compte rendu intégral
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
M. Joël Guerriau,
M. Michel Raison.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Questions d’actualité au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement sous le format adapté que nous avons défini
Monsieur le Premier ministre, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, notre séance se déroule dans les conditions de respect des règles sanitaires mises en place depuis le mois de mars.
Je rappelle que l’hémicycle fait l’objet d’un nettoyage et d’une désinfection avant et après chaque séance. J’invite chacune et chacun à veiller au respect des distances de sécurité. Les sorties de la salle des séances, pour les sénateurs, devront exclusivement s’effectuer par les portes situées au pourtour de l’hémicycle. Pour les membres du Gouvernement, les sorties se feront par le devant de l’hémicycle.
Je rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.
rôle individuel des français dans le déconfinement
M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants. – Mme Nadia Sollogoub et M. Philippe Bonnecarrère applaudissent également.)
M. Joël Guerriau. « La liberté est la règle, les restrictions de police l’exception ». Par ces mots, monsieur le secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur, en 1917, le commissaire du gouvernement Corneille rappelait que notre démocratie est guidée depuis la Révolution par le principe de liberté.
Bien entendu, pour que cette liberté s’exerce dans le respect de chacun, elle doit être encadrée par la loi. À cet égard, la pandémie que nous traversons oblige à définir de nouvelles règles. Il s’agit de mesures barrières. À ce titre, il est peu compréhensible que les policiers ne bénéficient pas d’équipements de protection pour les contrôles. D’ailleurs, l’éloignement des individus les uns des autres en limitant la liberté d’aller et venir ne peut être que transitoire.
Les Français ont bien compris cette nécessité et ont très majoritairement fait preuve de civisme. Il faut garder à l’esprit que l’objectif de ces règles est de garantir la liberté et la sécurité de chacun. Avec le déconfinement, des interrogations demeurent pour plusieurs situations au-delà de 100 kilomètres : des étudiants finissent leur année et vont souhaiter rentrer chez leurs parents ; des personnes âgées sont isolées depuis trop longtemps et ont besoin d’être soutenues par leurs proches.
Ces quelques exemples ne sont pas exhaustifs, mais rappellent que la vie familiale des Français n’est pas une option. Il ne faudrait pas sacrifier la liberté de tous par crainte de l’irresponsabilité de quelques-uns.
Pouvez-vous nous dire, monsieur le secrétaire d’État, ce que recouvre le « motif familial impérieux », qui permet de se déplacer ? L’appréciation de ce motif bénéficiera-t-elle de la souplesse nécessaire ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants. – Mme Nadia Sollogoub applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur.
M. Laurent Nunez, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur. Monsieur le sénateur, vous m’avez interrogé très clairement sur un certain nombre de règles qui s’appliqueront à compter du 11 mai prochain.
Comme vous l’avez souligné, jusqu’à cette date, et depuis le mois de mars, nous sommes soumis à des règles plus restrictives, qui visent à éviter la propagation du virus. Ces règles ont été très majoritairement acceptées et respectées par nos concitoyens. Il s’agit évidemment d’une excellente chose.
À partir du lundi 11 mai, nous allons entrer dans une nouvelle étape que nous voulons – le Premier ministre et le Président de la République l’ont rappelé – plus prudente, plus progressive, mais qui s’accompagnera d’un rétablissement de la liberté de circulation. À partir du 11 mai, les Français pourront sortir librement dans la rue, sans attestation.
Néanmoins, nous voulons évidemment éviter que le virus ne se propage de manière concomitante à cette liberté de circulation « restaurée » pour des raisons sanitaires. C’est la raison pour laquelle le Premier ministre a annoncé l’instauration d’une règle d’interdiction des déplacements à plus de 100 kilomètres du domicile, et ce uniquement dans un but sanitaire.
Nous ne doutons d’ailleurs pas que nos concitoyens respecteront une fois de plus cette règle, comme ils ont respecté les règles qui s’appliquaient pendant le confinement.
Cette règle de l’interdiction des déplacements au-delà de 100 kilomètres du domicile connaîtra effectivement des exceptions. Vous avez rappelé les motifs prévus, à savoir des motifs familiaux ou professionnels impérieux, qui seront définis. Le Premier ministre s’exprimera demain sur les conditions de mise en œuvre de cette mesure et nous donnerons un certain nombre de cas dans lesquels les déplacements seront permis.
Néanmoins, je me réfère à ce qu’ont dit le Premier ministre et le Président de la République : nous ferons surtout appel au civisme de nos concitoyens. Nous comptons beaucoup sur la pédagogie, sur l’effort d’information, qu’il conviendra de mettre en œuvre pour que ces règles soient appliquées.
Je ne doute pas que quelques-uns des motifs que vous avez cités – par exemple, soutenir un parent proche malade ou vulnérable – seront des motifs de dérogation. Le Premier ministre déploiera demain l’ensemble des mesures applicables.
M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau, pour la réplique.
M. Joël Guerriau. Il me semble qu’il convient effectivement de faire confiance aux Français en ce qui concerne le « motif familial impérieux ». C’est une question qui revient fréquemment. Nos compatriotes sont conscients des risques : ils sont capables de prendre les bonnes décisions et de juger par eux-mêmes de ce qui est bon pour eux.
Tocqueville disait avec raison que « le plus grand soin d’un bon gouvernement devrait être d’habituer peu à peu les peuples à se passer de lui ». (Sourires.)
collectivités locales et crise
M. le président. La parole est à M. Mathieu Darnaud, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Nadia Sollogoub applaudit également.)
M. Mathieu Darnaud. Monsieur le Premier ministre, à l’heure où les parents d’élèves s’inquiètent, où les directeurs d’école redoutent cette date du 11 mai et ses nombreuses inconnues, où les maires s’interrogent sur leur capacité à répondre à la lourdeur écrasante des protocoles qui leur sont imposés, il est temps que le Gouvernement rassure en envoyant des signes clairs et forts.
Trop d’interrogations demeurent sur la question des moyens. Je pense aux masques, au gel ou encore aux concours financiers pour soutenir les communes et les intercommunalités qui mettraient en œuvre les activités périscolaires que vous avez dénommées « sport, santé, civisme et culture ».
À ce propos, nous souhaiterions une réponse précise : quel protocole s’appliquera pour ces activités périscolaires ? un protocole spécifique ou un protocole scolaire ?
Enfin, sur la problématique majeure de la responsabilité, le Sénat, au cours de l’examen du projet de loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire, a souhaité offrir aux élus et aux directeurs d’établissement l’assurance que, en appliquant des consignes qu’ils n’ont en rien décidées, ils ne sauraient être poursuivis en cas de nouvelles contaminations. Il s’agit d’un préalable essentiel si l’on veut garantir un climat de confiance indispensable à cette rentrée scolaire.
Ma question est claire : soutiendrez-vous cette disposition afin que la sortie du confinement souhaitée ne devienne pas une date redoutée ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Nadia Sollogoub et M. Hervé Maurey applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le sénateur, je vais répondre à la dernière partie de votre question, qui porte sur un sujet central.
Vous avez été élu maire, je l’ai été aussi. Vous vous souvenez donc comme moi de l’étendue des responsabilités qui ont été les nôtres : je ne pense pas que, ni dans votre cas ni dans le mien, cela ne nous ait jamais empêchés de prendre des décisions en veillant, dans toute la mesure du possible, à respecter la loi. Ce faisant, nous n’avons jamais cherché à nous exonérer de nos responsabilités. De ce point de vue, nous sommes bien alignés.
Vous avez raison, la perspective du déconfinement interroge ; parfois, elle inquiète nombre de nos concitoyens, parce que le virus fait peur, parce que beaucoup d’inconnues subsistent encore à la fois sur l’impact médical, sur la réalité de ce virus et sur ses modes de transmission. Par ailleurs, après une si longue période de confinement, reprendre une vie normale, même prudemment, même progressivement, a forcément quelque chose d’inquiétant.
Comme vous l’avez indiqué à juste titre, nous sommes tous saisis de très nombreuses questions formulées parfois par les maires, parfois par des responsables associatifs, parfois par des chefs d’entreprise, parfois par des responsables administratifs, qui s’interrogent sur les bonnes décisions à prendre.
Quelquefois, mais à titre infiniment subsidiaire, ils se posent aussi des questions sur la mise en cause de la responsabilité qui pourrait être la leur. Je ne dis pas que la problématique n’est pas importante, je dis seulement qu’en général ceux qui ont des décisions à prendre se posent d’abord la question de savoir si la décision qu’ils vont prendre est bonne. Seulement ensuite, le cas échéant, ils se demandent si l’on pourrait venir la leur reprocher. Je pense que c’est l’expérience que vous aussi avez.
J’ai indiqué ici même, à la tribune, lundi, à l’occasion de la présentation du plan de déconfinement, que ces questions étaient importantes et qu’il fallait les traiter sérieusement. J’entends parfaitement que le Parlement, dans son pouvoir souverain, puisse essayer d’apporter des améliorations.
J’ai également indiqué, monsieur le sénateur, et vous m’avez certainement entendu, que j’étais parfaitement favorable à ce que l’on précise le droit existant, déjà très protecteur, grâce au Sénat, d’ailleurs. Ce dernier, il y a vingt ans, a permis que la responsabilité des « décideurs », comme on dit parfois par facilité de langage, soit beaucoup mieux encadrée de telle sorte qu’elle ne soit pas trop facilement et trop systématiquement attaquée dans des cas où ils ne peuvent être tenus pour responsables. Je crois que ce dispositif est bon.
S’agissant de la réouverture des écoles, c’est l’État qui prend la responsabilité de les rouvrir. C’est l’État qui a fermé les écoles et c’est l’État qui décidera de les rouvrir. Il s’agit bien d’une responsabilité de l’État.
Sans doute faut-il préciser, s’agissant de la responsabilité civile ou de la responsabilité pénale, le régime de responsabilité. Faudrait-il inclure dans la loi des choses qui sont déjà dans la jurisprudence ou préciser que l’on ne peut prendre de décisions, s’agissant d’une épidémie, qu’en état actuel des connaissances scientifiques ? Sans doute. Mais atténuer, monsieur le sénateur, la responsabilité d’une catégorie de décideurs ou même de tous les décideurs ne me semble pas une bonne idée.
Je le dis comme je le pense, en étant conscient que ma réponse peut susciter chez beaucoup de maires des interrogations, voire des oppositions : si nous donnions le sentiment d’atténuer ou, plus encore, si nous atténuions effectivement la responsabilité des décideurs, nous ne rendrions pas service à notre pays et nous ne redonnerions pas confiance à nos concitoyens.
Je me permets donc de dire clairement que je ne m’inscris pas du tout dans une logique d’atténuation de la responsabilité. Le Sénat s’est exprimé. La position du Gouvernement a été claire. L’Assemblée nationale est saisie du texte tel qu’il est issu des travaux du Sénat. J’ai tendance à penser que le débat sera intéressant. Je fais confiance à la navette, je fais confiance à la discussion entre les assemblées, comme je l’ai toujours fait, mais je vous ai indiqué de la façon la plus claire possible quelle était la position du Gouvernement.
Je crois, monsieur le sénateur, qu’il faut songer, y compris dans ces moments d’angoisse, à ce que penseraient nos concitoyens si nous prenions une telle décision. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
M. Bruno Retailleau. Monsieur le Premier ministre, il faut aller le dire aux députés En Marche, car la commission des lois de l’Assemblée nationale examine en ce moment un amendement sur la responsabilité !
M. le président. La parole est à M. Mathieu Darnaud, pour la réplique, et à lui seul !
M. Mathieu Darnaud. Certes, monsieur le Premier ministre, c’est l’État qui prend la responsabilité, mais vous ne pouvez pas méconnaître que ce sont les maires qui seront à la manœuvre, y compris lorsqu’il s’agira, dans le cadre du temps scolaire, de mettre en place des programmes qui sont périscolaires. L’agilité que vous leur demandez n’est pas chose simple. Si vous voulez que ce déconfinement et cette rentrée scolaire se passent de la meilleure façon, il importe plus que jamais de renouer le lien de la confiance. C’est cette confiance qui permettra toutes les formes de réussite ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mmes Françoise Gatel et Nadia Sollogoub applaudissent également.)
anticipation des grands rassemblements des gens du voyage
M. le président. La parole est à Mme Nadia Sollogoub, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.)
Mme Nadia Sollogoub. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, les gens du voyage entament chaque année, dès la mi-mai, une traversée du pays en direction du littoral atlantique ou du sud méditerranéen. Cela concerne jusqu’à 25 000 personnes.
Les maires et les présidents d’EPCI (établissements publics de coopération intercommunale), compétents en matière d’accueil, sont extrêmement inquiets en cette période de crise sanitaire. En effet, les « grands rassemblements » sont des pèlerinages de foi auxquels il pourrait être difficile de renoncer.
Monsieur le secrétaire d’État, ces mouvements de population conduiraient à d’inévitables catastrophes que les élus de proximité auraient à gérer, en plus du reste !
Nous nous trouvons très souvent, dans cette période de crise, placés en situation d’urgence. C’est pourquoi je souhaite être rassurée sur le fait que les risques liés à ces déplacements ont été anticipés et que nous aurons, sur ce sujet, une longueur d’avance.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur.
M. Laurent Nunez, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur. Madame la sénatrice, vous évoquez la situation des gens du voyage au regard des mesures sanitaires qui ont été prises.
Je voudrais d’abord vous rappeler que, dans le cadre du confinement, les gens du voyage respectent, comme tous les Français, les mesures prévues à cet effet, avec l’appui des préfets et des responsables associatifs des gens du voyage, avec lesquels nous sommes d’ailleurs en discussion permanente.
Dans le cadre de la période qui s’ouvrira à compter de lundi, deux mesures vont concerner les gens du voyage, comme l’ensemble des Français : celle que j’ai évoquée à l’instant en répondant au sénateur Joël Guerriau, et qui interdit les déplacements au-delà de 100 kilomètres du domicile ; et celle que vous avez citée, c’est-à-dire celle qui interdit les grands rassemblements de plus de 5 000 personnes jusqu’au 30 août de cette année.
En ce qui concerne la première mesure, à savoir l’interdiction des déplacements au-delà des 100 kilomètres, nous verrons au début du mois de juin quel est l’état de l’évolution sanitaire dans notre pays pour savoir si elle est maintenue ou pas.
Quant à la seconde, nous savons d’ores et déjà qu’elle durera jusqu’au 30 août. Par conséquent, les grands rassemblements que vous évoquez ne pourront avoir lieu, je ne peux que le confirmer. Je pense, notamment, aux rassemblements des Saintes-Maries-de-la-Mer ou de Lourdes. Je ne doute pas un seul instant que nos concitoyens gens du voyage respecteront cette interdiction.
Je puis vous dire que mes services sont en contact avec les associations représentatives des gens du voyage et que nous discutons d’ores et déjà de ces sujets. Nous continuerons, bien évidemment, à dialoguer avec eux.
En tout état de cause, le civisme dont ils ont fait preuve, comme tous les Français, pour le respect des mesures de confinement nous laisse augurer qu’il n’y aura pas de non-respect des règles que nous allons fixer à compter du 11 mai. Je puis vous le garantir, madame la sénatrice, de la même façon que je puis vous assurer que nous continuons à discuter avec les associations représentatives des gens du voyage – nos relations avec elles sont excellentes – pour la bonne application de ces mesures de protection sanitaire de nos concitoyens
M. le président. La parole est à Mme Nadia Sollogoub, pour la réplique.
Mme Nadia Sollogoub. Monsieur le secrétaire d’État, vous l’avez bien compris, il ne s’agissait absolument pas de stigmatiser, mais il s’agissait plutôt de protéger les populations dans leur propre intérêt.
Malgré tout, quand on a été élu de terrain, on sait très bien que ce ne sont pas les arrêtés d’interdiction ni les guides de bonnes pratiques qui servent en pareilles circonstances. Quand les gens du voyage arrivent, il faut aller discuter avec eux, comme vous l’avez rappelé, les yeux dans les yeux, d’homme à homme si je puis dire ! (Sourires.)
Au-delà des grandes associations nationales, les commissions départementales consultatives des gens du voyage ont-elles également été sollicitées ? Sont-elles opérationnelles pour sécuriser la situation ? Outre les risques sanitaires, des familles pourraient se trouver en situation d’errance sur les routes, confrontées à l’hostilité des populations sédentaires.
On a évoqué les maires qui sont en grande difficulté. Il ne faut pas attendre que les caravanes soient sur la route et le maire au milieu de la route, en train de gérer la situation !
Je vous remercie de m’avoir rassurée sur le fait que le dialogue est bien toujours présent avec ces communautés qui présentent un certain nombre de spécificités. Il existe d’autres communautés fragiles. Ma collègue Catherine Fournier nous a alertés, par exemple, sur une problématique de migrants à Calais.
Toutes ces populations rencontrent des difficultés particulières dans cette situation de crise sanitaire que nous traversons. Il importe donc de les régler par un dialogue renforcé avec eux.
annulation des charges pour les très petites entreprises
M. le président. La parole est à M. Julien Bargeton, pour le groupe La République En Marche. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
M. Julien Bargeton. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’action et des comptes publics.
Cette crise sanitaire inédite se double d’une crise économique sans précédent, nous l’avons tous souligné.
Le Parlement comme le Gouvernement sont au chevet de l’économie française. Nous avons déjà voté deux lois de finances rectificatives, qui reposent sur des outils principaux que nous connaissons bien désormais. L’activité partielle, qui concerne six salariés sur dix, le fonds de solidarité pour les petites entreprises, les prêts garantis pour sauvegarder la trésorerie et les prises de participation lorsque les grandes entreprises sont menacées : tels sont les quatre principaux piliers de cette action.
Nous savons que l’urgence commande d’agir parce que des secteurs sont très menacés. Je pense, bien sûr, à l’hôtellerie, à la restauration et au tourisme, qui font l’excellence française. Je pense aussi aux grands noms ou aux gens moins connus du secteur culturel, qui sont une âme de notre pays. À cet égard, les annonces du Président de la République aujourd’hui vont dans le bon sens et sont de nature à rassurer un secteur véritablement en péril. À Paris, dont je suis l’élu, et dans les villes en général, la culture permet de faire vivre ce qui constitue l’âme de notre pays.
Le Premier ministre, dans son discours ici, au Sénat, a annoncé une mesure d’annulation des charges, que vous avez vous-même évoquée, monsieur le ministre, pour les entreprises de moins de dix salariés. C’est une mesure attendue, c’est une mesure qui avait été demandée. Nous savons que réussir au maximum l’urgence est nécessaire pour pouvoir préparer la relance. Pouvez-vous nous en dire davantage sur les contours d’une telle mesure ? (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’action et des comptes publics.
M. Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics. Monsieur le sénateur Julien Bargeton, comme vous l’avez souligné, le Président de la République, d’une part, puis le Premier ministre devant votre assemblée en début de semaine, d’autre part, ont annoncé des annulations de charges pour les indépendants, les commerces et les entreprises les plus touchés par la crise, notamment pour ceux d’entre eux qui ont eu à connaître des fermetures en raison de l’arrêté pris par le Gouvernement au lendemain du 15 mars ou du fait des difficultés sanitaires extrêmement fortes auxquelles ils ont été confrontés.
Je rappellerai d’abord ici, comme j’ai pu le faire devant la commission des affaires sociales, à la demande du président Milon, à quel point il s’agit d’une démarche tout à fait originale.
Dans l’histoire de la protection sociale, il n’y a jamais eu d’annulations de charges pour des secteurs. Il y en a bien eu pour des zones territoriales. Je pense, notamment, à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin au moment du passage d’Irma. Parfois, le Parlement décide également d’en voter, pour les ZRR (zones de revitalisation rurale), par exemple, mais jamais nous n’avions pris une telle mesure pour des secteurs.
Qu’allons-nous faire ? Nous allons procéder à une annulation totale de charges entre le 15 mars et le 15 juin pour l’ensemble des secteurs hôtellerie, restauration, tourisme, art et spectacle, culture, sport, et ce pour toutes les entreprises de moins de 250 salariés. Par ailleurs, nous avons décidé une annulation, tous secteurs confondus, pour toutes les entreprises de moins de 10 salariés qui ont dû fermer. C’est le cas, par exemple, des salons de coiffure, dont chacun sans doute espère désormais la réouverture.
M. Philippe Bas. Pourquoi me regardez-vous fixement, monsieur le ministre ? (Rires.)
M. Gérald Darmanin, ministre. N’y voyez aucune une attaque ad hominem, monsieur le président Bas : c’était une réflexion tout à fait personnelle ! (Nouveaux rires.)
Monsieur Bargeton, tous ces commerces qui ont été obligés de fermer, tous ces indépendants, bénéficieront donc de ces annulations, en plus évidemment des mesures que vous avez évoquées. Je précise, d’ailleurs, que 660 000 d’entre eux ont demandé une aide au mois d’avril, soit en six jours plus de la moitié de ce qui a été demandé au mois de mars : l’attente est donc extrêmement forte. Ces annulations de charges seront complètes.
J’aurai l’occasion, avec mon collègue ministre des solidarités et de la santé, de préciser dans les jours qui viennent les modalités exactes de ces annulations tout à fait inédites que nous définirons avec les représentants professionnels. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
plan de relance de l’aéronautique
M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
Mme Françoise Laborde. Ma question s’adresse à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances.
La filière aéronautique concerne non seulement la construction d’avions commerciaux, mais aussi la défense nationale et la recherche spatiale.
Les industriels du secteur estiment que la baisse du trafic aérien mondial va affecter non seulement la solvabilité des compagnies aériennes, mais aussi celle des avionneurs et des motoristes. C’est la chaîne d’approvisionnement, représentant 80 % du coût d’un avion, qui sera le plus durement impactée. Les pertes de compétences pourraient être irréversibles pour les industriels de l’aéronautique, de l’espace et de la défense.
Les observateurs s’accordent à dire qu’à moyen ou à long terme le marché repartira et que l’industrie aéronautique rebondira. Il convient donc de prendre en compte le risque d’arrivée d’acteurs étrangers, qui viendraient acheter les savoir-faire et compétences qu’il faut parfois dix ans à acquérir sur certains postes, affaiblissant ainsi durablement les avionneurs et les motoristes français et européens.
Le plan de soutien du Gouvernement aux compagnies aériennes est accueilli favorablement par les industriels de la filière. Mais encore faut-il alimenter positivement le secteur en permettant de renforcer les commandes, tant en avions commerciaux, dont la flotte devra être renouvelée avec des modèles plus respectueux de l’environnement, qu’en commandes publiques pour la défense nationale.
Seuls ces investissements permettront d’alimenter positivement toute la chaîne de production, qui compte de nombreuses PME et ETI (entreprises de taille intermédiaire) stratégiques aujourd’hui fortement fragilisées.
Je sais que M. le ministre de l’économie et des finances réunit cet après-midi le comité stratégique de filière. C’est pourquoi, afin de ne pas perdre ce domaine d’excellence industriel où chacun dépend de l’autre, je complète les termes du courrier adressé par mon collègue Alain Chatillon et cosigné par les quinze parlementaires de la Haute-Garonne.
Madame la secrétaire d’État, ne serait-il pas important dans cette phase intermédiaire que la France appuie le lancement de nouveaux programmes ambitieux au niveau européen, soutenus par des avances remboursables ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – MM. Vincent Capo-Canellas et M. François Patriat ainsi que Mme Sophie Primas applaudissent également.)
M. Jean-Claude Requier. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances. Madame la sénatrice Laborde, je partage totalement l’analyse que vous faites de l’état du secteur aéronautique, très fortement impacté par cette crise du Covid-19. Il s’agit de 300 000 emplois et de 1 200 entreprises d’exception. Nous sommes le seul pays, avec les États-Unis, à avoir la capacité technologique de construire un avion de A à Z. Nous tenons à la conforter.
Avec les avions commerciaux cloués au sol et la crise que traversent nombre de compagnies aériennes, les perspectives de développement de nouveaux programmes et de livraisons d’avions sont particulièrement réduites. C’est tout l’enjeu qui intéresse aujourd’hui cette filière.
Nous avons accompagné, avec le ministère chargé des transports et le ministère des armées, le comité stratégique de filière, que j’ai réuni à plusieurs reprises depuis deux mois, ainsi que l’ensemble des donneurs d’ordre et des sous-traitants. Trois actions ont été engagées.
Premièrement, nous nous sommes assurés qu’ils avaient bien enclenché les mesures d’urgence, notamment le chômage partiel, qui est la première réponse pour conserver les compétences extraordinaires dont nous disposons dans l’aviation. Vous avez raison de le souligner, il faut parfois dix ans pour former de telles compétences.
Deuxièmement, nous nous sommes assurés de la montée en capacité des sites restés ouverts – tous n’ont pas été confinés – dans des conditions sanitaires irréprochables. Cela suppose à la fois d’accompagner l’approvisionnement en équipements de protection et de s’assurer que les protocoles sanitaires sont mis en place dans les meilleures conditions, non seulement dans les grands groupes, ce qui est évidemment le plus facile à réaliser, mais également sur l’ensemble de la filière, dans les PME et les ETI.
Troisièmement, Bruno Le Maire a annoncé lundi un plan de soutien. Nous réunirons cet après-midi, le groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (Gifas). Nous réunirons ensuite le comité stratégique de filière pour faire le point sur la situation et proposer des solutions dans le cadre du plan de soutien.
Les contours de ce plan restent à définir, mais nous avons clairement trois objectifs : accélérer la transition écologique et énergétique, qui est un facteur différenciant et de compétitivité ; porter une attention particulière à la relation entre les sous-traitants et les donneurs d’ordre, en mettant en place un accompagnement pour des sous-traitants en situation critique qui peuvent faire l’objet d’une tentative de prédation depuis l’étranger ; et déployer massivement l’usine du futur pour améliorer nos capacités de compétitivité.
déresponsabilisation de l’état sur les élus locaux