M. Philippe Dallier. Ce n’est pas caricatural !
Mme Sophie Primas. Ou si peu…
M. Claude Raynal. J’exagère à peine ! (Sourires.)
Plusieurs ministres ont invoqué la nécessité de travailler plus ou la nécessaire remise à plat de la dépense publique.
Mme Sophie Primas. Indispensable !
M. Claude Raynal. On cherche vainement le « en même temps » cher à notre président. Curieusement, rien sur la solidarité nationale nécessaire, rien sur la participation et l’effort des entreprises, une fois l’activité redémarrée, rien sur la participation des plus fortunés d’entre nous, rien sur la contribution du capital à la restauration de nos comptes.
Nous ne repartirons pas avec les recettes du passé ! Nous appelons à davantage de solidarité entre tous et demandons un mécanisme de taxation exceptionnelle du capital. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Sophie Primas. Enfin, on va faire de la politique !
M. Claude Raynal. Une taxation des revenus ou de la consommation serait bien évidemment contre-productive, nous en convenons sans aucune difficulté, eu égard à la spécificité de la crise économique que nous traversons.
Cependant, rien sur le plan économique n’empêche la mise en œuvre d’un mécanisme de solidarité centré sur le capital. Nous vous ferons plusieurs propositions en ce sens durant les débats.
M. Philippe Dallier. Nous n’en doutons pas !
M. Claude Raynal. Je sens qu’il y aura des accords en la matière !
Nous nous permettrons également de mettre en lumière certains secteurs d’activité et certaines situations sociales pour lesquelles nous estimons que la réponse du Gouvernement gagnerait à être complétée.
En conclusion, monsieur le ministre, nous prenons acte des apports du Gouvernement dans ce deuxième PLFR, notamment pour maintenir le potentiel de croissance de notre économie et faire en sorte que les salariés puissent continuer à vivre et être présents pour la relance. La réponse n’est évidemment pas parfaite, mais elle existe, et le texte gagne en crédibilité par rapport à la première mouture.
Le groupe socialiste et républicain le votera, même s’il souhaite bien entendu obtenir des avancées dans le cadre de notre débat. Il ne s’agit cependant pas d’un blanc-seing, et nous demandons au Gouvernement, dans le cadre de cette lecture au Sénat, d’améliorer sa copie, pour permettre plus de transparence dans la communication et plus de solidarité dans les faits.
Messieurs les ministres, je le dis avec gravité, ne prenez pas le risque d’une fracture citoyenne et sociale au lendemain de la crise. Nous n’avons pas besoin de cela. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Dallier. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, il y a à peine plus d’un mois, le Sénat adoptait à la quasi-unanimité, rappelons-le, le premier PLFR, dont les dispositions visaient à limiter les effets d’une crise économique sans précédent par son origine et son ampleur – nous le pressentions –, conséquence du gigantesque shutdown de pans entiers de l’économie mondiale décidé pour enrayer la pandémie de Covid-19.
À crise exceptionnelle, moyens exceptionnels ! Il fallait effectivement préserver notre tissu économique et l’emploi, pour préserver notre potentiel de croissance et permettre, le moment venu, un redémarrage le plus rapide possible. Il fallait également éviter qu’une crise sociale ne s’ajoute à la crise sanitaire. Nous avons donc évidemment approuvé ces mesures.
Cependant, le vote favorable du groupe Les Républicains ne l’avait pas empêché de formuler plusieurs remarques.
Tout d’abord, messieurs les ministres, vos prévisions macroéconomiques nous semblaient alors bien trop optimistes, avec une croissance affichée en recul de 1 % seulement. Les critères d’accès au fonds de soutien aux entreprises nous paraissaient trop restrictifs et présentaient des « trous dans la raquette ». Par ailleurs, le montant de ces aides était faible. Surtout, il s’agissait pour l’essentiel de mesures de trésorerie – reports de charges et d’emprunts déjà contractés, nouveaux emprunts garantis par l’État –, bien évidemment utiles, mais insuffisantes à nos yeux pour les entreprises qui seraient les plus impactées par cette crise.
Il manquait également la possibilité de faire un geste de reconnaissance sonnant et trébuchant envers toutes celles et tous ceux qui, par leur engagement à leur poste de travail – je pense aux soignants, bien sûr, mais aussi à d’autres personnels, qu’ils appartiennent aux trois fonctions publiques ou au privé –, ont permis la continuité du fonctionnement des services publics, mais aussi des entreprises essentielles à la Nation.
Avec ce second PLFR, vous ajustez fortement vos prévisions macroéconomiques, vous assouplissez l’accès aux premiers dispositifs, que vous élargissez, tout en en créant de nouveaux, et vous instaurez la possibilité de primes. Tout cela est bienvenu, monsieur le ministre, et nous l’approuverons, même si notre groupe va proposer un certain nombre d’amendements sur lesquels reviendra Jérôme Bascher.
Pour ma part, j’en évoquerai seulement un. Il concerne une question importante, dont vous repoussez encore le traitement : il s’agit de ces milliers d’entreprises qui ne pourront faire face à la crise, même avec les nouvelles dispositions que nous allons adopter.
Les plus grandes entreprises, les plus stratégiques, pourront bénéficier du fonds de 20 milliards d’euros que vous créez pour des prises de participations de l’État, voire pour des nationalisations. Quid des autres ? Je pense bien évidemment aux entreprises des secteurs du tourisme, de la restauration, de l’hôtellerie et de la culture, dont la reprise d’activité sera encore décalée dans le temps, probablement de plusieurs mois, et pour lesquelles le chiffre d’affaires qui sera perdu le sera définitivement, parce qu’il n’est pas possible de rattraper une saison ratée.
Il faut répondre à cette question, messieurs les ministres, et vite. Vous dites être bien conscients du problème, mais vous repoussez la prise de décision. Pourtant, ces entreprises, peut-être plus que les autres, ont besoin d’un minimum de visibilité, parce qu’elles sont les plus fragiles et que leur existence même est en jeu.
En ce moment, permettez-moi d’avoir une pensée pour ces artisans, ces commerçants, ces agriculteurs, ces libéraux, ces chefs d’entreprises petites ou moyennes, qui, du jour au lendemain, voient la pérennité de leur activité fortement menacée. Très souvent, c’est l’investissement humain et financier d’une vie. La vie des chefs d’entreprise, contrairement à ce que laissent parfois entendre certains, n’est pas un long fleuve tranquille, au bout duquel il n’y aurait qu’à engranger des bénéfices. Eux aussi, du jour au lendemain, ils peuvent tout perdre sans avoir commis la moindre faute de gestion ou la moindre erreur, uniquement victimes des circonstances.
Nous devons mesurer leur angoisse, ainsi que celle de leurs salariés, et y répondre par des annulations de charges et d’impôts. Il y a urgence !
De manière plus générale, il faut également et très rapidement mettre en place un plan de relance de l’activité économique, qui doit être le pendant du plan de déconfinement sanitaire progressif, annoncé pour le 11 mai prochain, c’est-à-dire demain.
Limiter à 8 % la chute de la croissance, ce que nous espérons tous, dépendra de nombreux facteurs endogènes et exogènes, que vous ne maîtrisez pas tous, messieurs les ministres, ce dont personne ne vous fera le reproche. Si nous voulons avoir une chance de ne pas devoir encore réviser ce chiffre à la baisse, il nous faut très rapidement mettre en place le plan de relance annoncé.
Il faut également nous donner la certitude que le pays disposera des moyens de protection nécessaires pour l’ensemble de la population qu’elle soit active ou non. Sur ce point, il faudra bien expliquer aux Français – mais le temps n’est pas venu –, pourquoi nous avons tant manqué de masques et de tests, alors que d’autres pays ont pu mettre en place des stratégies différentes et, finalement, limiter bien mieux que nous les dégâts humains et, probablement, économiques de cette crise sanitaire.
Sur la base de vos prévisions nouvelles, le déficit public serait donc de 9 % cette année, et le déficit budgétaire d’un peu plus de 186 milliards d’euros après le vote de l’Assemblée nationale. C’est un chiffre considérable, mais c’est le prix que nous devons payer, au risque d’aggraver la crise si nous ne le faisions pas.
Cependant, il faut dès à présent penser à l’après. Depuis la crise de 2009, nous n’avons pas su, contrairement à d’autres, inverser la courbe de notre dette en réduisant suffisamment notre déficit public – sans même parler d’un retour à l’équilibre, ce que certains ont fait. Nous avons ainsi perdu dix ans. Notre dette représentera donc à la fin de l’année 115 % de notre PIB et, paradoxe absolu, alors qu’elle aura exactement doublé, passant de 1 200 milliards d’euros à 2 500 milliards d’euros entre 2008 et 2020, elle nous coûtera moins cher en intérêts cette année qu’en 2008 ! C’est un paradoxe auquel nous devons prêter attention.
Pour le moment, nous n’avons eu qu’une petite tension sur les marchés – 70 points de base, ce qui n’est rien. La politique de la BCE a permis de corriger immédiatement le tir. Toutefois, mes chers collègues, nous devons nous poser la question suivante : combien de temps cela va-t-il durer ? C’est « l’insoutenable légèreté de la dette », comme le disait à l’époque Philippe Marini. Soyons-en bien conscients : plus le temps passe et moins nous réagissons, plus le sort de la France dépend d’aléas, plus nous perdons en souveraineté, parce que nous ne sommes plus maîtres de notre destin.
Quant à l’Europe, si elle a pris des décisions importantes, chacun voit bien où sont ses limites : les pays du Nord, l’Allemagne, les Pays-Bas et d’autres ne sont pas prêts à accepter l’idée même d’une mutualisation d’une partie de nos dettes. Par ailleurs, l’écart se creuse encore entre nos économies, alors que nous partageons la même monnaie. Il y a là un risque majeur.
Si nous approuvons les mesures que vous prenez pour faire face à cette crise, nous voulons en même temps, dès aujourd’hui, réaffirmer ici que le nouveau « nouveau monde » que le Président de la République nous a annoncé ne pourra pas mettre de côté la question de la dette et du déficit public. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Jérôme Bascher. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jérôme Bascher. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le lundi de Pâques, le Président de la République annonçait un déconfinement le 11 mai. Le dimanche suivant, le Premier ministre annonçait un déconfinement le 11, mais… (Sourires.)
Au-delà du jeu de mots, la sortie de confinement est complexe, sans vérité, mais essentielle. Elle doit être précise, car, je le dis solennellement ici, la France ne peut pas se permettre un reconfinement. La reprise en V attendue, un V qui ressemble plutôt au symbole de Nike au fil du confinement, ne doit pas être en W puis en L, comme disent les économistes : ce ne serait alors plus une récession, mais une dépression, avec le risque démocratique de sinistre mémoire qui ne manque pas de s’ensuivre.
Ce PLFR 2, plus réaliste que la réaction rapide et bienvenue du PLFR 1, Philippe Dallier l’a dit, ne donnera sa pleine efficacité que sous deux conditions, déjà évoquées dans le Discours de la méthode de Descartes.
Pour réussir le déconfinement, il faut donner de la clarté et un calendrier, secteur par secteur, mais aussi pays par pays, car, vous l’avez dit, monsieur le ministre, tout doit être coordonné. J’ai peur que l’Union européenne ne passe à côté de l’histoire. L’incertitude et les palinodies sont les armes létales de la reprise. Donnons vite des perspectives avec un PLFR 3, véritable pacte de stabilité et de croissance !
Ensuite, seconde condition, il convient d’écouter et de réagir aux manques que ce plan globalement bien construit et bien calibré laisse entrevoir, malgré votre bonne volonté.
J’en viens à l’esprit qui nous anime : faire remonter les inquiétudes de l’économie réelle oubliées par les administrations centrales, les fameux « trous dans la raquette » des aides. La commission des affaires économiques, sous l’impulsion de Sophie Primas, comme celle des finances, avec Vincent Éblé et Albéric de Montgolfier, mais aussi celle des affaires européennes, avec Jean Bizet, y travaillent.
J’évoquerai tout d’abord trois sujets budgétaires. Il manque des crédits pour la culture, les intermittents, les vacataires du patrimoine, mais aussi pour l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE), comme l’ont souligné nos collègues représentants des Français établis hors de France, Robert del Picchia, Christophe-André Frassa, Ronan Le Gleut et Jacky Deromedi.
Il manquera aussi des crédits pour un dispositif, le Fonds d’intervention pour la sauvegarde de l’artisanat et du commerce (Fisac), que Bercy veut faire disparaître depuis vingt ans et que nous défendons ici. Il jouera un rôle clef pour l’après.
Nous avons pensé à un fonds abondé par ceux qui profitent de l’oligopole administratif, créé à la suite de la fermeture de certains magasins.
Car c’est notre grande conviction : les efforts de crise doivent être partagés par tous, banquiers et assureurs, grandes surfaces, État et collectivités, mais aussi contribuables et travailleurs de tout type, syndicats, qui doivent jouer le jeu du travail et du dialogue. (Protestations sur les travées des groupes SOCR et CRCE.) Et je n’oublie pas les actionnaires, qui peuvent rogner sur leurs dividendes…
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. C’est vous qui avez dérivé à gauche !
M. Jérôme Bascher. Il ne doit pas y avoir non plus de trous dans la raquette des efforts.
Plusieurs amendements que nous soutenons visent à améliorer l’efficacité et la justice de ce plan de soutien. Ils sont inspirés du terrain et de nos groupes de travail.
Il s’agit de transformer les reports de charges sociales et fiscales en dégrèvements, notamment pour le secteur des hôtels, cafés et restaurants, ainsi que pour le tourisme, la culture et l’événementiel. Il convient également de rendre certaines sociétés civiles immobilières (SCI) éligibles aux prêts garantis par l’État, de reporter la hausse de la TICPE appliquée au gazole non routier (GNR) dans le BTP, secteur qui se porte fort mal. Il faut aussi introduire, dans la commande publique, des critères locaux, raccourcir les délais pour engager plus vite les chantiers, relever le plafond de défiscalisation des dons et du mécénat liés à la crise sanitaire, baisser la TVA sur les masques et les gels hydroalcooliques,…
M. Jérôme Bascher. … surtout lorsque ce sont les collectivités qui les financent à la place de l’État. Enfin, des prêts devront être directement consentis par Bpifrance, certaines banques ne jouant pas le jeu.
S’agissant des prises de participation, je crois plus à celles de Bpifrance et de la Caisse des dépôts et consignations qu’à celles de l’État, qui se révèle souvent un bien mauvais actionnaire, enfermé dans des injonctions paradoxales.
Ce PLFR pose de nombreuses questions pour la suite. J’en évoquerai trois.
Comment les banques noteront-elles le bilan des entreprises pour l’année 2020 ? Il sera bien évidemment catastrophique. Je rappelle à cet égard que les prêts de trésorerie viennent grever les bilans et sont assujettis à l’impôt sur les sociétés.
Par ailleurs, avec des dépenses publiques représentant 60 % du PIB, y a-t-il de la place pour un plan de relance budgétaire ? Un tel niveau de dépenses est « communiste », ce qui devrait faire plaisir à notre collègue Éric Bocquet…
La montagne des dettes que nous avons contractées est le respirateur artificiel de notre économie. Le fait que les stabilisateurs économiques, très élevés en France, n’aient pas joué leur rôle soulève certaines questions.
Enfin, la réactivité de notre système administratif a montré ses limites. Il faudra déconcentrer, décentraliser, et transformer le préfet en vrai patron de toutes les administrations : agence régionale de santé (ARS), direction départementale des finances publiques (DDFiP) et rectorats compris.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Il faut supprimer les ARS !
M. Jérôme Bascher. Faites confiance au local, les élus locaux se sont montrés exemplaires dans cette crise !
Méfions-nous de toutes les tracasseries et complications que la bureaucratie française tente de constituer par atavisme, malgré elle, comme l’a si bien dit Bruno Retailleau.
Penser global, c’est l’objet de ce PLFR. Agir local, ce doit être la souplesse et l’agilité, nécessaires en ces temps de crise, et permettant la déclinaison de ce texte.
Messieurs les ministres, le Sénat joue pleinement son rôle sur ce volet économique et budgétaire comme il l’a fait s’agissant des libertés individuelles, sous l’égide de Philippe Bas.
Le Gouvernement appelle à l’union nationale. Avec le PLFR 1, le Sénat a adopté cet état d’esprit. Avec le PLFR 2, c’est au Gouvernement de montrer le sien : faisons de part et d’autre assaut de modestie et de détermination, face à une crise qui interroge notre humanité. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie et des finances.
M. Bruno Le Maire, ministre. Permettez-moi de revenir rapidement, monsieur le président, sur deux points évoqués par tous les orateurs.
Il s’agit tout d’abord du calendrier et des perspectives économiques dans les semaines et les mois à venir. Je souhaite que nous puissions procéder étape par étape, ne serait-ce que par souci de clarté vis-à-vis des Français.
Le premier temps a été celui de la riposte économique : c’est le plan d’urgence économique que nous avons mis en place et qui est amélioré par ce projet de loi de finances rectificative, lequel tient compte, je le répète, des remontées du terrain, des critiques, des observations et des propositions.
Le deuxième temps est celui de la reprise économique, de la reprise du travail, à partir du 11 mai pour certains secteurs. Nous devrons alors préciser, par des codes de bonnes pratiques, sous quelles conditions pourront se rouvrir un certain nombre de commerces. Ce deuxième temps s’étalera sur plusieurs semaines. Il durera un peu plus longtemps pour certains secteurs comme la restauration, qui sont soumis, nous l’avons tous dit, à des contraintes particulières.
Le troisième temps sera celui de la relance économique. À mon avis, rien ne serait pire que de mélanger les différentes étapes, ne serait-ce que vis-à-vis de nos compatriotes. La riposte est immédiate ; la reprise aura lieu dans quelques jours pour un certain nombre de secteurs économiques ; et la relance est située à un horizon de plusieurs semaines, voire de plusieurs mois, pour être efficace, bien calibrée et coordonnée avec nos partenaires européens.
Ensuite, je ne voudrais pas, devant la représentation nationale, laisser flotter l’idée que le Gouvernement tablerait sur une reprise économique rapide. Telle n’a jamais été notre position. Vous pouvez reprendre toutes mes déclarations depuis plusieurs semaines, j’ai toujours indiqué que la reprise économique serait lente, longue et coûteuse, et je ne retire pas un seul de ces mots. Selon moi, le discours de vérité est le bon discours vis-à-vis des Français.
C’est vrai, cette crise est sans précédent dans notre histoire économique récente. Dans son intensité, elle n’est comparable qu’à la grande récession de 1929. Retrouver des niveaux de croissance économique et de prospérité comparables à ceux que nous avons connus prendra du temps, sera difficile et coûteux. Il vaut mieux le dire dès le départ.
Les raisons en sont très simples et très pratiques. Certains secteurs industriels ont été presque totalement à l’arrêt pendant plusieurs semaines. Les chaînes de valeur ne vont pas se ranimer du jour au lendemain. Il faudra d’abord trouver des matières premières. Regardez ce qui se passe aujourd’hui avec le cobalt, qui permet de fabriquer des batteries électriques ! La République démocratique du Congo a confiné un certain nombre de ses mines dans lesquelles est extrait le cobalt. Ainsi l’approvisionnement en matières premières va-t-il s’avérer compliqué. Je pense également à l’exemple du lithium et à ce qui se passe en Amérique du Sud et dans tous les pays en développement.
Certaines chaînes de production sont très complexes. La construction d’un Airbus nécessite 500 000 pièces ! Il ne suffit pas d’appuyer sur un bouton pour que la machine redémarre immédiatement : des centaines de sous-traitants doivent se remettre en branle, ce qui est long, lent et difficile. Les chaînes de valeur sont complexes, et nous ne pourrons pas les simplifier du jour au lendemain, sans compter que l’approvisionnement en matières premières peut poser un certain nombre de difficultés.
Par ailleurs, nous sommes dans l’incertitude s’agissant de la situation pandémique tant que nous n’avons pas de vaccin. Or rien n’est plus défavorable à la reprise économique que l’incertitude. En effet, les consommateurs pourraient avoir un comportement de thésaurisation, ce qui les conduirait à abonder leur livret A et leur livret de développement durable. De la même manière, les investisseurs n’aiment pas non plus l’incertitude.
Aucun d’entre nous, il faut avoir l’humilité de le reconnaître, ne peut avoir de certitude pour ce qui concerne la sécurité sanitaire. Nous devons l’accepter, et bien voir qu’elle pèsera sur la reprise économique.
Enfin, troisième raison, la reprise sera lente, difficile et coûteuse parce qu’elle devra s’accompagner de règles sanitaires strictes. Faire fonctionner un commerce en instaurant des règles concernant le nombre de clients par mètre carré, rouvrir un restaurant avec des règles de distanciation, relancer une industrie avec des règles d’accès différentes, relancer des administrations – on le voit à Bercy, Gérald Darmanin peut en témoigner – avec des règles de présence différentes, ce n’est pas simple et cela empêche l’économie de tourner à plein régime ! Je pense notamment à l’organisation de la cantine, mais aussi du télétravail, nécessaire pour s’assurer que les locaux ne sont pas trop remplis.
Je ne fais que vous exposer, avec beaucoup d’humilité, des raisons très simples et très pratiques, pour expliquer que la relance de l’économie sera longue, difficile et coûteuse. C’est mon langage depuis le premier jour, et c’est un langage de vérité. (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM et UC.)
M. le président. Mes chers collègues, compte tenu du nombre d’amendements déposés, à savoir 339, et afin d’organiser nos travaux dans de bonnes conditions, je vous propose de suspendre la séance jusqu’à vingt et une heures trente.
Monsieur le président de la commission des finances, pouvez-vous nous indiquer l’heure à laquelle vous souhaitez réunir la commission ?
M. Vincent Éblé, président de la commission des finances. Je propose que la commission se réunisse à dix-neuf heures. Il y a en effet un délai nécessaire à l’élaboration du dérouleur par les services de la séance.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Si j’ai bien compris, et pour réorganiser nos agendas, sont prévues une séance de nuit et une séance demain matin.
M. le président. Nous cesserons nos travaux à minuit et demi, pour pouvoir reprendre demain matin à neuf heures et demie, monsieur le ministre.
La parole est à M. Bruno Retailleau.
M. Bruno Retailleau. Monsieur le président, pouvez-vous nous préciser l’organisation des jours qui viennent, afin que chaque groupe puisse organiser efficacement ses propres travaux ?
M. le président. La réunion de la commission des finances aura lieu à dix-neuf heures ce soir. Nous poursuivrons nos travaux de vingt et une heures trente à minuit et demi. Il est prévu que la séance soit ouverte demain, le matin, l’après-midi et, éventuellement, le soir.
La commission mixte paritaire aurait lieu jeudi à onze heures, et le Sénat examinerait ses conclusions jeudi après-midi.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures trente, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)