Mme Cécile Cukierman. Si le fait que nos convictions, quelles qu’elles soient, ne sont pas toujours les mêmes que les vôtres vous pose problème, dites-le ! Cela confirmera que c’est le temps de la démocratie qui vous gêne ! Après avoir réduit le plus possible la qualité et la possibilité même du débat, vous caricaturez maintenant les propos de vos collègues.
M. Julien Bargeton. Mais non !
Mme Cécile Cukierman. C’est tellement facile ! En cela, vous êtes très « ancien monde ». Les gouvernements précédents procédaient de la même manière : on renvoie les opposants dans les cordes, en les accusant d’être en pratique hostiles a priori à toute simplification.
M. Julien Bargeton. C’est le cas !
Mme Cécile Cukierman. Vous avez exactement le même argumentaire que les gouvernements précédents. En matière de mauvaise foi et de défense du tout et n’importe quoi, vous êtes en très bonne compagnie !
M. François Patriat. Vous nous insultez.
Mme Cécile Cukierman. La vraie question est la suivante : pourquoi la commission spéciale, dans sa diversité et dans sa grande majorité, n’a-t-elle pas fait le choix de valider toutes les suppressions de comités ou de commissions proposées par le Gouvernement ?
M. François Patriat. L’Assemblée nationale réglera cette question.
Mme Cécile Cukierman. C’est notamment parce que fait défaut une étude d’impact suffisamment probante, susceptible de démontrer l’inutilité de telle ou telle commission. Pour justifier sa suppression, on se borne à constater qu’elle ne s’est pas réunie depuis un certain temps. Ce simple fait prouve-t-il qu’elle est inutile ?
M. Julien Bargeton. Plutôt, oui.
Mme Cécile Cukierman. Ne doit-on pas plutôt s’interroger, en démocratie, sur les raisons pour lesquelles une commission n’a pu se réunir et sur les modifications à envisager pour la rendre plus efficace ?
Je n’aurai de cesse de le redire, jusqu’à jeudi soir s’il le faut, c’est le temps de travailler de façon approfondie qui nous a manqué. Cela explique aussi que nous puissions parfois nous laisser aller, les uns et les autres, à la caricature, faute d’avoir disposé du temps suffisant pour élaborer des propositions d’amélioration de l’existant, celui-ci n’étant pas toujours, en effet, satisfaisant. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Je commence à avoir l’habitude de défendre des textes, notamment budgétaires, devant le Sénat. Sachant compter, j’ai assez peu d’espoir quant au sort que vous réserverez à l’amendement du Gouvernement… (Sourires.)
M. Pierre Ouzoulias. Un moment de lucidité !
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Je voudrais cependant apporter deux éléments au débat.
Premièrement, la commission dont nous proposons la suppression n’est pas compétente en matière de restitutions.
M. Julien Bargeton. C’est vrai.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Je renvoie celles et ceux d’entre vous qui en douteraient à ce qu’écrivait son président, Jacques Sallois, dans un rapport de 2015.
Mme Catherine Morin-Desailly. Telle n’était pas la volonté du législateur !
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Madame la présidente Morin-Desailly, je vous ai écoutée ; permettez-moi d’aller au terme de mon propos. Je sais votre attachement personnel et particulier à cette commission.
Le législateur a pris des décisions qui ont été traduites dans des textes réglementaires que le Gouvernement applique dans la stricte continuité de l’action de l’État.
Le président Sallois a donc dit, dans son rapport de 2015, que la Commission scientifique nationale des collections n’était pas compétente en matière de restitutions. Il faut aussi préciser que les restitutions dérogent au principe législatif d’inaliénabilité des collections ; c’est par conséquent le législateur qui doit en décider, et non pas une commission. (M. Pierre Ouzoulias proteste.)
Laissez-moi terminer ! Pardonnez-moi, mais j’ai l’impression d’être à l’Assemblée nationale… (Exclamations amusées.)
Mme la présidente. Je vous en prie, monsieur le secrétaire d’État, poursuivez.
Mme Cécile Cukierman. Nous sommes plus gentils que les députés ! (Sourires.)
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Je le redis pour la qualité et la clarté de nos débats : le Parlement sera de toute manière appelé à se prononcer sur toute forme de restitution, puisque la restitution déroge au principe législatif d’inaliénabilité des collections.
Par ailleurs, le déclassement implique la perte d’intérêt public et, parmi l’ensemble des objets que vous avez, les uns et les autres, évoqués, y compris de manière allusive – je pense notamment aux collections du Bénin –, aucun n’a perdu son intérêt public ; nous ne pouvons donc pas engager, les concernant, une procédure de déclassement.
Je le précise pour relativiser, sans la remettre en cause, l’importance que vous attachez au maintien de cette commission. Nous avons une conviction : elle fonctionne mal,…
Mme Catherine Morin-Desailly. À qui la faute ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. … quelles que soient les raisons de cette situation, madame la présidente Morin-Desailly. Nous faisons le constat qu’elle rend extrêmement peu d’avis et que sa suppression n’interdirait évidemment pas au Parlement d’être éclairé par les travaux des différents acteurs et des services de l’État, sachant que, in fine, le Parlement, et donc le peuple français, aurait à se prononcer sur toute forme de restitution.
L’ensemble de ces éléments m’amènent à maintenir cet amendement, dans la perspective de la navette.
MM. Julien Bargeton et François Patriat. Très bien !
Mme la présidente. En conséquence, l’article 10 demeure supprimé.
Article 11
I. – L’article 74 de la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer est abrogé.
II (nouveau). – L’article 17 de la loi n° 2011-725 du 23 juin 2011 portant dispositions particulières relatives aux quartiers d’habitat informel et à la lutte contre l’habitat indigne dans les départements et régions d’outre-mer est abrogé.
III (nouveau). – Le I de l’article 12 de la loi n° 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique est abrogé.
IV (nouveau). – Le XIX de l’article 74 de la loi n° 2018-699 du 3 août 2018 visant à garantir la présence des parlementaires dans certains organismes extérieurs au Parlement et à simplifier les modalités de leur nomination est abrogé.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 56 est présenté par Mme Cukierman, M. Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 113 est présenté par Mme Conconne, M. Antiste, Mme Jasmin, M. Lurel, Mmes Artigalas et G. Jourda, MM. Sueur, Houllegatte et Kerrouche, Mmes Préville et S. Robert, MM. Kanner, Bérit-Débat et Joël Bigot, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Daudigny, Duran et Fichet, Mmes Grelet-Certenais et Harribey, MM. Jacquin et Leconte, Mmes Lubin et Monier, M. Montaugé, Mme Perol-Dumont, M. Temal et les membres du groupe socialiste et républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour présenter l’amendement n° 56.
Mme Cécile Cukierman. Par cet amendement de suppression de l’article, nous souhaitons défendre le maintien de la Commission nationale d’évaluation des politiques de l’État outre-mer (Cnepeom).
Une nouvelle fois, la façon dont le Gouvernement justifie sa volonté de supprimer certaines instances nous laisse dubitatifs. Cette commission nationale n’a pas les mêmes missions que les délégations aux outre-mer qui ont été créées par la suite à l’Assemblée nationale, au Sénat et au Conseil économique, social et environnemental (CESE). Alors que nos compatriotes d’outre-mer sont trop souvent relégués au second plan par les politiques gouvernementales, nous nous refusons à supprimer la Cnepeom.
Nous ne pouvons certes que nous satisfaire que les instances nationales que j’ai citées se saisissent des problématiques des outre-mer en créant en leur sein des délégations. Plutôt que la suppression de la Cnepeom, nous proposerons tout à l’heure, au travers de l’amendement n° 57 rectifié, sa revalorisation, afin qu’elle puisse s’enrichir de l’existence de ses nouvelles consœurs parlementaires.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Conconne, pour présenter l’amendement n° 113.
Mme Catherine Conconne. L’occasion m’est donnée, avec l’examen de ce projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique, de soulever le problème de l’évaluation des politiques publiques outre-mer.
La Cnepeom a été créée à la suite de la grande crise sociale ayant frappé, en 2009, La Réunion, la Guyane, la Guadeloupe et la Martinique. Il faut savoir que ces pays ont alors vécu plusieurs semaines en lock-out, totalement à l’arrêt !
Après la signature des accords de sortie de crise, le gouvernement Sarkozy-Fillon avait décidé de créer un certain nombre d’instances pour faire en sorte d’améliorer les choses.
Mme Sophie Primas. C’était le bon temps !
Mme Catherine Conconne. Je ne reviendrai pas sur les chiffres qui donnent la mesure de la situation des pays dits d’outre-mer. Comment pourrions-nous accepter, nous quatre sénateurs de la Guadeloupe et de la Martinique ayant cosigné cet amendement, que, d’un trait de plume, au nom de l’accélération et de la simplification, on supprime tout contrôle et toute évaluation des politiques publiques outre-mer ?
Chaque année, nous votons des exceptions, des mesures d’équité. L’outre-mer relève d’un ministère spécifique, fait l’objet d’un budget spécifique débattu chaque année dans notre assemblée. Mais on veut nettoyer tout cela, au nom du fantasme selon lequel les deux délégations parlementaires aux outre-mer seraient en mesure de procéder à l’évaluation des politiques publiques. Avec quels moyens ? Évaluer des politiques publiques, c’est un métier !
Je ne suis pas fétichiste de la Cnepeom, monsieur le secrétaire d’État. On la décrit volontiers comme un gros machin, un mammouth, lourd à déplacer, qui ne se réunit jamais, faute du quorum requis. Mais on ne peut pas l’effacer comme ça ! Je vous demande donc de vous engager à ce que l’application des subtiles mesures d’équité concernant l’outre-mer que nous votons chaque année soit régulièrement évaluée. Les politiques publiques outre-mer doivent faire l’objet d’un monitoring permanent !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Patricia Morhet-Richaud, rapporteure. Ces amendements, qui tendent à supprimer l’article 11, et donc à maintenir la Commission nationale d’évaluation des politiques de l’État outre-mer, sont contraires à la position de la commission spéciale.
L’intention de leurs auteurs est pleinement compréhensible, et je partage naturellement leur souci de l’efficience des politiques de l’État dans ces territoires spécifiques que sont les outre-mer.
Néanmoins, les missions de la Cnepeom sont très similaires à celles des délégations aux outre-mer du Sénat, de l’Assemblée nationale et du CESE.
La Cnepeom s’est certes vue confier par le législateur des missions spécifiques, sur l’habitat indigne et sur l’inflation en particulier. Son rapport biennal 2018-2019 n’aborde toutefois ces sujets qu’incidemment ; autrement dit, elle ne suit plus les priorités qui lui ont pourtant été données par le législateur. Je rappelle que ces missions restent à l’inverse pleinement exercées par les délégations parlementaires aux outre-mer.
Mme Catherine Conconne. Ce n’est pas vrai !
Mme Patricia Morhet-Richaud, rapporteure. Par ailleurs, les moyens de cette commission ont déjà été renforcés et la visioconférence expérimentée, sans que ses difficultés de fonctionnement s’en trouvent résorbées : ces difficultés semblent davantage tenir au peu de temps que ses membres peuvent consacrer à ses travaux qu’à une réelle insuffisance de moyens ou d’organisation.
Je précise enfin qu’il est évidemment essentiel que cette suppression ne s’accompagne pas d’une moindre attention aux problématiques des outre-mer. À cet égard, nul doute que le Sénat, en particulier au travers de sa délégation aux outre-mer, continuera à attacher à une grande importance à l’évaluation des politiques de l’État outre-mer. Une suppression vigilante de la Cnepeom me semble donc, au regard des difficultés de cette commission, préférable.
Pour l’ensemble de ces raisons, la commission spéciale a émis un avis défavorable sur ces amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Il n’aura pas échappé au Sénat que nous avons quelques divergences avec Mme la rapporteure, mais, en l’espèce, je partage l’intégralité des arguments qu’elle a développés.
L’avis du Gouvernement est donc également défavorable.
Mme Catherine Conconne. Ces arguments sont faux ! Je n’ai jamais vu ça !
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Je soutiens la position de notre collègue Catherine Conconne. On lui oppose qu’une partie du travail effectué par la Cnepeom l’est aussi par les délégations aux outre-mer du Sénat et de l’Assemblée nationale et par le CESE. Mais ce qui fait tout l’intérêt de cette commission, c’est justement qu’elle est un lieu de synthèse des évaluations sectorielles, d’établissement d’un diagnostic et de définition des priorités quant aux politiques à mener.
J’ajoute que les collectivités territoriales, via les présidents de région notamment, sont représentées en tant que telles au sein de la Cnepeom.
Nous vivons une véritable crise d’efficacité de nos politiques publiques dans les outre-mer, tant il est vrai que la Nation n’a pas su résorber les inégalités territoriales. Il me semble donc que la suppression d’un tel outil, fût-il en apparence redondant – en réalité, je l’ai dit, il ne l’est pas –, serait un mauvais signal.
Mme la présidente. La parole est à M. François Bonhomme, pour explication de vote.
M. François Bonhomme. Je suivrai sur ce point notre rapporteure.
Cette commission a été créée sous Sarkozy, certes, mais ensuite ont été instituées des délégations aux outre-mer au Sénat, en novembre 2011, à l’Assemblée nationale, en juillet 2012, et au CESE.
La Cnepeom a été dotée de moyens non négligeables : 500 000 euros par an, sans compter les crédits destinés à couvrir les dépenses de déplacement ; cela pour produire un rapport tous les deux ans et tenir trois réunions annuelles ! Au regard de ces éléments, la capacité de cette commission à jouer son rôle n’est pas démontrée. C’est d’ailleurs ce qu’écrit notre rapporteure, en des termes très diplomatiques, évoquant « une commission dont la pertinence ne semble pas démontrée ». Dit autrement, elle ne sert pas à grand-chose ! Et ce n’est pas parce que l’on multipliera les commissions que l’outre-mer s’en portera mieux. Au contraire, c’est un facteur de dispersion.
Enfin, madame Lienemann, à quoi sert-il de produire une synthèse des synthèses ? (Mmes Catherine Conconne et Marie-Noëlle Lienemann protestent.) En empilant les strates, on perd en efficacité. Plutôt que de disperser les moyens, mieux vaudrait peut-être les concentrer pour construire une véritable politique d’évaluation !
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Conconne, pour explication de vote.
Mme Catherine Conconne. À entendre certains arguments, j’ai parfois l’impression d’être non pas sur la planète Terre, mais sur Mars, tant ils sont éloignés de la réalité ! Des gens qui ne connaissent rien de ces pays, si différents des autres qu’on les a isolés au sein d’un ensemble appelé « outre-mer », viennent me faire la leçon sur des choses que je connais cent fois mieux qu’eux !
M. François Bonhomme. Nous n’avons pas le droit d’en parler ? L’outre-mer, c’est la France aussi !
Mme Catherine Conconne. Il faut se calmer et respecter les gens ! Je ne me permettrais jamais de parler d’un observatoire d’évaluation des politiques publiques en Bretagne à la place d’un Breton !
M. François Bonhomme. C’est le même pays, madame !
Mme Catherine Conconne. Que chacun reste à sa place ! (Exclamations sur des travées des groupes Les Républicains, UC et LaREM.) Quand des parlementaires défendent des territoires que l’on a isolés des autres, j’aimerais que l’on respecte leurs arguments !
Par ailleurs, madame la rapporteure, avec tout le respect que je vous dois, je constate que l’argumentaire que l’on vous a donné à lire est faux du premier au dernier mot. Il ne correspond à aucune réalité !
M. François Bonhomme. Démontrez-le !
Mme Catherine Conconne. Depuis quand des délégations procèdent-elles à des évaluations ? Avec quels moyens ? Avec quels outils statistiques de mesure et de contrôle ? Évaluer des politiques publiques requiert de se référer à une nomenclature, de suivre des procédures. C’est l’affaire de spécialistes !
M. François Bonhomme. N’en jetez plus !
Mme Catherine Conconne. Aujourd’hui, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure, les professionnels de ce que l’on appelle l’outre-mer paient de leurs propres deniers l’évaluation des politiques publiques ! Telle est la réalité ! Renseignez-vous auprès de la Fedom, la Fédération des entreprises des outre-mer ! Demandez-lui combien de millions d’euros sont chaque année dépensés, grâce aux cotisations de ses membres, pour évaluer les politiques publiques mises en place par le Gouvernement ! Trouvez-vous cette situation normale, fluide, correcte ?
Je revendique une dernière fois la mise en place d’une vraie politique d’évaluation des politiques publiques outre-mer, sous quelque forme que ce soit. Ces pays sont trop fragiles pour que l’on se permette, comme l’a si bien dit M. Bruno Le Maire, le ministre de tutelle de M. Dussopt,…
Mme la présidente. Il faut conclure, ma chère collègue.
Mme Catherine Conconne. … d’évaluer au doigt mouillé ce qui s’y passe ! (MM. Joël Labbé et Jean-Pierre Sueur applaudissent.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Lana Tetuanui, pour explication de vote.
Mme Lana Tetuanui. Je vais essayer, à cette heure tardive, de ramener un peu de sérénité dans notre hémicycle.
De prime abord, je ne souhaitais pas intervenir, mais la Polynésie française, que je représente, fait partie des outre-mer. J’entends et je respecte les arguments qui viennent d’être développés par mes collègues. Mais, honnêtement, chère Catherine Conconne, depuis que je suis arrivée au Sénat, en mai 2015, je n’ai jamais rien vu sortir de la commission dont nous débattons.
M. François Bonhomme. Des rapports…
Mme Lana Tetuanui. Les seules avancées concrètes découlent de notre action à nous, parlementaires, qui dénonçons ce qui se passe, ou plutôt ce qui ne se passe pas bien, dans nos collectivités. Nous avons ainsi demandé, via la délégation sénatoriale aux outre-mer, que des missions d’évaluation soient menées. Concernant ma paroisse, j’évoquerai par exemple le rapport sur le foncier. Quant à la Cnepeom, je ne vois pas, pour ma part, quelle est son utilité aujourd’hui. (M. Claude Kern applaudit. – Mme Catherine Conconne ironise.)
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. François Bonhomme. Encore un Ultramarin ! (Sourires.)
M. Jean-François Longeot, président de la commission spéciale. Je peux tout à fait comprendre les propos de Mme Conconne et la passion qui l’anime. Il est certains mots, néanmoins, que la passion ne saurait justifier. Ainsi, il n’est pas très correct de dire que Mme la rapporteure se serait contentée de lire ce que d’autres auraient écrit pour elle.
Mme Catherine Conconne. Ce n’est pas ce que j’ai dit !
M. Jean-François Longeot, président de la commission spéciale. Si, vous l’avez dit !
M. Julien Bargeton. En effet !
M. Jean-François Longeot, président de la commission spéciale. Mme la rapporteure a accompli, en peu de semaines, un travail extraordinaire. Son avis ne lui a été ni dicté ni écrit. Elle l’a arrêté au regard des auditions et du travail qu’elle a menés. La passion ne doit pas empêcher le respect. Enfin, je me permets de vous rappeler que les territoires d’outre-mer sont des territoires français. (Applaudissements sur des travées des groupes UC et Les Républicains. – M. Jean-Marc Gabouty applaudit également.)
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 56 et 113.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. L’amendement n° 57 rectifié, présenté par Mme Cukierman, M. Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Après le quatrième alinéa de l’article 74 de la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Elle établit chaque année un rapport public de suivi des travaux effectués par la délégation aux outre-mer de l’Assemblée nationale, de la délégation sénatoriale aux outre-mer et de la délégation à l’Outre-mer du Conseil économique, social et environnemental. »
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Mme Cécile Cukierman. Je retire cet amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 57 rectifié est retiré.
Je mets aux voix l’article 11.
(L’article 11 est adopté.)
Article 12
I. – Le code monétaire et financier est ainsi modifié :
1° Après le VII de l’article L. 612-1, il est inséré un VII bis ainsi rédigé :
« VII bis. – L’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution peut être consultée par la Commission nationale d’évaluation du financement des charges de démantèlement des installations nucléaires de base et de gestion des combustibles usés et des déchets radioactifs mentionnée à l’article L. 594-11 du code de l’environnement, pour l’exercice de sa mission d’évaluation du contrôle de l’adéquation des provisions aux charges prévue au premier alinéa du même article L. 594-11. » ;
2° Au premier alinéa du I des articles L. 746-2, L. 756-2 et L. 766-2, après la référence : « VII », est insérée la référence : « , du VII bis ».
II. – L’article L. 594-13 du code de l’environnement est complété par une phrase ainsi rédigée : « Elle peut consulter l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution dans les conditions définies au VII bis de l’article L. 612-1 du code monétaire et financier. »
Mme la présidente. L’amendement n° 183, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
La section 2 du chapitre IV du titre IX du livre V du code de l’environnement est abrogée.
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Cet amendement a pour objet d’abroger la section du code de l’environnement relative à l’existence et au fonctionnement de la Commission nationale d’évaluation du financement des charges de démantèlement des installations nucléaires de base et de gestion des combustibles usés et des déchets radioactifs (CNEF), en rétablissant l’article supprimé par la commission spéciale du Sénat.
La CNEF, créée en 2006, n’a pu être réunie avant 2011. Sa mise en place effective s’était en effet trouvée différée, ses membres n’ayant été désignés que tardivement. Elle ne s’est ensuite réunie qu’une dizaine de fois entre 2011 et 2012 ; à l’issue de cette période, elle a produit un rapport public, constatant qu’elle ne bénéficiait que d’une faible implication du Parlement et faisant état de ses réserves sur sa propre capacité à fonctionner de manière pérenne. En tout état de cause, la CNEF ne s’est plus réunie depuis 2012.
Le rapport faisait également état du manque de moyens humains mis à sa disposition, en comparaison de l’affectation de moyens humains très importants – une quinzaine de rapporteurs et l’assistance d’un groupe d’experts – à la rédaction du rapport de la Cour des comptes de 2012 sur les coûts de la filière électronucléaire, un rapport mis à jour en 2014.
La Cour des comptes a par la suite continué à examiner en profondeur la question de la prise en compte des coûts de gestion des combustibles usés et des déchets radioactifs, dans son rapport de juillet 2019 sur l’aval du cycle du combustible nucléaire, et a finalisé en février 2020 un rapport sur l’arrêt et le démantèlement des installations nucléaires civiles faisant suite à une demande de la commission des finances du Sénat.
Dans ce contexte, l’utilité de la CNEF nous paraît discutable. Elle ne s’est plus réunie depuis 2012, et la Cour des comptes se révèle davantage capable qu’elle de mesurer les coûts des activités relevant de son champ de compétence. En tout état de cause, l’Autorité de sûreté nucléaire, le délégué à la sécurité nucléaire et à la radioprotection pour les activités et installations intéressant la défense et, depuis 2015, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) jouent aussi un rôle d’appui auprès du ministère chargé de l’économie et de l’énergie.
Pour toutes ces raisons, nous souhaitons le rétablissement de l’article 12 dans sa rédaction initiale et la suppression de la section du code de l’environnement relative à l’existence et au fonctionnement de la Commission nationale d’évaluation du financement des charges de démantèlement des installations nucléaires de base et de gestion des combustibles usés et des déchets radioactifs.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Patricia Morhet-Richaud, rapporteure. La suppression de la CNEF, telle que proposée par le Gouvernement, n’est pas satisfaisante.
Certes, la CNEF a connu de lourdes difficultés. Il faut déplorer, à cet égard, les insuffisances qui ont marqué la mise en œuvre réglementaire de la création de cette commission et ont retardé son installation de près de cinq ans.
Pour autant, le principe de l’existence d’une instance de contrôle ad hoc ne doit pas être abandonné. Il faut rappeler que c’est le Parlement, via l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) notamment, qui est à l’origine de la création de la CNEF. À ce jour, la CNEF est en droit le seul organe mixte comprenant des parlementaires et informant le grand public dans le domaine du démantèlement des installations nucléaires et de la gestion des déchets nucléaires.
Par ailleurs, le contexte de la transition énergétique est peu propice à la suppression de la CNEF.
Tout d’abord, depuis la promulgation de la loi Énergie-climat de 2019, l’article L. 100-4 du code de l’énergie prévoit que la part d’électricité produite à partir d’énergie nucléaire soit ramenée à 50 % d’ici à 2035, ce qui implique la fermeture de quatorze réacteurs en quinze ans.
L’enjeu du démantèlement de ces installations et du provisionnement des charges afférentes se pose donc avec plus d’acuité encore que lors de l’institution de la CNEF, en 2006. La Cour des comptes estime d’ailleurs que ce provisionnement pourrait renchérir le coût de l’énergie nucléaire. Dans son rapport de 2014, elle appelle non pas à supprimer la CNEF, mais à en repenser « le rôle, le positionnement et la composition ».
C’est pourquoi la commission spéciale n’a pas souhaité supprimer la CNEF, préférant engager sa revitalisation en lui permettant de saisir l’ACPR. Ce faisant, elle a étendu l’exercice d’une faculté déjà ouverte aux ministres de l’énergie et de l’économie. Avis défavorable.