochaines semaines.
Enfin, nous avons vocation à accueillir les enfants des personnels soignants, y compris en zone rouge. Le cas échéant, je rectifierai ce qui doit l’être pour que nous puissions les accueillir comme nous les avons accueillis pendant la période de confinement. Nous n’avons alors rencontré aucun problème particulier : c’est bien la preuve que la préoccupation sociale est une question de volonté politique. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
brigades sanitaires départementales
M. le président. La parole est à M. Michel Amiel, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.
M. Michel Amiel. Ma question s’adresse à M. le ministre des solidarités et de la santé. Elle concerne la signalisation des personnes malades du Covid-19 et des cas contacts.
Depuis le 11 mai, quelques milliers de personnes, principalement des agents de l’assurance maladie, sont investies d’une mission : celle d’enquêter, autour d’un cas positif signalé par le médecin traitant en première ligne, afin d’identifier les chaînes de transmission pour mieux les briser.
Ma première question porte sur les garanties que vous pouvez apporter en matière de respect du secret professionnel de la part des professions non médicales – les médecins sont très sensibles sur ce sujet –, et de conservation dans le temps des informations transmises, voire de leur utilisation potentielle à des fins non strictement liées aux soins ou épidémiologiques.
En déposant, en décembre dernier, une proposition de loi relative à la sécurité sanitaire, je ne pensais pas que le sujet deviendrait aussi rapidement d’actualité. Je ne pensais pas non plus qu’il prendrait une telle tournure politique, encore que, à bien y réfléchir, on doive s’attendre à des réactions vives dès lors qu’on touche aux libertés individuelles.
Ma deuxième question est donc la suivante : ne serait-il pas utile d’inscrire cette proposition de loi à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale afin de sortir d’un régime de l’urgence pour entrer dans un régime de droit commun ? Ne serait-il pas opportun de classer le Covid-19 dans le tableau des maladies à déclaration obligatoire, et de permettre ainsi directement à l’agence régionale de santé (ARS) de déclencher l’enquête autour du cas déclaré ?
Enfin, que pensez-vous des prises de position du Conseil constitutionnel sur le fonctionnement des brigades sanitaires et sur la sécurité de nos territoires ultramarins, qui comptaient sur le dispositif de mise en quatorzaine pour protéger la population locale ? (M. Claude Malhuret applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur, il y a trois questions dans votre question. Je vais m’efforcer de répondre au maximum à vos interrogations.
Tout d’abord, j’étais présente dans cet hémicycle pour travailler avec vous à votre proposition de loi. Nous veillerons à ce qu’elle puisse être inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale afin que vos propositions y soient discutées.
S’agissant, ensuite, des inquiétudes et des interrogations relatives à l’outil Contact Covid, l’article 11 de la loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions a été discuté et amendé la semaine dernière. Il prévoit un dispositif transitoire pour réussir la stratégie de déconfinement.
Je souhaite l’indiquer clairement : ce dispositif est respectueux à la fois de la déontologie médicale – le ministre a eu un échange avec Patrick Bouet, président du Conseil national de l’ordre des médecins – et des libertés individuelles, grâce à un encadrement strict par la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL).
Notre unique objectif est de prévenir et de protéger les personnes qui sont ou qui auraient été en contact avec une personne testée positive afin de circonscrire les risques de propagation de l’épidémie et d’éviter le retour à des mesures de confinement strict appliquées à toute une population.
Les brigades sanitaires chargées de retracer les contacts des patients infectés par le Covid-19 comportent trois niveaux : le premier est celui du médecin, le deuxième, celui de l’assurance maladie qui dispose de collaborateurs susceptibles de remonter les cas contacts, et le troisième niveau est celui de l’agence régionale de santé, dont des salariés seront spécifiquement affectés aux clusters, car leur traitement implique de contacter un nombre plus important de personnes.
Nous entendons les inquiétudes qui s’expriment au sujet du respect du secret médical. Nous ne recueillerons pas d’autre information que celle qui consiste à savoir si une personne est un cas contact. Nous ne recueillerons évidemment pas la nature du contact. Du fait de ses relations quotidiennes avec les médecins, l’assurance maladie dispose déjà de beaucoup de données de santé. Les personnels non soignants qui auront accès à ces données sont des collaborateurs dont c’est déjà la mission. Aucune donnée médicale sensible n’a vocation à être partagée au-delà.
Enfin, les données à caractère personnel collectées par le système d’information peuvent être conservées pour une durée de trois mois après leur collecte.
activité judiciaire
M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Antoine Lefèvre. Ma question s’adresse à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Madame la garde des sceaux, si l’heure du déconfinement a sonné pour une grande partie de la population active, l’activité du personnel judiciaire ou pénitentiaire ne s’est quant à elle jamais véritablement arrêtée en vertu de la nécessaire continuité de la justice.
De la même façon que le personnel soignant, les éboueurs ou encore les caissières, chaleureusement applaudis tous les soirs pour avoir maintenu leur activité au service de la société, les avocats ont continué à défendre le justiciable dans le cadre des comparutions immédiates, et souvent malgré le manque de masques et de matériel sanitaire dans les lieux de rétention de liberté.
Pourtant – vous le savez, madame la garde des sceaux – près de 40 % des avocats sont susceptibles de quitter leur profession dans les prochaines semaines en raison des graves difficultés de trésorerie occasionnées par leur suspension d’activité.
Je veux aussi évoquer la situation des magistrats, qui ont été un maillon important de cette continuité judiciaire. Dans une note du 5 mai, vous avez entièrement laissé aux chefs de juridiction territoriale la responsabilité de décider des mesures de sécurité à respecter, sans pour autant les doter des moyens matériels suffisants.
Je souhaite enfin aborder la situation des prisons, en soulignant l’engagement et le professionnalisme de toute l’administration pénitentiaire, notamment des surveillants qui ont dû exercer leur mission dans un contexte sanitaire d’autant plus contraignant.
La libération au cours des deux derniers mois de plus de 10 000 détenus, parfois remis en liberté conditionnelle sans avoir pu bénéficier d’une audience dans les délais, pour des raisons liées au Covid-19, suscite des interrogations sur la bonne exécution des peines.
Mes questions sont simples, madame la garde des sceaux : avez-vous des solutions solides de soutien à destination des avocats ? Allez-vous enfin imposer le port du masque aux personnels judiciaires et aux justiciables sur l’ensemble du territoire ? Allez-vous organiser un test systématique et massif pour les agents de la pénitentiaire ? Enfin, était-il raisonnable de procéder à la libération d’un tel volume de personnes incarcérées sans garanties solides de réinsertion ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur Lefèvre, je vais m’efforcer de répondre aux quatre questions que vous me posez.
Vous avez raison de souligner que les juridictions n’ont jamais vraiment arrêté de fonctionner, même si l’ouverture des tribunaux aux justiciables n’était pas possible pendant la période du confinement.
Je me suis rendue hier au tribunal de Versailles, où plus de 70 % des personnels étaient présents pour la reprise d’activité. Nous avons doté les juridictions de masques pour cette reprise d’activité, et dans la circulaire à laquelle vous faites allusion, nous avons clairement écrit que le masque était recommandé et que, bien entendu, il était obligatoire lorsque la distanciation physique ne pouvait pas être établie. Soyez donc assuré, monsieur le sénateur, que nous avons porté une très grande attention aussi bien aux magistrats qu’aux greffiers.
Vous avez également évoqué la situation des avocats, monsieur le sénateur. Je rappelle que, grâce à l’aide du Gouvernement et dans un dialogue très régulier avec les représentants des avocats, j’ai pu étendre les dispositifs généraux que nous avons mis en place pendant le confinement, notamment le chômage partiel et le fonds de solidarité, afin d’en faire bénéficier les avocats. J’ai également doté les avocats d’une aide particulière du ministère de la justice, à savoir une avance d’un montant de 50 millions d’euros sur l’aide juridictionnelle à venir, puisque cette activité était réduite pendant le confinement.
Par ailleurs, nous avons suivi les recommandations du Conseil d’État en matière de port du masque. Les avocats ont ainsi accès à nos propres fournisseurs.
Enfin, vous évoquez la question des établissements pénitentiaires. Depuis le 28 mars, l’ensemble des surveillants pénitentiaires qui sont en contact étroit et rapproché avec les détenus sont dotés de masques. Au moment où je vous parle, tous les surveillants pénitentiaires sont dotés de masques de manière tout à fait régulière.
En outre, nous allons également doter de masques les détenus dans certaines situations – je pense notamment aux parloirs et aux rendez-vous avec les conseillers d’insertion et de probation.
M. le président. Il faut conclure.
M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre, pour la réplique.
M. Antoine Lefèvre. Je vous remercie pour ces réponses, madame la garde des sceaux. Il me semble toutefois que la situation n’est pas aussi idyllique que vous semblez l’indiquer. Nous le souhaitons pourtant !
Permettez-moi d’insister sur l’importance des tests pour les agents pénitentiaires. Le masque, c’est bien, mais les tests sont essentiels. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)