M. le président. La parole est à Mme la rapporteure. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Patricia Morhet-Richaud, rapporteure de la commission spéciale sur le projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique. Monsieur le président, madame, monsieur les secrétaires d’État, mes chers collègues, le projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique dont nous entamons la discussion s’inscrit dans une longue série de textes ayant pour objet la modernisation de l’administration et l’amélioration de son efficacité.
Plus précisément, il répond à trois engagements pris par le Gouvernement : rendre l’administration plus simple, d’où la proposition de supprimer des commissions consultatives jugées inutiles, plus proche des Français, par la déconcentration des décisions, plus efficace et plus rapide, grâce à la modernisation et à la simplification des démarches courantes.
Le Sénat s’est toujours exprimé positivement sur les dispositions des projets et des propositions de loi visant à améliorer l’efficacité de notre administration. Il en est de même de la commission spéciale : elle approuve toutes les mesures ayant pour objet de simplifier les normes et les procédures qui entravent inutilement les initiatives des particuliers ou des entreprises, et en conséquence le développement économique et l’emploi.
Nous avons donc examiné avec bienveillance et sans a priori négatif les propositions gouvernementales de suppression ou de fusion de commissions administratives consultatives, au nombre de quinze au total. Le Gouvernement justifie ces propositions par plusieurs motifs : l’absence d’activité de ces commissions, leur caractère superfétatoire en raison de l’existence d’autres organismes similaires, enfin leur coût de fonctionnement et la perte de temps administratif au détriment d’actions à plus forte valeur ajoutée pour nos concitoyens.
La commission spéciale a toutefois procédé à un examen approfondi de l’activité et des domaines de compétence de ces commissions. Elle a constaté que certaines avaient une activité soutenue, jouaient un rôle déterminant pour l’information des citoyens et la transparence de l’action publique ou assuraient une fonction de recours indispensable en cas de désaccord ou de contestation des niveaux de concertation inférieurs.
En conséquence, elle a refusé la suppression de plusieurs de ces commissions ou adopté des dispositifs évitant leur disparition « sèche ».
Pour ce qui concerne la déconcentration de certaines procédures et de la prise de décisions administratives individuelles dans les domaines de la culture, de la propriété intellectuelle et de la santé, qui vise à transférer à des organismes administratifs déconcentrés la prise de décision formellement assurée par les ministres concernés alors que les organismes en assuraient l’instruction, la commission spéciale a considéré qu’il s’agissait d’une mesure bienvenue d’allégement des procédures.
En revanche, elle a exclu de cette évolution la question très sensible des labels de la création artistique, compte tenu des enjeux en matière d’aménagement culturel du territoire et d’égalité territoriale dans l’accès à la culture.
Elle a approuvé également les mesures de simplification administrative proposées concernant surtout des procédures obsolètes, les suites d’expérimentations abouties ou des dispositions d’ajustement des textes en vigueur.
S’agissant de la transcription des recommandations concernant la simplification des installations industrielles du rapport remis en septembre dernier au Premier ministre par M. le député Guillaume Kasbarian, la commission les a jugées bien équilibrées entre exigence de défense de l’environnement et besoins de la vie économique. Elle n’y a apporté que des précisions rédactionnelles.
Toutefois, le Gouvernement ne s’en est pas tenu à ces mesures qui justifiaient l’intitulé de son projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique.
Ce projet de loi comporte en effet bien d’autres dispositions d’importance très variable, qui touchent surtout à des sujets extrêmement divers. Cela en fait un texte hétéroclite, voire « fourre-tout », un texte d’un genre que nous n’apprécions pas, ici au Sénat, car source de beaucoup de frustrations, aucun sujet ne pouvant être correctement traité dans son contexte et dans toutes ses implications.
D’abord, ce projet de loi comporte nombre de « reprises », de « secondes chances » : je veux parler de mesures déjà votées par l’Assemblée nationale ou par le Sénat, mais dont le processus d’adoption n’a pas été conduit à son terme, parce que le Conseil constitutionnel les a censurées au titre de l’irrecevabilité des cavaliers législatifs ou parce que la navette parlementaire a été abandonnée en raison de l’encombrement de l’ordre du jour du Parlement.
La commission spéciale n’est bien sûr pas opposée à ces mesures ; elle a même profité de l’occasion pour réintroduire dans le processus législatif de navette avec l’Assemblée nationale des avancées votées par la Haute Assemblée et favorables aux droits des citoyens consommateurs et à l’information des élus locaux ou destinées à améliorer les processus administratifs. Je pense par exemple à la simplification de l’approvisionnement en médicaments des officines ou à la clarification des modalités d’application du droit de résiliation annuelle de l’assurance emprunteur. Ces mesures ne sont pas mauvaises sur le fond, mais elles illustrent les difficultés que nous rencontrons pour débattre sereinement dans de bonnes conditions, puisque nous sommes contraints à des repentirs et à des ajustements très rapides après le vote d’une loi.
Surtout, ce projet de loi contient des mesures qui n’ont qu’un lointain rapport avec la simplification de l’action publique et dont certaines sont très contestées par les acteurs des secteurs d’activité concernés – je pense évidemment aux avocats et aux pharmaciens. Ces articles nous ont donné le sentiment d’avoir été raccrochés au texte sans préparation suffisante, surtout parce que celui-ci constituait un véhicule législatif commode dans un agenda législatif surchargé.
Ces dispositions très contestables, dont certaines ont un caractère quasiment provocateur, concernent des thèmes variés. Le service national universel, par exemple, qui n’a jamais été débattu au Parlement, est abordé sous l’angle bien étroit d’une habilitation à légiférer par ordonnance sur le recrutement des encadrants. Elles concernent aussi les seuils de revente à perte et les promotions pour les denrées et certains produits alimentaires ou les règles applicables aux personnels de l’Office national des forêts et à son conseil d’administration, deux questions sur lesquelles le Gouvernement demande une habilitation à légiférer par ordonnance, sans manifestement avoir tenu compte des travaux parlementaires.
Sur tous ces sujets, la commission spéciale estime qu’un vrai débat doit avoir lieu et elle ne souhaite pas donner carte blanche au Gouvernement.
Enfin, au nom de la commission spéciale, je regrette que l’examen du projet de loi se déroule dans des conditions assez acrobatiques.
M. Claude Kern. Absolument !
Mme Patricia Morhet-Richaud, rapporteure. D’abord, les délais sont particulièrement brefs, ce qui m’a contrainte à limiter le nombre et la durée des auditions. Ensuite, le portage par Bercy d’un texte visant de nombreuses politiques publiques a constitué un facteur de complexité.
Pouvoir débattre dans des conditions satisfaisantes est sans doute un vœu pieux, puisque la nature des amendements déposés en dernière minute par le Gouvernement, que nous avons écartés au titre de l’irrecevabilité des cavaliers législatifs parce qu’ils touchaient à des questions n’ayant aucun lien, même indirect, avec le projet de loi initial, montre qu’il fait peu de cas du débat parlementaire.
M. Max Brisson. Très bien !
Mme Patricia Morhet-Richaud, rapporteure. En conclusion, je vous invite, mes chers collègues, à adopter le texte issu des travaux de la commission spéciale. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)
Demande de priorité
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Monsieur le président, en application de l’article 44, alinéa 6, du règlement du Sénat, et en accord avec la commission spéciale, le Gouvernement demande que l’article 33 du projet de loi, ainsi que les amendements tendant à insérer des articles additionnels après l’article 33, soient examinés en priorité à la fin du titre II et avant le titre III, soit entre les articles 20 et 21.
M. le président. En application de l’article 44, alinéa 6 du règlement du Sénat, je suis donc saisi d’une demande de priorité du Gouvernement pour que l’article 33, ainsi que les amendements portant articles additionnels après l’article 33, soient examinés en priorité à la fin du titre II.
Quel est l’avis de la commission spéciale sur cette demande de priorité formulée par le Gouvernement ?
Mme Patricia Morhet-Richaud, rapporteure. Avis favorable.
M. le président. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Viviane Artigalas. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
Mme Viviane Artigalas. Monsieur le président, madame, monsieur les secrétaires d’État, mes chers collègues, la volonté de simplifier l’action publique afin de faciliter la vie de nos concitoyens est louable, et l’on ne peut qu’être d’accord avec cet objectif.
Néanmoins, nous ne pouvons que critiquer la méthode choisie pour l’examen de ce texte. Un mois à peine s’est écoulé entre sa présentation en conseil des ministres et son examen en séance : c’est fort peu pour mesurer toutes les implications et les incidences d’un texte qui compte près de cinquante articles touchant aux sujets les plus divers, les plus complexes et les plus techniques.
Finalement, l’acronyme par lequel on « simplifie » son titre présente le mérite de la clarté quant à l’objectif du Gouvernement : « ASAP », soit en anglais as soon as possible, ce qui signifie, dans la langue de Molière, aussi vite que possible… Mais n’est-ce pas l’objectif du Gouvernement : faire adopter des réformes impopulaires, en toute discrétion et aussi vite que possible, au mépris du travail du Parlement ?
Je tiens donc à saluer les travaux de la commission spéciale chargée d’examiner ce projet de loi et particulièrement de sa rapporteure, Patricia Morhet-Richaud, qui a rempli sa mission en un temps record et a permis de faire évoluer le texte en partie dans le bon sens. Les sénateurs socialistes y ont pris toute leur part.
Dans un esprit constructif, et parce que des dispositions allaient dans le sens d’une réelle simplification, nous avons, en accord avec la commission spéciale, approuvé ou simplement précisé près de la moitié des articles de ce texte. Mais d’autres mesures ne sont pas du tout anodines et n’ont que peu de rapport avec la simplification de l’action publique. La commission spéciale les a modifiées ou supprimées.
Ainsi, je me félicite du maintien de la Commission nationale d’évaluation du financement des charges de démantèlement des installations nucléaires. Monsieur le secrétaire d’État, vous l’avez reconnu vous-même : comment pouvait-on envisager la suppression de cette commission, alors que votre objectif est le démantèlement de quatorze réacteurs d’ici à quinze ans ?
Je me félicite également du remplacement de l’habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance sur l’expérimentation de l’encadrement des promotions et du relèvement des seuils de revente pour les denrées et certains produits alimentaires par une prorogation sous conditions. La commission aménage ainsi certains dispositifs problématiques de la loi Égalim et de cette ordonnance, que nous avions fortement mis en exergue dans le cadre d’une mission d’information sénatoriale.
De même, nous avons demandé et approuvé la modification des dispositions concernant les avocats et les pharmaciens. En effet, en supprimant la possibilité de vente de médicaments par des plateformes en ligne et celle d’exercer cette activité en stockant dans des locaux distincts des officines, nous avons évité une certaine forme d’« ubérisation » de la santé.
Enfin, l’autorisation, pour l’assureur de protection juridique, d’intervenir dans la négociation des honoraires entre l’assuré et son avocat était préjudiciable à cette profession et à ses clients ; nous l’avons donc supprimée.
Le travail commun, souvent transpartisan, a permis d’autres améliorations, dont certaines méritent d’être précisées : je pense à la parité entre élus locaux et représentants institutionnels au sein des commissions départementales de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF), au renforcement de l’information des maires sur les projets d’installation d’éoliennes, à la mise en place, sur proposition de notre groupe, d’antennes de pharmacie pour préserver l’accès à une offre pharmaceutique dans les communes isolées, à des mesures de simplification en matière de résiliation d’un contrat assurance emprunteur, qui reprennent la proposition de loi socialiste de Martial Bourquin adoptée à l’unanimité au Sénat en novembre dernier.
Cependant, ces modifications auraient pu aller encore plus loin, s’agissant particulièrement des installations classées pour la protection de l’environnement, ainsi que du maintien de la Commission nationale d’évaluation des politiques publiques de l’État outre-mer – je suis certaine que nos collègues ultramarins y reviendront – et de la suppression du recours à la simple consultation du public pour certains projets soumis à autorisation environnementale. Nous défendrons de nouveau ces modifications en séance publique.
Nous redemanderons aussi la suppression de l’habilitation à réformer l’ONF par ordonnance. Un sujet de cette importance ne saurait être traité de cette façon. La gestion de notre forêt et l’avenir de l’ONF doivent faire l’objet d’un débat et d’une réforme à part entière.
Je suis au regret de devoir vous dire que, selon nous, votre réponse au grand débat national ne répond pas aux préoccupations des Français. Bien au contraire, certaines de vos « simplifications » leur envoient un très mauvais signal. Ils demandent des services publics plus lisibles, plus proches et plus accessibles dans tous les territoires, sans exception. Or suppression n’a pas valeur de simplification : c’est l’aveu d’un manque de réflexion et de l’absence totale d’un véritable projet politique que de le croire.
Les avancées obtenues en commission sont heureuses, mais encore insuffisantes, et je souhaite que nos débats en séance publique puissent nous permettre d’obtenir de nouvelles garanties sur tous les sujets que j’ai évoqués et qui restent en suspens. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère.
Mme Maryse Carrère. Monsieur le président, madame, monsieur les secrétaires d’État, mes chers collègues, simplifier, déconcentrer et supprimer : tels sont les trois maîtres mots du projet de loi qui nous est présenté aujourd’hui.
L’objet est louable, dans une période où nos concitoyens aspirent à davantage de fluidité et de rapidité dans leurs rapports avec l’administration, où des complications trop fréquentes viennent renforcer l’idée d’une crise démocratique et d’un éloignement de l’État et des citoyens.
Je commencerai mon propos en saluant le travail de la commission spéciale, qui a su revenir sur certaines dispositions pouvant paraître inopportunes, relatives notamment, au titre Ier, à la suppression de certaines commissions administratives.
J’entends qu’il faille supprimer bon nombre de commissions dont l’utilité n’a pas été prouvée, mais, comme pour tout, il ne faut pas confondre vitesse et précipitation, au risque de s’égarer en chemin.
Je pense d’abord au Conseil national de l’aide aux victimes. Nous nous réunirons la semaine prochaine à l’occasion de la première journée nationale d’hommage aux victimes du terrorisme : dans un tel contexte, la suppression de cette instance aurait été un bien mauvais signal pour toutes celles et tous ceux que les attentats, récents ou non, ont touchés de près ou de loin.
Pour en revenir au présent texte, j’approuve les modifications introduites à l’article 8 par la commission spéciale. Elles permettent de maintenir la participation des élus locaux et des associations œuvrant dans les domaines du logement et de l’insertion aux débats du futur haut comité pour le logement des personnes défavorisées et pour le suivi du droit au logement opposable.
La commission spéciale s’est souvent attachée à renforcer la place des élus locaux au sein de certaines instances essentielles, comme les commissions départementales de protection des espaces naturels, agricoles et forestiers ; je salue ces initiatives. Par leur expérience, les élus locaux sont souvent les mieux à même de livrer une expertise sur les sujets de terrain.
Pour ce qui concerne les mesures de déconcentration de la prise des décisions administratives dans les domaines de la culture et de la santé, je retiens le transfert au directeur de l’Agence nationale de sécurité du médicament de la liste des médicaments pouvant être rétrocédés.
Toujours en matière de santé, le travail de la commission spéciale sur l’article 34, relatif aux pharmacies, s’est révélé déterminant. Nous avons mis des garde-fous à la vente en ligne des médicaments en supprimant la possibilité de pratiquer cette vente dans un local distinct de l’officine. Le risque, à moyen et long termes, aurait été de fragiliser l’activité des officines de petite taille et de mettre à mal des commerces de proximité qui n’ont pas besoin de cela.
Enfin, je relève l’assouplissement des conditions de recrutement des pharmaciens adjoints. Sera prise en compte la marge réalisée par les pharmaciens, et non plus uniquement leur chiffre d’affaires.
Dans le domaine agricole, ce projet de loi traduit également de bonnes intentions. Ainsi, l’article 44 proroge l’expérimentation sur les seuils de revente à perte et l’encadrement des promotions. Ces mesures changent la donne pour les producteurs et les distributeurs. Les premiers résultats le prouvent : elles ont permis d’enrayer la déflation qui gangrenait le marché des produits alimentaires.
Au chapitre des simplifications, le titre III de ce texte ne néglige pas les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE). L’équilibre entre nécessité d’accélération des procédures, protection de l’environnement et information des parties concernées est plutôt respecté. Je pense à l’article 25 bis, qui introduit un droit d’information du maire sur les projets d’installation d’éoliennes avant le dépôt de la demande d’autorisation environnementale ou aux mesures assimilant les dossiers en cours d’instruction à des ICPE existantes.
J’ai coutume de dire que le temps du papier est souvent plus long que le temps du chantier. J’espère que ces améliorations me feront mentir !
Vous l’aurez compris : à nos yeux, ce texte est sous-tendu par nombre de bonnes intentions. Mais quelles seront ses conséquences pour nos concitoyens ? À l’heure où simplification est trop souvent synonyme de numérisation, je crains que ce projet de loi ne se révèle, hélas ! trop timoré et qu’il ne soit en décalage avec les attentes exprimées quant à l’efficacité de l’action publique.
À mon sens, il faut commencer par s’interroger sur l’illectronisme en France. En matière de démarches administratives, aller vers le tout-numérique est plus que tentant. À cet égard, le groupe RDSE a pris une initiative tout à fait bienvenue en demandant la création d’une mission d’information sur l’illectronisme, qui interviendra prochainement.
M. Jean-Claude Requier. Tout à fait !
Mme Maryse Carrère. Enfin, il serait nécessaire de simplifier les démarches pour l’accès aux différentes prestations sociales. Quand on sait que, pour certaines aides, le taux de non-recours atteint 40 %, il y a de quoi s’interroger.
La majorité du groupe RDSE votera ce texte, malgré les faiblesses que nous avons pu pointer et même si nous sommes conscients de son impact limité pour la simplification de l’action publique ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – Mmes Michèle Vullien et Catherine Di Folco applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Didier Rambaud.
M. Didier Rambaud. Monsieur le président, madame, monsieur les secrétaires d’État, chers collègues, le grand débat national entrepris à la suite d’une des plus graves éruptions de colère que notre pays ait connues a été le révélateur des attentes des Français en matière de transformation et de simplification de l’action publique, à savoir des services publics plus proches et mieux adaptés aux territoires.
À cet égard, ce texte s’inscrit dans un ensemble de mesures législatives ou découlant de l’organisation administrative, donc réglementaires.
La loi Essoc « pour un État au service d’une société de confiance » a marqué une première étape, avec le principe du « dites-le-nous une fois », la création d’un droit à l’erreur, la dématérialisation de toutes les démarches avec l’administration, ou encore la fin des numéros surtaxés pour joindre les administrations et services de l’État.
Le droit au contrôle permet aux entreprises de demander à l’administration de contrôler certaines activités. Ce contrôle permet de s’assurer de leur conformité à la réglementation complexe en vigueur.
La loi de transformation de la fonction publique a également apporté de nouveaux outils au service de la simplification de l’action administrative : les missions des commissions administratives paritaires sont recentrées sur le champ disciplinaire pour que les managers aient plus de liberté et de responsabilités dans leur recrutement ; quant au nouveau CDD « de projet », il permet la mobilisation de compétences externes pour la conduite et la mise en œuvre d’un projet. Monsieur le secrétaire d’État, je salue la rapidité avec laquelle sont pris les décrets d’application mettant en œuvre les mesures votées à ce titre par le Parlement.
Dans ce cadre de simplification de l’organisation administrative, le titre Ier du projet de loi prévoit la suppression d’un certain nombre de commissions consultatives. On compte encore 396 comités Théodule ; 86 d’entre eux seront supprimés.
Il s’agit de réduire les doublons avec d’autres organes de consultation, de supprimer des commissions qui ne se réunissent plus, mais aussi de privilégier d’autres modes de consultation, moins administratifs et plus ouverts sur la société : l’essentiel, c’est ce qui est utile, ce que sentent, ce que veulent les Français.
Nous sommes tous pleinement convaincus de la pertinence d’une telle démarche. D’ailleurs, je rappelle que le Sénat n’a pas nommé de représentants à certaines commissions, faute de candidatures… Soyons cohérents : le Sénat ne peut pas à la fois constamment demander la simplification et refuser de voter des mesures allant en ce sens. Cela ne signifie pas – je le dis avec d’autant plus d’assurance que je soutiens, bien entendu, l’initiative du Gouvernement – que le Parlement ne doive pas être informé sans aucune ombre sur les conséquences de ces suppressions et l’accomplissement, au sein d’autres structures, par regroupement ou par intégration, des missions qu’exercent actuellement ces commissions.
En outre, ce projet de loi marque une nouvelle étape dans le rapprochement entre la décision et la réalité du territoire. Comme la décision, le service public doit être personnalisé : le modèle de l’administration habituée à une gestion centralisée, régulant de manière uniforme et descendante, est dépassé. Les mesures de déconcentration contenues dans le présent texte anticipent utilement le débat sur le projet de loi dit « 3D », élaboré par Jacqueline Gourault.
Le troisième bloc de mesures que contient ce projet de loi a trait à la simplification des démarches pour les Français et pour les entreprises.
Je l’ai dit en dressant un parallèle avec la loi Essoc : pour la demande de carte d’identité, de passeport ou de permis de conduire, l’expérimentation relative à l’automatisation de la vérification du domicile est généralisée. L’inscription à l’examen du permis de conduire est facilitée avec l’attribution de places par voie électronique. C’est l’une des « mesures pour un permis pour tous, moins cher et plus rapide » présentées par le Premier ministre en mai 2019. Dans les territoires ruraux, nous savons les difficultés liées à l’obtention du permis de conduire. Combien de jeunes refusent un emploi parce que les transports en commun sont structurellement insuffisants ?
Deux autres mesures me semblent particulièrement importantes pour les Français.
Premièrement, l’ouverture et la tenue d’un livret d’épargne populaire (LEP) seront simplifiées. On ne le sait pas forcément, mais le détenteur d’un LEP doit, pour l’heure, présenter sa feuille d’imposition à l’ouverture du contrat, puis tous les ans, ce qui n’est le cas ni pour le livret A ni pour le livret de développement durable.
Deuxièmement, l’intéressement sera ouvert aux salariés des TPE et des PME : tous les Français, pas seulement ceux qui travaillent dans les groupes dont le siège se trouve à La Défense, doivent avoir les mêmes droits et avantages.
S’y ajoute une mesure à laquelle je suis très sensible en tant qu’ancien dirigeant de club sportif : la simplification relative aux certificats médicaux de non-contre-indication de la pratique du sport pour les mineurs.
Enfin, sans mettre en cause les garanties de la réglementation existante, les mesures prévues en matière d’archéologie préventive, d’urbanisme ou d’environnement permettront un traitement plus rapide par l’administration des dossiers d’installation d’établissements industriels.
Toutefois, mon expérience d’élu local me conduit à considérer que ces questions méritent un débat plus approfondi encore et d’autres mesures sont nécessaires pour simplifier davantage les procédures impliquant un commissaire enquêteur.
Je le souligne à mon tour : ce projet de loi compte un grand nombre de mesures, parfois très lourdes, sur des sujets appelant une évaluation des politiques actuelles et la construction d’une stratégie transparente. Compte tenu des délais resserrés pour l’examen du texte par le Sénat, que les membres de notre groupe déplorent eux aussi, la navette parlementaire devra permettre de circonscrire ou d’enrichir le texte.
La commission spéciale du Sénat y a toutefois déjà utilement contribué. Je pense à la simplification des modalités d’application du droit de résiliation annuelle d’une assurance emprunteur et à la possibilité, soumise à autorisation de l’agence régionale de santé, d’ouvrir une annexe de pharmacie dans une commune perdant sa dernière pharmacie.
Chers collègues, au fil de la discussion des articles, nous aurons bien quelques points de désaccord, mais – l’examen en commission spéciale l’a prouvé – la très grande majorité des mesures du présent texte font l’objet d’un consensus, malgré quelques divergences paramétriques relatives à leur mise en œuvre.
Les élus du groupe La République En Marche voteront ce texte. Nous saluons tant le travail du Gouvernement que celui de notre assemblée pour rendre la vie des Français, usagers des services publics ou entreprises, plus simple ! (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM. – MM. Jean-Pierre Decool, Éric Gold et Jean-Claude Requier applaudissent également.)