M. Emmanuel Capus. Excellent !
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, sur l’article.
M. Bruno Retailleau. Dimanche, le Gouvernement a indiqué qu’il n’entendait pas soumettre les ressortissants de l’espace Schengen aux dispositions de l’article 2 du présent projet de loi.
Cette déclaration est surprenante à deux titres. D’une part, le virus circule énormément dans un certain nombre de pays de l’espace Schengen. À quel titre les ressortissants de ces pays se verraient-ils attribuer un statut particulier ? D’autre part, et surtout, nous avons été contactés par de très nombreux Français résidant à l’étranger qui considèrent qu’il s’agit là d’une rupture d’égalité insupportable.
Monsieur le ministre, si cette déclaration est erronée, pouvez-vous la rectifier ? Si tel n’est pas le cas, pouvez-vous nous expliquer ce qui peut justifier le traitement différencié réservé à des ressortissants étrangers par rapport à des nationaux ? Quel raisonnement sanitaire peut conduire à exonérer du dispositif de l’article 2 des ressortissants de pays de l’espace Schengen où le virus circule fortement ?
M. le président. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam, sur l’article.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Je remercie Bruno Retailleau de ses propos. Je souhaite également intervenir sur ce sujet.
Les Français établis hors de France ont été d’abord extrêmement émus, même catastrophés, d’apprendre qu’ils allaient devoir subir une quarantaine à leur retour en France, puis très surpris en prenant connaissance des dispositions annoncées par le Gouvernement. N’oublions pas en effet que le pays du monde qui compte, en proportion de sa population, le plus grand nombre de victimes du Covid-19, c’est la Belgique. En revanche, au Vietnam, il n’y a eu aucun mort alors que la population est très importante. Où est la logique ?
Je veux appeler l’attention sur la situation des 3,5 millions de Français de l’étranger, nos compatriotes, qui se sentent totalement oubliés par les pouvoirs publics et en voie de devenir des citoyens de troisième zone. Il n’y avait ainsi pas un mot les concernant dans le discours du Premier ministre, alors qu’ils subissent, eux aussi, la pandémie de Covid-19. Aucune mesure n’est prévue pour aider les petits entrepreneurs, qui ne bénéficient pas des dispositifs mis en place en France. Il n’y a pas de chômage partiel à l’étranger ! On exige d’eux qu’ils paient l’intégralité des salaires de leurs employés alors qu’aucun argent ne rentre dans leurs caisses.
Ces Français de l’étranger ne bénéficient généralement pas de vacances aussi longues que les nôtres ; elles durent souvent quinze jours par an au maximum, comme aux États-Unis. Et on leur demanderait de passer leurs quinze jours de congés en quarantaine en France, sans pouvoir voir leur famille, alors même qu’ils viennent parfois de pays qui ne sont pas très contaminés ?
Encore une fois, c’est une question de cohérence. On peut vivre dans une zone fortement contaminée et ne pas être forcément porteur du Covid-19 ! À l’inverse, on peut être infecté bien que résidant dans une zone où le risque de contamination est faible.
Les résidents français à l’étranger ne comprennent pas cette décision. Ils ont l’impression d’un véritable cafouillage et sont désespérés. Cette situation est vraiment anxiogène. J’aimerais, monsieur le ministre, que vous puissiez les rassurer. Il s’agit non pas de prévoir pour eux un traitement particulier, mais de tenir compte de leur situation et de les considérer comme des Français comme les autres !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Olivier Véran, ministre. Je souhaite d’abord répondre à M. Wattebled au sujet de Wallis-et-Futuna.
Je mesure pleinement l’inquiétude de nos compatriotes de ce territoire. Aucun cas de Covid-19 n’y a été détecté, fort heureusement, depuis le début de la pandémie. Il est incontestable que le contrôle sanitaire le plus strict doit être assuré à ses frontières afin de conserver cette situation. Comme le Premier ministre l’a indiqué, le principe d’interdiction d’entrée dans les territoires ultramarins sera maintenu après le 11 mai : seules les personnes pouvant justifier de motifs familiaux ou professionnels impérieux pourront s’y rendre ; elles devront alors se soumettre à une quatorzaine stricte. Je salue à ce propos l’initiative de mettre en œuvre cette quatorzaine, dans les prochains jours, dans l’un des bateaux de la compagnie du Ponant, immatriculé à Wallis-et-Futuna. Nous devons, pour l’avenir, réfléchir à des mesures qui apporteront des garanties équivalentes en matière de santé publique tout en étant moins contraignantes pour les déplacements de personnes comme de fret. Cela devra évidemment se faire en lien avec les parties prenantes. Soyez assuré en tout cas, monsieur le sénateur, de l’attention que porte le Gouvernement à la situation de Wallis-et-Futuna.
Je ne saurais ne pas répondre aux interpellations de M. Retailleau et Mme Garriaud-Maylam sur les Français de l’étranger et les ressortissants de l’espace Schengen.
Comme vous le savez, à la sortie du dernier conseil des ministres, j’ai été amené à indiquer que les dispositions du présent texte prévoyaient que toute personne entrant sur le territoire national, y compris les territoires ultramarins et la Corse, devrait observer une quatorzaine. Plusieurs cas de figure doivent être envisagés.
Madame Garriaud-Maylam, puisque vous évoquez les Français de l’étranger, rappelons d’abord que la France a assuré ou accompagné le rapatriement d’un très grand nombre de nos ressortissants qui souhaitaient revenir en France : si ma mémoire est bonne, plus de 130 000 personnes ont ainsi été rapatriées, dans des conditions qui ont été reconnues optimales. Pour avoir suivi certaines situations de près, je peux vous assurer que tout le monde a fait le maximum pour permettre à toute personne qui le souhaitait de rentrer en France.
La situation des Français de l’étranger peut être très complexe. Un certain nombre d’entre eux, qui vivent depuis longtemps hors de notre pays et n’y disposent plus d’un logement, expriment le souhait de revenir sur le territoire national à partir du 11 mai. Observer une quatorzaine s’impose dans un tel cas.
Par ailleurs, monsieur Retailleau, je considère qu’il faudra savoir agir avec intelligence et s’adapter aux situations. L’objectif n’est pas de contraindre telle ou telle personne de se plier à une quatorzaine au prétexte qu’elle entrerait en France ; ce n’est pas l’esprit de la France, ce ne l’était pas hier, ce ne le sera pas demain. Chacun comprend que l’objectif de la quatorzaine, ou de la mise à l’isolement pour le temps nécessaire en cas de symptômes et de maladie avérée, est d’empêcher l’entrée du virus tout en offrant une protection à la personne concernée. Les choses pourront évoluer en fonction de la situation épidémique dans les pays de provenance des personnes souhaitant entrer sur le territoire national.
Cette problématique concernera nettement moins les frontaliers. Pour eux, les choses sont très claires : on peut parcourir jusqu’à une centaine de kilomètres de part et d’autre de la frontière, y compris entre la France et l’Allemagne, sans présenter plus de risques d’un côté comme de l’autre.
Quant aux ressortissants de pays étrangers appartenant à l’espace Schengen, je veux rester prudent sur cette question, mais si des personnes en provenance d’un pays où la situation épidémique s’avérerait absolument hors de contrôle – à l’heure actuelle, elle est plutôt en voie d’être contrôlée dans la totalité des pays qui nous entourent, grâce aux mesures de confinement – souhaitaient entrer en France, alors le bon sens scientifique, le bon sens médical, le bon sens français imposerait probablement certaines adaptations.
C’est pourquoi nous vous présentons aujourd’hui un dispositif législatif assez générique : il prévoit que, dans un cadre exceptionnel, des mesures exceptionnelles puissent être prises à tout moment pour protéger les Français et prévenir une reprise de l’épidémie. Il ne s’agit pas de privilégier un tel par rapport à un tel. J’entends certains se plaindre que l’on interdise les déplacements de plus de 100 kilomètres au sein du territoire national et que l’on permette, en même temps, de passer les frontières. Clairement, ce n’est pas l’enjeu ! Encore une fois, l’enjeu est que toute situation à risque épidémique puisse faire l’objet des mesures de prévention et de précaution nécessaires pour éviter l’entrée du virus ou sa propagation sur notre territoire. C’est un objectif de sécurité.
M. le président. L’amendement n° 156, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Compléter cet alinéa par les mots :
afin de garantir la sécurité des usagers et des personnels
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Au travers de cet amendement de précision, nous souhaitons rappeler que toute mesure de réglementation des transports prévue au titre de cet article doit tendre à assurer la sécurité des usagers et des personnels. On l’aura compris, il s’agit surtout d’un amendement d’appel visant à exprimer notre étonnement – c’est un euphémisme ! – devant le manque d’ambition des dispositions du plan de déconfinement relatives aux transports. Cela reste, selon nous, l’un des défis majeurs à relever.
Ainsi, comment se satisfaire d’une obligation de port de masque qui ne serait pas adossée à un réel droit au masque gratuit, pour les usagers comme pour le personnel ? Comment se contenter d’un appel à la bonne volonté des entreprises pour limiter l’engorgement des transports collectifs, a fortiori dans les régions les plus denses, notamment l’Île-de-France ?
Certes, un projet de charte entre les autorités organisatrices, les entreprises et les organisations syndicales est en discussion, mais cette charte n’aurait rien d’obligatoire. Les entreprises resteront donc seul maître à bord ; aucune disposition concrète n’est prévue pour limiter effectivement la demande de mobilité. Il s’agit pourtant d’une condition incontournable pour permettre le respect des gestes barrières.
Comment garantir la sécurité du personnel dans ces conditions ? Quels droits pouvons-nous donner aux salariés quand les wagons, à n’en pas douter, vont rester trop fréquentés pour limiter la propagation du virus ? Ce flou entretenu témoigne d’une difficulté à faire réellement primer les enjeux de santé sur les enjeux économiques de reprise de l’activité « quoi qu’il en coûte », comme dirait le Président de la République…
À défaut de réglementation concrète, les transports vont devenir, demain, le principal foyer de propagation de l’épidémie, mettant en danger les usagers comme le personnel.
Nous estimons également que cette crise devrait nous conduire à remettre en cause le dogme de la concurrence libre dans les transports urbains. On voit bien que la multiplication des acteurs rend plus difficile et complexe la réaction en temps de crise. Autant de pistes de travail, mes chers collègues, que nous avons devant nous !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Il est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 158, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Compléter cet alinéa par les mots :
, ordonner l’adaptation du plan de mobilité des entreprises pour cette période d’urgence sanitaire afin d’éviter la saturation des transports collectifs
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Au travers de cet amendement, nous souhaitons une nouvelle fois en appeler à l’esprit de responsabilité.
Aujourd’hui, le Gouvernement demande aux entreprises de poursuivre le télétravail et d’adapter les horaires des salariés devant se déplacer, afin de limiter l’encombrement des réseaux. Pour autant, ce n’est rien de plus et rien de moins qu’un simple appel à la bonne volonté et à l’esprit civique, sans incitation ni sanction.
De l’autre côté, les usagers des transports sont soumis à de réelles obligations, notamment celle de porter un masque durant leurs trajets. Par ailleurs, les entreprises et les autorités organisatrices devront faire respecter aux usagers des règles permettant de garantir la distanciation sociale et les gestes barrières, en limitant les possibilités d’occupation des véhicules, en particulier par des marquages au sol. En tant qu’usagère quotidienne du RER B, je leur souhaite bien du courage ! (Sourires.)
Sachant que l’offre de transport ne reprendra pas à 100 %, mais plutôt à 70 % dans un premier temps, on voit bien se dessiner les termes d’une équation insoluble : comment croire que la demande de mobilité sera compatible avec le taux d’occupation proposé, alors que celui-ci devra être inférieur à 25 % dans les bus, RER et autres métros ?
Pour cette raison, de manière que les entreprises prennent toutes leurs responsabilités, nous proposons que le plan de mobilité pour les salariés soit adapté, afin de garantir un développement maximal du télétravail et un aménagement des plages horaires, dispositifs qui devront être discutés avec les organisations syndicales pour établir des obligations clairement détaillées.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Il est défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 45 rectifié, présenté par MM. Karoutchi, Daubresse, Bascher et Marseille, Mme Micouleau, M. Cuypers, Mmes Bonfanti-Dossat et Lavarde, M. de Nicolaÿ, Mme Eustache-Brinio, MM. Menonville, Bizet, Regnard, Canevet, Husson et Frassa, Mme Chauvin, M. Pierre, Mme M. Mercier, M. Lefèvre, Mmes Chain-Larché et Raimond-Pavero, M. Babary, Mme Imbert, M. Hugonet, Mme L. Darcos, M. Kennel, Mmes Procaccia, Duranton, Gruny et Lassarade, M. Bonhomme, Mmes Deroche et Deromedi, MM. Vogel et Dallier et Mme Dumas, est ainsi libellé :
Alinéa 4, après la première phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Les particularités de la situation en région Île-de-France, compte tenu de la très forte proportion de déplacements en transports en commun, nécessitent des mesures spécifiques et notamment l’obligation pour les usagers de présenter une attestation de déplacement dans les transports collectifs dans des conditions fixées par décret.
La parole est à M. Antoine Lefèvre.
M. Antoine Lefèvre. En Île-de-France, les transports en commun, empruntés avant la crise sanitaire par 5 millions de voyageurs chaque jour, sont susceptibles de constituer un goulet d’étranglement lors du déconfinement. Afin de ne pas saturer le système de transport, ce qui contribuerait à relancer une nouvelle vague épidémique, il est nécessaire de limiter les déplacements au moyen de la mise en place d’une attestation de déplacement dont le principe serait calqué sur l’attestation de déplacement dérogatoire aujourd’hui en vigueur en période de confinement.
Le décret d’application de la disposition que nous proposons ici d’insérer dans le texte pourra notamment préciser que les attestations délivrées par les employeurs viseront à lisser les déplacements sur plusieurs plages horaires.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. J’ai posé cette question, cet après-midi, au Premier ministre. En effet, les transports en commun, notamment dans la région parisienne, risquent d’être saturés. Je comprends donc fort bien l’inspiration de cet amendement.
Néanmoins, la commission des lois n’a pas souhaité le retenir. Elle considère en effet qu’il faut soumettre les transports collectifs à une règle homogène sur l’ensemble du territoire national. Par ailleurs, la gestion du dispositif proposé serait sans doute très difficile.
C’est pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Véran, ministre. Il est lui aussi défavorable.
Certes, la question sous-jacente et la réflexion des auteurs de cet amendement sont évidemment pertinentes. Pour autant, inscrire dans la loi une disposition spécifique aux transports en commun d’Île-de-France ne me semblerait pas très cohérent. En revanche, des accords spécifiques seront conclus avec les organisateurs des réseaux de transport en commun afin de déterminer, si attestation il doit y avoir, quelle règle générale pourra s’appliquer, à une échelle beaucoup plus large que celle de la seule Île-de-France.
M. le président. Monsieur Lefèvre, l’amendement n° 45 rectifié est-il maintenu ?
M. Antoine Lefèvre. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 45 rectifié est retiré.
L’amendement n° 128 rectifié, présenté par MM. de Legge, Cuypers, Meurant, Vaspart et Paccaud, Mme Ramond, M. Reichardt, Mme Lavarde, MM. Bonne et Retailleau, Mmes L. Darcos et Gruny, MM. Charon, Courtial et Chevrollier, Mme Deseyne, MM. Mandelli, Piednoir, Mouiller, de Nicolaÿ, de Montgolfier, Bonhomme, Bouchet, Sol, Lefèvre et B. Fournier, Mme Boulay-Espéronnier, MM. Bizet, Bascher et Allizard, Mmes Estrosi Sassone, Chain-Larché et Thomas, M. Pellevat, Mme Imbert, MM. Savary et Sido, Mme Deroche, M. Danesi, Mmes Chauvin et Lamure, MM. del Picchia, Leleux, Vogel et Longuet, Mmes Gatel et Garriaud-Maylam, M. Duplomb et Mmes Micouleau et Lopez, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Compléter cet alinéa par les mots :
et aux lieux de culte, sauf si la situation particulière d’un département venait à justifier le maintien de la fermeture de ces derniers
La parole est à M. Michel Vaspart.
M. Michel Vaspart. Je présente cet amendement au nom de M. de Legge. Il s’inscrit dans l’esprit de la loi de 1905, dont l’article 1er dispose : « La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes. »
Le plan de déconfinement, tel qu’il nous est présenté, semble reposer sur des priorités qui méconnaissent, en l’état, l’importance de ce principe et du droit fondamental de la personne qu’est la liberté religieuse. Pour tous les pratiquants, quelle que soit leur religion, cette pratique n’est pas accessoire, mais essentielle, au sens étymologique du terme. La liberté religieuse ne peut être assimilée à un loisir superflu.
C’est la raison pour laquelle nous avons déposé cet amendement, qui vise à rétablir l’accès aux lieux de culte là où c’est possible. Ce serait d’autant plus pertinent que ces lieux présentent moins de risques que les salles de classe, les transports en commun ou les magasins.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, rapporteur. Voilà une question importante pour nos concitoyens croyants, quelle que soit leur religion.
Rappelons d’abord que la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen fait de la liberté religieuse un droit fondamental pour chacun de nos concitoyens. Il est vrai que la période actuelle a entraîné, pour beaucoup de croyants, une très grande difficulté, qu’ils ont acceptée parce que l’impératif de sécurité sanitaire l’emportait à l’évidence sur toute autre considération. Toutefois, cela devient plus difficile alors que le déconfinement va commencer.
C’est la raison pour laquelle, mes chers collègues, vous avez posé cet après-midi des questions au Premier ministre à ce sujet. Il a accepté de faire évoluer sa position, qui renvoyait à l’origine la réouverture des lieux de culte au mois de juin : il nous a indiqué que la date du 28 mai était désormais à l’étude. On se rapproche donc de l’échéance.
Je voudrais, avant que nous prenions nous-mêmes position sur cette question en tant que législateur, que nous puissions procéder à un dialogue approfondi avec les représentants des cultes. C’est pourquoi j’ai pris l’initiative de leur demander d’être auditionnés par la commission des lois.
Je sais que les positions des représentants des différents cultes peuvent varier, du fait déjà de la nature spécifique de chaque culte. Ainsi, la participation à la messe a, dans la religion catholique, une valeur sacrée qui ne se retrouve pas forcément au même degré dans d’autres cultes.
Il apparaît, au travers des déclarations faites tout à l’heure par le Premier ministre devant le Sénat, que la position du Gouvernement a commencé à évoluer. Après les auditions que nous mènerons la semaine prochaine, j’espère que nous serons en mesure de transmettre à celui-ci une demande plus précise quant à la date et aux modalités de la reprise de l’exercice des cultes. Il faut notamment déterminer les précautions qui devront être prises pour garantir que la réouverture des lieux de culte ne constituera pas un risque de relance de la contamination.
C’est pourquoi, en dépit de toute la compréhension que j’ai pour les motivations de cet amendement, je préférerais qu’il fût retiré pour nous permettre d’aller au terme de ce dialogue et de cette réflexion ; ainsi, les cultes pourraient rouvrir le plus vite possible, par une décision non pas d’autorité, mais venant en quelque sorte consolider les propositions d’organisation que chaque culte serait amené à faire de manière que le déroulement des cérémonies soit tout à fait compatible avec les exigences de sécurité sanitaire.
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. Je souhaite vous relater, monsieur le ministre, une anecdote qui m’a beaucoup touché.
Il y a quelques semaines, dans ma petite commune rurale, j’ai croisé un monsieur âgé ayant perdu son épouse quelques mois auparavant. Je lui ai demandé comment il allait ; il m’a regardé dans les yeux et, d’un air très agressif que je ne lui connaissais pas du tout, il m’a répondu : « Très mal ! » En effet, comme il me l’a appris, le cimetière de cette petite commune avait été fermé. Or ce cimetière était pour lui un lieu symbolique : il y allait chaque jour mener un dialogue très singulier, au-delà de la mort, en se recueillant sur la tombe de son épouse.
J’ai trouvé cette fermeture absolument idiote. J’imagine qu’elle a été dictée par une mesure nationale. Évidemment, je comprends bien qu’il faille fermer le cimetière du Père-Lachaise, qui est mentionné dans tous les documents diffusés par l’office de tourisme de Paris et accueille des touristes souhaitant voir les tombes de Chopin, d’Apollinaire, de Balzac, de Jim Morrison ou d’Édith Piaf, mais le petit cimetière d’une commune rurale qui reçoit peut-être deux ou trois personnes par jour ?
En matière de déconfinement, pour l’exercice des cultes comme dans bien d’autres domaines, la bonne mesure serait de différencier, de territorialiser la décision. Il faudrait, par exemple, charger le préfet de déterminer avec le maire, l’évêque, l’imam ou le rabbin les conditions de reprise de l’exercice des cultes.
J’estime que la liberté de culte n’est pas moins importante que la liberté de consommer ou de produire. Les pratiquants, quelle que soit leur religion, ne sont pas des citoyens de seconde zone ; entrer dans une église, une synagogue ou une mosquée n’est pas plus dangereux que d’entrer dans une salle de classe, dans une voiture du métro ou dans une grande surface.
Pour autant, je juge excellente la proposition du président Bas et je suis sûr que d’autres signataires de l’amendement y seront aussi sensibles que moi.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Véran, ministre. Je comprends parfaitement la logique de cet amendement. Cela étant, à entendre l’intervention de M. Retailleau, j’ai eu le sentiment qu’il pensait que les lieux de culte étaient fermés. Or ils sont ouverts !
M. Bruno Retailleau. Et les cérémonies ?
M. Olivier Véran, ministre. En revanche, les cérémonies sont interdites, parce qu’elles regroupent un certain nombre de personnes et constituent donc une situation à risque pour la transmission de la maladie.
Si certains cimetières ont été fermés, cela résulte peut-être d’une décision préfectorale ou municipale. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.) Peut-être me trompé-je, à cette heure tardive et deux mois riches en événements après les décisions relatives au confinement, mais il ne me semble pas qu’il y ait eu une décision générale de fermeture des cimetières sur l’ensemble du territoire national. Une petite marge était accordée, me semble-t-il ; nous vérifions ce qu’il en est.
Quoi qu’il en soit, ce que vous dites à propos de la fermeture d’un petit cimetière communal a du sens. On aurait aimé pouvoir établir une liste de dérogations permettant de répondre à chaque situation, mais l’accumulation de dérogations à la fois territorialisées et spécifiques à tel ou tel type de lieux peut vite conduire à des situations complexes du point de vue de la gestion du profil épidémique. Vous vous souvenez de la polémique au sujet des marchés : nous avions d’abord souhaité permettre à certains d’entre eux de rester ouverts, mais, dès le premier week-end, les images de foules déambulant parmi les étals avaient donné lieu à commentaires.
Quoi qu’il en soit, à partir du 11 mai, les cimetières seront de nouveau accessibles. Quant aux cérémonies religieuses, le Premier ministre s’est exprimé, comme l’a très bien rappelé le président Bas. L’idée est de travailler avec les représentants des cultes. De toute façon, de telles dispositions relèvent du domaine réglementaire ; il ne convient certainement pas de les inscrire dans la loi. Si l’on devait légiférer sur la réouverture de chaque catégorie d’établissements, on n’en aurait pas fini le 11 mai ! Cela dit, le message est passé ; le Premier ministre vous a même déjà répondu.
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote.
Mme Esther Benbassa. Je suis extrêmement étonnée que l’on parle avec tant de légèreté de la réouverture des lieux de culte.
M. Olivier Véran, ministre. Ils sont ouverts, je le répète : on parle plutôt de la reprise des cérémonies.
Mme Esther Benbassa. Rappelons tout de même ce qui s’est passé à Mulhouse : une réunion évangélique y a créé un foyer épidémique qui a entraîné une grande vague de contaminations. En Israël, on a dû fermer les synagogues dans les hauts lieux de l’orthodoxie juive, que ce soit à Bnei Brak, à Tel-Aviv ou à Jérusalem. À New York, la proportion de morts est plus élevée au sein d’une communauté juive orthodoxe qui a continué à prier collectivement ou à étudier les Écritures au sein des académies religieuses pendant l’épidémie.
Enfin, mes chers collègues, on est en pleine pandémie !
M. Bruno Retailleau. On va rouvrir les écoles !
Mme Esther Benbassa. Les enfants sont asymptomatiques. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Les lieux de culte rassemblent plutôt des adultes et même, dans certaines communautés, plutôt des personnes âgées. (Protestations sur les mêmes travées.) Peut-être faudrait-il réfléchir davantage à cette question.