M. le président. La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur, je l’ai dit il y a un instant et je le répète avec force : dans cette affaire, la France est totalement solidaire de la Grèce. Elle l’est, d’abord, pour des raisons humanitaires, et, ensuite, pour des raisons politiques. Ce qui se passe en Grèce nous concerne tous, puisque nous appartenons ensemble à l’espace Schengen.
Je voudrais relever – vous l’avez noté – que la pression migratoire qui s’exerce aujourd’hui aux portes de la Grèce et, dans une moindre mesure, de la Bulgarie et de Chypre, c’est-à-dire aux portes de l’Europe, est organisée par le régime du président Erdogan et constitue un élément de chantage à l’égard de l’Union européenne.
Je vous le dis, l’Union européenne ne cédera pas à ce chantage !
Nous avons conclu un accord en mars 2016 avec la Turquie : celle-ci reçoit des financements importants en échange d’une gestion – difficile, je l’admets – des réfugiés issus de la crise syrienne antérieure. Quelque 6 milliards d’euros ont été engagés, dont la moitié a déjà été versée. Nous attendons de la Turquie qu’elle soit fidèle à ses engagements ; l’Union européenne a respecté les siens et elle continuera de le faire.
Par ailleurs, une réunion des ministres de l’intérieur de l’Union européenne a lieu cet après-midi. Moi-même, je me rendrai demain à Zagreb pour rencontrer mes collègues européens et débattre ensemble des moyens d’aider concrètement la Grèce dans cette situation particulièrement difficile.
Je pense que nous serons unanimes pour valoriser l’opération Frontex, mettre les moyens nécessaires à la disposition de la Grèce et aider ce pays à faire face à cette crise humanitaire. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
dotation globale horaire dans les établissements ruraux
M. le président. La parole est à M. Éric Gold, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Éric Gold. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
Au lendemain de la diffusion d’un rapport de l’inspection générale de l’éducation nationale, nous sommes souvent sollicités par les conseils d’administration des collèges et lycées sur la baisse des dotations horaires globales qui définissent le nombre d’heures de cours que les établissements peuvent dispenser.
Dans le Puy-de-Dôme, par exemple, plusieurs lycées ou collèges vont connaître une baisse régulière de la dotation horaire globale malgré des effectifs stables.
Ces heures en moins sont en majorité des heures d’autonomie qui servent à financer les enseignements facultatifs, mais aussi les dédoublements de classe, les échanges entre les élèves de filière générale et ceux des unités localisées pour l’inclusion scolaire (ULIS) ou des sections d’enseignement général et professionnel adapté (Segpa), ou encore l’accompagnement au choix de l’orientation.
Ainsi, une baisse de la dotation horaire globale, c’est moins de choix dans les options, moins d’accompagnement personnalisé, voire des classes surchargées. C’est une dégradation des conditions d’enseignement pour les professeurs et d’apprentissage pour les élèves.
Cette problématique est d’autant plus marquée dans certaines zones éloignées des métropoles.
D’une part, en termes d’égalité des chances, les élèves accueillis dans les établissements ruraux vivent souvent une école moins inclusive, avec moins d’enseignements spécialisés et d’options. D’autre part, l’éloignement des métropoles empêche les élèves de se tourner vers des établissements dispensant les options qui ne figurent pas dans le leur.
Compte tenu d’une offre culturelle moins dense dans ces territoires, l’école est un vecteur majeur d’ouverture sur le monde.
Enfin, une offre éducative de qualité attire les familles ; il est donc à craindre que la baisse de moyens attribués à ces établissements ne vienne aggraver la perte d’attractivité de certains territoires.
Monsieur le ministre, 42 % des élèves de zone rurale ont le sentiment de ne pas avoir assez d’informations pour s’orienter. Cette donnée et toutes celles que je viens d’évoquer doivent nous inciter à prendre davantage en compte les spécificités des établissements ruraux, dont les difficultés s’aggravent avec la baisse des dotations horaires globales.
Vous avez récemment affirmé que les défis que rencontre le milieu rural appellent un volontarisme politique et sociétal fort et vous avez reconnu des inégalités fortes, dès le collège, entre élèves ruraux et citadins.
Quelles mesures sont donc envisagées pour que, aux fractures sociales et territoriales, ne vienne pas s’ajouter une fracture éducative ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées des groupes Les Indépendants et UC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le sénateur Gold, votre question porte sur un sujet très important, dont je parle fréquemment au Sénat, celui des écoles, collèges et lycées qui sont situés en milieu rural. Le Gouvernement y attache une très grande priorité, et nous devons mettre en place des stratégies à la fois quantitatives et qualitatives.
En vous écoutant, on pourrait croire que les écoles, collèges et lycées ruraux connaissent une évolution défavorable d’un point de vue quantitatif. Tel n’est pas le cas !
Je vais vous donner un seul chiffre pour le montrer : il y a 7 000 élèves en moins en milieu rural depuis trois ans, et nous créons à la rentrée prochaine plus de 250 postes dans les 45 départements les plus ruraux. Dans le Puy-de-Dôme, un département que vous connaissez bien, le taux d’encadrement en collège est aujourd’hui supérieur de 30 % à la moyenne nationale. Vous le voyez, il n’y a pas de problème quantitatif.
La véritable question est celle de la mise en place d’une stratégie qualitative pour rendre l’école, le collège et le lycée beaucoup plus attractifs et pour répondre aux problèmes que vous mentionnez.
Vous avez par exemple évoqué les questions de l’offre culturelle et de l’orientation, et je souhaite vous apporter des éléments de réponse.
En ce qui concerne l’offre culturelle, nous avons élaboré un plan Bibliothèques et un plan Numérique, qui permettent d’aider les collectivités locales à s’équiper en matériels informatiques ou en livres à destination des écoles ou des collèges.
S’agissant de l’orientation, nous avons mis en place, en liaison avec l’ensemble des régions, une nouvelle politique en la matière, particulièrement destinée aux collèges et lycées ruraux, afin de remédier au problème que vous soulevez.
Ce sont à mes yeux des questions d’unité nationale, qui, je l’ai dit à plusieurs reprises, doivent se traduire par des stratégies élaborées département par département.
Tel est le sens des travaux que nous avons menés avec le sénateur Duran et qui ont notamment permis de mettre en place les contrats départementaux de ruralité. Ces contrats permettent non seulement de garantir des postes et un bon taux d’encadrement, ce qui est un point important, mais surtout de développer les stratégies qualitatives dont je parlais à l’instant.
Je pense que nous serons d’accord sur ces sujets, tant il est important de soutenir les écoles, les collèges et les lycées en milieu rural. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM. – M. Yvon Collin applaudit également.)
situation des réfugiés syriens à la suite de l’ouverture des frontières turques
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Mme Esther Benbassa. Monsieur le président, monsieur le ministre de l’Europe et des affaires étrangères, mes chers collègues, comme vous le savez, depuis décembre 2019 un drame se déroule à Idlib, en Syrie.
Mécontent de ne pas obtenir le soutien des leaders européens lors de ses frappes dans la région, le président Erdogan vient d’ouvrir ses frontières pour laisser passer, au mépris de leur sécurité et de leur dignité, des milliers de migrants se trouvant sur son sol et déterminés à rejoindre l’Europe.
L’Union européenne est responsable de cette situation, ayant elle-même fourni à la Turquie les outils de rétorsion que celle-ci utilise contre elle.
Au lieu de prendre notre part de l’accueil de ces populations en grande détresse, nous avons monnayé, en 2016, notre tranquillité migratoire avec M. Erdogan, lui laissant la charge de 3,6 millions de migrants en échange de 6 milliards d’euros et de notre silence sur l’oppression de nos alliés kurdes.
Aujourd’hui, le flux migratoire se fait massif et l’Union européenne laisse la Bulgarie et la Grèce y faire face seules et de la pire façon, alors qu’elles ont besoin d’une aide financière et logistique immédiate.
Monsieur le ministre, la France est-elle susceptible de mettre sur pied, avec d’autres États membres de l’Union européenne, un plan solidaire et ambitieux de répartition des migrants (Ah ! sur des travées du groupe Les Républicains.), afin de les accueillir dignement et sans délai ?
M. Roger Karoutchi. Certainement pas !
Mme Esther Benbassa. C’est en effet le seul véritable antidote au déchaînement de l’extrême droite raciste et xénophobe. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE. – Mme Martine Filleul applaudit également. – Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Madame la sénatrice, j’ai commencé précédemment à répondre à cette question et je voudrais à ce stade de nos débats attirer l’attention du Sénat sur la situation humanitaire actuelle dans la zone d’Idlib.
Vous avez dit que le président Erdogan avait déclaré ses frontières ouvertes, mais vous savez bien que les frontières entre la Turquie et l’espace Schengen sont fermées, et nous ferons en sorte qu’elles le demeurent.
M. Roger Karoutchi. Très bien !
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. D’ailleurs, les ministres des affaires étrangères de l’Union européenne le rappelleront demain lors de leur réunion à Zagreb. Que les choses soient claires !
En ce qui concerne la région d’Idlib, il est important d’avoir pleinement conscience de la situation sur place. Sur les trois millions d’habitants, la moitié est constituée de réfugiés provenant des zones dites « de désescalade », instaurées au fur et à mesure de la reconquête territoriale par les forces de Bachar al-Assad.
Ainsi, lorsqu’une zone était reconquise par le régime de Bachar al-Assad, les habitants de ces zones, ainsi que les groupes terroristes présents, étaient déplacés dans la région d’Idlib. De ce fait, je le répète, sur les trois millions d’habitants de cette région, 1,5 million sont des réfugiés.
Or ces réfugiés ne passeront pas en Turquie, puisque cette frontière est fermée. Ils sont dans un état incommensurable de dénuement et de détresse, sont soumis au froid, à la faim, aux épidémies et à la violence, en particulier les femmes et des filles, et sont contraints de se déplacer de nouveau en raison de l’offensive des forces du régime de Bachar al-Assad – ils remontent vers la frontière turque.
Le secrétaire général des Nations unies a d’ailleurs demandé l’ouverture d’une enquête sur les frappes aériennes délibérées perpétrées sur des objectifs civils – hôpitaux, écoles, etc. Si ces actes sont suffisamment documentés – nous allons nous atteler à faire en sorte que ce soit le cas –, ils pourraient éventuellement être reconnus comme des crimes de guerre.
Voilà la réalité de la situation dans la région d’Idlib.
M. le président. Il va falloir conclure.
M. Jean-Yves Le Drian, ministre. D’un point de vue humanitaire, la France et l’Union européenne seront au rendez-vous, pour aider ces populations, qui ne sont pas les réfugiés dont vous parliez, madame la sénatrice, et dont la migration est organisée par le président Erdogan, pour faire pression sur l’Europe. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa, pour la réplique.
Mme Esther Benbassa. Monsieur le ministre, vous n’avez pas répondu à ma question !
Est-ce que l’Europe se prépare à mettre en place un programme d’accueil et de répartition dans l’ensemble de ses États membres de ces migrants,…
M. Bruno Sido. Non !
Mme Esther Benbassa. … qui s’entassent aux portes de la Grèce et de la Bulgarie ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE. – Mme Martine Filleul applaudit également. – Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.)
politique migratoire du gouvernement
M. le président. La parole est à M. François-Noël Buffet, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. François-Noël Buffet. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur.
En 2015, l’Europe a, dans un premier temps, laissé l’Italie et la Grèce faire face à la crise migratoire liée à la guerre au Levant. Il a fallu attendre plusieurs mois pour qu’elle décide de signer, moyennant un montant de 6 milliards d’euros, un accord avec la Turquie, afin de pallier son impréparation et son absence d’anticipation. La Turquie devait ainsi contenir une partie des réfugiés sur son territoire.
Aujourd’hui, la Grèce est de nouveau sous pression, certes dans des proportions moindres, en tout cas pour l’instant… Mais l’origine et la cause de cette migration ne sont pas tout à fait les mêmes, puisque la France et l’Europe sont confrontées au chantage du régime turc pour des raisons différentes et malheureuses, que M. le ministre vient de rappeler.
Pour autant, monsieur le ministre, qu’allez-vous faire pour renforcer la protection des frontières extérieures et en matière de politique migratoire européenne ? Quelle va être la voix de la France dans les heures et les jours qui viennent sur ces sujets ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur.
M. Laurent Nunez, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur. Monsieur le sénateur, vous m’interrogez sur la position de la France sur la crise migratoire que nous connaissons actuellement. Je vais vous répondre d’abord pour le court terme, puis pour le moyen terme.
Je rappelle tout d’abord que la Grèce connaît, depuis l’automne 2019, une arrivée de migrants sur ses îles plus importante que celle qu’elle constatait auparavant.
Dans le cadre des politiques menées par l’Union européenne, la France a alors contribué au renforcement de Frontex. Notre pays a également participé à l’accroissement de la capacité de traitement des demandes d’asile par la Grèce. Je me suis d’ailleurs rendu en Grèce en janvier dernier, pour évoquer ces questions avec mon homologue ; le ministre de l’intérieur a fait de même.
Concernant la situation actuelle, un conseil des ministres de l’intérieur de l’Union européenne va se tenir aujourd’hui, à partir de dix-sept heures, pour répondre à la demande de solidarité de la Grèce. Ce conseil examinera notamment les moyens à mettre en œuvre pour renforcer Frontex et aider la Grèce à contrôler ses frontières. Comme l’indiquait le ministre de l’Europe et des affaires étrangères, la France participera bien évidemment à cette solidarité européenne.
À plus long terme, je vous renvoie, monsieur le sénateur, au débat qui a eu lieu en septembre dernier à l’Assemblée nationale et au Sénat sur la politique migratoire de la France.
Le Gouvernement a alors annoncé qu’il soutenait une réforme ambitieuse de la politique d’asile. Dans cette perspective, Amélie de Montchalin, secrétaire d’État chargée des affaires européennes, et moi-même avons entamé une tournée des capitales européennes, que nous allons poursuivre avec conviction.
M. le président. Il faut conclure !
M. Laurent Nunez, secrétaire d’État. Nous souhaitons obtenir un meilleur contrôle à nos frontières, mais surtout un meilleur traitement des demandes d’asile, de façon à pouvoir reconduire très vite ceux qui n’ont pas besoin de protection et accueillir ceux qui en ont besoin. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
M. le président. La parole est à M. François-Noël Buffet, pour la réplique.
M. François-Noël Buffet. Je vous entends, monsieur le secrétaire d’État, mais cela fait bien longtemps que, dans cette assemblée, en particulier de ce côté de l’hémicycle, nous plaidons pour une politique migratoire européenne et une protection de nos frontières ; celle-ci nécessite de s’appuyer sur des moyens lourds.
Nous plaidons également pour une politique européenne d’asile efficace et faisant preuve d’anticipation.
Enfin, et surtout, comment anticiper et préparer le retour des réfugiés dans leur pays d’origine ? Le Gouvernement a-t-il une stratégie en la matière ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Françoise Férat applaudit également.)
coronavirus (i)
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
Mme Laurence Rossignol. Il y a tout juste une semaine, presque heure pour heure, nous apprenions que deux cas de coronavirus avaient été détectés dans l’Oise.
Dès le premier décès, le directeur général de l’agence régionale de santé et le préfet ont pris toutes les mesures de protection et de prévention nécessaires ; je tiens à saluer leur réactivité, leur sens des responsabilités et leur disponibilité auprès des élus locaux – ils sont d’ailleurs tous les deux confinés depuis lors.
Aujourd’hui, l’Oise compte 65 cas de contamination, dont 10 pour la seule base aérienne de Creil. À ma connaissance, 2 personnels civils sont hospitalisés. Vous comprendrez donc que, dans l’Oise, la base aérienne de Creil, la BA 110, soit vue comme l’épicentre de l’épidémie.
J’ai pris connaissance des éléments très détaillés fournis par le ministère des armées sur les conditions sanitaires du vol de rapatriement des Français de Wuhan. Selon le ministère, il n’y a aucun lien entre ce vol et la contamination. Pourtant, l’équipage de L’Estérel était composé d’environ dix personnes, et chaque jour 2 500 personnes entrent sur la base aérienne, y travaillent, y circulent et y mangent.
Comme vous le savez, le patient zéro de l’Oise n’a toujours pas été identifié.
Ma question est la suivante : comment le commandant de la base aérienne de Creil peut-il affirmer de manière aussi péremptoire et définitive que « le patient zéro n’est pas chez nous », c’est-à-dire de la BA 110 de Creil ? Aucune autre collectivité humaine n’oserait dire cela dans la même situation. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR, ainsi que sur des travées du groupe CRCE.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès de la ministre des armées.
Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d’État auprès de la ministre des armées. Madame la sénatrice, vous posez une question qui tourne en boucle depuis une semaine : la potentielle transmission du virus dans l’Oise par la base de Creil.
Ce que nous pouvons affirmer, madame la sénatrice, c’est que les militaires de l’escadron Estérel qui se sont rendus à Wuhan pour rapatrier des Français ont respecté toutes les mesures prescrites : en Chine, ils ne sont pas sortis de l’appareil ; lorsqu’ils sont revenus, ils ont été mis à l’isolement chez eux.
De fait, ils n’ont présenté aucun symptôme, comme d’ailleurs toutes les personnes rapatriées par ce vol. Aucun membre du service de santé des armées qui était sur ce vol sans être basé à Creil n’a présenté de symptôme. Nous pouvons donc affirmer que le patient zéro ne fait pas partie de ce vol.
Le patient zéro habite peut-être dans l’Oise et il a pu être en contact avec quelqu’un de la base aérienne de Creil. Ce qui est certain, c’est que le commandant a pris des mesures très fortes pour limiter le risque d’expansion du virus : d’abord, une équipe d’épidémiologistes est sur place depuis une semaine ; ensuite, toutes les sorties inutiles ont été annulées et l’activité de la base a été réduite. Toutes les mesures préconisées par le ministère des solidarités et de la santé ont été mises en œuvre.
La base aérienne de Creil connaît effectivement des cas, mais rien ne dit que l’un d’entre eux est le patient zéro ou qu’ils n’ont pas été infectés à l’extérieur. L’épidémiologie est une science complexe, surtout dans un contexte de déplacements fréquents et de fort brassage de population.
Je crois qu’il ne faut pas jeter l’anathème sur un lieu, où toutes les précautions ont été prises. Nous devons tout simplement continuer les enquêtes.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour la réplique.
Mme Laurence Rossignol. Rien ne dit en effet que la base aérienne soit l’origine du foyer, mais rien ne dit le contraire non plus !
En tout cas, les conséquences pour la population du bassin creillois sont importantes : dans quatre communes, toutes les écoles sont fermées, alors qu’aucun cas de contamination n’y a été constaté. Tous les cas de contamination sont situés sur la base aérienne de Creil.
Seule l’armée peut investiguer sur son propre territoire, les conséquences sur la population civile sont importantes, et je continue de penser que les propos du commandant de la base, selon lesquels celle-ci n’a rien à voir avec le patient zéro, étaient hasardeux et audacieux. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
crise migratoire en turquie
M. le président. La parole est à M. Robert del Picchia, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Robert del Picchia. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères, mais je suis un peu ennuyé… En effet, une bonne pédagogie est certes basée sur la répétition – M. Blanquer ne me contredira pas… (Sourires.) –, mais je vais poser de nouveau des questions sur la Turquie, la Grèce et M. Erdogan. Je ne veux évidemment pas mettre en doute vos compétences ; d’ailleurs vous venez de très bien expliquer la situation sur place.
Je voudrais tout simplement savoir ce que va faire l’Union européenne et combien tout cela va encore nous coûter. Nous avons déjà payé environ 3 milliards d’euros : comment arrêter ce processus ?
Je crois que, pour cela, nous devons revenir aux fondamentaux. Ne devrions-nous pas lancer un appel solennel à la Turquie, ainsi qu’à la Russie ? Ce sont tout de même ces pays qui sont à l’origine de la situation que nous connaissons, du fait des différents bombardements dans la région d’Idlib. (M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères, acquiesce.) Je vois que vous êtes d’accord avec moi, monsieur le ministre !
Dans ces conditions, que peut faire l’Union européenne, si ce n’est lancer un appel très sérieux à la Turquie et à la Russie pour qu’ils se mettent d’accord ? Les problèmes humanitaires sont de plus en plus nombreux et importants et je ne crois pas qu’il y ait d’autre solution qu’un accord entre ces deux pays.
M. Borrell, haut représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, s’est rendu à Ankara, et il vous fera part des résultats de ses entretiens lors de votre réunion de Zagreb. Je ne sais pas si ces entretiens aboutiront à quelque chose, mais il nous faut, en tout état de cause, sortir de cette situation.
Je me rends compte que ce n’est pas facile, mais nous vous faisons confiance, monsieur le ministre ! (Sourires et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères. J’ai, avec le sénateur del Picchia, une ancienne et ininterrompue conversation sur la question turque… Et puisqu’il m’y invite, je vais compléter mes propos précédents.
Nous avons, avec la Turquie, plusieurs sujets de contentieux lourds, dont certains sont récents, ainsi que différents points d’irritation, le dernier étant le non-respect de l’accord de 2016 avec l’Union européenne, événement qui se produit sous nos yeux.
Je pourrais ainsi citer la question récente du nord-est syrien, où l’initiative turque a remis en cause notre manière d’appréhender la sécurité dans cette région, ou encore les actions turques en Méditerranée orientale, où nos engagements sont opposés, et en Libye, où l’armée turque rompt l’embargo décidé par les Nations unies, en acheminant en Libye des forces syriennes, ce que l’on appelle des proxy – ceux-ci viennent d’ailleurs souvent de la région d’Idlib.
Je pourrais également citer le dossier de l’OTAN, où l’ambiguïté demeure – j’en parlerai à l’occasion d’une prochaine question –, la question des libertés, pour laquelle des divergences majeures sont apparues, et bien sûr, je le répète, l’instrumentalisation des migrants, qui n’est pas acceptable.
Pour autant, nous sommes dans la même alliance ! C’est pourquoi nous devrons rapidement avoir avec la Turquie une explication franche, publique, exhaustive et exigeante, pour savoir où chacun se situe et où sont nos intérêts communs. Sans une telle explication, nous n’en sortirons pas – je vous rejoins sur ce point, monsieur le sénateur. L’actualité nous l’impose.
Cela n’obère aucunement les discussions que le Président de la République a déjà et aura encore avec le président Poutine.
L’impératif d’exigence vis-à-vis de la Turquie me paraît essentiel, d’autant que nous avons tout de même un point commun : la lutte contre le terrorisme. Je vous rappelle que nombre de groupes terroristes, dont Daech, et de combattants étrangers, dont des Français, sont présents dans la zone d’Idlib. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM. – Mmes Françoise Gatel et Joëlle Garriaud-Maylam applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Robert del Picchia, pour la réplique.
M. Robert del Picchia. Je vous remercie, monsieur le ministre.
Ne serait-il pas temps de réfléchir à une solution politique en Syrie, que l’ONU ou une autre organisation pourrait « imposer » aux différents acteurs ?
impact du coronavirus sur l’économie nationale
M. le président. La parole est à M. Jacques Le Nay, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Jacques Le Nay. Ma question s’adresse à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances.
M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie et des finances, a déclaré vendredi dernier : « L’État considère le coronavirus comme un cas de force majeure dans les contrats qui le lient avec ses partenaires ». Cela me paraît être une bonne mesure. Pourquoi ne pas appliquer cette disposition aux contrats conclus entre les collectivités territoriales et leurs partenaires ? Plus globalement, quid du secteur privé ?
Alors que le marché pétrolier est gagné par la panique et que l’OCDE prévoit une véritable chute de la croissance mondiale, les conséquences négatives du coronavirus sur notre économie paraissent inéluctables.
M. Bruno Le Maire a annoncé hier des mesures relatives à l’étalement du paiement des cotisations sociales et des impôts. Cela suffira-t-il ? Vous venez d’évoquer ce sujet, madame la secrétaire d’État, dans votre réponse à ma collègue Colette Mélot.
Dans notre droit, le cas de force majeure est reconnu comme un événement imprévisible et irrésistible. Or ce facteur d’imprévisibilité ne s’applique pas dans le cas présent, puisque le coronavirus sévit depuis plusieurs mois. Ce flou autour de la notion de force majeure place nos entreprises, en l’état actuel du droit, face à un risque imminent d’une inexécution de contrat, risque pour lequel elles n’auront aucune garantie d’assurance.
Transport, culture, restauration, hôtellerie, voilà les secteurs qui subissent déjà les conséquences de cette épidémie. En cas de fort ralentissement de l’économie nationale, les entreprises concernées n’auront pas les moyens d’assumer dans les mois à venir les charges qui leur incombent.
Dans ces conditions, quelles mesures comptez-vous mettre en place pour les accompagner ? N’est-il pas nécessaire d’envisager un élargissement du cas de force majeure à toutes les relations contractuelles, afin d’éviter une future récession financière touchant l’ensemble de nos secteurs d’activité ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)