M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances. Monsieur le sénateur Le Nay, au fond, vous posez trois questions.
La première concerne le cas de force majeure que pourrait reconnaître l’État pour le compte de contrats privés. L’État peut le faire dans le cadre des contrats qu’il a directement avec des acteurs du secteur privé. Il l’a d’ailleurs fait, vous l’avez souligné, et je crois que cela a beaucoup rassuré les entreprises avec lesquelles nous sommes en relation.
En revanche, il n’est pas possible pour l’État de prendre cette décision à la place des collectivités locales – je sais que vous êtes très soucieux de la libre administration des collectivités locales. Pour autant, je ne doute pas que les collectivités le feront également, en leur âme et conscience, dans les jours qui viennent. Nous avons envoyé à l’ensemble des associations de collectivités locales un courrier en ce sens.
S’agissant des relations contractuelles entre acteurs privés, il n’appartient pas à l’État de s’y immiscer.
En revanche, nous avons d’ores et déjà anticipé, puisque nous avons demandé à chaque filière de faire preuve de bienveillance dans les relations entre les donneurs d’ordre et les sous-traitants et de nous alerter, si des difficultés apparaissent. Nous avons également saisi le médiateur des entreprises de façon à ce qu’il intervienne en cas de besoin.
Plus largement, je ne vais pas revenir sur l’ensemble des mesures que nous avons d’ores et déjà prises. Je rappellerai simplement un chiffre : avec le report d’échéances fiscales et sociales que nous avons mis en place l’année dernière, au moment de la crise des « gilets jaunes », ce sont 400 millions d’euros qui ont été réinjectés dans l’économie. Il s’agit donc d’une mesure puissante.
Aujourd’hui, nous examinons la possibilité de faire comme l’Italie, c’est-à-dire de rendre cette mesure plus automatique, l’objectif étant de faire en sorte que les entreprises se concentrent sur leur chiffre d’affaires et sur leurs problématiques opérationnelles, sans perdre du temps sur les aspects plus administratifs. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
coronavirus (ii)
M. le président. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jérôme Bascher. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s’adressait à M. Olivier Véran, qui doit être confiné … (Rires sur des travées du groupe Les Républicains. – Murmures de désapprobation sur les travées des groupes LaREM, Les Indépendants et RDSE.)
Elle s’adressera en fait à M. Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, et, plus généralement, à tous les ministres qui se sentent concernés par la lutte contre le Covid-19 et ce qui ne manquera pas d’être une épidémie. J’y associe évidemment mes collègues de l’Oise, du Morbihan et de la Haute-Savoie, qui vont être concernés par la question.
Pour ce qui est de l’Oise, un quotidien a titré sur « les rues qui se vident ». La désorganisation est là ! Quoi qu’en ait dit le Gouvernement depuis un mois et demi, on constate bien une impréparation à cette crise.
Nous le vivons chaque jour dans l’Oise, où c’est l’improvisation qui règne pour décider de fermer des écoles, d’autoriser des déplacements de classes. Et je ne parle pas des masques : le Gouvernement nous a dit et répété que 15 millions de masques allaient être distribués. Or ils ne sont disponibles pour les professions médicales que depuis hier.
Dans cette pseudo-préparation, vous avez oublié les « premiers de cordée » que sont les médecins libéraux, les hospitaliers, les infirmiers, les pompiers, les visiteurs d’Ehpad et les visiteurs à domicile. Ceux-là n’apparaissent pas dans votre plan…
Néanmoins, ma question porte sur sujet différent. Demain ont lieu des élections municipales, et d’autres « premiers de cordée » sont concernés, à savoir les élus. Que ferez-vous pour protéger ceux qui tiendront les bureaux de vote municipaux ? Envisagez-vous de reporter les élections municipales ? (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – Murmures sur les travées des groupes SOCR et UC.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur.
M. Laurent Nunez, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur. Monsieur Bascher, je vais répondre très précisément à la question sur les élections municipales, mais, tout d’abord, je ne puis évidemment pas vous laisser parler d’une « impréparation » à la crise que nous vivons avec cette épidémie !
J’ai d’ailleurs moi-même appelé, dès la sortie du conseil de défense, la plupart des élus de l’Oise pour leur expliquer les mesures que nous avions prises dans la plus grande transparence. Jamais peut-être une crise n’aura été gérée dans une telle transparence.
Je crois qu’il ne faut pas rompre le consensus sur un sujet qui intéresse la Nation tout entière. Or vous prenez la responsabilité de le rompre, monsieur le sénateur. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. François Patriat. Très bien !
M. Didier Guillaume, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Et Olivier Véran ne fait pas l’objet d’un confinement ! (Sourires.)
M. Laurent Nunez, secrétaire d’État. Concernant les élections municipales, il y a d’abord l’état du droit.
Vous le savez, la date des élections municipales est fixée par un décret pris en application du code électoral. C’est généralement en mars. Le report par décret n’est possible que dans les limites du mois de mars ; au-delà, il faudrait une loi.
M. Ladislas Poniatowski. Ou un décret sanitaire !
M. Laurent Nunez, secrétaire d’État. Ce qui nous importe, c’est la situation sanitaire.
Est-ce qu’il y a un risque sanitaire à se rendre dans un bureau de vote ? En l’état de nos connaissances sur le virus, il n’y a pas de risque identifié à ce stade, les votants étant assez éloignés les uns des autres – il y a généralement des espaces d’un mètre dans une file.
Aussi, il n’est évidemment pas envisagé de reporter les élections municipales. Cette décision n’est absolument pas à l’ordre du jour. (Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Ladislas Poniatowski. Cela reste possible !
M. Laurent Nunez, secrétaire d’État. Évidemment, nous aurons des discussions avec les associations d’élus pour savoir quelles mesures prophylactiques il convient éventuellement d’envisager pour que les élections se déroulent tout à fait normalement, ce qui est le souhait du Gouvernement.
Pour conclure, je vous confirme le maintien des élections, monsieur le sénateur, tout en déplorant de nouveau les propos que vous avez tenus et qui m’apparaissent indignes au regard de l’engagement dans notre pays de l’ensemble du système sanitaire, de l’appareil administratif et du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM. – Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour la réplique.
M. Jérôme Bascher. Monsieur le secrétaire d’État, ne parlons pas d’indignité ! Nous sommes sur le terrain comme vous. Le préfet fait son travail. Il est d’ailleurs contaminé, preuve que l’on n’en a pas fait assez pour les « premiers de cordée ». (Exclamations sur les travées des groupes LaREM, Les Indépendants et UC.)
Je vous remercie de votre réponse, mais sachez que nous sommes aussi attentifs que vous à la démocratie, monsieur le secrétaire d’État. Quant à la crise, ne vous inquiétez pas, le Parlement contrôlera ce qui se sera passé via une commission d’enquête. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
stratégie nationale de prévention et de protection de l’enfance
M. le président. La parole est à M. Bernard Buis, pour le groupe La République En Marche.
M. Bernard Buis. Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s’adresse à M. le secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé.
Monsieur le secrétaire d’État, en octobre dernier, vous avez présenté la stratégie nationale de prévention et de protection de l’enfance.
Je salue chaleureusement cette initiative. En effet, vous avez su faire de la protection de l’enfance une priorité nationale, en y consacrant des crédits considérables. Une première enveloppe annuelle supplémentaire de 80 millions d’euros sera déployée dès cette année, et des crédits complémentaires devraient suivre en 2021 et 2022. Bilans de santé obligatoires, préventions des risques de maltraitance et autres actions pourront être développés grâce à ces crédits.
Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, de mettre ainsi un coup de projecteur sur les plus fragiles de nos concitoyens : les enfants en danger ou maltraités, que ce soit au sein de leur famille ou dans certaines structures d’accueil. Un récent reportage sur la prise en charge de ces enfants a d’ailleurs secoué nombre de téléspectateurs et d’élus.
Si l’État marque sa volonté d’agir avec le déploiement des budgets supplémentaires évoqués, ce sont pourtant les départements qui sont chargés de la compétence « protection de l’enfance ».
J’en profite pour saluer le travail remarquable et si difficile des professionnels, qui interviennent, parfois dans des conditions dégradées, pour accompagner et aider ces enfants, nos enfants, ceux de la République.
C’est d’ailleurs vers les présidents de conseil départemental que vous vous êtes naturellement tourné, en novembre dernier, pour leur demander s’ils étaient volontaires pour partager les objectifs de l’État dans ce domaine.
Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous faire un point d’étape sur cette action et nous indiquer combien de départements ont effectivement candidaté et combien sont engagés dans ce processus de contractualisation ? Envisagez-vous un nouvel appel à candidatures dans les prochains mois ? (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé. Mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le sénateur Buis, c’est une compétence des départements, vous avez raison, mais elle est en réalité partagée. C’est peut-être ce que l’État a quelque peu oublié ces trente dernières années. (M. Jean-Louis Tourenne s’exclame.)
Vous l’avez rappelé, la stratégie de prévention et de protection de l’enfance, que j’ai présentée en octobre dernier, contient une partie contractualisation, avec des moyens supplémentaires, sur lesquels je reviendrai, mais aussi un ensemble de mesures nationales, qui permettent une nouvelle approche et un pilotage renforcé de cette politique – un pilotage, je le répète, partagé.
L’État doit aussi être au rendez-vous de ses propres compétences quand il s’agit d’éducation ou de santé. C’est la raison pour laquelle je veux réformer le pilotage de la protection de l’enfance.
Aussi, j’ai demandé à la Haute Autorité de santé d’établir un référentiel sur l’évaluation des situations de danger pour les enfants. Aujourd’hui, il faut savoir qu’un enfant n’est pas en danger de la même façon selon qu’il se trouve à Lille ou à Marseille. C’est absolument incompréhensible.
J’ai également demandé au Conseil national de la protection de l’enfance d’établir des taux d’encadrement nationaux pour les établissements dans lesquels se trouvent nos enfants.
Je reviens à la dimension de contractualisation. J’ai effectivement proposé aux départements de contractualiser avec l’État.
Cette proposition est le fruit d’une concertation de trois mois qui a associé l’ensemble des parties prenantes et au terme deux propositions ont été faites aux départements : tout d’abord, soumettre des projets de réinvestissement dans la protection maternelle et infantile, car je crois beaucoup dans la nécessité d’investir davantage dans la prévention ; ensuite, faire remonter des projets de prise en charge des enfants en situation de handicap, qui sont au croisement du social et du médico-social.
Or, dans un pays comme le nôtre, qui aime fonctionner en silos, ils ont tendance à se perdre dans les interstices.
Sachez que 62 départements ont répondu favorablement à la proposition que je leur faisais ; 30 d’entre eux ont été sélectionnés, et, d’ici au 1er juillet prochain, 30 contrats territorialisés vont être conclus. D’ici à cette date, nous sélectionnerons également les 30 départements suivants, de sorte que la mise en œuvre de cette contractualisation, avec les fonds correspondants, puisse être effective à partir du 1er janvier 2021. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
droit de grève à l’université
M. le président. La parole est à Mme Brigitte Lherbier, pour le groupe Les Républicains.
Mme Brigitte Lherbier. Ma question s’adresse à Mme le ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.
Madame la ministre, depuis plus de trois mois, des universitaires sont en grève en France. C’est le cas par exemple à l’université de Lille, où certains enseignants n’assurent plus leurs cours depuis le 5 décembre dernier.
Ces enseignants ne sont pas astreints à déclarer leur grève, ce qui paralyse le fonctionnement de l’université. La liste de leurs revendications est sans fin, même si la baisse des crédits consacrés aux laboratoires de recherche paraît être le détonateur de leur mouvement de contestation.
Ce sont les étudiants qui n’ont plus cours depuis plusieurs mois qui m’ont alertée.
Je sais, à l’heure qu’il est, que les étudiants sont à la fois inquiets et en colère, parce qu’ils ne sont plus en mesure de recevoir l’enseignement pour lequel ils se sont inscrits à l’université. Je tiens d’ailleurs à en saluer quelques-uns, présents aujourd’hui dans le public. D’autres collègues ont eu les mêmes retours.
Ces mouvements se répètent au sein de nos universités, au détriment de la formation de nos jeunes. La situation de l’enseignement supérieur est particulièrement préoccupante. Année après année, nos universités ne cessent de reculer au sein des grands classements internationaux. Si rien n’est fait, les inégalités vont encore s’accroître entre les étudiants : il y a ceux qui iront étudier dans les grandes écoles ou à l’étranger et les autres. Nos étudiants ont pourtant tous droit à un enseignement supérieur de qualité.
Bien sûr, le niveau des examens finaux s’adaptera aux programmes réellement étudiés par ces étudiants, mais l’accès aux concours nationaux leur sera très difficile, voire impossible.
L’ascenseur social, qui était l’essence même de l’université, ne peut pas fonctionner dans de telles conditions.
Madame la ministre, quelle est la position du Gouvernement, que l’on a peu entendu sur ce sujet ? Qu’avez-vous à dire aux étudiants qui sont privés de cours depuis quelque temps ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.
Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Madame la sénatrice Lherbier, les situations que vous avez décrites existent. Elles sont heureusement extrêmement minoritaires. Il appartient aux responsables des enseignements, des formations, aux présidents d’université de tout faire pour les éviter.
De tels mouvements sont observés dans un petit nombre d’universités, mais on constate aussi de plus en plus souvent que les étudiants font entendre leur voix. Cela a été le cas, pas plus tard qu’avant-hier, lors d’une assemblée générale au centre René-Cassin de l’université Panthéon-Sorbonne, à l’issue de laquelle les étudiants ont voté, cette fois à la majorité, pour que les cours reprennent.
Il y a une forme de prise en otage des étudiants… (Protestations sur les travées des groupes CRCE et SOCR.)
Mme Éliane Assassi. Un peu de respect pour les otages !
Mme Frédérique Vidal, ministre. … par un groupe, je le répète, minoritaire d’enseignants, qui refusent de faire cours. C’est leur droit le plus strict, mais ils doivent alors se déclarer en grève ; il est important que la continuité de l’enseignement soit assurée au sein des universités.
Mme Éliane Assassi. À qui la faute ?
Mme Frédérique Vidal, ministre. À ce jour, nous déplorons effectivement un blocage qui dure depuis quelques semaines à l’université Paul-Valéry, ainsi que dans quelques formations de l’université de Lille. Je suis en liaison permanente avec les présidents d’université, qui essaient de résoudre ce problème.
J’y insiste, la situation est extrêmement complexe pour ces étudiants, privés de leurs enseignements, ce qui nuit à leur formation, à laquelle ils accordent évidemment une grande importance. C’est l’honneur de la très grande majorité des enseignants-chercheurs dans les universités que de veiller à ce que ces enseignements puissent avoir lieu.
Enfin, je le rappelle, nous avons mis en place le plan Étudiants, avec plus d’un milliard d’euros alloués aux universités sur la durée du quinquennat,…
M. le président. Il faut conclure !
Mme Frédérique Vidal, ministre. … et nous préparons la loi de programmation pour la recherche, qui valorisera l’ensemble des activités des chercheurs et des enseignants-chercheurs dans notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
crise migratoire européenne
M. le président. La parole est à M. André Vallini, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
M. André Vallini. L’inconvénient de passer en fin de séance, c’est que la question que je souhaite aborder a déjà été largement évoquée par mes collègues Bargeton, Benbassa, Buffet et Cigolotti, puis, à l’instant, par M. del Picchia.
M. Philippe Dallier. Un peu d’imagination ! (Sourires.)
M. André Vallini. Justement, monsieur le ministre des affaires étrangères, vous avez déclaré avoir une conversation privilégiée avec M. del Picchia depuis quelques années sur le sujet de la Turquie. Permettez-moi de m’immiscer dans cette conversation, en vous posant la question de l’appartenance de la Turquie à l’OTAN.
Bien qu’elle soit membre de l’Alliance atlantique, depuis quelques mois, la Turquie a acheté des missiles russes, plutôt qu’occidentaux. Elle a attaqué les Kurdes, nos alliés contre l’État islamique, sans prévenir ses alliés occidentaux. Elle intervient en Libye, en dehors de tout accord international. Enfin, depuis quelques jours, vous l’avez reconnu, elle fait du chantage à l’égard de ces mêmes alliés, notamment ceux de l’Europe occidentale.
Pour toutes ces raisons, la question de l’appartenance de la Turquie à l’OTAN doit se poser. Voilà quelques mois, le président Macron a considéré que cette organisation était « en état de mort cérébrale ». Le moment n’est-il pas venu de provoquer un électrochoc, en posant en son sein cette question ? (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et LaREM. – M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur Vallini, bienvenue au club de la conversation sur la Turquie ! (Sourires.)
Vous avez raison de souligner les ambiguïtés de ce pays. J’en ai relevé quatre, au moins.
Tout d’abord, comme vous l’avez rappelé, en octobre dernier la Turquie a mené une intervention unilatérale contre nos alliés kurdes, dans le cadre de la coalition contre Daech, dont est membre l’OTAN, dont elle-même fait partie … C’est une première ambiguïté.
Par ailleurs, la Turquie a décidé unilatéralement de délimiter des zones maritimes de juridiction propre, en contradiction avec le droit de la mer, ce que nous contestons. En plus, elle mène des manœuvres militaires contre un autre pays membre de la même alliance qu’elle, à savoir la Grèce, en attendant d’autres cibles… J’espère que ce ne sera pas nous ! C’est une deuxième ambiguïté.
En outre, la Turquie vient de demander à l’OTAN un soutien militaire et des mesures de réassurance dans le domaine de la défense aérienne et de la défense antimissile. Dans le même temps, elle achète à la Russie du matériel S-400, dont l’interopérabilité au sein de l’alliance n’est pas avérée, au contraire. C’est une troisième ambiguïté.
Enfin, quand elle se trouve attaquée à Idlib, la Turquie se retourne vers l’OTAN pour réclamer l’application de l’article 4 et la solidarité des alliés. Je parle bien de l’article 4, et non pas de l’article 5.
Aux termes de cet article, il faut ouvrir des conversations, ce que nous avons fait, comme pour tout membre de l’alliance. Mais dans le même temps, la Turquie instrumentalise avec cynisme les migrants, comme je l’ai évoqué. C’est une quatrième ambiguïté.
Oui, monsieur le sénateur, la grande explication s’impose. Elle s’impose dans nos relations bilatérales avec la Turquie, mais aussi au sein de l’alliance. Le Président de la République a demandé qu’une réforme stratégique de l’OTAN soit mise en œuvre. Je crois que cela fait partie de cette discussion. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
M. Ladislas Poniatowski. Très bien !
M. le président. La parole est à M. André Vallini, pour la réplique.
M. André Vallini. Je vous remercie, monsieur le ministre. Ces ambiguïtés, comme vous dites, sont maintenant insupportables.
Le président Erdogan fait preuve d’une duplicité totale. Nous ne pouvons plus supporter ce comportement, qui est totalement contraire aux engagements qui nous lient au sein de l’alliance atlantique. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe SOCR, ainsi que sur des travées des groupes CRCE, LaREM, UC et Les Républicains.)
retraite des agriculteurs
M. le président. La parole est à Mme Christine Herzog, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
Mme Christine Herzog. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
Monsieur le ministre, les agriculteurs, les collaborateurs d’exploitation et les aides familiaux ont besoin d’une réponse précise de votre part sur l’avenir de leur retraite.
Actuellement, la pension moyenne après une carrière complète est de 740 euros par mois pour un agriculteur et de 550 euros pour leur conjoint collaborateur.
En avril 2019, le Président de la République avait annoncé lui-même que la réforme des retraites permettrait aux agriculteurs d’avoir un minimum de 1 000 euros. Nous avions tous salué, à l’époque, cette mesure très attendue, que le Sénat avait d’ailleurs défendue en mai 2018. Le Gouvernement l’avait alors refusée, en nous expliquant qu’elle serait intégrée à la future réforme.
Qu’en est-il aujourd’hui ? Nous apprenons finalement que cette retraite minimum concernera uniquement ceux qui ont cotisé tout au long de leur carrière comme chef d’exploitation et qui ont été rémunérés au niveau du SMIC. Ce mode de calcul, dans les faits, va exclure les trois quarts des retraités concernés, particulièrement les femmes d’agriculteurs.
De plus, cette mesure ne sera appliquée qu’en 2022, laissant les retraités actuels dans la précarité que nous constatons déjà.
Enfin, nous apprenons maintenant que ni les 1 000 euros ni les 85 % du SMIC promis ne sont inscrits dans la loi et qu’ils feront l’objet d’un décret.
Pour répondre aux inquiétudes des agriculteurs et des élus, le ministre de la santé a annoncé ici même qu’une mission parlementaire ferait des propositions à l’automne prochain.
Ce n’est pas la réponse que nous attendions. La situation est connue depuis longtemps, et son niveau d’urgence l’est également. Je vous demande donc, monsieur le ministre, de nous dire clairement comment votre réforme va améliorer le sort des différentes catégories d’agriculteurs. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC. – M. Jean Louis Masson applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
M. Didier Guillaume, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Madame la sénatrice Herzog, cette question est très importante, et je vous remercie de me l’avoir posée.
Vous dites que les 1 000 euros et les 85 % du SMIC ne sont pas dans la réforme. Je vous le confirme, ils y figurent bien. D’ailleurs, les agriculteurs feront partie de ceux qui seront gagnants à 100 %, dès 2022. (Protestations sur les travées des groupes CRCE, SOCR et Les Républicains.)
Mme Éliane Assassi. Ce n’est pas vrai ! Comment peut-on dire cela !
M. Didier Guillaume, ministre. Dès 2022, une pension minimale de 1 000 euros sera versée à tous les agriculteurs qui ont une carrière complète. (Mêmes mouvements.)
M. Laurent Duplomb. Elle est de 516 euros par mois !
M. Didier Guillaume, ministre. Elle s’élèvera à 85 % du SMIC dès 2025. (M. Fabien Gay s’exclame.)
Vous m’interrogez à la fois sur les futures retraites et sur les retraités actuels. Or nous ne pouvons pas, dans cette réforme visant l’instauration d’un système universel par répartition, qui améliorera le sort de tous les futurs agriculteurs retraités à partir de 2022 et 2025, régler le cas des quarante années à venir et réparer les errements des quarante années passées. (Protestations sur les travées des groupes SOCR, CRCE et Les Républicains.)
M. Jean-Louis Tourenne. C’est inadmissible !
M. Didier Guillaume, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, pour la première fois, le Premier ministre s’est engagé – Olivier Véran en a parlé ici même – à mettre en place un groupe de travail. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
Le Président de la République l’a annoncé au Salon de l’agriculture.
Les deux précédents gouvernements ne se sont pas occupés des retraités actuels, alors que la situation était déjà la même. (Vives protestations sur les travées du groupe SOCR et Les Républicains.) Il y a eu zéro mesure !
Nous, nous allons nous en occuper dès l’année prochaine, après que le groupe de travail aura rendu ses propositions à M. le Premier ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
M. le président. La parole est à Mme Christine Herzog, pour la réplique.
Mme Christine Herzog. Monsieur le ministre, cette question est trop importante pour que son règlement soit reporté une nouvelle fois !
Nous avons la responsabilité de donner des réponses précises, sans attendre de futurs décrets, ordonnances ou projets de loi. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)