COMPTE RENDU INTÉGRAL
Présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires :
Mme Catherine Deroche,
Mme Patricia Schillinger.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu intégral de la séance du mercredi 1er avril 2020 a été publié sur le site internet du Sénat.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté.
2
Conférence des présidents
M. le président. Mes chers collègues, les conclusions adoptées par la conférence des présidents qui s’est réunie hier sont consultables sur le site du Sénat.
Elles prévoient le maintien chaque mercredi d’une séance de questions d’actualité au Gouvernement, sous le format adapté et restreint déjà mis en place, pour le restant des semaines du mois d’avril.
En l’absence d’observations, je les considère comme adoptées.
Conclusions de la conférence des présidents
Mercredi 8 avril 2020
À 15 heures
- Questions d’actualité au Gouvernement
• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mardi 7 avril 2020 à dix-huit heures
Mercredi 15 avril 2020
À 15 heures
- Questions d’actualité au Gouvernement
• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mardi 14 avril 2020 à dix-huit heures
Mercredi 22 avril 2020
À 15 heures
- Questions d’actualité au Gouvernement
• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mardi 21 avril 2020 à dix-huit heures
Mercredi 29 avril 2020
À 15 heures
- Questions d’actualité au Gouvernement
• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mardi 28 avril 2020 à dix-huit heures
3
Questions d’actualité au Gouvernement
M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Je rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat.
Monsieur le Premier ministre, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, je souhaite excuser l’absence du ministre Marc Fesneau, qui est retenu par un deuil familial.
Je tiens à lui exprimer, au nom du Sénat, toute ma sympathie dans l’épreuve que lui-même et sa famille traversent. Je me suis entretenu hier avec lui au téléphone : qu’il sache que les présidents des groupes s’associent pleinement à mon propos.
premier bilan du confinement
M. le président. La parole est à M. François Patriat, pour le groupe La République En Marche.
M. François Patriat. Monsieur le président, pour reprendre les propos que vous avez tenus récemment, l’heure est aujourd’hui à la lutte contre l’épidémie, ainsi qu’au soutien aux personnels soignants et à tous ceux qui souffrent de cette monstrueuse maladie.
Monsieur le Premier ministre, la France entre ces jours-ci dans une quatrième semaine de confinement, dispositif qui sera sans doute appelé à être prolongé, chacun en est bien conscient. L’heure est plus que jamais à l’unité nationale, comme ce fut toujours le cas pour notre peuple dans les périodes tragiques. Et j’espère que cette unité nationale sera renforcée, même si je sais que c’est difficile, par une unité européenne.
J’entends bien ici et là se lever les critiques de divers donneurs de leçons, non pas pour informer ou pour participer, mais pour instaurer par avance, à un moment malvenu, des procès. La critique est aisée, mais l’art est difficile.
Or, selon un sondage paru ce matin, 67 % des Français disent avoir bon moral, malgré la situation sanitaire et les mesures de confinement. Nous savons que le pic de la contagion est encore devant nous, même si la courbe s’est heureusement aplanie. Cependant, nul ne peut nier que les conséquences économiques et sociales seront graves et nous affecteront fortement.
À mon tour, je remercie toutes celles et tous ceux qui participent à l’effort national, notamment le personnel soignant, bien entendu, sans oublier les Français qui suivent les consignes de sécurité.
Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous nous faire part du bilan de ces trois premières semaines sur le plan de la santé, mais aussi sur les plans économique et social, au vu de toutes les mesures importantes prises par le Gouvernement, le plus souvent avec l’accord de notre assemblée ?
Il s’agit de bien faire comprendre aux Français que leurs efforts paient, afin de les encourager à les poursuivre.
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur Patriat, vous me demandez un point d’étape sur le confinement.
Cette mesure a été prise conformément à la stratégie suivante : faire en sorte que le nombre de cas sévères de malades qui justifient une hospitalisation et, parfois, une admission dans un service de réanimation ne dépasse pas la capacité d’accueil des établissements français. Tel est l’objectif du confinement.
Pour faire face au nombre élevé des cas sévères, nous avons considérablement augmenté notre capacité d’accueil dans les services de réanimation.
J’y insiste, parce qu’il s’agit en vérité d’un succès à bas bruit. Le système de soins français est passé d’une capacité normale de 5 000 lits de réanimation à plus de 10 000 lits aujourd’hui, tout en continuant d’accueillir, dans des conditions de tension considérable, un nombre de malades en situation grave, souvent pendant une très longue période. C’est exceptionnel.
La mobilisation du système de soins, c’est bien évidemment l’engagement des personnels soignants, il faut le dire et le répéter, mais aussi l’engagement de tous ceux qui concourent à l’offre de soins.
Je pense notamment aux personnels administratifs dans les agences régionales de santé, qui ont accompli un travail remarquable pour permettre, justement, la montée en puissance des capacités de réanimation. Je pense aussi à ceux qui ont organisé les évacuations sanitaires auxquelles nous avons procédé entre régions ou vers l’étranger : ils ont réalisé un exploit logistique qui n’avait jamais été seulement imaginé dans de telles proportions.
Au moment où nous parlons, le nombre d’admissions dans les services de réanimation – c’est l’indicateur essentiel que nous suivons à ce stade – ralentit, bien qu’il progresse encore ; l’augmentation est désormais très lente.
Nous avons dépassé le seuil des 7 000 personnes en réanimation, ce qui est du jamais vu ! Il n’y avait jamais eu en France autant de personnes dans cette situation à cause d’une seule et même maladie. Et jusqu’à présent, nous avons réussi à accueillir dans ces services tous les cas sévères.
Un élément laisse entrevoir un peu d’espoir – vous remarquerez ma prudence, monsieur Patriat. En effet, la progression continuant de ralentir, peut-être sommes-nous en train d’atteindre quelque chose qui ressemblerait à un plateau, ce qui constitue plutôt une bonne nouvelle. Tel est très certainement l’effet du confinement, ce qui vient confirmer la nécessité de cette mesure.
Tel est le bilan sanitaire que je souhaitais dresser. S’il est possible de faire un point d’étape, en revanche, il n’est pas possible d’établir le bilan définitif du confinement, car ce dernier est appelé à durer.
Si tel n’était pas le cas, ou si le confinement n’était pas respecté, nous prendrions le risque – ce serait même une certitude – d’une propagation très rapide du virus. Aussi, le nombre de cas admis en réanimation augmenterait, alors même que le tissu hospitalier a été sursollicité et qu’il se trouve dans un état de stress et de fatigue qu’il faut évidemment bien avoir en tête.
C’est la raison pour laquelle, je le dis régulièrement, l’heure du déconfinement n’est pas venue. Toute notre énergie doit être consacrée à faire en sorte que le confinement soit respecté, pour que ses effets positifs puissent se confirmer, au travers du nombre de cas sévères admis en réanimation.
J’ajoute qu’un certain nombre d’inquiétudes qui étaient les nôtres, notamment sur la capacité à fournir des médicaments compte tenu de l’augmentation incroyable de l’utilisation de ces derniers, en France et partout dans le monde, à un rythme incroyablement intense, n’ont plus lieu d’être. Nous savons faire face à ce risque, ce dont je me félicite.
Le confinement a donc un effet sanitaire positif s’agissant du Covid-19. Mais il a également un effet sanitaire négatif qu’il convient de ne pas négliger, à savoir le moindre recours aux soins de tous ceux qui sont malades ou susceptibles de l’être. Il peut en effet leur être difficile d’aller chez le médecin ou de trouver un spécialiste, lequel a parfois cessé son activité ; j’ai un exemple précis en tête, dans une ville qui m’est chère.
Le ministre des solidarités et de la santé a été très clair hier s’agissant de cet enjeu sanitaire essentiel : les soins de ville et les examens doivent continuer à être prodigués pendant la durée du confinement. C’est le deuxième point que je voulais souligner.
Le troisième point a trait à l’impact économique, qui est massif, très négatif et brutal. Il se traduira, en France comme partout dans le monde – les impacts nationaux se répondront et accroîtront encore le phénomène –, par un choc économique que chacun imagine, mais dont personne ne connaît encore l’ampleur.
S’agissant du bilan des mesures prises, le dispositif de chômage partiel, que nous avons proposé et que vous avez adopté, est très fortement sollicité, puisque près de 6 millions de salariés sont aujourd’hui concernés, ce qui est absolument considérable en termes de coût collectif.
Les reports de charges fiscales et sociales ont permis de soulager de près de 7 milliards d’euros la trésorerie des entreprises pour le seul mois de mars dernier. Bien évidemment, c’est aussi quelque chose de considérable.
Le Fonds de solidarité a été abondé par l’État, à hauteur de 750 millions d’euros, par les assureurs, à hauteur de 100 millions d’euros – mais ils ont promis 200 millions d’euros – et par les régions, qui verseront bientôt leur contribution.
Ce fonds, créé au début de la semaine, a déjà répondu à près de 700 000 demandes. Il a distribué, ou il est sur le point de le faire, 700 millions d’euros aux TPE (très petites entreprises) les plus durement frappées par la crise.
Enfin, le prêt garanti par l’État se déploie rapidement, avec des préaccords de financement qui portent, au moment où je vous parle, sur plus de 13 milliards d’euros.
Même si la réponse est massive, l’impact sera considérable, ne nous voilons pas la face. Il est encore beaucoup trop tôt pour l’apprécier, puisqu’il sera très directement lié à la durée du confinement, lequel est aujourd’hui appelé, de toute évidence, à persister quelque temps encore. Nous aurons l’occasion de revenir sur ce point. (M. François Patriat applaudit.)
accueil du public dans les commerces alimentaires
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, après maintenant plus de trois semaines de confinement, l’immense majorité de nos concitoyens a pris la mesure des règles de sécurité sanitaire à appliquer.
Bien sûr, toutes ces contraintes sont difficiles à vivre. Je me réjouis de la vertu civique de tous ceux qui ont compris que nous vaincrons aussi ce virus par notre responsabilité collective. À charge, pour l’État, de transmettre des recommandations claires et cohérentes, qui seront ainsi d’autant plus efficaces.
Je voudrais évoquer la situation des commerces alimentaires, qui assurent chaque jour l’approvisionnement de notre pays, sans rupture majeure. Je veux saluer en particulier tous les salariés de ce secteur, dont nous mesurons encore plus l’importance, à un moment où ils travaillent dans des conditions difficiles et parfois angoissantes. Nous devons les protéger.
Pour beaucoup de Français, aller faire ses courses est devenu la seule sortie, créant parfois un « effet promenade » irresponsable lorsque cette sortie devient familiale ou s’étire dans la durée.
Si votre gouvernement a déjà restreint la tenue des marchés en lieux ouverts, aucune norme n’a encore été édictée pour préciser les conditions d’accueil du public dans les grandes surfaces et protéger les salariés comme les clients. Cette réglementation est pourtant indispensable, dès lors que les grandes surfaces captent l’essentiel de la distribution alimentaire et peuvent, en outre, vendre d’autres produits.
Monsieur le Premier ministre, des propositions sont déjà sur la table. Par exemple, en Loire-Atlantique, un groupe de soutien scientifique créé sur l’initiative de notre collègue Ronan Dantec a formulé plusieurs recommandations, validées régionalement par l’ARS (agence régionale de santé), telles que la nécessité de se laver les mains à l’entrée des grandes surfaces. En Espagne, il est désormais exigé un panier minimum de course pour justifier une sortie.
Monsieur le Premier ministre, allez-vous saisir le Haut Conseil de la santé publique de ce sujet ?
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Monsieur Requier, comme vous, je souhaite tirer un coup de chapeau à l’ensemble de la chaîne alimentaire, des producteurs aux distributeurs, quelle que soit d’ailleurs la forme de cette distribution.
Le système français tient. Il permet à notre pays de ne connaître ni de craindre de pénurie alimentaire. C’est un remarquable exemple de résilience, même si tout cela s’effectue dans des conditions parfois difficiles, je le sais. Le pays a réussi à trouver une façon de garantir l’approvisionnement alimentaire, et je veux saluer tous ceux qui participent à cet effort, qu’ils soient producteurs, agriculteurs ou commerçants de la petite ou de la grande distribution.
Les petits commerces, comme les boulangeries, continuent à exercer leur activité, dont nous avons besoin. Ils nous permettent non seulement de conserver un minimum de lien social, ce qui est utile, mais aussi de garantir le bon approvisionnement alimentaire. Comme vous, monsieur Requier, je tiens à les saluer.
Je le rappelle, l’ensemble des commerces alimentaires peut fonctionner, dans la mesure évidemment où ceux-ci sont capables de garantir la sécurité sanitaire et le bon fonctionnement de leurs activités.
Vous avez évoqué les règles. Il y a tout d’abord des règles générales – je pense au respect des gestes barrières et de la distanciation sociale –, qui doivent être respectées.
Face à une épidémie, le courage, c’est le civisme, c’est-à-dire le respect d’une règle commune.
Nous avons besoin de civisme, y compris dans l’acte le plus quotidien, celui d’acheter son pain. Néanmoins, cet appel au bon sens – ce dernier prévaut dans l’immense majorité des cas, nous le savons tous – ne suffit pas. Il faut bien évidemment organiser les choses de façon que la sécurité sanitaire soit assurée.
C’est la raison pour laquelle la ministre du travail, avec les organisations syndicales et toute une série d’experts, a lancé une réflexion visant à produire des guides de bonnes pratiques, métier par métier, activité par activité. Ces documents sont très concrets et souvent très imagés. Il s’agit de proposer de bonnes conduites permettant d’atteindre l’objectif que nous nous sommes fixé.
Ces guides sont désormais au nombre de trois, me semble-t-il, et s’appliquent notamment à la boulangerie et aux métiers de caisse.
J’invite l’ensemble de ceux qui participent à cette chaîne d’activité à se reporter à ces guides et à les mettre en œuvre. C’est à ce prix que nous pourrons faire prévaloir à la fois les règles de bonne conduite, de civisme et de sécurité sanitaire et la nécessaire poursuite de l’activité. Les petits artisans du commerce alimentaire et les grandes surfaces de distribution alimentaire doivent continuer leur activité et survivre. Elles rendent en effet à la Nation un service inestimable.
Dans une période de confinement, il ne peut y avoir uniquement l’activité hospitalière et l’activité de soins. Il faut bien que notre pays continue à manger et à disposer d’électricité. Toute une série d’activités doit continuer à être assurée, parfois dans le cadre d’un service minimum, afin que les chaînes logistiques ne s’interrompent pas, pour ne pas perturber in fine la continuité de la vie de la Nation.
Autrement dit, il faut conjuguer trois éléments : respect du civisme, coup de chapeau à ceux qui organisent la production et distribution et guides de bonnes pratiques. J’espère que, ainsi, tout se passera pour le mieux.
M. le président. La parole est à M. Pierre Laurent, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
M. Pierre Laurent. Monsieur le ministre des solidarités et de la santé, quand la pandémie a frappé notre pays, médecins et personnels soignants vous alertaient depuis des années. Vous refusiez de les écouter.
Après notre tour de France des hôpitaux, nous avons déposé un projet de loi d’urgence, à la fin de 2019. Vous avez refusé de nous écouter.
Toujours à la fin de 2019, vous avez fait voter un projet de loi de financement de la sécurité sociale si insuffisant que, hier, le bureau de la commission des affaires sociales du Sénat a soutenu unanimement la demande d’un projet de loi de financement de la sécurité sociale rectificative.
Aujourd’hui, médecins et personnels se donnent corps et âme, admirables, pour sauver des vies. Tout le pays les soutient. Mais ils ont la rage au cœur. Le dévouement n’a pas effacé la colère, monsieur le ministre, soyez-en sûr.
Aujourd’hui, vos mots changent. Vous dites : « Rien ne sera plus comme avant ». Le Président de la République a affirmé, au fil de ses déclarations, que « la santé gratuite est un bien précieux », qu’« il est des biens et des services qui doivent être placés en dehors des lois du marché » et qu’« un plan d’investissement massif devra être conduit pour l’hôpital public ».
Que vont devenir ces mots, monsieur le ministre ?
Nous apprenons par exemple avec stupéfaction, par Mediapart, qu’une note d’experts de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), commandée par l’Élysée, prévoit au contraire d’aggraver la marchandisation de la santé et de l’hôpital.
C’est hallucinant, alors même que dans le pays les balcons non seulement applaudissent, mais désormais se couvrent de banderoles pour demander – je cite, par exemple, les termes d’une pétition qui vient de recueillir 100 000 signatures en quelques jours – « de l’argent pour l’hôpital, pas pour le capital » !
Monsieur le ministre, j’ai deux questions.
Premièrement, pouvez-vous démentir que l’orientation prônée par la note de la CDC soit actuellement envisagée ?
M. Pierre Laurent. Deuxièmement, comment le futur plan pour l’hôpital et pour la stratégie de santé publique va-t-il être construit ? Par qui ? Selon quel processus transparent ?
En clair, quelle méthode d’élaboration démocratique allez-vous mettre en place dans le pays et au Parlement pour que, vraiment, rien ne soit plus comme avant, et surtout pas votre méthode de gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur Pierre Laurent, je vous remercie de votre question, qui porte sur l’hôpital – le Premier ministre a eu l’occasion de souligner, il y a quelques instants, que l’hôpital pouvait réaliser des choses incroyables dans notre pays.
J’ai toujours considéré – comme vous, je le sais – que l’hôpital public, comme d’ailleurs l’hôpital privé, était un outil puissamment moderne et agile, capable de soulever des montagnes, capable de doubler, voire de tripler, le nombre de ses lits de réanimation quand il le faut pour sauver des vies, capable de mobiliser son personnel d’un jour à l’autre, d’un bout à l’autre de la France, toujours pour sauver des vies.
Alors que semble se profiler, comme l’a dit le Premier ministre, le plateau de cette vague épidémique, cet hôpital moderne et solide nous permet d’éviter des situations humaines plus désastreuses encore, telles que celles que nous avons pu observer à l’étranger.
C’est pourquoi nous avons annoncé, dès la semaine dernière, que tous les plans et opérations de restructuration hospitalière, même ceux qui sont soutenus par les élus, quel que soit leur bord politique, y compris, d’ailleurs, lorsqu’il s’agit du vôtre – cela arrive ! –, étaient suspendus pendant la période que nous traversons. (Protestations sur les travées du groupe CRCE.) Si, je vous assure que tel est le cas.
Dans la crise provoquée par le coronavirus, nos efforts sont totalement consacrés au soutien de l’hôpital et des soignants. Et le Président de la République, le 23 mars dernier, à Mulhouse, a eu des mots très forts – vous les avez vous-même rappelés, d’ailleurs –, annonçant un grand plan d’investissements, une revalorisation des carrières et, pour notre système de santé, une reconnaissance à la mesure de ce qu’il apporte de merveilleux dans notre société.
Vous m’interrogez aussi sur la méthode. Celle-ci passe par une concertation. Il est indispensable que nous demandions à celles et à ceux qui font l’hôpital aujourd’hui, et qui sont applaudis par les Français, ce qu’ils attendent de l’hôpital, de leur outil de travail, pour aujourd’hui comme pour demain. Cela ne doit pas nous retarder, néanmoins, dans notre capacité à dire à l’hôpital, qui nous apporte tant, ce que, en retour, nous voulons lui apporter.
Les choses, monsieur Laurent, sont donc très claires. Ce débat traversera l’ensemble de la représentation nationale, ici comme à l’Assemblée nationale, mais je suis presque certain que nous saurons trouver, après une épidémie de cette ampleur, des voies de passage vers un consensus.
Ce consensus ne sera peut-être pas total, mais il me semble que la direction voulue par le Gouvernement pour l’hôpital est largement partagée sur les travées de cette assemblée – tel est en tout cas le message que je reçois de la part de l’union nationale qui s’est fait jour depuis le premier instant de cette crise épidémique.
approvisionnement en masques de protection
M. le président. La parole est à M. Jérôme Durain, pour le groupe socialiste et républicain.
M. Jérôme Durain. Ma question s’adresse à M. le ministre des solidarités et de la santé.
Le Président de la République a décrété l’état de guerre et la mobilisation générale contre le coronavirus. Des élus de tous les partis se sont mobilisés pour répondre aux besoins exprimés par le personnel des hôpitaux, par celui des Ehpad (établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes), par les pharmaciens et par les soignants libéraux.
Ces besoins n’étaient, pour certains, pas satisfaits par l’État. Des régions, des départements et des communes se sont démenés pour combler les manques, notamment en masques. Ils l’ont fait en informant l’État, par l’intermédiaire des préfets et des agences régionales de santé (ARS).
L’État a malheureusement pu donner l’impression de ne pas être capable d’accompagner l’action de chacun de ces acteurs. Un épisode malheureux a ainsi eu lieu lors de la réception d’une livraison de masques commandée par les régions Bourgogne-Franche-Comté et Grand Est, ainsi que par l’État. En effet, l’armée a réquisitionné, sur le tarmac, l’ensemble de la commande. Cette réquisition aurait pu être comprise si elle avait été annoncée, expliquée ou justifiée. Il n’en a rien été !
Plusieurs autres cas similaires constatés sur le territoire national renvoient aux élus locaux un sentiment décourageant de frustration, voire d’inefficacité. Ceux qui voient les masques dont ils ont besoin partir vers d’autres territoires le ressentent même comme une expression de mépris à l’égard de leur propre population.
Alors même que, sur le terrain, le dialogue est bon entre l’État territorial et les élus, comme entre les élus eux-mêmes, l’État central continuer de donner le sentiment qu’il improvise, faute d’avoir suffisamment anticipé, et qu’il coordonne mal ses troupes, préfets et ARS.
Cette question de la confiance et de la coordination entre les acteurs est primordiale. Nos besoins en masques ne vont pas diminuer ; un nouveau changement de doctrine concernant le port des masques est d’ailleurs attendu.
Monsieur le ministre, allez-vous transmettre et faire appliquer des consignes claires, pour que l’État régule, coordonne et ne parle que d’une seule voix ?
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.
M. Christophe Castaner, ministre de l’intérieur. Monsieur le sénateur Durain, vous posez la question des difficultés d’approvisionnement en masques sur le marché mondial et vous évoquez les commandes réalisées par les uns et par les autres – les collectivités locales, vous l’avez dit, prennent toute leur part de cet effort.
L’événement que vous mentionnez – il est important de partir de ce qui s’est réellement passé à l’aéroport de Bâle-Mulhouse –, est la conséquence de la course aux masques.
Un certain nombre d’importateurs prennent des commandes de différents interlocuteurs, État ou collectivités locales.
Dans le cas particulier que vous évoquez, il n’y a pas eu de réquisition, ni par l’armée ni par qui que ce soit. Il y a eu des commandes – des commandes légitimes, fortes, faites par des collectivités locales et par l’État, et en particulier par l’ARS du Grand Est. Cette dernière avait commandé et attendait de l’importateur dont il est question quelque 6 millions de masques.
Toutefois, les livraisons initialement prévues n’ont pas été au rendez-vous. Une première commande de 2 millions de masques a été livrée à l’ARS, qui a pu distribuer ceux-ci largement ; l’importateur devait livrer le reste, soit 4 millions de masques, dimanche dernier, par un avion spécialement affrété.
Or cet importateur avait aussi pris les commandes de deux collectivités locales, la région Bourgogne-Franche-Comté et le département des Bouches-du-Rhône. Au moment de la livraison, seuls 3,4 millions de masques étaient disponibles ; ils ont été dévolus en priorité aux personnels soignants de la région Grand Est. Chacun sait qu’il ne s’agit pas là de concurrence, dès lors que l’enjeu était de fournir en priorité ces personnels soignants.
Votre question me donne l’occasion de réaffirmer – je le ferai de nouveau dans quelques instants en répondant au sénateur Philippe Bas – qu’il n’est évidemment pas question qu’une guerre des masques ait lieu entre les collectivités locales et l’État. Nous devons tout faire pour travailler main dans la main ; c’est là le sens des instructions que j’ai rappelées hier soir à l’ensemble des préfets.
M. le président. La parole est à M. Jérôme Durain, pour la réplique.
M. Jérôme Durain. Je vous remercie, monsieur le ministre, de cette réponse.
Ce que nous constatons sur le terrain, c’est que, dans ma région du moins, nous travaillons bien avec l’État, avec le préfet et avec l’ARS, mais que les préfets ne se parlent pas forcément entre eux, non plus que les ARS entre elles, et que les premiers n’échangent pas toujours avec les secondes, que ce soit sur cette question des masques ou sur d’autres problèmes.
Il s’agit d’une question non pas d’achat ou d’approvisionnement, mais de coordination. Face au coronavirus, nous avons besoin d’une équipe soudée. Elle l’est. Mais il nous faut aussi un bon entraîneur : l’État !
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