M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Mme Cécile Cukierman. Monsieur le Premier ministre, le 13 avril dernier, le Président de la République annonçait un déconfinement et une réouverture progressive des écoles le 11 mai.
Cette annonce a suscité de l’espoir. Il restait quatre semaines pour construire et réussir ce plan de déconfinement.
Cependant, à quelques jours de cette date, ce sont plutôt incertitude et colère, parfois bien légitime, qui s’expriment dans notre pays.
Monsieur le Premier ministre, les élus locaux sont tous volontaires pour faire vivre le service public dans leur territoire, service public garant de l’égalité républicaine. Mais ils ne sont pas volontaires pour assumer les responsabilités qui ne sont pas les leurs et pour lesquelles ils ne disposent pas de moyens.
Ils refusent ainsi d’être demain les coupables, celles et ceux qui, inévitablement, seront pointés du doigt parce que votre décision de rouvrir les écoles le 11 mai les invite inévitablement à rouvrir les cantines, les transports scolaires et, dans quelques semaines, les internats. Ils seront ainsi pointés du doigt parce qu’ils seront responsables de la propagation du virus dans leur territoire.
Monsieur le Premier ministre, un protocole sanitaire a été présenté lundi. Vous l’avez lu, nous l’avons lu. Ce protocole sanitaire est souvent contradictoire, mais, surtout, il est inapplicable dans la plupart des écoles de notre République.
En période de crise, l’heure n’est pas à faire comme l’on veut ; l’heure est à assurer partout l’égalité républicaine.
Monsieur le Premier ministre, qu’entendez-vous faire d’ici au 11 mai pour assumer vos responsabilités et donner les moyens aux élus locaux de les appliquer ?
Mme Éliane Assassi. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Madame la sénatrice Cukierman, vous évoquez d’une certaine manière le désengagement de l’État, qui renverrait la responsabilité, notamment celle de la réouverture des écoles, sur les maires.
Vous dites en même temps que, dès lundi dernier, mon collègue Jean-Michel Blanquer a diffusé un texte qui pose le cadre sanitaire et le cadre d’accueil des élèves à partir des recommandations du conseil scientifique.
Ce texte a fait l’objet d’une très large concertation avec l’ensemble des associations d’élus. Ce protocole sanitaire fixe donc un cadre précis : les écoles n’ouvriront pas si elles ne sont pas en mesure d’assurer suffisamment de sécurité.
Mais l’État ne se désengage pas : il a été clairement précisé qu’il fait confiance aux acteurs qui sont les plus proches du terrain et qu’il accompagnera les communes.
Vous demandez en quelque sorte qu’il soit dès lors possible d’inscrire dans un texte de loi une atténuation de la responsabilité pénale des maires en raison des responsabilités singulières qu’ils auraient à prendre durant cette période.
J’ai eu l’occasion de m’exprimer devant vous et M. le Premier ministre vient de le redire : en l’état actuel du droit, la responsabilité pénale des décideurs, quels qu’ils soient d’ailleurs, qu’il s’agisse des maires, des employeurs publics et privés, cette responsabilité pénale peut difficilement être engagée ou, à tout le moins, retenue puisqu’il faut soit une faute délibérée, soit une faute caractérisée.
C’est la raison pour laquelle il me semble difficile, sauf à préciser la loi, ce à quoi je me suis montrée ouverte et ce à quoi travaillent actuellement, je crois, vos collègues de l’Assemblée nationale, d’aller très au-delà.
D’ailleurs, je me permets de faire remarquer ceci : si nous décidions quelque chose pour les élus locaux, en raison du principe d’égalité devant la loi pénale, c’est aussi pour l’ensemble des décideurs qu’il faudrait le faire, à savoir les élus locaux, les décideurs publics, mais aussi les chefs d’entreprise et les décideurs privés.
Mme Sophie Primas. Justement !
M. Bruno Sido. Eh oui !
M. Bruno Retailleau. C’est ce que nous avons fait !
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour la réplique.
Mme Cécile Cukierman. Madame la garde des sceaux, je ne dis jamais « en même temps » ; vous avez donc certainement interprété mes propos.
La question n’est pas là. Vous me parlez de droit pénal, je vous parle de ce qui s’exprime aujourd’hui parmi l’ensemble des élus locaux de notre pays.
Vous voulez assimiler l’ensemble des décideurs locaux. Eh bien, oui, assimilons-les jusqu’au bout ! Mais, en tout état de cause, à partir du 11 mai, ce sont eux qui auront la responsabilité d’expliquer aux populations pourquoi les écoles sont ouvertes ou fermées et non vous. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. le président. La parole est à M. Vincent Éblé, pour le groupe socialiste et républicain.
M. Vincent Éblé. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre et j’y associe mes collègues du groupe socialiste et républicain.
Nous voici réunis aujourd’hui pour une séance de questions au Gouvernement. Mais les questions ne sont pas l’apanage de la classe politique : ce sont les Français qui s’en posent, ne sachant plus à qui les adresser.
Lundi, monsieur le Premier ministre, vous nous avez présenté le plan de déconfinement, et c’est peu dire que nous sommes restés sur notre faim, avec plus de questions que de réponses : priorité donnée à l’exigence de santé ou à la reprise économique ? sécurité sanitaire des enfants ou libération des parents pour retourner travailler ? masques « priorisés » pour les soignants, mais inutiles pour les citoyens, qui, finalement devront obligatoirement en porter dans les transports ? tests massifs recommandés par l’OMS (Organisation mondiale de la santé), mais encore bien peu usités pour préparer le déconfinement ? distanciation physique quasi impossible dans les transports aériens, urbains scolaires, mais plages et forêts interdites de fréquentation ?
Monsieur le Premier ministre, les questions sont nombreuses. Elles sont d’ailleurs le carburant nécessaire au bon fonctionnement de notre démocratie et du débat parlementaire. Mais, alors, pourquoi certains exigent-ils un impossible unanimisme en qualifiant d’« irresponsables » ceux qui expriment doutes, critiques ou oppositions ?
Vous n’êtes pas sans avoir observé à quel point le sens des responsabilités a prévalu, ici, lors de l’adoption des différents textes qui nous ont été soumis : deux lois d’urgence, deux lois de finances rectificatives.
Nous vous avons accordé beaucoup de moyens pour agir contre cette pandémie désastreuse, mais la démocratie ne doit pas être une victime supplémentaire du Covid-19 !
J’en viens à ma question : acceptez-vous, monsieur le Premier ministre, de tenir compte du rôle du Parlement, majorité et opposition, et d’agir demain pour définir les conditions détaillées du déconfinement sans forcément avoir recours aux ordonnances qui le contournent, celles-ci ayant déjà été largement utilisées quand l’urgence l’exigeait ? (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le président Éblé, je suis à deux doigts de vous répondre « oui » et de me rasseoir !
Je ne vais pas le faire, parce que vous le prendriez mal… Mais, à la vérité, lorsque vous me demandez si le Gouvernement est disponible pour répondre aux questions et disponible pour entendre ce que lui disent les représentants de la Nation, la réponse est évidemment « oui ». Pour tout vous dire, je me permets de m’étonner que vous puissiez en douter, franchement.
Nous avons eu ici des débats sérieux, dignes, qui n’étaient pas d’ailleurs nécessairement consensuels ; mais, après tout, les débats servent à cela, et vous l’avez rappelé. Mais je ne crois pas que quiconque puisse dire que le Gouvernement aurait refusé de répondre à des questions, ne serait pas resté disponible, n’aurait pas respecté les commissions du Sénat, n’aurait pas eu le sens du débat.
Que vous ne soyez pas d’accord avec toutes les réponses, je peux l’entendre, c’est normal, c’est la démocratie ; mais ne laissons pas croire, monsieur le président Éblé, à nos concitoyens qu’il y aurait, d’un côté, ceux qui portent la voix vivante de la démocratie et, de l’autre, un gouvernement qui ne voudrait pas l’entendre, parce que cela ne correspond pas à la vérité. Et je crois que vous le savez.
Vous m’avez demandé si nous étions disposés à entendre ce que le Parlement a à dire et ce qu’il souhaite faire prévaloir. Nous sommes évidemment prêts à écouter le Parlement dans son ensemble, le Sénat et l’Assemblée nationale, car ce sont les deux chambres qui font la loi. Si nous devons respecter le Sénat, nous devons tout autant respecter l’Assemblée nationale et il ne viendrait à l’idée de personne de penser que tel ne devrait pas être le cas. Nous sommes aussi prêts à nourrir le débat, à essayer d’expliquer les positions retenues par le Gouvernement et à les confronter, le cas échéant, avec les représentants de la Nation au sens le plus large.
Vous avez évoqué beaucoup de sujets. En particulier, vous avez indiqué, au début de votre propos, qu’à la question de savoir si la priorité était la santé ou la reprise vous n’aviez pas eu de réponse.
Monsieur le président Éblé, j’essaie d’expliquer depuis deux semaines – et je conçois que, cet exercice étant tellement difficile, je sois sans doute insuffisamment clair – que le chemin de crête sur lequel nous nous trouvons nous impose de tenir un équilibre entre la sécurité sanitaire et la reprise. Il est toujours difficile de maintenir un équilibre, mais vous savez pertinemment que, si nous donnons la priorité à l’une en oubliant l’autre, nous risquons d’avoir de très mauvaises nouvelles.
M. François Patriat. Exactement !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Vous savez parfaitement la catastrophe sociale qui s’annonce, qui serait pire si nous restions indéfiniment confinés. Comme tout le monde, vous la voyez arriver dans votre département. Nous devons donc reprendre la production, nous devons donc reprendre la vie sociale, nous devons donc reprendre l’école, parce que, sinon, c’est la catastrophe !
Nous savons aussi que, si nous allons trop vite, par enthousiasme, par imprudence, en privilégiant cette fois-ci la reprise sur la sécurité sanitaire, nous risquons, dans ce cas-là, d’avoir de très mauvaises nouvelles sanitaires.
Pourquoi, monsieur le président, présenter les choses comme si nous avions délibérément choisi une priorité par rapport à une autre ? Nous essayons justement – ce qui n’est pas facile – de préserver l’équilibre entre ces deux principes. C’est un chemin de crête, c’est vrai, avec deux à-pics vertigineux. Et je pense que nous gagnerions tous, parce que la Nation est confrontée à une vraie difficulté, à essayer de comprendre et, peut-être même, à expliquer la nécessité de cet équilibre plutôt que de nous accuser d’aller parfois trop d’un côté, parfois trop de l’autre.
On peut évidemment discuter des équilibres auxquels nous essayons de parvenir, mais je crois que nous avons tous intérêt collectivement, que la Nation a intérêt à ce qu’on explique la nécessité de préserver cet équilibre. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
M. le président. La parole est à M. Vincent Éblé, pour la réplique.
M. Vincent Éblé. Monsieur le Premier ministre, j’entends vos dénégations, mais j’ai bien entendu prononcer le terme « irresponsables », adressé à ceux qui ont exprimé quelques réserves sur le plan de déconfinement.
Par ailleurs, vous ne m’avez pas répondu au sujet du recours aux ordonnances, justifié dans l’urgence, mais qui, désormais, me paraît plus problématique. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
M. le président. La parole est à M. Jean-François Rapin, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-François Rapin. Monsieur le secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur, pour le bicentenaire de l’Académie nationale de médecine, il était arboré ce mot de Marie Curie : « Rien n’est à craindre, tout est à comprendre. » J’avoue, sans polémique aucune, qu’en cette période de prédéconfinement j’ai parfois des difficultés à comprendre toutes les mesures et stratégies, ce qui, forcément, génère de la crainte.
Je souhaiterais évoquer en particulier la vie sur le littoral, ainsi qu’un point précis concernant le secteur agricole.
La vie sur le littoral du Pas-de-Calais et sur les littoraux de France est rythmée en ce moment par de graves soucis économiques ; mais je retiendrai trois sujets.
Premièrement, le secteur de la pêche, même si des aides conjoncturelles sont partiellement actées, craint de ne pas les voir arriver suffisamment tôt pour encaisser le choc et s’inquiète de son avenir quant à l’aboutissement des mesures de chômage partiel.
Deuxièmement, la question migratoire. Je soulève ici l’incompréhension des élus locaux et des habitants de la ville de Calais. Malgré les moyens d’accueil mis en place par l’État, le confinement n’est pas respecté par les migrants. Il y a là un vrai sujet d’incompréhensions et de tensions.
Troisièmement, le sujet de la réouverture des plages et des espaces de promenade proches du rivage. L’apparition du classement en couleurs inquiète et crée de la confusion. La confiance sur ce sujet, j’en suis convaincu, viendra de l’action qui sera menée entre les préfets et les maires des sites concernés.
Des espaces immenses sur le littoral ne me semblent pas plus vecteurs de la contagion que des forêts ou des parcs et jardins. Vous savez comme moi que nous aurons du mal, aux beaux jours, à maîtriser les affluences, et je prône, au plus vite, la concertation pour la mise en place de dispositifs locaux encadrés, qui permettront une réouverture rapide.
Pouvez-vous nous donner des perspectives encourageantes sur ces sujets ?
Encore un point d’incompréhension, maintenant, sur la politique agricole.
L’Union européenne n’a-t-elle pas mieux à faire aujourd’hui que d’introduire un accord de libre-échange avec le Mexique, dont le calendrier est une pure maladresse ?
M. Bruno Sido. C’est évident !
M. Jean-François Rapin. Quels que soient les termes de cet accord, la crise sanitaire a fait prendre conscience que notre souveraineté dans les domaines tant sanitaire qu’alimentaire était essentielle, favorisant de fait les circuits courts.
Pourquoi envoyer ce message contradictoire en cette période troublée ? Quelle est la position du Gouvernement à ce sujet ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Hervé Maurey applaudit également.)
M. Bruno Sido. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur.
M. Laurent Nunez, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur. Monsieur le sénateur, vous comprendrez que, dans le temps qui m’est imparti, je ne pourrai répondre à l’ensemble des questions sur lesquelles vous interpellez le Gouvernement, dont certaines touchent à la politique agricole ou à la politique économique.
Je vais néanmoins répondre à deux de vos préoccupations, notamment s’agissant des migrants à Calais.
Sur ce sujet, le ministre de l’intérieur et moi-même sommes bien sûr en contact permanent avec la maire de Calais, le préfet des Hauts-de-France et le préfet du Pas-de-Calais.
Je vous confirme effectivement qu’un certain nombre de migrants ne respectent pas les mesures de confinement, ce qui nous a conduits à lancer – ce dont vous avez été forcément informé – plusieurs opérations que nous appelons « opérations de mise à l’abri ». Si celles-ci sont certes fondées sur le principe du volontariat, elles nous ont permis d’éloigner et de mettre à l’abri quelques centaines de migrants de la côte du Calaisis.
Nous menons dans le même temps des actions plus volontaristes, notamment des mesures d’expulsion prises à la suite d’ordonnances, auxquelles nous accordons le concours de la force publique.
Nous avons programmé un certain nombre d’actions en ce sens, et vous pouvez être certain de notre détermination. Je me rendrai d’ailleurs personnellement à Calais, sans doute dans les semaines qui viennent, pour faire le point sur celles-ci.
Concernant les plages, monsieur le sénateur, j’expliquais tout à l’heure à Joël Guerriau la règle des 100 kilomètres et les règles de prudence qui s’imposent. Précisément, l’interdiction d’accès aux plages, jusqu’au 2 juin à ce stade, repose justement sur la combinaison de l’ensemble de ces règles.
On comprend bien que, pour les personnes qui vivent à leur proximité, il puisse être déchirant de ne pouvoir s’y rendre, mais la philosophie de cette mesure répond à notre souhait de ne pas inciter les personnes vivant à plus de 100 kilomètres des littoraux de se rendre sur ces lieux attractifs.
Bien évidemment, la période du 11 mai au 2 juin n’est qu’une étape et nous aurons l’occasion de faire un nouveau point, au vu de l’évolution sanitaire de notre pays, après cette date, sur le maintien ou non de cette mesure.
M. le président. La parole est à M. Jean-François Rapin, pour la réplique.
M. Jean-François Rapin. Je pensais qu’il était possible de poser plusieurs questions et d’avoir plusieurs réponses… Aussi, je regrette qu’il ne m’ait pas été apporté de réponse au sujet de l’accord avec le Mexique, sujet essentiel à mon sens dans le contexte actuel. Ajouter du stress au stress – et ce n’est pas à un médecin que je vais l’apprendre – n’est pas bon pour la population. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
cotisation pour la retraite des salariés en chômage partiel
M. le président. La parole est à Mme Sabine Van Heghe, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
Mme Sabine Van Heghe. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, si les incertitudes sont encore nombreuses, nous savons que nous allons devoir vivre avec le virus durant de longs mois.
Un déconfinement progressif va cependant commencer lundi prochain, provoquant chez les Français beaucoup d’inquiétudes quant à la situation sanitaire mais aussi économique et sociale qui pourrait les impacter durablement.
Le choc économique va être très violent, plus encore dans les secteurs d’activité qui ne pourront pas reprendre le 11 mai, comme l’hôtellerie, la restauration, le tourisme, l’événementiel et d’autres encore.
À période exceptionnelle, mesures économiques et sociales exceptionnelles.
Pour permettre la survie de milliers de TPE-PME, qui ont besoin de visibilité, il est indispensable d’annuler leurs charges. J’ai noté que vous alliez en déterminer les modalités, auxquelles nous serons attentifs.
Il s’agit non pas de générosité, comme le Gouvernement a pu le dire, mais de nécessité.
Je veux aussi insister sur les salariés actuellement en chômage partiel, plus de 11 millions de personnes. Si la mise en activité partielle permet d’amortir le choc, elle risque d’aller au-delà du 11 mai pour les secteurs qui ne peuvent redémarrer.
Le groupe socialiste et républicain souhaite, dans tous ces cas, le maintien du chômage partiel dans sa forme actuelle, sans dégressivité et au-delà du 1er juin.
Des effets pervers se profilent pour les droits à la retraite de certains salariés, notamment les moins bien rémunérés d’entre eux, dont l’indemnité de chômage technique n’est pas soumise à cotisations sociales et n’ouvre donc pas de droits.
Cela concerne les salariés aux contrats courts ou encore ceux qui font de petits volumes horaires et qui n’atteindront pas les 600 heures de SMIC pour acquérir quatre trimestres de cotisation.
Ma question est simple et j’attends une réponse claire : allez-vous modifier le dispositif actuel pour que la période de chômage partiel soit prise en compte et puisse donner lieu à des trimestres cotisés pour tous les salariés ? (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail.
Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. Madame la sénatrice Sabine Van Heghe, les dispositions actuelles relatives à l’activité partielle ne permettent pas, en effet, de générer de droits à la retraite de base dans le régime général. Jusqu’à présent, cela avait peu d’importance puisque le recours au chômage partiel, à l’activité partielle, était peu fréquent, et uniquement pour des périodes courtes. Les personnes concernées ne s’en trouvaient donc pas pénalisées.
En effet, dans le régime de base, un trimestre est acquis dès lors que le salarié justifie d’une rémunération au moins égale à 150 fois le SMIC horaire. Mais, vous l’avez dit, nous vivons une situation tout à fait exceptionnelle, avec, ce qui est inédit, un chômage partiel massif destiné à protéger les contrats de travail de 12 millions de salariés. Et celui-ci va se prolonger dans un certain nombre de secteurs dont l’activité ne pourra redémarrer tout de suite.
Comment faire en cette période ? Évidemment, notre objectif, c’est qu’avec la reprise économique le chômage partiel concerne le moins possible de salariés. Mais, effectivement, si nous n’agissons pas, les droits à la retraite de certains de ces salariés ne seront pas comptabilisés pendant cette période de chômage partiel.
C’est pourquoi nous avons pris la décision suivante : je présenterai demain en Conseil des ministres une disposition législative permettant l’acquisition de droits à la retraite de base pendant les périodes d’activité partielle. Cette mesure permettra de mieux protéger les salariés qui subissent déjà les contrecoups de cette période difficile et qui, si leur chômage partiel devait se prolonger, subiraient un choc économique et social important.
Je crois que c’est important pour protéger nos concitoyens. (M. Julien Bargeton applaudit.)
organisation des services déconcentrés de l’état, autour des préfets
M. le président. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour le groupe Union Centriste.
Mme Françoise Gatel. Monsieur le Premier ministre, je veux tout d’abord saluer la qualité de l’engagement du corps préfectoral aux côtés des élus locaux, car, ensemble, ils sont tous devenus des « inventeurs de possibles ».
Au Sénat, la commission des lois et la délégation aux collectivités locales et à la décentralisation suivent avec intérêt la gestion de la crise dans les territoires.
Qu’avons-nous appris ? Que cette crise était protéiforme, qu’elle était d’abord sanitaire, mais qu’elle était aussi sociale et économique. Elle est durable, évolutive et parfois imprévisible.
Qu’en avons-nous déduit ? Que la bataille à conduire doit être collective, mais ordonnée.
Qu’avons-nous constaté ? Que les gestions territoriales sont efficaces quand elles réunissent, autour du préfet, l’ensemble des acteurs locaux dans un modèle de task force qui a pour objectif de résoudre les questions. C’est ce que nous avons vu tout particulièrement dans le Morbihan, en Ille-et-Vilaine et encore ailleurs.
Mais nous avons aussi vu des pilotages déficients parce qu’ils étaient éparpillés, ralentis parce qu’il y avait plusieurs pilotes dans l’avion. Aux côtés du préfet, il y a en effet d’éminents solistes : je veux parler des agences régionales de santé (ARS), je veux parler des rectorats et, peut-être aussi, des directions régionales des finances publiques (DRFiP).
Ainsi, l’agence régionale de santé Bourgogne-Franche-Comté vient d’informer le préfet, par circulaire, de son intention de recruter plus de 120 standardistes pour assurer le suivi et le logement de personnes ayant été en contact avec un cas confirmé de la maladie, mais sans aucunement y associer les élus et les préfets, qui ont la solution. Cette initiative est pertinente, mais elle a été mal engagée.
Cette gestion bicéphale épuise et affaiblit. C’est pourquoi j’ai entendu ce matin avec beaucoup d’intérêt M. Castex évoquer une gestion territorialisée du déconfinement, sous l’autorité unique du préfet.
Aussi, monsieur le Premier ministre, j’attends avec impatience la réponse à ma question : confirmez-vous cette excellente idée ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur.
M. Laurent Nunez, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur. Madame la sénatrice, en premier lieu, je voudrais vous remercier, précisément, des remerciements que vous adressez à l’administration territoriale de l’État, au corps préfectoral, bien sûr, mais aussi à l’ensemble des services de l’État. Je ne résiste pas au plaisir de vous rappeler que j’en ai moi-même été membre pendant plus de vingt ans de ma vie, ce qui a été un grand honneur.
Christophe Castaner et moi-même sommes très flattés de voir la façon dont nos services gèrent cette crise totalement inédite sur l’ensemble du territoire national. Je parle bien sûr des services des préfectures, des sous-préfectures, et de l’ensemble des services de l’État sur les territoires.
Les préfets ont donc des compétences propres, qui sont aussi des compétences d’animation interministérielle, qu’ils exercent dans le cadre de cette crise.
Je veux pleinement vous rassurer, madame la sénatrice : certes, les rectorats ont des compétences propres, certes, les représentations territoriales du ministère de l’action et des comptes publics ont des compétences propres, certes les ARS, qui relèvent directement du ministère des solidarités et de la santé, ont des compétences propres, mais l’ensemble du dispositif que nous avons mis en place tant au niveau national, dans le cadre des cellules interministérielles, qu’au niveau local est parfaitement articulé, sous la houlette et l’animation des préfets.
C’est d’ailleurs ce que vous pourrez constater à la lecture des circulaires du Premier ministre relatives à la gestion de cette nouvelle phase qui commence le 11 mai.
Bien évidemment, il existe des instances de coordination et d’articulation des prérogatives des préfets et des autres administrations ou agences, comme les ARS. L’articulation sur le terrain, entre les préfets et les directeurs d’ARS, des actions que nous allons mener- je pense notamment au traçage, à l’hébergement des cas contacts - sera totale, pleine et entière.
Je veux vous rassurer sur un point, s’il le fallait encore.
Tous les soirs, le ministre de l’intérieur, en ma présence, réunit l’ensemble des préfets de région et des préfets de zone pour discuter de ces sujets. Se joignent à nous, une fois par semaine, les directeurs d’ARS justement pour nous permettre de coordonner cette action. D’ailleurs, le Premier ministre lui- même participe à certaines de ces réunions et donne les impulsions nécessaires.
Comme l’a dit le Premier ministre, comme l’a également dit le Président de la République, le moment venu, nous tirerons bien évidemment tous les enseignements de la façon dont les choses se sont passées, dont les administrations ont fonctionné. Si des défaillances devaient être mises au jour - ce qui, encore une fois, n’est pas le cas -, si des ajustements devaient être apportés, nous y réfléchirions, soyez-en convaincue.
rôle des maires dans la réouverture des écoles et responsabilité pénale