M. Philippe Dallier. C’est mieux, mais le Gouvernement ne va pas être d’accord ! (Sourires.)
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Je vois que le secrétaire d’État resserre son nœud de cravate en faisant « gloups ». (Nouveaux sourires.)
M. Bruno Retailleau. Il préférera mon amendement ! (Mêmes mouvements.)
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Il n’aime sans doute aucun des deux amendements, mais, à tout prendre, il préférerait celui de Bruno Retailleau. Néanmoins, je pense que le Sénat préférera celui de la commission des finances…
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Deux remarques et une précision.
Première remarque : madame Taillé-Polian, je ne peux laisser dire qu’il y a eu des baisses de budget pour les hôpitaux. Ce secteur connaît des contraintes depuis très longtemps, nous l’avons tous admis. Depuis quinze ans, je suis tout à fait prêt à le reconnaître, l’augmentation des dépenses consacrées à l’hôpital est inférieure à l’augmentation de ses besoins. Reste que, indépendamment du plan de sauvetage de l’hôpital d’octobre dernier, ce gouvernement a augmenté l’Ondam de 2,4 % par an en moyenne, contre 2 % au cours des cinq années précédentes, avec des points bas à 1,6 % en 2015 et en 2016. Ces Ondam, vous les avez votés, comme moi.
Seconde remarque, sans ouvrir de débat à ce stade : le rapporteur général précise que son amendement présente l’avantage de faire porter le coût du crédit d’impôt au budget de l’État, et j’entends par ailleurs des réactions indiquant qu’il vaut mieux que ce coût soit supporté par l’État. Mesdames, messieurs les sénateurs, je veux vous inviter, sinon à la prudence, du moins à la réflexion.
Gérald Darmanin et moi-même sommes chargés des comptes publics – comptes sociaux, des collectivités locales et de l’État – et du suivi des engagements pris par la France devant la Commission européenne à propos de ces comptes, bien que nous vivions une période particulière. Or, lorsque nous creusons le déficit de l’État, comme lorsque nous creusons le déficit des administrations sociales, nous creusons le déficit des comptes publics en général. Aussi, je veux appeler votre attention sur le fait que, à force de dire qu’il vaut mieux creuser le déficit de l’État que de solliciter la participation des administrations de sécurité sociale ou des collectivités locales à l’effort, nous prenons aussi le risque de rendre, tôt ou tard, la signature de l’État moins attractive, lorsque celui-ci se finance sur les marchés, avec les conséquences que cela peut avoir.
Enfin, je veux apporter une précision. J’ai bien compris que l’amendement de M. le rapporteur général pourrait, je le pressens, être adopté par la Haute Assemblée, malgré l’avis défavorable du Gouvernement. (Sourires.) Je veux toutefois souligner ceci : vous l’avez compris, et je vous en remercie, nous ne sommes pas fermés à la question des annulations de charges, mais nous considérons que cela nécessite un travail par secteur.
En outre, même si je ne l’ai pas précédemment indiqué, à l’appui de mon avis défavorable, nous considérons que, pour donner une assise juridique solide à d’éventuelles annulations de charges, il faudrait adopter un cadre législatif plus solide.
Cela me conduit donc à émettre un avis défavorable sur l’ensemble des amendements en discussion commune, y compris sur l’amendement n° 206, afin de laisser cette discussion sur les annulations prospérer dans le cadre des travaux que j’ai évoqués.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 220 rectifié ter.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 1er quinquies, et les amendements nos 72 rectifié bis, 43, 79 rectifié, 295 rectifié, 92 rectifié et 320 rectifié n’ont plus d’objet.
L’amendement n° 152 rectifié, présenté par Mme N. Delattre, MM. Cabanel et Gold, Mme Guillotin et MM. Jeansannetas, Roux et Vall, est ainsi libellé :
Après l’article 1er quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - L’article 302 bis MA du code général des impôts est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« …. - Il est institué, pour l’année 2020, un crédit d’impôt pour les investissements publicitaires réalisés dans les médias d’information, égal à 50 % de l’impôt perçu sur ces investissements. »
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Nathalie Delattre.
Mme Nathalie Delattre. La crise sanitaire frappe l’ensemble de l’économie, y compris les entreprises de presse. Nos quotidiens, notre presse quotidienne régionale, qui sont les yeux et les oreilles de nos concitoyens dans une période au cours de laquelle il faut plus que jamais lutter contre la désinformation, sont lourdement touchés.
La liberté de la presse, valeur consubstantielle à notre démocratie, ne peut être garantie que par l’indépendance politique des organes. Cette indépendance, nous la devons à la capacité des entreprises de presse de ne pas vivre exclusivement des subsides publics, que ce soit au travers de l’aide directe de l’État à la presse ou des différents soutiens budgétaires assurés par les collectivités territoriales. Cette capacité, au-delà des ventes de papier, qui sont tendanciellement en chute, provient de la publicité. Or, en raison de la crise, les recettes publicitaires se sont écrasées de 75 % en mars, et on prévoit une chute de 90 % en avril.
Par conséquent, au-delà du plan de filière qu’il nous faudra adopter dans un second temps, c’est la relance des activités publicitaires qu’il faut prioriser. Cela peut passer par l’adoption d’un crédit d’impôt, évidemment temporaire, sur les investissements publicitaires dans les médias d’information ; la publicité pourrait ainsi devenir assez accessible à de petits annonceurs, dans le cadre de leur propre relance.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. C’est un vrai sujet, mais typiquement lié au plan de relance.
Cette mesure est un peu prématurée, il ne s’agit pas d’une question d’urgence ; il n’y a même pas de marché en ce moment, il est donc très compliqué de faire de la publicité alors que les commerces sont fermés : cela n’aurait pas beaucoup de sens de faire de la publicité pour des produits que l’on ne peut pas acheter…
En revanche, la relance du marché publicitaire, en lien avec l’équilibre du secteur audiovisuel, est un vrai sujet, donc on reverra cet amendement pour réfléchir aux moyens de relancer le marché publicitaire.
Par conséquent, la commission demande le retrait de cet amendement, non pour évacuer le problème, mais pour l’examiner dans quelques semaines, après la sortie du confinement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Delattre, l’amendement n° 152 rectifié est-il maintenu ?
Mme Nathalie Delattre. Non, je le retire, et je le représenterai lors de l’examen du PLFR 3.
M. le président. L’amendement n° 152 rectifié est retiré.
L’amendement n° 71 rectifié quater, présenté par Mmes N. Delattre et Férat, M. Pointereau, Mmes Duranton et Gruny, MM. Babary et Kern, Mme Sollogoub, MM. D. Laurent et Détraigne, Mmes Imbert et Berthet, M. Cabanel, Mme G. Jourda, M. B. Fournier, Mme M. Carrère, MM. Collin et Gold, Mme Guillotin, M. Jeansannetas, Mme Pantel et MM. Roux, Vall, Milon et Grand, est ainsi libellé :
Après l’article 1er quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’impôt sur le revenu des exploitants agricoles est annulé pour l’exercice comptable en cours.
II. – L’impôt sur le revenu des sociétés agricoles est annulé pour l’exercice comptable en cours.
III. – L’impôt sur les sociétés des sociétés agricoles est annulé pour l’exercice comptable en cours.
IV. – La perte de recettes résultant pour l’État des I à III est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Nathalie Delattre.
Mme Nathalie Delattre. L’une des difficultés rencontrées par le secteur viticole est liée aux tensions sur la trésorerie. Parmi les différentes mesures d’aide à cette filière figure la possibilité de demander des délais pour le paiement des charges sociales et des prélèvements directs, qui peuvent être suspendus. Néanmoins, il ne s’agit que d’un report de ces échéances, qui ne suffira pas, même à court terme, car les pertes ne seront pas compensées à la sortie de la crise.
Cet amendement vise donc à annuler, pour l’exercice comptable en cours, les impôts sur le revenu et sur les sociétés des exploitants et sociétés agricoles et viticoles. En effet, ces prélèvements étant calculés sur le fondement du ou des derniers exercices comptables, pour lesquels la situation économique était très différente, les maintenir serait fatal à de nombreux vignerons.
Cet amendement est cosigné, vous l’aurez noté, par de nombreux sénateurs issus de différentes travées.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Cet amendement est très sympathique, mais il vise à exonérer d’impôt sur le revenu l’ensemble des entreprises agricoles, ce qui est malheureusement anticonstitutionnel, car cela poserait un problème de rupture d’égalité devant les charges publiques.
Je pense qu’il s’agit plus d’une position de principe ou d’un amendement d’appel visant à signaler les grandes difficultés du secteur agricole qu’un amendement réellement opérationnel. La commission en demande donc le retrait ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Delattre, l’amendement n° 71 rectifié quater est-il maintenu ?
Mme Nathalie Delattre. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 71 rectifié quater est retiré.
L’amendement n° 230 rectifié, présenté par MM. Gremillet, Courteau et D. Dubois, Mmes Primas et Estrosi Sassone, MM. D. Laurent et Pierre, Mmes Thomas et Chain-Larché, MM. Babary, Moga, Duplomb et Menonville, Mmes Chauvin, Morhet-Richaud et Noël et MM. Cabanel et Cuypers, est ainsi libellé :
Après l’article 1er quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Aux soixante-quatrième et dernière lignes de la dernière colonne du tableau B du 1 de l’article 265 du code des douanes, le montant : « 11, 83 € » est remplacé par le montant : « 6,43 € ».
II. – Le I est applicable aux carburants acquis entre le 1er mai 2020 et un délai de six mois suivant la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire, déclaré en application de l’article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État des I et II est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Sophie Primas.
Mme Sophie Primas. Nous attaquons l’examen de quelques amendements, portés par M. Gremillet et cosignés par différents collègues, relatifs à la filière du bioéthanol et du biogaz.
Ces deux filières sont durement affectées par la crise ; les ventes du biocarburant ont chuté, parallèlement à celles du gazole et de l’essence, auxquels il est souvent incorporé. On observe ainsi une baisse de 75 % à 80 % des ventes, en raison des restrictions applicables aux déplacements.
Par ailleurs, vu la désorganisation profonde et durable du marché pétrolier, on peut craindre que la production française de biocarburant ne soit concurrencée par la production d’autres pays, notamment d’Amérique du Nord et d’Amérique du Sud.
Enfin, ces filières sont confrontées à des difficultés ponctuelles liées à l’approvisionnement en matière première ou à l’acheminement des matériaux et des produits.
Cette situation est regrettable, dans la mesure où les bénéfices liés au biocarburant sont nombreux, et nous y sommes très attachés dans cet hémicycle. En effet, la filière du bioéthanol peut produire de l’alcool éthylique et celle du biogaz de la glycérine, produits qui entrent dans la composition du gel hydroalcoolique, utile à nos soignants.
Ces filières contribuent également – je ne vous apprends rien – à la diversification de notre mix énergétique et, bien entendu, dans le même ordre d’idées, elles participent à la lutte contre le réchauffement climatique, entraînant des baisses d’émissions de gaz à effet de serre d’environ 70 % pour le bioéthanol et 90 % pour le biogazole.
Enfin, ces filières sont source d’externalités positives pour les agriculteurs, car, parallèlement, la culture de la matière première conduit à la production des tourteaux et des drêches, qui contribuent à notre indépendance protéinique, dont nous parlons depuis longtemps.
Ainsi, vu les difficultés traversées par le secteur des biocarburants, mais aussi son intérêt économique et social avéré, le présent amendement tend à aligner, pour une durée de six mois, le tarif applicable aux carburants E85 et B100 sur celui du carburant E95.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Il y a, là aussi, un problème de tempo. La question n’est pas d’abaisser la fiscalité applicable à telle ou telle catégorie de carburant, il s’agit tout simplement de permettre aux gens de reprendre une activité économique et de rouler.
Actuellement, il n’y a pas de consommation. Les recettes de TICPE sont en forte baisse – cela touche tant l’État que les collectivités territoriales, je le rappelle. Réviser la fiscalité du carburant n’est donc pas le sujet. L’enjeu est, tout simplement, je le répète, de permettre la reprise de l’activité économique et la sortie du confinement, pour pouvoir de nouveau circuler librement.
Cet amendement aborde un sujet de fond : la relance éventuelle d’une filière, qui doit passer par un projet de loi de finances. Cela ne nous paraît pas relever de l’extrême urgence économique liée à la situation sanitaire. Je suis d’accord, cette filière est fragilisée, mais comme toutes.
Au reste, quand bien même on abaisserait la fiscalité de ce type de carburants, cela ne changerait rien à la consommation, puisqu’il n’y a actuellement pas de circulation. À la suite du déconfinement, il faudra réfléchir aux moyens de soutenir les filières.
La commission demande donc le retrait de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Primas, l’amendement n° 230 rectifié est-il maintenu ?
Mme Sophie Primas. Je ne peux pas le retirer, parce que, même s’il y a peu de consommation, compte tenu de la concurrence féroce du pétrole, il faut soutenir notre filière agricole et la filière du bioéthanol et de biogaz.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 1er quinquies.
Je suis saisi de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les quatre premiers sont identiques.
L’amendement n° 29 rectifié est présenté par Mme N. Delattre, M. Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Collin et Corbisez, Mme Costes, M. Jeansannetas, Mme Pantel et M. Roux.
L’amendement n° 60 rectifié ter est présenté par MM. Menonville, Guerriau, Fouché, Bignon et A. Marc, Mme Mélot et MM. Lagourgue, Chasseing et Capus.
L’amendement n° 148 rectifié ter est présenté par MM. Canevet et Janssens, Mmes Saint-Pé et Joissains, MM. L. Hervé, Cadic, Louault, Le Nay, Détraigne, Cazabonne, Moga et Kern et Mmes C. Fournier, Loisier et Vullien.
L’amendement n° 184 est présenté par MM. Bizet et Cuypers.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 1er quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article 265 du code des douanes est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« … Le gazole de l’indice 22 du tableau B du 1 incorporant des biocarburants produits dans un entrepôt fiscal de produits énergétiques bénéficie, sous certaines conditions, d’un remboursement partiel de la taxe intérieure de consommation à hauteur de 10 euros par hectolitre. Les conditions et modalités de ce remboursement partiel sont fixées par voie réglementaire. »
II. – Le I est applicable pour une durée limitée de six mois à compter de la date de fin des mesures de restriction applicables aux déplacements des personnes hors de leur domicile, prises dans le cadre de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Nathalie Delattre, pour présenter l’amendement n° 29 rectifié.
Mme Nathalie Delattre. Depuis cinq semaines, notre pays est quasiment à l’arrêt, confiné, et, c’est un constat partagé, le cours de son activité ne reprendra pas de sitôt.
Pourtant, pendant cette période, certaines filières économiques se sont fortement mobilisées afin de garantir l’approvisionnement stratégique du pays, la fourniture de ce qui constitue le strict essentiel. Parmi elles, la filière des huiles et protéines végétales a continué de produire des tourteaux de colza pour la nutrition de l’élevage animal, de l’huile alimentaire pour nos ménages et de la glycérine pour la production de gels hydroalcooliques.
Ces produits sont indissociables de la production de biodiesel, qui utilise ces tourteaux. Face à l’image de nos routes désertées, nous pouvons imaginer l’inévitable dévalorisation de ces stocks, surtout avec le prix historiquement bas du baril de pétrole. Les stocks de biocarburants produits avant le 1er avril, de qualité dite « hiver », dont la production est plus coûteuse, seront vendus en tant que carburants de qualité dite « été », moins rémunératrice.
Afin de sécuriser la production d’huiles et protéines végétales et en soutien à la filière, il conviendrait d’instaurer, pour une durée limitée à six mois à compter de la fin des mesures de confinement, une réduction de la fiscalité applicable à ce biocarburant, qui, en outre, représente une solution d’avenir.
M. le président. La parole est à M. Franck Menonville, pour présenter l’amendement n° 60 rectifié ter.
M. Franck Menonville. Il s’agit d’un amendement relatif à la fiscalité applicable aux biocarburants.
Cela a été dit, l’effet cumulé de la faible demande en carburant, liée aux mesures de confinement mais également à la chute du prix du pétrole, a conduit à une baisse importante de la consommation de biodiesel. La perte de débouchés est de l’ordre de 75 %.
Toutefois, la filière française a poursuivi sa production pendant la crise, afin de maintenir l’approvisionnement stratégique en tourteaux de colza, en huiles alimentaires, mais aussi en glycérine, matière première importante pour la production de gel hydroalcoolique. Cette situation a conduit à la constitution de stocks importants de biodiesel, que la filière aura des difficultés à valoriser. Une fois les mesures de déconfinement prononcées, cela déstabilisera durablement la filière ainsi, bien évidemment, que l’ensemble du monde agricole.
Pour corriger cela, cet amendement a pour objet d’instaurer une réduction, limitée à six mois, de la TICPE applicable aux biocarburants, ciblée sur la production nationale. Cette filière, ainsi que la filière éthanol – la présidente Primas l’a souligné –, est essentielle à la transition énergétique, à l’autonomie protéinique de notre pays et à la diversité des cultures.
M. le président. L’amendement n° 148 rectifié ter n’est pas soutenu.
La parole est à M. Jean Bizet, pour présenter l’amendement n° 184.
M. Jean Bizet. Il a été défendu par mes deux collègues précédents, mais je veux quand même souligner que cette filière est pertinente. Notre production est pratiquement la plus belle d’Europe en la matière et elle a été très difficile à constituer. En outre, au-delà de la production de biocarburants, il y a la production de protéines végétales, d’où l’intérêt de cette filière.
Cela étant, je retire mon amendement au profit de l’amendement n° 234 rectifié de M. Gremillet, que je trouve plus sécurisé juridiquement.
Je profite de l’occasion pour ajouter quelques mots. J’avais pris l’engagement d’appeler notre représentant permanent à Bruxelles, M. Léglise-Costa, pour évoquer la baisse du taux de TVA sur les produits de protection tels que les masques. Le fait de passer du taux normal à un taux réduit de 5,5 % n’entraînera pas le déclenchement d’une procédure d’infraction à l’encontre de la France ; en revanche, aller en deçà – passer à 2,1 %, un niveau qui n’existe pas aujourd’hui à Bruxelles – est inconcevable. Je pense donc que nous avons bien fait de confirmer la position du rapporteur général.
M. le président. L’amendement n° 184 est retiré.
L’amendement n° 234 rectifié, présenté par MM. Gremillet, Courteau et D. Dubois, Mmes Primas et Estrosi Sassone, MM. D. Laurent et Pierre, Mmes Thomas et Chain-Larché, MM. Babary, Moga, Duplomb et Menonville, Mme Chauvin, M. Cuypers et Mmes Morhet-Richaud et Noël, est ainsi libellé :
Après l’article 1er quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article 265 du code des douanes est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« …. Les personnes physiques ou morales qui vendent du gazole mentionné à l’indice 22 du tableau B du 1 peuvent obtenir, sur demande de leur part et dans les conditions prévues à l’article 352, le remboursement d’une fraction de la taxe intérieure de consommation, lorsqu’ils incorporent des biocarburants produits dans un entrepôt fiscal de produits énergétiques, au sens de l’article 158 D.
« Ce remboursement est calculé en appliquant au volume de gazole vendu comme carburant la différence entre 49,40 euros par hectolitre et le tarif en vigueur en application du 1 du présent article.
« Un arrêté conjoint du ministre chargé du budget et du ministre chargé de l’énergie détermine les modalités d’application du présent paragraphe. »
II. – Le I est applicable aux carburants acquis entre le 1er mai 2020 et un délai de six mois suivant la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire, déclaré en application de l’article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19.
III. – La perte de recettes résultant pour l’État des I et II est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Sophie Primas.
Mme Sophie Primas. Je veux remercier mes collègues de m’avoir soutenue sur l’amendement précédent de Daniel Gremillet.
Le présent amendement a beaucoup plus d’ampleur et d’impact. Il représentera un soutien bien plus important à la filière du biogazole.
Jean Bizet l’a indiqué, cet amendement émane des mêmes travaux que les autres amendements en discussion commune, mais il a été quelque peu réécrit par l’ensemble de la commission pour en sécuriser juridiquement la première partie.
Nous avons assisté aux débats à l’Assemblée nationale ; nous avons entendu les objections du Gouvernement, qui sont d’ordre juridique. Selon nous, ces objections peuvent être levées.
D’abord, la jurisprudence européenne admet des dérogations. Du point de vue de la réglementation européenne, nous considérons donc qu’il n’y a pas de risque à adopter cet amendement, d’autant qu’est prévue une durée d’application réduite.
Ensuite, le recours aux entrepôts ne crée pas de discrimination selon l’origine des différents biocarburants, puisque les biogazoles de n’importe quel pays peuvent être stockés dans les entrepôts visés. Par conséquent, il y a une discrimination non selon l’origine mais selon la localisation de l’entrepôt, ce qui n’est pas une discrimination.
Ainsi, les obstacles juridiques soulevés à l’Assemblée nationale ne pourront pas nous être objectés ici.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Je comprends bien l’intention, et je vois les convergences. Simplement, l’instrument fiscal que vous proposez n’est pas pertinent. En effet, vous proposez une baisse de la TICPE, mais, je vous le rappelle, l’incitation à l’incorporation procède non pas de la TICPE mais de la taxe incitative relative à l’incorporation des biocarburants, la TIRIB.
Si vous aviez proposé un amendement relatif à cette taxe, celui-ci aurait été opérant, mais votre amendement porte sur la TICPE.
M. Jean Bizet. On peut le sous-amender !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Non, il ne suffirait pas de le sous-amender, il faudrait le modifier complètement, changer tout le dispositif ; l’article visé n’est pas le bon. Je le répète, vous visez la TICPE, applicable à tous les carburants – gazole, essence –, mais l’incorporation est assujettie à la TIRIB. Sans même que je me prononce sur le fond, il faudrait déjà viser le bon article.
La commission a donc émis un avis défavorable sur ces amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. J’ajoute, en écho à ce que j’ai pu dire sur les premiers amendements tendant à insérer un article additionnel après l’article 1er quinquies, que la réflexion sur la fiscalité nous semble constituer un sujet à examiner ultérieurement, non dans le cadre du plan d’urgence. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur tous ces amendements.