compte rendu intégral
Présidence de M. GÉrard Larcher
Secrétaires :
M. Joël Guerriau,
M. Dominique de Legge.
1
Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Communication relative à une commission mixte paritaire
M. le président. Mes chers collègues, la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19, qui vient juste de s’achever, est parvenue à un accord.
Afin de permettre le dépôt et la diffusion du texte élaboré par la commission mixte paritaire, je vais toutefois devoir suspendre la séance.
Elle sera reprise à seize heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures trente-cinq, est reprise à seize heures trente.)
M. le président. La séance est reprise.
3
Hommage à Jacques Oudin, ancien sénateur
M. le président. Monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est avec une profonde émotion que nous avons appris le décès hier de notre ancien collègue Jacques Oudin, qui fut sénateur de la Vendée de 1986 à 2004. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement, se lèvent.)
Conseiller général du canton de Noirmoutier-en-l’Île, vice-président du conseil général de la Vendée, conseiller municipal de La Guérinière, Jacques Oudin fut l’un des piliers de la vie politique vendéenne. Il participa activement au développement de son département, et notamment de l’île de Noirmoutier, grâce à ses nombreuses contributions au sein de l’association vendéenne des élus du littoral.
Élu sénateur de la Vendée en 1986, Jacques Oudin appartenait au groupe du Rassemblement pour la République. J’eus le plaisir de partager avec lui nombre de réunions de notre groupe et de journées parlementaires.
Pendant ses deux mandats, il fut un membre éminent de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation, dont il fut secrétaire, puis vice-président. La commission bénéficia des compétences de ce magistrat de la Cour des comptes et de cet ancien membre du cabinet d’Olivier Guichard, ministre de l’aménagement du territoire.
Président fondateur du Cercle français de l’eau, Jacques Oudin s’engagea en faveur de la coopération décentralisée dans le domaine de l’eau. Il créa, en tant que sénateur, le groupe d’études et participa à l’élaboration de la troisième loi sur l’eau.
Sa mère, qui lui donna la vie sur un bateau, quelque part en mer de Chine, marqua profondément l’existence de ce gaulliste vendéen. Son engagement au sein du groupe d’amitié France-Vietnam n’en fut que plus grand.
J’avais, comme un certain nombre d’entre nous, noué avec Jacques Oudin, pendant ses mandats et au-delà, de solides liens d’amitié. Nous appréciions son intelligence et sa gentillesse. Je le revois encore, attentif et passionné, assister aux réunions et aux colloques organisés par l’amicale gaulliste du Sénat, dont il fut secrétaire général, et prendre, encore et toujours, des photos – c’était sa spécialité. Je le revois lors de nos moments de ressourcement à Colombey-les-Deux-Églises, autour de la figure de notre histoire qui donna sens à son engagement : le général de Gaulle.
Jacques Oudin ne sera pas présent lors des prochaines commémorations de l’appel du 18 juin ; il y assistait toujours. Celles et ceux qui ont tant partagé avec lui, dont je suis, ne manqueront pas d’avoir alors une pensée pour lui.
Au nom du Sénat, je souhaite exprimer notre sympathie et notre compassion à son épouse, Anne-Marie, à qui j’ai parlé au téléphone, à sa famille, à ses proches, à ses compagnons, ainsi qu’au président – Vendéen, lui aussi – et aux membres du groupe Les Républicains.
Je vous propose d’observer un moment de recueillement. (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que M. le ministre observent un moment de recueillement.)
4
Mesures d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid
Adoption des conclusions d’une commission mixte paritaire
M. le président. L’ordre du jour appelle l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 (texte de la commission n° 388, rapport n° 387).
Avant de donner la parole à nos collègues inscrits dans le débat et au Gouvernement, je tiens à saluer l’accord auquel la commission mixte paritaire, sous la présidence de Philippe Bas, est parvenue sur ce texte. En ce moment difficile pour la Nation, le Parlement joue pleinement son rôle, qui est de concilier le respect des principes démocratiques et la prise en compte de l’urgence sanitaire. L’un ne peut aller sans l’autre.
Nous sommes ici pour le rappeler. Les Français doivent savoir que nous assumons nos responsabilités. Je sais aussi qu’ils ont à cœur de respecter les règles sanitaires qui nous sont demandées à tous – les sénateurs relaient d’ailleurs le message sur le terrain : ce n’est qu’ensemble que nous pourrons progresser dans la lutte contre cette pandémie.
Je rappelle que tous les orateurs, y compris le représentant du Gouvernement, s’exprimeront depuis leur place sans monter à la tribune et qu’après chaque intervention les micros seront désinfectés.
Je demande à chacun de respecter à la fois les distances, les processus d’entrée et de sortie : certains d’entre vous le savent tout particulièrement du fait de leur profession, il ne s’agit pas d’appliquer ces règles pendant une demi-heure pour les oublier dans le quart d’heure d’après. C’est en permanence qu’il faut avoir ces réflexes.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le président de la commission mixte paritaire.
M. Philippe Bas, président de la commission mixte paritaire. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les travaux de la commission mixte paritaire, qui se sont engagés ce matin et se sont prolongés jusqu’à quatorze heures trente, ont été particulièrement riches et intenses. Chacun des membres de la commission mixte paritaire était pleinement imprégné de la responsabilité qui nous incombe collectivement : parvenir à un accord, sans compromettre les convictions que nous avons à défendre, mais avec l’idée que l’intérêt général commande de manifester l’union de la représentation nationale aux côtés du Gouvernement.
Naturellement, il ne s’agit pas d’hypothéquer l’impérieuse exigence du contrôle parlementaire, qui est, pour nous, une mission constitutionnelle ; mais, avant tout, il faut assumer pleinement la nécessité de donner au Gouvernement les moyens d’action dont il a besoin pour combattre le fléau qui accable notre pays, comme beaucoup d’autres, depuis plusieurs semaines.
Nous avons particulièrement réfléchi à toutes les dispositions permettant de déployer tous les effets de l’état d’urgence sanitaire, afin d’être efficaces dans ce combat. Nous voulions également éviter de prendre des mesures dérogatoires au droit commun dépassant les exigences du combat contre le Covid-19. C’est la raison pour laquelle nous avons voulu travailler le plus finement possible les dispositions qui allaient être arrêtées.
Nous, Sénat, avons à cet égard un motif principal de satisfaction : à l’issue de cette commission mixte paritaire, nous n’avons pas à inscrire dans notre droit un régime dérogatoire permanent, dont il pourrait être fait usage à tout moment pendant les décennies à venir. Nous nous sommes concentrés sur la lutte contre le Covid-19, et nous n’avons pas voulu préjuger des moyens qui seraient nécessaires si d’autres fléaux sanitaires accablaient notre pays dans plusieurs années.
Le régime de l’état d’urgence sanitaire est donc temporaire. Au-delà d’un an, il faudra de nouveau que le Parlement se prononce.
Mes chers collègues, nous avons un second sujet de satisfaction : conformément à notre volonté, les pouvoirs donnés au Gouvernement sont importants, mais ce ne sont pas les pleins pouvoirs.
Les pouvoirs donnés au Gouvernement sont importants, parce qu’il faut pouvoir limiter la liberté d’aller et venir. Il faut pouvoir limiter la liberté de réunion. Il faut pouvoir aussi limiter la liberté d’entreprendre.
Mais – vous vous en souvenez, puisque l’état d’urgence est dans tous les esprits, pour ce qui concerne la lutte contre le terrorisme –, la loi de 1955, qui permet, pour des motifs de sécurité, de déclarer l’état d’urgence, énumère les catégories de mesures susceptibles d’être prises : périmètre de sécurité, perquisitions administratives, assignation à résidence, fermeture de lieux de culte salafiste, etc. Toutes ces possibilités sont prévues par la loi. Dès lors, le Gouvernement, comme les préfets, peut prendre des mesures qu’il ne pourrait pas prendre en temps normal. Eh bien, nous voulions que les diverses mesures susceptibles d’être prises par le Gouvernement en état d’urgence sanitaire soient également détaillées dans une liste, même si elles lui laissent toutes les marges de manœuvre nécessaires à l’efficacité de l’action publique.
Le débat a eu lieu dans cet hémicycle et à l’Assemblée nationale. Les positions que nous avons défendues n’ont pas été pleinement approuvées par nos collègues députés. Ce matin, il a donc fallu que nous trouvions un compromis en ce sens : faire en sorte que le Gouvernement dispose de pouvoirs importants, mais éviter qu’il ne porte trop fortement atteinte à nos libertés.
J’y insiste : des atteintes aux libertés sont nécessaires, mais elles doivent être strictement limitées. Nous avons donc exclu que le Gouvernement puisse prendre des mesures d’ordre général en dehors de la liste que nous avons fixée, quand elles portent atteinte à la liberté d’aller et venir et à la liberté de réunion. En revanche, nous avons accepté qu’il puisse prendre des mesures, dont nous n’avons pas défini exactement les contours, qui seraient susceptibles de porter atteinte à la liberté d’entreprendre.
Ces mesures, on peut les imaginer en prenant comme référence l’organisation de la Nation en temps de guerre, même s’il faut se garder des assimilations. En temps de guerre, la Nation doit produire des armes, des munitions. On ne s’arrête pas à la libre concurrence et aux règles des marchés publics : l’industrie française doit pouvoir travailler au maximum de ses capacités de production.
Pour lutter contre le Covid-19, il en va de même. Il faut que le Gouvernement puisse produire des masques, il faut qu’il puisse produire des respirateurs artificiels, il faut qu’il puisse produire les équipements, les matériels, les médicaments et, éventuellement, les vaccins qui seront nécessaires à l’efficacité de la lutte contre cette épidémie. C’est la raison pour laquelle nous avons accepté de lui laisser la prérogative de prendre ces mesures. Toutefois, il ne pourra le faire que par décret du Premier ministre, et non par simple arrêté du ministre de la santé, et ce décret pourra être déféré au Conseil d’État, lequel devra se prononcer en urgence, selon la voie du référé.
Il nous a semblé que ce compromis était acceptable. Nous l’avons donc accepté.
En dehors de l’urgence sanitaire, nous avons eu à traiter des questions nées du report du second tour de l’élection municipale dans plus de 5 000 communes de France. Nous ne pouvions pas ne pas les traiter. Ce n’est pas nous qui les avons inscrites à l’ordre du jour : c’est la situation née du report du second tour des élections municipales qui nous imposait d’en parler. Nous l’avons donc fait, en assumant aussi cette responsabilité.
Les initiatives des maires pour contribuer à contenir la pandémie se multiplient jour après jour. On le voit d’une manière expérimentale, pratique : les communes de France, les maires de France sont aux premières loges quand il s’agit de défendre la sécurité des populations. En conséquence, nous devons faire en sorte – c’est d’ailleurs rassurant pour nous tous – que les maires de France sachent comment s’y prendre, n’aient pas de doute quant au fait qu’ils ont la pleine responsabilité de leur commune pour mener à bien leur mission de maire.
Ce n’est pas facile de concevoir ce qui n’a jamais été fait, en l’occurrence comment organiser le travail des communes quand, dans celles-ci, le second tour n’a pas eu lieu. Nous avons prévu des règles simples : quand le second tour n’a pas eu lieu, les anciens maires et les anciennes équipes continuent à agir. La règle est claire. Tous les Français doivent la connaître. Ces élus vont continuer à agir jusqu’à ce que nous puissions mettre en place les nouvelles équipes.
Comme, par ailleurs, nous n’avons pas réussi à élire les maires, ce dimanche, hier et avant-hier, il fallait prendre des dispositions pour permettre la continuité de la vie communale. Ce matin, au cours de nos travaux en commission mixte paritaire, nous y sommes également parvenus. Nous sommes même allés au-delà : nous avons voulu inscrire dans le marbre de cette loi ce qui allait se passer d’ici au mois de juin prochain, y compris dans l’hypothèse où le second tour devait être repoussé après le mois de juin.
Les choses sont simples : dans un peu plus de 30 000 communes de France, l’élection est définitive, elle ne pourra jamais être remise en cause. C’est écrit dans ce texte. Les équipes n’ont pas pu se mettre en place ce week-end, mais c’est seulement leur entrée en fonctions qui est différée. Elles seront installées dès que la réunion des conseils municipaux sera permise ; dans l’hypothèse où elle ne le serait pas – en cas de maintien du confinement –, nous demandons au Gouvernement de prendre, par voie d’ordonnance, des mesures permettant d’élire les maires, parce que c’est très important pour la République, en recourant au vote par correspondance, au vote à l’urne, voire au vote électronique.
Comme nous ne pouvons pas improviser les modalités d’organisation de ces formes d’expression du vote, nous demandons au Gouvernement de prendre ces mesures dans les semaines qui viennent. Je le répète, même si le confinement continue, on pourra élire les maires. Nous, Sénat, y accordons une grande importance ; nos collègues députés nous ont suivis bien volontiers.
Maintenant, que va-t-il se passer pour l’organisation du second tour ? Nous avons voulu que le décret de convocation des électeurs soit pris le plus tard possible, afin de pouvoir tenir compte de l’évolution de la situation sanitaire. Nous avons donc décidé qu’un rapport du comité scientifique sera publié à la fin du mois de mai prochain – au plus tard le 23 mai. Le conseil des ministres se prononcera le mercredi suivant, à savoir le 27 mai. Dans les cinq jours qui suivront, les candidatures devront être déposées en préfecture ; quand elles le seront, la campagne électorale pourra commencer, en vue du second tour, prévu le 21 juin.
Si le second tour ne se tient pas, si le décret de convocation des électeurs ne peut pas être pris en raison de la situation sanitaire, on ne pourra plus geler le premier tour : on ne saurait préjuger que les électeurs du premier tour du mois de mars n’ont pas changé d’avis six mois plus tard ! Ce serait restreindre leur liberté de vote ; ce serait contraindre le suffrage universel.
Nous écrivons noir sur blanc que, si le second tour des élections municipales n’a pas lieu avant le 30 juin, il faudra, dans les communes concernées, « rejouer toute la partie », le Parlement étant de nouveau appelé à proroger pour un temps suffisamment long les mandats avant une nouvelle convocation des électeurs pour deux tours de scrutin.
Ainsi, chacun saura à quoi s’en tenir, et le cours des choses ne repose sur aucune spéculation : il est écrit. De toute façon, le Parlement aura de nouveau à se prononcer ultérieurement, au moment de l’évaluation des politiques de lutte contre le Covid-19. Pour l’instant, nous n’en sommes pas là, mais nous exigeons que la mise en œuvre de la loi que nous nous apprêtons à voter fasse l’objet d’un contrôle plein et entier, comme ce fut le cas des dispositions adoptées dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – M. Patrick Kanner applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Marc Fesneau, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement. Monsieur le président, monsieur le président de la commission mixte paritaire, mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes réunis ce dimanche pour l’adoption des conclusions de la commission mixte paritaire qui s’est tenue tout à l’heure.
Avant toute chose, je tiens à saluer, monsieur le président, la mobilisation exceptionnelle du Sénat, de ses élus, de ses fonctionnaires et collaborateurs, pour que la continuité de nos institutions soit assurée et que le débat démocratique existe en ces temps difficiles. Vous me permettrez aussi de remercier les services du Gouvernement qui ont contribué à l’écriture de ce projet de loi et des ordonnances à venir.
Ce débat, qui nous a tous pleinement mobilisés, a eu lieu alors même que des règles sanitaires très strictes avaient été édictées au sein même de votre assemblée. Nous nous y sommes collectivement pliés avec discipline, de la même manière que nos concitoyens appliquent au quotidien les consignes sanitaires du Gouvernement. Il en allait, vous l’avez dit, monsieur le président, de notre devoir d’exemplarité.
Je souhaite également souligner la qualité du dialogue entre les deux assemblées et le Gouvernement pour parvenir à examiner dans des conditions satisfaisantes pas moins de trois projets de loi entre jeudi et aujourd’hui. Aucun examen rapide ne peut être sérieux s’il n’existe pas un consensus de toutes les parties prenantes sur l’urgence d’agir et sur les réponses à apporter.
Il est indéniable qu’il y a eu entre nous et vous des divergences. Certaines demeurent, et c’est normal. Cela prouve que notre démocratie n’est pas mise entre parenthèses. Nous les avons surmontées, c’est la fonction du débat parlementaire.
Je voudrais, à ce titre, vous remercier, monsieur le président, pour votre disponibilité, votre écoute et votre rôle essentiel dans la conciliation des différentes parties prenantes pour créer les conditions d’un débat démocratique nécessaire et favoriser les consensus.
Je salue également l’engagement du président de la commission des lois ainsi que celui des présidents de groupe de votre assemblée, qui ont toujours accepté de dialoguer et d’avancer quels que soient les obstacles, avec un très grand esprit de responsabilité.
Nombre de citoyens pourraient s’étonner que le Parlement ait eu besoin de quatre jours pour adopter une loi dite « d’urgence » destinée à faire face à l’épidémie de Covid-19, alors qu’ils sont eux-mêmes confinés chez eux et que, hélas, ils sont inquiets pour leurs proches, quand certains ne sont pas endeuillés. Nous devons assumer ce débat que nous avons tous voulu et appelé de nos vœux, pour plusieurs raisons.
La première, c’est que nous restons convaincus que le débat parlementaire éclaire toujours l’opinion publique et que les Français attendent une réponse claire et forte sur ce que l’État va faire dans les prochaines semaines.
La deuxième, c’est que ce débat était une œuvre utile de transparence sur la situation économique, sanitaire et sociale.
La troisième, enfin, c’est que le consensus autour de mesures exceptionnelles rend d’autant plus fortes sa compréhension et son acceptation par nos concitoyens.
Nos débats ont montré tout l’intérêt de la démocratie représentative : vous avez fait remonter les observations, les interrogations, les inquiétudes de nos concitoyens sur le terrain, et nous avons voulu y apporter des réponses.
Je n’oublie pas le rôle essentiel de vos collègues, absents de l’hémicycle en raison des règles strictes qui ont été édictées et que nous nous sommes imposées, mais dont vous avez relayé, je le sais, les attentes. Je voudrais, par votre intermédiaire, les remercier et saluer leur engagement exceptionnel dans leurs territoires. Ils jouent pleinement leur rôle, chaque jour, auprès de leurs concitoyens.
Plus précisément, je voudrais, à la suite du président de la commission mixte paritaire, revenir sur quelques mesures de ce texte.
Le titre II sur l’état d’urgence sanitaire donne les moyens au Gouvernement et à ses représentants de prendre des mesures réglementaires fortes pour enrayer la propagation du Covid-19, en s’inspirant notamment de la loi du 3 avril 1955.
Les mesures exceptionnelles qui pourront être prises ne se feront évidemment pas sans contrôle si les circonstances exigeaient qu’elles soient mises en œuvre. Le Parlement devra autoriser par la loi la prorogation de l’état d’urgence sanitaire, et la décision d’y recourir devra être éclairée par des données scientifiques rendues publiques.
Tant l’Assemblée nationale que le Sénat pourront requérir toute information complémentaire dans le cadre du contrôle et de l’évaluation de ces mesures.
S’appuyer sur la science pour prendre nos propres responsabilités politiques et poursuivre le contrôle de l’action du Gouvernement dans cette période exceptionnelle sont des choses précieuses.
Outre des mesures plus coercitives à l’encontre de multirécidivistes contribuant à la propagation du virus par leur comportement irresponsable, des décisions de bon sens ont été prises dans le débat entre l’Assemblée nationale et le Sénat.
Le titre III nous dote collectivement d’un arsenal à même de répondre notamment à la situation économique détériorée par la crise sanitaire. Environ quarante habilitations sont prévues. C’est un choix radical que le Gouvernement assume. Il faut être humble : nous ne connaissons pas aujourd’hui toutes les mesures qui seront à prendre en fonction de l’évolution de la situation. Mais, d’ores et déjà, nous prévoyons le soutien massif à la trésorerie des entreprises et des aides directes ou indirectes à ces dernières.
Le droit du travail sera aussi temporairement adapté afin de garantir de la souplesse pour limiter les ruptures définitives de contrat de travail. Ces mesures temporaires auront pour seul et unique objectif de permettre la poursuite du travail pour subvenir aux besoins essentiels de la Nation.
D’autres dispositions, qui pourront être complétées par ordonnance, sont de nature à adapter les procédures du quotidien, auxquelles nous ne prêtons pas toujours attention en période normale : je pense au fonctionnement des organes des collectivités territoriales, à celui des syndics de copropriété, aux procédures judiciaires.
C’est là aussi que le débat parlementaire a pris tout son sens : rappeler au Gouvernement tel pan de notre vie en collectivité qui mérite que soit prise une mesure en particulier ou une autre.
Enfin, le titre III bis tire les conséquences de la décision du report du second tour des élections municipales et prévoit les modalités d’installation des conseils municipaux élus au premier tour.
Je ne reviendrai pas sur ces dispositions, le président de la commission mixte paritaire les ayant très bien explicitées, si ce n’est pour me féliciter qu’un accord ait pu être obtenu entre les deux assemblées sur la question du dépôt des listes en particulier. Ce ne pouvait être, dans cette situation de crise et devant les Français, un point bloquant pour obtenir cet accord conclusif.
Ce projet de loi nous donne d’importants moyens pour répondre aux problèmes posés par la propagation du Covid-19. Il ne résoudra pas tout, et il sera sans doute amené à être complété par d’autres dispositions.
Nous pouvons nous féliciter du travail accompli ces quatre derniers jours, mais la crise que nous connaissons nous oblige à l’humilité. Cela fait partie de la transparence et, au fond, de la responsabilité.
Vous me permettrez de conclure en vous disant, ce que, je crois, nous partageons tous, qu’il faut saluer celles et ceux qui aujourd’hui soignent nos concitoyens, avec professionnalisme et dévouement comme ils l’ont toujours fait, mais plus encore aujourd’hui, celles et ceux qui assurent chaque jour encore la continuité de la vie économique essentielle, la continuité de l’État et la continuité des services dans les collectivités territoriales.
À cet égard, vous me permettrez de saluer l’ensemble des élus locaux, qui sont aussi pleinement mobilisés, de saluer l’engagement sans faille des policiers, gendarmes et pompiers, qui veillent à ce que les mesures sanitaires soient scrupuleusement respectées, et des maires aux côtés de nos concitoyens en ces circonstances particulières.
Je salue tous ceux qui, par les plus modestes des gestes, constituent un chaînon admirable. Il nous faut plus que jamais leur rendre hommage : nous leur devons déjà beaucoup et nous leur devrons beaucoup. Ils prennent leur part, grande, lourde et déterminante. Vous avez pris la vôtre : veiller à l’intérêt général. De tout cela, je veux vous remercier. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – Mme Maryse Carrère applaudit également.)
M. le président. Avant de donner la parole à ceux de nos collègues qui sont inscrits dans la discussion générale, je voudrais saluer et remercier le rapporteur de la commission mixte paritaire, René-Paul Savary, qui a œuvré conjointement avec le président Philippe Bas et ses autres collègues à cette conclusion positive de notre commission mixte paritaire. Merci, monsieur le rapporteur ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – Mme Maryse Carrère ainsi que MM. Patrick Kanner et Rachid Temal applaudissent également.)
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes loin d’être au bout du chemin. Plus que jamais, nous devons affirmer notre solidarité totale à l’égard des soignants et de toutes celles et de tous ceux qui se donnent tellement de mal pour lutter partout contre ce fléau.
Nous devons aussi faire preuve d’un esprit d’union et d’unité. Monsieur le ministre, notre soutien au gouvernement de la République n’est pas compté, dès lors que sont mises en œuvre les mesures les plus efficaces possible pour lutter contre ce fléau. Nous savons que ces mesures sont nécessairement exceptionnelles. Nous savons également que la sécurité, la santé et même la survie de tous dépendent des gestes, des initiatives, du comportement et du dévouement de chacun et de chacune d’entre nous.
Mes chers collègues, M. le président Philippe Bas vient d’évoquer notre commission mixte paritaire, qui s’est déroulée dans un climat serein. Il n’y a pas eu de polémique inutile, ce que je tiens à souligner. Notre position est très claire : nous soutenons nombre de mesures contenues dans ce texte. Toutefois, nous nous abstiendrons, pour les raisons que je vais indiquer et qui portent sur certains de ses aspects, essentiels pour nous.
Au préalable, nous tenons à vous remercier, monsieur le président du Sénat, d’avoir accédé à notre demande, à savoir qu’on aborde les questions sanitaires, économiques et de travail avant les questions électorales. Si, à cette heure, un désaccord persiste entre nous sur certains points, il ne porte pas sur ces questions électorales, qui ont fait l’objet d’un accord. Ainsi, le texte prévoit un certain nombre de garanties pour prévenir telle ou telle rumeur.
Il convient de saluer le fait que, dans les 30 000 communes dont le conseil municipal a été désigné dès le premier tour, les résultats ne seront pas remis en cause. S’agissant des autres communes, il est clair que, si le second tour des élections devait être reporté au-delà du mois de juin, il faudrait procéder de nouveau à l’organisation d’un premier tour.
Nous nous abstiendrons pour quatre raisons que je vais développer.
Premièrement : les droits du Parlement. L’avant-projet de loi présenté par le Gouvernement prévoyait un délai de douze jours pour l’intervention du Parlement. C’était très court. Le Conseil d’État a proposé de retenir un délai d’un mois. Nous avons modifié le texte en ce sens par voie d’amendement. Toutefois, il paraît quelque peu paradoxal de fixer ce délai à un mois, tout en prévoyant que, par dérogation, cette disposition ne s’appliquera pas avant deux mois dans le cas présent, sans compter une éventuelle prorogation d’un mois. Il y a quelque chose qui n’est pas clair. Si nous approuvons bien sûr toutes les mesures d’urgence nécessaires, nous sommes également attachés aux droits du Parlement.
Deuxièmement : le droit du travail. Ce texte contient des mesures en la matière que nous ne pouvons pas accepter. Certes, un pas a été fait par l’Assemblée nationale – je tiens à le souligner –, qui a voté une disposition selon laquelle il reviendra à un accord d’entreprise ou de branche d’autoriser l’employeur à imposer ou à modifier les dates de prise d’une partie des congés payés. Dès lors, nous ne comprenons pas pourquoi les mêmes règles ne s’appliqueraient pas aux jours de RTT et aux jours de repos. Nous le disons donc clairement : nous ne pouvons accepter certaines des modifications apportées au code du travail par le présent projet de loi.
Troisièmement : l’article 13. Le texte adopté par le Sénat prévoyait un droit d’information du Parlement sur l’ensemble des actes pris par le Gouvernement en application de la présente loi. Or cet article a été supprimé. Désormais, les deux chambres ne seront plus informées que des seules mesures prises au titre de l’état d’urgence sanitaire.
Monsieur le président, lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative, vous avez indiqué que vous écririez au Premier ministre.