Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 19.
Article 20
[Article examiné dans le cadre de la législation partielle en commission]
Le III de l’article L. 2224-8 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° Après le mot : « délivré », la fin du dernier alinéa est ainsi rédigée : « par un ou plusieurs organismes, notifiés au titre du règlement (UE) n° 305/2011 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2011 établissant des conditions harmonisées de commercialisation pour les produits de construction et abrogeant la directive 89/106/CEE du Conseil, compétents dans le domaine des produits d’assainissement et désignés par arrêté des ministres chargés de l’environnement et de la santé. » ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Le ministre chargé de l’environnement et le ministre chargé de la santé peuvent, dans des conditions précisées par décret, demander à l’organisme notifié de procéder à un réexamen de l’agrément qu’il a délivré. »
Mme la présidente. Le vote est réservé.
Nous abordons l’examen de l’article 33, appelé en priorité.
Article 33 (priorité)
I. – Dans les conditions prévues par l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance, dans un délai de dix-huit mois à compter de la publication de la présente loi, les mesures relevant du domaine de la loi nécessaires pour :
1° Modifier les dispositions du code forestier relatives à l’Office national des forêts afin :
a) D’élargir les possibilités de recrutement d’agents contractuels de droit privé et de leur permettre de concourir à l’exercice de l’ensemble des missions confiées à l’office, y compris la constatation de certaines infractions forestières et à l’exclusion de leur recherche, par certains d’entre eux commissionnés et assermentés à cet effet ;
b) De modifier la composition du conseil d’administration en prévoyant la représentation de l’ensemble des collectivités territoriales, afin d’enrichir la prise de décision de l’Office face aux nouveaux enjeux de la Forêt ;
2° Modifier les dispositions du titre Ier du livre V du code rural et de la pêche maritime relatives au réseau des chambres d’agriculture afin de permettre un rapprochement par ce réseau des règles applicables à leurs agents de celles prévues par le code du travail, dans le respect de l’organisation et des missions respectives des établissements départementaux, inter-départementaux, régionaux, inter-régionaux et de région composant ce réseau et de déterminer les modalités d’adoption de ces règles.
I bis (nouveau). – Les organisations syndicales représentatives des personnels de l’Office national des forêts sont associées à l’élaboration de l’ordonnance prévue au a du 1° du présent article.
I ter (nouveau). – Les associations nationales d’élus locaux en particulier de ceux issus de collectivités territoriales propriétaires de forêts relevant du régime forestier sont associées à l’élaboration de l’ordonnance prévue au b du 1° du I.
I quater (nouveau). – Les organisations syndicales de salariés représentatives des personnels des chambres d’agriculture au niveau national et les représentants des employeurs sont associés à l’élaboration de l’ordonnance prévue au 2° du I.
II. – Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication des ordonnances prévues au I.
III (nouveau). – Au plus tard au moment du dépôt du projet de loi de ratification devant le Parlement mentionné au II, le Gouvernement remet un rapport au Parlement rendant compte de l’association des parties prenantes à l’élaboration des ordonnances prévues aux a et b du 1° et au 2° du I.
Mme la présidente. La parole est à M. Éric Kerrouche, sur l’article.
M. Éric Kerrouche. Monsieur le ministre, il est important pour moi, en tant que sénateur des Landes, d’intervenir sur le sujet de la forêt, donc sur l’Office national des forêts, l’ONF.
Cette proposition de réforme de l’ONF a un petit air de déjà-vu, me semble-t-il.
Sur la méthode, on utilise la procédure accélérée. On réforme par ordonnances, alors que de nombreux rapports parlementaires ont été produits en la matière, le dernier l’ayant été par le Sénat en juin 2019. On consulte partiellement l’ONF. L’étude d’impact est lacunaire sur le contenu de l’ordonnance. L’avis du Conseil d’État ne retient pas la disposition d’habilitation du Gouvernement à modifier le conseil d’administration de l’ONF. Des calendriers se télescopent ou se chevauchent avec d’autres négociations en cours.
Bref, la méthode en rappelle d’autres, employées pour d’autres textes – je pense, par exemple, à la réforme des retraites.
On use des mêmes éléments de langage, de la même novlangue prônée par « le nouveau management pour les nuls » : on va « simplifier », « moderniser », « professionnaliser », « rationaliser », « resserrer la gouvernance pour plus de performance »…
Sur le fond de la réforme, on nous propose une gouvernance centralisée, qui traduit une volonté d’exclusion des corps intermédiaires, notamment les représentants de la filière bois, les associations de protection de l’environnement, mais aussi les collectivités territoriales. Si la commission spéciale a pu apporter une solution sur ce point, ne doit-on pas penser, comme le laissait suggérer le rapport du Comité Action publique 2022, que les forêts communales ne seront plus, à terme, gérées par l’ONF ?
On veut également réduire des politiques publiques à des équations comptables. C’est votre spécialité !
On euphémise les difficultés des conditions de travail, qui sont pourtant patentes et qu’accentueront encore la défonctionnarisation et les réductions de personnel.
On relègue, bien entendu, les enjeux écologiques et de protection du bien commun.
La forêt publique n’est pas un bien économique comme les autres et l’ONF n’est pas une société anonyme qui doit mener une politique commerciale ! Pour 67 % des Français, la forêt est un espace à préserver pour les générations futures. C’est un bien commun. C’est le principal patrimoine public naturel de la France, après le patrimoine maritime, et il est aujourd’hui fragilisé par des menaces climatiques et sanitaires et par la disparition d’espèces.
Il faut une structure publique qui dispose des moyens nécessaires à l’accomplissement de la mission d’intérêt général de préservation et de gestion durable de la forêt. L’ONF mérite mieux qu’un texte fourre-tout et elliptique.
Mme la présidente. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Éric Kerrouche. Il aurait mérité de faire l’objet d’un véritable débat parlementaire, au lieu d’être traité aussi mal.
Mme la présidente. La parole est à Mme Angèle Préville, sur l’article.
Mme Angèle Préville. On ne peut pas, on ne doit pas proposer des changements tels que la modification du statut des agents de l’ONF et de son conseil d’administration sous forme d’ordonnances, d’une part, ni au détour d’une loi de simplification, dont le titre IV s’intitule « Diverses dispositions de simplification », d’autre part.
Non, changer le statut d’agents de la fonction publique ne peut être une disposition diverse de simplification. C’est une question de respect élémentaire pour la dignité des personnes concernées. Symboliquement, ce n’est pas défendable.
S’il faut réformer – pourquoi pas ? –, une loi qui envisagerait le sujet dans sa globalité s’impose.
La forêt est un vrai sujet. C’est un sujet d’importance, qui passionne les Français, à juste titre. C’est un sujet de société à part entière.
Les forêts sont un atout considérable pour notre avenir. Le tiers de la surface de la France en est couvert. Plusieurs millions de propriétaires possèdent les 75 % de forêts privées.
Les forêts offrent moult services : captage du dioxyde de carbone et, en contrepartie, production du dioxygène nécessaire à notre respiration ; préservation de l’humidité ; protection contre les vagues de chaleur ; régulations de toutes sortes ; espaces-tampons ; protection contre les vents ; lutte contre l’érosion des sols ; enfin, havres de paix et de biodiversité. Bref, la forêt est source d’une multitude de bienfaits, connus ou non. L’arbre est un élément-clé, créateur de sols nourriciers.
Cependant, la forêt ne va pas si bien, changement climatique et mondialisation obligent : insectes ravageurs, plantes invasives, agents pathogènes, incendies…
Nous avons plus que jamais besoin d’un Office national puissant, fort, riche d’expertises, impliqué et efficace. Il ne s’agit pas de lui manifester de la défiance, contrairement à ce qu’exprime l’article 33 du texte.
Nous avons besoin d’une politique de la forêt responsable, associant les agents de l’ONF en confiance. Il faut, sans doute, poser le problème sur la table et discuter avec eux. Nous avons besoin d’eux ! Leur expertise nous est précieuse et le sera encore plus dans les années à venir.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, sur l’article.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. L’avenir de nos forêts et l’importance de l’ONF méritent un débat global et sérieux, et non une réforme menée à l’aveuglette.
Nous ne faisons pas confiance au Gouvernement pour transformer, par ordonnances, une institution historique, créée au début du XIIIe siècle pour protéger un bien public qui a de tout temps été essentiel, mais qui l’est encore plus en cette période de vulnérabilité au changement climatique et de menace sur notre biodiversité.
L’ONF devrait être un atout et un outil fondamental de notre politique de la forêt. Il mérite mieux que des ordonnances organisant sa privatisation rampante et réduisant ses moyens, à l’instar de celles que prévoit le projet de loi.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. De fait, c’est bien une stratégie d’asphyxie budgétaire qui est mise en œuvre depuis des années.
Nous ne voterons aucune de ces ordonnances, qui tuent l’ONF à petit feu en confiant ses missions régaliennes de contrôle et de sanction à des contractuels privés.
Plus grave encore est la proposition de modification du conseil d’administration. En effet, pour l’ONF, l’articulation est difficile entre, d’une part, la nécessité de préserver l’atout écologique que constituent les forêts et, d’autre part, le développement à terme de la filière bois, dont le potentiel économique n’a jamais été sérieusement pris en compte en France.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Ce n’est pas au travers de l’ONF que l’on doit modifier la filière bois. Les fonctions économiques de nos forêts doivent être équilibrées, avec des coupes bien pensées et, en même temps, un travail intelligent de maintien de la diversité des espèces et de gestion de celles-ci.
La filière bois française souffre de fragilités qui sont liées non pas à l’ONF, mais à la structuration des scieries et à d’autres mécanismes. C’est d’ailleurs un point auquel le Gouvernement, au lieu de transformer et de privatiser l’ONF, ferait bien de s’intéresser prioritairement.
Nous sommes très hostiles au resserrement du conseil d’administration de l’Office. En particulier, la présence en son sein de divers acteurs intéressés par la gestion de la forêt, comme France nature environnement, sera affaiblie.
Mme la présidente. Il faut conclure, ma chère collègue.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. En clair, nous ne voulons ni ordonnances ni évolution vers la privatisation.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Nous voulons un ONF puissant, avec des moyens et des outils renforcés, pour qu’il puisse préserver notre bien commun.
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Jacquin, sur l’article.
M. Olivier Jacquin. Je souhaite évoquer la notion de service public forestier, en évoquant l’exemple de ma Lorraine, une région qui compte de très nombreuses communes forestières et de belles forêts de production. Avant les scolytes, les divers ravageurs et les tempêtes, la forêt était une source de revenus importants pour nos communes.
Il y a quelques jours, je me suis entretenu avec Jean-Jacques Tavernier, maire de Mont-l’Étroit, petite commune qui compte 100 habitants et 200 hectares de forêt communale. Celui-ci critiquait les 12 % de frais perçus par l’ONF, qui, me disait-il, ne lui laissent pas grand-chose : voilà longtemps qu’il ne coupe plus d’arbres, le secteur ayant été particulièrement ravagé par la tempête.
Il m’a ensuite parlé des difficultés qu’il rencontrait pour entretenir deux kilomètres de route communale, ne pouvant plus compter sur l’ingénierie d’État pour l’aider et le conseiller. En retravaillant, en optimisant et en s’entourant correctement, il avait tout de même réussi à faire baisser le coût des travaux à réaliser de 100 000 euros à 20 000 euros.
Si je vous parle de voirie, alors que nous débattons de la forêt, c’est parce que, comme je l’ai signalé à cet élu, il n’y aura plus non plus, à terme, d’agents forestiers qui travailleront dans l’intérêt des communes. Les contraintes, dans ce domaine, seront les mêmes que dans d’autres.
Si, demain, les maires qui ne sont pas forestiers ne bénéficient plus des services que leur rend l’ONF, je ne suis pas certain que nos forêts seront entretenues de la même manière qu’aujourd’hui. Je ne suis pas certain que les élus penseront à engager des travaux pour les générations suivantes. En effet, si un mandat dure six ans, un arbre met un siècle à pousser ! Les contraintes financières peuvent faire perdre le sens du temps long.
Doter les agents du statut de fonctionnaire, c’est, conformément à l’esprit de la fonction publique, les protéger des pressions nombreuses que peuvent exercer sur eux les forestiers, les chasseurs, les entreprises prestataires et même, quelquefois, les élus, qui peuvent penser au temps court plus qu’au temps long.
Franchement, il faut plus qu’un texte d’accélération et de simplification de l’action publique et plus qu’une ordonnance pour protéger le service public des forêts : il faut un vrai débat parlementaire.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 34 rectifié ter est présenté par Mme Noël, MM. Bascher, D. Laurent, J. M. Boyer, Chatillon, Raison et Perrin, Mme Raimond-Pavero, M. Calvet, Mme Deromedi, MM. Laménie et H. Leroy et Mme Lamure.
L’amendement n° 72 est présenté par Mme Cukierman, M. Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Marc Boyer, pour présenter l’amendement n° 34 rectifié ter.
M. Jean-Marc Boyer. La première disposition de l’article 33 vise à pouvoir faire réaliser par des salariés de droit privé toutes les missions confiées par la loi à l’ONF. Il s’agit de missions de service public administratif, mais aussi de missions de police judiciaire.
La réalisation de ces missions essentielles à la protection de la forêt donne lieu à de multiples pressions venant de l’extérieur – acheteurs de bois, usagers, citoyens… –, mais aussi de l’interne : la situation financière de l’ONF étant chroniquement déficitaire, de nombreuses pressions s’exercent sur les personnels pour augmenter la récolte de bois ou fermer les yeux sur certaines dérives, notamment pour raisons commerciales.
Les agents de l’ONF, notamment ceux qui sont chargés de missions de police judiciaire, ont toujours été dotés du statut de fonctionnaire, d’une part, afin qu’ils soient en capacité de résister à ces pressions, donc de protéger au mieux forêt et intérêt général, et, d’autre part, pour que la loi soit appliquée en toute impartialité et indépendance.
Pour rappel, l’ONF est chargé de protéger et de faire appliquer la loi dans les forêts publiques, qui représentent 10 % du territoire national. Pour remplir ses missions, l’ONF ne dispose plus que de 4 500 fonctionnaires – contre 9 000 en 1985 –, dont environ 3 000 gardes forestiers, répartis sur 10 % de notre pays, outre-mer compris.
Ces gardes forestiers travaillent le plus souvent seuls et sont de plus en plus confrontés à la contestation de la puissance publique. Ils représentent, dans de nombreux territoires, une fraction importante, voire majoritaire, des effectifs de police mobilisables en matière de protection de l’environnement et de sécurité publique – en cas d’incendies, de tempêtes, de risques en montagne…
Si les fonctionnaires ne sont pas intrinsèquement plus compétents que des salariés, le statut de fonctionnaire est indispensable pour les agents de l’ONF exerçant ces métiers : pour leur protection d’abord, mais également pour la bonne réalisation de leurs missions, donc pour la protection de la forêt et pour l’intérêt général. Pour ces raisons, le statut de salarié n’est pas adapté à l’exercice de ces missions.
Aussi, cet amendement vise à supprimer l’article 33 et, ainsi, à ne pas autoriser le Gouvernement à prendre par ordonnances les mesures relevant du domaine de la loi afin d’élargir les possibilités, pour l’ONF, de recruter des agents contractuels de droit privé.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour présenter l’amendement n° 72.
M. Pierre Ouzoulias. Je souscris totalement aux propos qui viennent d’être tenus.
M. Pierre Ouzoulias. Je vais tâcher de ne pas être trop redondant.
Monsieur le ministre, j’en appelle à notre culture commune. Je suis élu des Hauts-de-Seine, mais je suis originaire de la Corrèze.
Vous savez comme moi que, dans nos départements, nous avons, depuis la Révolution, et même un peu avant, des biens sectionaux, qui sont la base de la vitalité de notre communauté rurale et paysanne et qui sont gérés depuis toujours par l’ONF.
Aujourd’hui plus que jamais, ces biens communaux permettent aux paysans de se chauffer et, de temps en temps, de vendre un peu de bois. Cette possibilité est déterminante pour la permanence du tissu rural. Cependant, nous savons tous que, si cette activité est éminemment rentable pour le maintien de l’habitat rural et du monde paysan, elle ne l’est pas pour l’ONF.
Notre crainte, immense, est que ce projet, en engageant la privatisation de cet office, ne conduise progressivement à abandonner inéluctablement ses missions de service public, qui sont fondamentales.
Par conséquent, nous vous demandons, monsieur le ministre, au nom de nos valeurs communes, au nom de ce que représentent les biens sectionaux et les forêts communales, de nous octroyer un peu de temps pour discuter de cet héritage, qui a trois siècles d’existence. On ne peut pas rayer ainsi d’un trait de plume des expériences historiques qui ont joué un rôle fondamental dans la structuration de nos terroirs.
C’est la raison pour laquelle nous sollicitons la suppression de l’article 33.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Patricia Morhet-Richaud, rapporteure. La suppression de l’article, donc des habilitations à légiférer par ordonnances, pose plusieurs problèmes.
En premier lieu, alors que l’objet de ces amendements ne vise que l’ONF, l’adoption de leur dispositif irait très au-delà : elle conduirait également à abroger l’habilitation relative aux chambres d’agriculture.
En deuxième lieu, certaines des évolutions législatives prévues par les habitations sont attendues des acteurs de terrain.
S’agissant de l’ONF, tous les travaux conduits ces dernières années, y compris ceux qu’a publiés tout récemment la commission des affaires économiques du Sénat sur la filière bois, convergent sur la nécessité de lui permettre de réformer la gestion de son personnel.
Pour ce qui concerne les chambres d’agriculture, le rapprochement des règles applicables aux personnels avec celles que prévoit le code du travail est demandé par Chambres d’agriculture France, une instance que nous avons auditionnée dans le cadre de nos travaux préparatoires.
Enfin, pour répondre aux inquiétudes légitimes soulevées par les auteurs des amendements, la commission spéciale a strictement encadré les habilitations.
Ainsi, pour ce qui est de l’ONF, elle a prévu que les missions de police pouvant être confiées à des agents de droit privé soient, d’une part, limitées à la seule constatation des infractions de nature forestière et, d’autre part, exercées par certains d’entre eux, qui sont commissionnés et assermentés à cet effet.
Elle a également garanti la présence de l’ensemble des collectivités territoriales au sein du conseil d’administration de l’établissement.
S’agissant des chambres d’agriculture, la commission spéciale a prévu le maintien de l’autonomie administrative dont bénéficie le réseau, en prévoyant que le rapprochement des règles puisse être effectué par lui.
Elle a aussi veillé à ce que l’évolution statutaire ne se transforme pas en une réforme subreptice du réseau, en indiquant que cette évolution doit intervenir dans le respect de l’organisation et des missions respectives des établissements infranationaux.
Enfin, dans les deux cas, la commission spéciale a souhaité que les parties prenantes, organisations syndicales ou collectivités territoriales, soient associées à l’élaboration des ordonnances.
Pour l’ensemble de ces raisons, il n’y a pas lieu de supprimer les habilitations à légiférer par ordonnances, qui, j’y insiste, ont été encadrées par le travail de la commission.
En conséquence, la commission sollicite le retrait des amendements. À défaut, elle émettrait un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Didier Guillaume, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je partage l’avis de Mme la rapporteure.
J’ai entendu les prises de parole sur l’article 33. Je suis entièrement d’accord avec ce qui a été dit.
Je conçois que vous ne soyez pas d’accord avec le principe des ordonnances. Pour avoir été sénateur, je reconnais que celles-ci sont parfois un peu brutales… Toutefois, ce que nous recherchons, c’est la simplification et l’accélération.
Madame Lienemann, je suis désolé, mais votre propos est soit complètement hors sujet soit erroné : nous faisons justement en sorte d’éviter la privatisation de l’ONF. En réduisant le nombre de membres de son conseil d’administration, nous voulons justement donner plus de poids aux collectivités territoriales, et moins à l’État. D’ailleurs, je serai favorable aux amendements dont les dispositions iront en ce sens.
Si vous considérez que donner plus de pouvoirs aux collectivités territoriales et moins à l’État, c’est privatiser l’ONF et l’éloigner du terrain, nous ne pourrons être d’accord !
Il me semble que certaines positions sont dogmatiques. (Exclamations sur les travées du groupe CRCE.) Je ne saurais accepter ces argumentations.
Si nous voulons resserrer le conseil d’administration, c’est justement pour le rendre plus efficace.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Bien sûr ! (Sourires sur les travées des groupes CRCE et SOCR.)
M. Didier Guillaume, ministre. Monsieur Jacquin, vous avez évoqué les forêts communales, mais l’ONF n’est pas un OFNC, un Office national des forêts communales ! Les élus locaux n’ont pas à décider de ce que doit faire l’ONF. Sinon, la cohérence nationale disparaîtra. Tel est l’état d’esprit qui nous anime.
Je partage l’avis de Mme la rapporteure : l’adoption de ces amendements conduirait à supprimer non seulement les dispositions du texte relatives à l’ONF, mais également celles qui concernent les chambres d’agriculture. C’est la raison pour laquelle je ne puis qu’émettre un avis défavorable à leur sujet.
Nous voulons à la fois donner plus d’efficacité aux chambres d’agriculture, doter la chambre d’agriculture de Mayotte d’un statut qui l’aide à avancer et permettre à l’ONF d’être plus efficace.
Que reprochait-on à l’ONF ? Comme j’ai déjà eu l’occasion de l’indiquer à de nombreuses reprises ici, en réponse à des questions d’actualité au Gouvernement, on lui reprochait d’être en situation de déficit, d’avoir mis à contribution les communes forestières et de ne pas être en phase avec la réalité du changement climatique et de nos forêts.
Monsieur Ouzoulias, je comprends votre position et je la respecte, mais vous devez saisir que ce que nous voulons faire, c’est assurer le statut public de l’ONF, faire en sorte que son conseil d’administration soit plus resserré et plus efficace, et rendre l’office véritablement capable de travailler à la lutte contre le changement climatique.
J’émets donc un avis défavorable sur ces amendements identiques.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Monsieur le ministre, je ne crois plus aux propos lénifiants.
Lorsque l’on nous promet une plus grande efficacité du service public ou une meilleure gestion des biens communs, cela se termine toujours par des privatisations, des réductions budgétaires et l’impuissance de l’intervention publique, qui laisse faire des choses inacceptables.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Le sujet ne peut pas être traité par des ordonnances.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Alors qu’un nombre important de points du texte pourraient être travaillés dans la durée, alors que l’ONF joue un rôle essentiel pour la gestion et l’avenir de nos forêts, je ne comprends pas, madame la rapporteure, que vous considériez que le recours aux ordonnances est normal.
Vous prétendez les encadrer. Non, madame, vous ne les encadrez pas, parce que vous n’êtes pas en situation de connaître exactement, par exemple, la composition du conseil d’administration !
Ce n’est pas parce que vous aurez associé les communes que l’ordonnance donnera forcément raison à leurs attentes. Je pense en particulier à la représentation des associations de défense de l’environnement, qui peuvent parfois paraître pénibles à certains de nos collègues élus, mais qui sont indispensables à l’équilibre de la gestion de nos forêts.
Pour preuve, le Conseil d’État lui-même a considéré, dans son avis sur le projet de loi, qu’il était anormal de ne pas disposer de davantage d’informations sur la gouvernance et la composition de l’ONF.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Même le Conseil d’État critique votre méthode et votre manière d’engager le débat par voie d’ordonnances ! Quels que soient nos désaccords sur la manière de gérer l’ONF, les décisions le concernant ne sauraient, dans les conditions actuelles, être prises au moyen d’ordonnances.
De même, si je ne suis pas une grande spécialiste des chambres d’agriculture, je considère que leur avenir est important et que celui-ci ne saurait être défini par voie d’ordonnances.
Sur le fond, que l’on ne me dise pas que recourir à des contractuels n’affaiblit pas la capacité de l’État ! Cela vaut même si leurs fonctions sont encadrées.
Chers collègues des Ardennes, certaines de vos forêts ont été dévastées, faute de contrôle et de bonne gestion, alors qu’une partie de leurs arbres étaient touchés par le scolyte.
Historiquement, quand l’ONF était en mesure d’intervenir et de contrôler, quand les fonctionnaires étaient en nombre suffisant, les coupes étaient fines et bien préparées : elles permettaient d’enlever les arbres qui menaçaient,…