Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.
L’amendement n° 67 est présenté par Mmes Brulin et Cukierman, M. Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 105 est présenté par Mme Préville, MM. Houllegatte et Sueur, Mme Artigalas, M. Kerrouche, Mme S. Robert, MM. Kanner, Bérit-Débat et Joël Bigot, Mmes Blondin, Bonnefoy et Conconne, MM. Daudigny, Duran et Fichet, Mmes Grelet-Certenais et Harribey, MM. Jacquin et Leconte, Mmes Lubin et Monier, M. Montaugé, Mme Perol-Dumont, M. Temal et les membres du groupe socialiste et républicain.
L’amendement n° 169 rectifié est présenté par MM. Labbé, Dantec, Gold et Requier.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Céline Brulin, pour présenter l’amendement n° 67.
Mme Céline Brulin. Sans surprise, nous proposons la suppression de cet article qui généralise pour l’ensemble des installations classées pour la protection de l’environnement la faculté accordée actuellement au préfet, en matière d’ICPE autorisées, de décider de ne pas consulter le Coderst ou, pour les parcs éoliens, la commission départementale de la nature, des paysages et des sites (CDNPS).
Sans faire de longs développements, nous estimons que cet article s’oppose à la démocratie environnementale. Nous devons, au contraire, donner collectivement le signe que nous souhaitons améliorer la transparence, associer et écouter les populations, développer une culture du risque. Que ce soit dans les ex-CHSCT ou dans les Coderst, il existe une véritable culture du risque qui se travaille, qui s’exprime, qui se partage. Amoindrir ces outils revient à se démunir, alors que nous aurions, au contraire, besoin de les renforcer.
Je souhaite, en conclusion, rappeler les réticences du Conseil d’État sur cet article. Celui-ci avait d’ailleurs invité le Gouvernement à préciser dans l’étude d’impact les cas où il envisageait de conserver une information systématique des commissions dans le cadre de dispositions réglementaires.
Faute d’une prise en compte des précisions réclamées par le Conseil d’État, l’adoption de cet article reviendrait à donner un chèque en blanc, ce qui n’est absolument pas souhaitable.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Michel Houllegatte, pour présenter l’amendement n° 105.
M. Jean-Michel Houllegatte. Cet amendement de suppression a déjà été excellemment défendu, mais, la pédagogie étant l’art de la répétition, j’ajouterai quelques arguments supplémentaires. (Sourires.)
Tout d’abord, l’objectif du Gouvernement est très clair. Comme le précise l’étude d’impact, « dans les cas où le préfet choisira […] de ne pas consulter le Coderst, cela contribuera à raccourcir de plusieurs semaines le délai total d’autorisation d’une implantation industrielle, avec des gains indirects non négligeables sur l’économie du projet ».
Cela signifie que, une fois de plus, on oppose l’économie et l’environnement, alors qu’au contraire, dans notre monde moderne, face aux enjeux et aux risques qui pèsent sur nous, il faudrait apprendre à concilier le développement économique et le respect de l’environnement, et même faire de l’environnement un atout au service de l’économie.
De plus, et notre collègue l’a rappelé précédemment, nous sommes confrontés – on le sait très bien – à trois crises : une urgence sociale, une urgence environnementale et une urgence démocratique. Là encore, on amoindrit les procédures de consultation et de concertation, alors que nos concitoyens demandent de plus en plus à y participer.
Cet amendement de suppression tend donc à maintenir et à renforcer le dispositif existant, qu’il nous paraît important de défendre. (Mme Michelle Meunier et M. Hervé Gillé applaudissent.)
Mme la présidente. La parole est à M. Joël Labbé, pour présenter l’amendement n° 169 rectifié.
M. Joël Labbé. Cet amendement est identique aux deux précédents qui ont déjà été excellemment défendus. Mais je vais en « rajouter une couche » avec quelques autres arguments.
Avec cet article, nous allons à l’encontre d’une plus grande association des citoyens aux décisions environnementales. Nous sommes à l’opposé d’une réponse au désir de participation exprimé par la population lors du grand débat.
Cette concertation via les Coderst est très utile, car elle permet à différents acteurs locaux de souligner des enjeux dont l’administration n’a pas nécessairement connaissance et ainsi d’éclairer les décisions du préfet. Le Coderst est la seule instance départementale dans laquelle des représentants d’associations de consommateurs, de pêche et de protection de l’environnement notamment, ou encore des médecins, se réunissent pour évaluer les risques d’un projet pour la santé et l’environnement.
Il est d’autant plus dommageable de se priver de cette concertation que le gain de temps attendu de cette réforme pour les porteurs de projet est très modéré, de l’ordre de deux semaines, de l’aveu même de la commission spéciale dans son rapport.
La seule ambition du texte semble donc bien être l’accélération des projets. Rien ne semble aller dans le sens de la recherche d’un juste équilibre entre le développement industriel, qui est – je le rappelle – nécessaire, et la protection de l’environnement et des riverains.
De plus, cet article semble remettre en cause le rôle du Coderst, auquel de moins en moins de dossiers sont présentés, du fait du basculement de nombreux ICPE vers le régime de l’enregistrement. Il s’agit donc d’un recul majeur pour la démocratie environnementale qui pourrait, par ailleurs, donner lieu à des contentieux – certains sont d’ailleurs déjà en cours et la situation risque de s’aggraver.
Encore une fois, ces mesures peuvent in fine aboutir à un résultat inverse de la logique de simplification recherchée avec ce texte.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Patricia Morhet-Richaud, rapporteure. Ces amendements identiques visent à supprimer l’article rendant facultative la consultation du Coderst ou, le cas échéant, de la CDNPS. La commission spéciale a considéré qu’il s’agissait d’une évolution permettant une simplification proportionnée, offrant un gain en termes de délai pour la procédure d’enregistrement, de l’ordre de trois à quatre semaines. Le préfet gardera bien sûr la possibilité de consulter la commission compétente, en fonction des enjeux du projet et de la situation locale.
Le représentant de l’État sait apprécier la sensibilité du projet, car, à la suite de la réforme, 70 % des projets soumis à autorisation continuent de faire l’objet d’une consultation de la commission départementale.
L’avis est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. L’avis est également défavorable.
Je veux d’abord préciser un point : cette modalité d’assouplissement relative à la consultation du Coderst est précisément prévue pour les installations soumises à autorisation. Il est donc faux de dire que c’est parce que l’on a basculé un certain nombre d’installations soumises à enregistrement qu’il y aurait moins de dossiers devant les Coderst. Ce serait plutôt le contraire ! La réalité, c’est qu’il y a moins de dossiers d’extension et d’installation de nouveaux sites, tout simplement. Cet élément explique peut-être la suppression d’un million d’emplois dans l’industrie entre 2000 et 2016. (Exclamations sur les travées du groupe SOCR.)
Ensuite, je veux également dire que ces dispositions s’appliquent à des installations qui permettent justement de relever le défi climatique : les éoliennes, les usines de méthanisation et autres installations du même type. Il faut donc éviter d’opposer de manière caricaturale économie et écologie, car cela n’a rien à voir.
M. Bernard Jomier. C’est raté !
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Par ailleurs, contrairement à ce vous avez indiqué, l’information du Coderst sera systématique. Cela a été précisé sur la base de la recommandation du Conseil d’État. Je tenais à le redire ici.
Enfin, vous parlez de culture du risque, madame la sénatrice, mais c’est justement de cela qu’il s’agit ! Les dossiers à enjeux, ceux sur lesquels le préfet – les cas d’application ont également été précisés – sera amené à assouplir les prescriptions standard, seront obligatoirement soumis au Coderst. En revanche, si le préfet durcit les prescriptions ou s’il applique les prescriptions standard parce qu’il est face à un dossier qui n’appelle pas de consultation, il ne fera pas appel au Coderst, lequel sera tout de même évidemment informé.
Je crois que, là encore, il faut éviter de sortir de la rigueur juridique : nous modifions non pas le droit de l’environnement, mais les procédures administratives, afin que l’administration se concentre sur les dossiers à enjeux pour l’environnement et perde moins de temps sur des dossiers dont les enjeux sont moindres.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 67, 105 et 169 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. L’amendement n° 24 rectifié bis, présenté par Mme C. Fournier, M. Kern, Mme Guidez, MM. Canevet, Delcros et Le Nay, Mmes Férat et Billon, M. Louault et Mme Gatel, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 1
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…° L’article L. 181-11 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le porteur de projet peut solliciter de l’autorité administrative compétente qu’elle recueille l’avis sur sa demande, selon les cas, de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites ou du conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques. L’autorité administrative compétente dispose d’un délai de trois mois pour recueillir cet avis. » ;
La parole est à Mme Catherine Fournier.
Mme Catherine Fournier. Cet amendement – j’ai la prétention de le dire – atténuera peut-être l’insatisfaction exprimée précédemment.
L’article 24 supprime la consultation systématique du Coderst ou de la CDNPS pour des projets relevant notamment des régimes d’enregistrement.
Sans revenir sur le caractère facultatif d’une consultation de ces commissions et conseils pour les demandes d’autorisation environnementale soumises à évaluation environnementale, il est proposé d’ouvrir un droit d’option pour le porteur de projet. Il semble vertueux que celui-ci, qui connaît la sensibilité environnementale de son projet, puisse demander lui-même la consultation du Coderst ou de la CDNPS.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Patricia Morhet-Richaud, rapporteure. Il est favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
D’abord, en l’absence de consultation, la commission est en tout état de cause informée.
Surtout, le porteur de projet a déjà la possibilité de solliciter l’administration en vue de la consultation de la commission. Il n’y a aucune raison que le préfet ne donne pas suite à sa demande.
Je ne vois donc pas de raison d’inscrire dans la loi une telle disposition, qui, au surplus, ne relève pas du champ législatif.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 24, modifié.
(L’article 24 est adopté.)
Article 25
I. – Le code de l’environnement est ainsi modifié :
1° Le 2° de l’article L. 181-9 est ainsi rédigé :
« 2° Une phase de consultation du public ; »
2° Le premier alinéa du I de l’article L. 181-10 est remplacé par cinq alinéas ainsi rédigés :
« I. – La consultation du public est réalisée sous la forme d’une enquête publique dans les cas suivants :
« – lorsque celle-ci est requise en application du I de l’article L. 123-2 ;
« – lorsque l’autorité qui organise la consultation estime, pour le projet concerné, qu’une enquête publique doit être organisée, en fonction de ses impacts sur l’environnement ainsi que des enjeux socio-économiques qui s’y attachent ou de ses impacts sur l’aménagement du territoire.
« Dans les autres cas, la consultation du public est réalisée conformément aux dispositions de l’article L. 123-19.
« Lorsqu’il est procédé à une enquête publique, celle-ci est réalisée conformément aux dispositions du chapitre III du titre II du présent livre, sous réserve des dispositions suivantes : » ;
3° Aux premier et deuxième alinéas du I et au II de l’article L. 181-31, les mots : « d’enquête publique » sont remplacés par les mots : « de consultation du public ».
II. – Au 2° de l’article L. 2391-3 du code de la défense, les mots : « d’enquête publique » sont remplacés par les mots : « de consultation du public ».
Mme la présidente. La parole est à Mme Céline Brulin, sur l’article.
Mme Céline Brulin. Madame la secrétaire d’État, comment vous convaincre que nous ne sommes absolument pas dans l’optique d’opposer économie à écologie, précisément parce que nous avons besoin de l’industrie ? Je pourrais même dire que je soutiens Bruno Le Maire lorsqu’il fait remarquer que la crise sanitaire actuelle invite à réfléchir à des relocalisations de productions. Mais comment faire cela sans entendre la crise démocratique qui a été évoquée par mon collègue ? Pour que la relocalisation des implantations industrielles soit acceptée et soutenue par nos concitoyens, il faut les associer ! C’est ce que nous ne cessons de vous dire depuis le début de cette séance…
S’agissant de cet article, nous vous demandons d’entendre la Compagnie nationale des commissaires enquêteurs, qui en demande la suppression. En effet, la participation du public est un élément incontournable de l’élaboration de la décision ; elle est nécessaire à l’amélioration de la qualité des projets et donc à leur acceptabilité par nos concitoyens. Vouloir réduire cette mesure à une simple consultation du public par voie électronique non seulement porte atteinte à la bonne information et à l’expression de celui-ci, mais s’avère surtout incompatible avec l’objectif de simplification.
Je ne développerai pas plus les arguments extrêmement pertinents – vous les connaissez – que nous ont transmis les commissaires enquêteurs. La mesure proposée ne simplifiera et n’accélérera en rien les différents projets. Elle n’apporte d’ailleurs pas davantage de garanties, puisqu’elle n’exclura absolument pas les recours contentieux lourds de conséquences, notamment financières, pour les porteurs de projet.
Cette procédure de consultation fait douter de son efficacité en termes de restitution des observations. Lorsque des observations sont déposées, il est constaté qu’au final l’arrêté préfectoral ne fait état ni de leur synthèse ni de leur exploitation, alors qu’elles sont préparées par le commissaire enquêteur avec toute l’objectivité et l’indépendance requises.
Enfin, chacun sait ici qu’il existe dans notre pays une fracture numérique. La consultation électronique ne permettrait pas à l’ensemble de la population de donner son avis.
Mme la présidente. La parole est à M. Joël Labbé, sur l’article.
M. Joël Labbé. Je n’avais pas prévu d’intervenir à l’origine, mais j’ai été personnellement interpellé sur cette question. Il se trouve que, dans une autre vie, j’ai porté le projet de parc naturel régional du Golfe du Morbihan. Dans le cadre de l’enquête publique, j’ai collaboré avec une enquêtrice qui a effectué un travail d’une qualité exceptionnelle. Elle avait très bien mené cette enquête qui a abouti d’ailleurs à la création de ce parc naturel. Quand nous en aurons fini avec ce foutu virus, je vous invite d’ailleurs à le visiter cet été ! (Sourires.)
Voici ce qu’elle m’a écrit : « Je m’adresse à vous aujourd’hui en votre qualité de sénateur au sujet du projet de loi ASAP. Le texte proposé vise en son article 25 à “permettre au préfet de choisir entre une consultation électronique du public ou une enquête publique pour certains projets soumis à autorisation ne nécessitant pas d’étude d’impact environnemental”.
« Outre le fait que le respect de la convention d’Aarhus, ratifiée par la France, est mis à mal par le renforcement des pouvoirs régaliens et discrétionnaires du préfet, la disparition de l’enquête publique aurait de nombreux effets négatifs, notamment : écarter toute possibilité d’expression orale des citoyens et des associations telle qu’elle se pratique lors des permanences des commissaires enquêteurs et durant toute la consultation ; ôter tout moyen de dialogue, d’approfondissement et de saisie d’observations pertinentes en résultant, car impossible par la seule approche dématérialisée ; pour le maître d’ouvrage, faire disparaître la possibilité, prévue par la procédure d’enquête, de répondre aux observations du public ; supprimer l’opportunité de disposer d’un avis indépendant et éclairé, permettant d’améliorer la qualité de la décision administrative et renforçant sa légitimité.
« Par ailleurs, cette recherche de réduction des délais par la suppression pure et simple de l’enquête publique, pourtant facteur de consensus et de contribution à l’acceptabilité par le public des projets, ne fera qu’augmenter le nombre de recours contentieux. »
Elle termine en s’adressant à moi – et à nous ! – : « Pour toutes ces raisons, je vous demande de bien vouloir déposer un amendement pour demander le retrait de cet article qui contrevient au principe de la Charte de la participation du public […] qui dans son préambule précise que “la participation du public est un élément incontournable de l’élaboration de la décision, nécessaire à l’amélioration de sa qualité et de sa légitimité”. »
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.
L’amendement n° 68 est présenté par Mmes Brulin et Cukierman, M. Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 106 est présenté par Mme Préville, MM. Houllegatte et Sueur, Mme Artigalas, M. Kerrouche, Mme S. Robert, MM. Kanner, Bérit-Débat et Joël Bigot, Mmes Blondin, Bonnefoy et Conconne, MM. Daudigny, Duran et Fichet, Mmes Grelet-Certenais et Harribey, MM. Jacquin et Leconte, Mmes Lubin et Monier, M. Montaugé, Mme Perol-Dumont, M. Temal et les membres du groupe socialiste et républicain.
L’amendement n° 170 rectifié est présenté par MM. Labbé, Dantec et Requier.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Céline Brulin, pour présenter l’amendement n° 68.
Mme Céline Brulin. Je l’ai déjà dit, nous proposons la suppression de cet article qui vise à remplacer les procédures actuelles par une simple consultation du public par voie électronique.
Pour ne pas allonger inutilement les débats, je voudrais simplement souligner que le Conseil d’État est lui-même extrêmement réservé sur cet article, ce qui donne un argument supplémentaire, me semble-t-il, pour en plaider la suppression.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Michel Houllegatte, pour présenter l’amendement n° 106.
M. Jean-Michel Houllegatte. Nous sommes toujours confrontés, lorsqu’il y a des projets d’implantation d’ICPE, à la question de l’acceptabilité par les populations et des conditions de cette acceptabilité, qui reposent justement, selon moi, sur l’enquête publique.
La consultation électronique, c’est en quelque sorte un sondage. On demande aux gens de s’exprimer, etc. Sur des sujets qui sont parfois complexes, la présence du commissaire enquêteur me semble particulièrement pertinente, dans la mesure où celui-ci joue un rôle pédagogique : il est capable d’expliquer la complexité, et parfois ce qui est sous-tendu derrière un projet. Un projet d’ICPE a forcément une part de complexité.
Le dialogue qu’il peut avoir avec les personnes qu’il accueille lui permet à la fois d’être neutre, pédagogue et – c’est un point extrêmement important – indépendant. Supprimer, en quelque sorte, le rôle du commissaire enquêteur et l’enquête publique me semble préjudiciable du point de vue de l’acceptabilité nécessaire des projets d’ICPE par les populations.
Mme la présidente. La parole est à M. Joël Labbé, pour présenter l’amendement n° 170 rectifié.
M. Joël Labbé. J’ai déjà développé une argumentation dans mon intervention sur l’article.
Les projets concernés par cette réduction du champ de l’enquête publique ont souvent de forts enjeux locaux. Pour ces projets, le maintien d’une enquête publique semble nécessaire. Cette procédure est en effet bien plus complète qu’une simple participation par voie électronique. D’ailleurs, cette modalité écarte du projet la partie du public qui n’est pas familière avec l’informatique.
Conduite par un commissaire enquêteur indépendant et impartial, à la fois garant de la qualité de la participation et chargé de formuler un avis, l’enquête publique permet une véritable information du public et des échanges avec les citoyens.
De plus, je le redis, on constate que les procédures électroniques, dans un contexte de fracture numérique, rendent difficile la participation de certains citoyens.
Réduire ainsi le champ des enquêtes publiques constituerait donc une régression importante en matière de démocratie environnementale, dont on a plus que jamais besoin.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Patricia Morhet-Richaud, rapporteure. Ces trois amendements tendent à supprimer l’article 25 du projet de loi, qui est un article de simplification à mon sens bienvenu. Il reprend en effet une recommandation émise par la mission conduite par le député Guillaume Kasbarian, à savoir l’adaptation aux réalités locales.
En effet, il paraît de bon sens de laisser la possibilité au préfet d’adapter la procédure de consultation du public pour les projets dénués d’impact environnemental important. Aujourd’hui, tous les projets soumis à autorisation environnementale doivent faire l’objet d’une enquête publique, même ceux qui ne sont pas soumis à évaluation environnementale, c’est-à-dire qui n’ont pas d’incidence notable sur l’environnement.
Or, comme nous l’ont expliqué les services que nous avons entendus, les retours sur les enquêtes publiques de projets non soumis à évaluation environnementale sont d’ampleur très variable : concrètement, sur certains dossiers, personne ne se déplace. On parle d’autorisations de projets tels que de grandes stations-service ou de gros pressings. Cet article permet au préfet d’apprécier si une participation par voie électronique n’est pas suffisante.
Cette mesure, qui va dans le sens d’une simplification pour les porteurs de projet, me paraît proportionnée au regard de la nécessaire garantie de la protection de l’environnement.
C’est la raison pour laquelle l’avis est défavorable sur ces amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. L’avis est également défavorable. Je reprendrai certains points développés par Mme la rapporteure.
D’abord, nous parlons ici de projets qui sont hors du champ de l’évaluation environnementale. Les projets à forts enjeux environnementaux feront de toute façon l’objet d’enquêtes publiques.
Pour ceux qui ne sont pas soumis à l’évaluation environnementale, on distingue ceux qui présentent de forts enjeux locaux, pour lesquels le préfet conservera l’enquête publique, de ceux qui n’induisent pas de tels enjeux, pour lesquels le préfet opérera une procédure de participation par voie électronique.
Je veux également préciser que cette procédure utilise exactement les mêmes documents que l’enquête publique, elle présente donc la même « granularité » et la même rigueur. Ce n’est pas un sondage. La seule différence – et je peux comprendre la réaction des commissaires enquêteurs –, c’est justement l’absence de ces commissaires enquêteurs. La discussion est bien ciblée sur ce sujet, et – je le redis – cette procédure ne porte que sur les dossiers à plus faible enjeu.
Dernier point, il est faux de dire que le Conseil d’État s’oppose à cette procédure ou qu’il émet des réserves. Dans son avis, celui-ci a très clairement estimé que « la possibilité de remplacer au cas par cas l’enquête publique par la participation […] ne soulève pas d’objection d’ordre constitutionnel ou conventionnel, eu égard à l’adéquation entre les enjeux environnementaux des projets et les modes de participation du public ».
Enfin, la procédure n’est absolument pas contraire à la convention d’Aarhus, aux termes de laquelle il faut faire participer d’une manière ou d’une autre le public. C’est très exactement ce que prévoit cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Élisabeth Doineau, pour explication de vote.
Mme Élisabeth Doineau. Bien sûr, nous sommes les uns et les autres attentifs à simplifier les procédures. En réalité, si tel est notre objectif, nous ne devons pas non plus ignorer certaines professions. Les commissaires enquêteurs nous ont sollicités, et je les ai, pour ma part, reçus. Je comprends leurs interrogations quant à ce projet de suppression de l’enquête publique pour des installations qui sont hors du champ environnemental et de moindre enjeu, comme vous l’avez précisé, madame la secrétaire d’État.
Si nous sommes d’accord avec l’objectif de simplification, il ne faut pas escamoter les relations entre la population et des personnes expertes dans ce domaine. J’ai moi aussi envisagé de déposer un amendement de suppression, comme vous, mes chers collègues. Je ne l’ai finalement pas fait.
Les procédures doivent être comprises dans le temps : c’est ce que nos concitoyens nous disent, et parfois le temps long fait oublier l’intérêt des projets. Je suis pour la simplification, mais en même temps j’entends ces professionnels. Quand on est élu de territoire, on sait combien ceux-ci sont importants pour cette relation presque « intime » entre un projet et une population.
Je ne soutiendrai donc pas ces amendements de suppression, mais je m’abstiendrai. En effet, madame la secrétaire d’État, je pense qu’il y a certainement eu un manque de relations avec cette profession qui apporte beaucoup en termes d’expertise. Pour que les commissaires enquêteurs comprennent mieux votre projet, vous auriez dû avoir des réunions avec la profession afin d’éviter qu’elle ne s’y oppose.
J’insiste : selon moi, il y a un défaut de compréhension. C’est la raison pour laquelle je m’abstiendrai. Je ne suis pas totalement d’accord avec l’idée selon laquelle cette absence de consultation est bienvenue.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Vial, pour explication de vote.