M. le président. La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, 860 signalements réalisés auprès de l’IGPN pour violences de la part d’agents dépositaires de l’autorité publique, 2 décès, plus de 1 700 blessés, parmi lesquels une cinquantaine de lycéens et mineurs, ainsi que 115 journalistes, 315 blessures à la tête, 24 éborgnés, 5 mains arrachées ; des militants pratiquant la désobéissance civile arrosés de gaz lacrymogènes à moins d’un mètre de distance. Sans oublier le jeune Marseillais qui, pas plus tard que la semaine dernière, a trouvé la mort à la suite de coups infligés par des policiers de la BAC. Et tout cela pour maintenir l’ordre et pour le bien de nos concitoyens.
Mais qui donne les ordres ? Les policiers et gendarmes sont-ils les seuls responsables de ce que tant d’observateurs dénoncent ?
Les « gilets jaunes », comme les participants aux mouvements sociaux de ces dernières années, ont beaucoup d’histoires de violences à raconter. Des violences que, par ailleurs, des instances internationales dénoncent régulièrement. Le pire est qu’elles restent, dans la majorité des cas, impunies, parce que leurs auteurs sont difficiles à identifier.
La doctrine de maintien de l’ordre d’un État reflète son projet de société. Le vôtre, monsieur le secrétaire d’État, est autoritaire – oui, autoritaire.
En Europe, nous sommes le seul État, avec la Grèce et la Pologne, à utiliser encore contre des manifestants des lanceurs de balles destinés à l’origine à des contextes de guérilla urbaine. Pourtant, nos voisins aussi font face à des violences citoyennes, notamment l’Allemagne, où des néonazis s’infiltrent dans les cortèges, et la Grande-Bretagne, où les mouvements de skinheads prolifèrent – sans compter les Black Blocs un peu partout.
En Allemagne, la doctrine de la désescalade a été adoptée afin d’éviter les violences inutiles ; ainsi les forces de l’ordre agissent-elles en amont, afin de prévenir toute atteinte à l’ordre public. Chez nous, dans une situation analogue, les forces de l’ordre préfèrent laisser les Black Blocs et autres minorités violentes agir dans les cortèges, n’intervenant qu’une fois les méfaits commis. S’ensuit alors une répression généralisée, sans distinction aucune entre les manifestants pacifiques et légitimes et les casseurs ayant commis des actes répréhensibles.
Comment cette doctrine s’est-elle installée ? De fait, les forces de l’ordre ne l’appliquent pas sans en avoir reçu la consigne de leur hiérarchie.
En termes d’arsenal, alors que nous utilisons des armes susceptibles de blesser nos concitoyens, les Allemands se limitent à des dispositifs permettant de garder les foules à distance. Au contraire, depuis bien longtemps, nos forces de l’ordre privilégient le corps-à-corps et le nassage des cortèges, créant de fait une promiscuité oppressante susceptible d’engendrer l’escalade de la brutalité entre manifestants et policiers.
Derrière les chiffres impersonnels des violences policières, il y a des individualités, des vies : celles de manifestants venus battre le pavé pour leurs convictions ; celles de journalistes venus couvrir les cortèges afin d’informer nos concitoyennes et nos concitoyens ; celles, même, de passants, blessés pour avoir été présents au mauvais endroit, au mauvais moment. Nombre d’entre eux ne sont que d’innocentes victimes collatérales d’une doctrine de maintien de l’ordre qui a échoué à assurer les conditions d’une paix sociale ne serait-ce que relative.
Prenons aussi en considération le fait que, pour ces raisons, le désamour de la population à l’endroit des forces de l’ordre va crescendo, ce qui risque à terme de mettre leur autorité à mal et de produire davantage de violence.
Il est grand temps de nous réinventer, de bannir les armes sublétales de nos arsenaux de maintien de l’ordre, comme a pu le demander le groupe CRCE l’an passé, d’enseigner les stratégies de désescalade à nos policiers et gendarmes, de renouer un dialogue constructif entre manifestants et forces de l’ordre, sur le modèle de ce que font les peace units aux Pays-Bas ou les « officiers de dialogue » en Suède. Pour y arriver, il est surtout indispensable que l’État, le ministère de l’intérieur et les préfets fassent évoluer leur doctrine du maintien de l’ordre en renonçant au tout répressif.
Vous le devez à tous ces blessés, touchés dans leur corps. Nous le devons à Malik Oussekine, à Rémi Fraisse, à Steve Maia Caniço, à toutes ces victimes que nous déplorons depuis des décennies. Il est urgent de tirer les leçons de ces drames. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE. – Mmes Michelle Meunier et Angèle Préville applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Alain Fouché. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants.)
M. Alain Fouché. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’ordre public est nécessaire à l’exercice des libertés. Il a été gravement troublé durant les deux dernières années.
Au mois de novembre 2019, après un an de manifestations des « gilets jaunes », le bilan dressé par le ministère de l’intérieur faisait état de 2 500 blessés parmi les manifestants et de 1 800 blessés parmi les membres des forces de l’ordre.
Entre parenthèses, monsieur le secrétaire d’État, je tiens à vous dire que le délégué interministériel à la sécurité routière, qui a lancé l’opération des 80 kilomètres par heure, a une part de responsabilité dans la survenue du mouvement des « gilets jaunes ». Il vient d’être nommé préfet de police de Marseille. Je ne ferai pas de commentaire… (Sourires. – M. Alain Richard s’exclame.)
En dehors de ces chiffres qui doivent nous interpeller, nous avons assisté à des scènes d’une rare violence au cours de 2018 et de 2019. Des bâtiments ont été incendiés alors qu’ils étaient occupés – il faut en tenir compte –, des dizaines de véhicules ont été brûlés.
Ces dégradations ont parfois visé des lieux hautement symboliques : les Champs-Élysées bien sûr, des ministères et des préfectures, mais également l’Arc de Triomphe dans des circonstances qui ont profondément choqué tous les Français.
Monsieur le secrétaire d’État, les forces de l’ordre ont été mises à très rude épreuve dans un contexte sécuritaire qui reste préoccupant. Les personnels affectés au maintien de l’ordre n’étaient peut-être pas toujours suffisants, mais il est parfois difficile de tout prévoir.
Je veux rendre hommage au sang-froid et à l’engagement extraordinaires de nos forces de l’ordre. Si certains ont commis des violences injustifiées, comme on dit, ils devront être sanctionnés pour cela. Il ne faut cependant pas oublier que l’immense majorité des fonctionnaires a toujours fait preuve de mesure, dans des conditions qui étaient pourtant extrêmes. Je tiens à saluer, avec l’ensemble du groupe Les Indépendants, leur professionnalisme et leur exprimer tout notre soutien.
Le maintien de l’ordre obéit à diverses doctrines : la mise à distance, la nasse ou le contact. Depuis 1968, la France a choisi la mise à distance. Éviter à tout prix le contact entre manifestants et forces de l’ordre a permis d’éviter des morts et a contenu le nombre de blessés. Chaque fois que le contact a été recherché, le bilan s’en est trouvé alourdi.
Ces blessures sont notamment dues à l’utilisation d’un armement qui s’est révélé à l’usage mal adapté au maintien de l’ordre. La majorité de nos voisins européens n’ont pas recours aux lanceurs de balle de défense pour assurer la sécurité des manifestations. Idem pour les grenades GLI-F4, qui n’auraient pas dû être employées à partir du moment où leur dangerosité avait été établie.
Il est primordial que l’ordre soit maintenu en garantissant la sécurité des personnes concernées : celle des fonctionnaires de police et de gendarmerie, celle des manifestants et celle des citoyens qui se trouvent en même temps dans la rue.
Nous souhaitons que les fauteurs de troubles puissent être judiciarisés et durement sanctionnés – pas avec des peines de huit jours à trois semaines. Cela ne doit cependant pas se faire à n’importe quel prix.
Le préfet Grimaud, qui a été cité par d’autres orateurs, a assisté au 6 février 1934 et était en charge du maintien de l’ordre durant mai 68. Il écrivit aux fonctionnaires que la force ne devait être utilisée qu’en dernier recours et avec retenue. « Nous gagnerons peut-être la bataille dans la rue, mais nous perdrons quelque chose de beaucoup plus précieux et à quoi vous tenez comme moi : c’est notre réputation », a-t-il déclaré. La réputation de nos forces de police est bonne.
Il nous semble donc que la stratégie qui doit être retenue est celle d’un maintien de l’ordre focalisé sur la prévention des dégâts humains. Les interpellations doivent avoir lieu chaque fois qu’elles peuvent être réalisées en sécurité, et pour nos concitoyens et pour les forces de l’ordre. Chacun le sait, tout cela n’est pas facile.
Le droit de manifester est essentiel au dialogue social, tout le monde est d’accord. L’ordre public est nécessaire à l’expression des libertés. Les forces de l’ordre ne pourront pas tout faire. Il est de la responsabilité de tous les Français de contribuer à les préserver.
L’un de nos collègues a évoqué les caméras-piétons. Dans un rapport d’information sur la sécurité dans les gares – métro et chemin de fer –, dont j’ai été l’auteur, j’ai préconisé que tous les policiers soient équipés de tels dispositifs. À cette occasion, j’ai eu des contacts avec la SNCF et j’ai pu me rendre compte de la façon dont cela fonctionnait. J’ignore ce qu’il en est aujourd’hui, mais cela fonctionnait alors bien : les policiers et gendarmes que j’avais rencontrés dans le cadre de cette étude et qui en disposaient l’ont confirmé et m’ont indiqué que le résultat était positif. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Indépendants, LaREM et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Raymond Hugonet. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Raymond Hugonet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la doctrine du maintien de l’ordre « à la française » s’est bâtie dans le temps autour d’un processus de pacification de la gestion des manifestations. Il s’agit de garantir la libre expression démocratique et, en même temps, la paix et la sécurité publique. Or cet équilibre périlleux est devenu de plus en plus ténu et extrêmement instable.
La doctrine du maintien de l’ordre « à la française » est mise en œuvre par deux unités de forces mobiles, qui sont les compagnies républicaines de sécurité et les escadrons de gendarmerie mobile. Elles fonctionnent en unités constituées, définies comme des unités organisées selon des règles hiérarchisées et collectives.
L’usage retenu de la force se décline en plusieurs principes strictement enseignés et respectés par les unités spécialisées dans le maintien de l’ordre : le principe de la mise à distance des manifestants, le principe d’intervention collective et sur ordre, le principe d’absolue nécessité, de gradation et de réversibilité.
La doctrine existe et elle est très claire ! Elle n’est pas un monolithe figé, comme certains aiment à le laisser croire. Elle s’adapte en fonction des contextes, de l’évolution de ses conditions d’exercice et de la diversification de ses missions. Elle évolue bien entendu dans le temps, grâce aux multiples compétences et à l’expertise reconnue de nos forces de l’ordre, que je salue ici. Le cadre juridique, quant à lui, existe aussi, qu’il s’agisse de l’adaptation, de la mobilité ou du contact.
C’est la raison pour laquelle, à mon sens, le problème réside aujourd’hui bien moins dans la doctrine que dans la stratégie à adopter face au cas de figure donné et à la tactique qui en découle. À ce moment-là, mes chers collègues, on ne peut sous aucun prétexte faire abstraction du monde dans lequel on vit ! La sollicitation croissante des forces de l’ordre, les violences inadmissibles et insupportables commises à leur encontre et le malaise policier qui y fait écho forment un très dangereux triptyque dans un climat de tension exacerbé.
De même, face aux exigences croissantes de sécurité dans un contexte de menace terroriste extrême, la dimension judiciaire et répressive du maintien de l’ordre a bien évidemment pris une place plus importante dans la gestion de l’ordre public. Comment s’en étonner ?
De quoi parle-t-on aujourd’hui ? Il s’agirait de peaufiner une nouvelle doctrine miracle accompagnant l’habile glissement sémantique du politiquement correct qui veut que l’on dise aujourd’hui « gestion démocratique des foules » plutôt que « maintien de l’ordre »…
Parle-t-on de dessiner un nouvel équipement des policiers et gendarmes, puisque le Défenseur des droits lui-même trouve, dans son rapport du mois de décembre 2017, que « l’équipement lourd, du style “robocop”, […] semble contribuer à une certaine déshumanisation des forces chargées du maintien de l’ordre » ? Pourquoi ne pas les mettre en slip de bain pendant qu’on y est ? Sous les pavés et les boules de pétanque, il y a sûrement la plage ! (Exclamations amusées.)
Non, mes chers collègues, je vous l’assure, nous pouvons continuer à débattre à l’envi. L’essentiel est ailleurs et personne ne s’en soucie, pas plus dans les débats que dans les actes !
Tant que raison sera donnée à ceux qui violent la loi, la démocratie et la justice, comme à Notre-Dame-des-Landes, par exemple,…
M. Loïc Hervé. Oui !
M. Jean-Raymond Hugonet. … tant que des décérébrés pourront saccager et profaner tranquillement l’Arc de Triomphe de notre République,…
M. Jean-Paul Émorine. Très bien !
M. Jean-Raymond Hugonet. … tant que l’on pourra impunément insulter et attaquer notre bien commun qu’est la Nation, alors, en vérité, nous pourrons nous attendre au pire, avec ou sans doctrine ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
Mme Sophie Taillé-Polian. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je remercie le groupe CRCE d’être à l’initiative de ce débat. Les différentes interventions montrent que les choses évoluent et que, sur les problèmes des violences policières, puisqu’il faut bien employer cette expression, la prise de conscience progresse, à l’exception peut-être de Richard Ferrand… (Marques d’étonnement amusé.) Je pensais bien sûr à Alain Richard (Sourires), dont les propos nous renvoient quelques années en arrière, puisque, selon lui, on ne se posait pas ce type de questions il y a cinq ans.
Pourtant, en remontant quelques années en arrière, on constate que le problème des casseurs et des violences dans les manifestations n’est pas nouveau. En revanche, on observe qu’une certaine politique fait monter les tensions sociales et la violence dans notre société, alors que l’on peut y répondre par davantage de calme, sans mettre de côté la fermeté. En revanche, si l’on choisit une politique d’escalade, les tensions s’accroissent.
Aujourd’hui, l’escalade est en train de se mettre en œuvre ; elle est dangereuse pour notre démocratie. Le 5 décembre dernier, Le Parisien titrait : « Grève du 5 décembre, par peur des violences, ils n’iront pas manifester. » Un certain nombre de personnes étaient interrogées à cette occasion : « Ce qui me fait le plus peur ? Me retrouver piégé dans une nasse, suffoquer sous les lacrymogènes, voire perdre un œil. »
Il est un peu consternant de lire aujourd’hui que certains de nos concitoyens ont peur d’aller manifester, par peur des dispositifs policiers. Ils ont peur de ce que la police – enfin, certains de ses agents – a été vue en train de faire.
On nous rétorque que ce n’est pas vrai. Jusqu’à récemment, on nous répondait que les violences policières n’existaient pas. Elles existent, on le sait : 881 signalements pour violences policières ont été dénombrés. Affirmer qu’il n’y a pas de violences policières relève du déni. D’ailleurs, depuis quelques semaines, devant l’évidence, le Gouvernement a quelque peu évolué sur cette question et a appelé à faire évoluer la déontologie.
Ne peut-on voir que, avec ce niveau de dérives et le nombre très impressionnant de problèmes lourds qui sont survenus, on ne pouvait pas attribuer la responsabilité des faits à des individus ? Ces violences n’ont pas un caractère individuel, elles sont le fruit d’une vision globale du maintien de l’ordre. On a le sentiment que cette doctrine a évolué au lendemain du 1er décembre 2018 : il s’agit non plus de contenir la violence dans les manifestations, mais de faire passer les forces de l’ordre à l’offensive, de les rendre moins statiques.
Aujourd’hui, certains manifestants considèrent qu’ils sont des délinquants aux yeux de la police, alors qu’ils viennent manifester de manière tout à fait pacifique.
Cela a été rappelé, dans les pays nordiques, les doctrines du maintien de l’ordre reposent sur la désescalade et non sur l’escalade. Au contraire, on a le sentiment qu’en France on tombe dans l’excès inverse, alors même que cette vision est remise en cause dans les rangs de la police et que certains syndicats rappellent qu’il ne faut pas mettre en gestion de foule des BAC ou des BRAV-M.
C’est pourtant bien ce que l’on a vu dans les rues de Paris, le 5 décembre dernier. Il aura fallu qu’un certain nombre de journalistes ou de citoyens, que je tiens à saluer, filment ces scènes pour que l’on puisse enfin prendre conscience de la réalité. Ces BRAV-M ont bien été envoyées – elles ne sont pas venues d’elles-mêmes – dans la manifestation parisienne, le 5 décembre dernier.
Voilà ce qui se passe lorsque l’on mobilise des policiers qui ne sont ni formés à ce type d’opération de maintien de l’ordre ni équipés pour cela : les dérives sont très fortes. Ainsi, on a vu un homme à terre frappé par des policiers.
Que faut-il faire ? Face à la brutalité extrême de certains manifestants, il ne faut pas l’oublier, il faut agir, mais il ne faut pas non plus tomber dans la logique du « camp contre camp », parce que la police républicaine défend l’intérêt général. Il faut au contraire que cette doctrine évolue, que cesse la banalisation des violences policières, qui crée le manque de confiance d’une partie de la population envers la police.
Pour cela, il faut notamment interdire l’usage des lanceurs de balles de défense, revenir à des stratégies de désescalade. Il faut également donner davantage de moyens et d’indépendance à l’IGPN. Beaucoup peut être fait aujourd’hui pour revenir à une situation plus normale, plus garante de la démocratie.
On ne peut pas renvoyer les graves difficultés dans le maintien de l’ordre à des problèmes individuels de déontologie. C’est bien la stratégie politique du Gouvernement qui doit être revue. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
M. le président. La parole est à M. Cédric Perrin. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Cédric Perrin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le maintien de l’ordre permet à chacun de s’exprimer sans désordre. C’est pourquoi je ne peux pas cautionner l’expression « violences policières ». Juxtaposer ces deux termes laisse à penser que la violence serait la finalité de l’action d’une police brutale par nature. Or le recours à la force est un moyen et non une fin. Nul ne s’engage dans la police par goût de la violence.
Parler de « violences policières », ce n’est pas dénoncer des brutalités condamnables, c’est attaquer la police en tant qu’institution et en contester le principe même. Il n’en résulte que l’affaiblissement de la démocratie.
Soit le recours à la force est légal, soit il ne l’est pas. Soit les forces de police n’ont pas d’autres choix que de recourir à la violence – une violence proportionnée, pour préserver l’ordre et l’expression d’une opinion –, soit il y a une faute des forces de l’ordre et l’autorité judiciaire doit alors être saisie et des sanctions doivent être prononcées.
Ce qui compte, c’est non le principe du recours à la force, mais son contrôle. Il est vain de contester à la police son monopole de la violence physique légitime. Ce monopole est une garantie démocratique.
Ne laissons donc pas les querelles partisanes et les raccourcis lexicaux tapageurs prendre le pas sur notre objectif commun qui est de protéger nos concitoyens dans l’expression de leurs opinions.
Depuis décembre 2018 et le mouvement des « gilets jaunes », cette expression a changé. Son rythme, sa fréquence, ainsi que dans son mode organisationnel se sont intensifiés. Face à l’évolution du modus operandi des manifestants, la doctrine, les pratiques du maintien de l’ordre se sont révélées inadaptées, compte tenu du niveau de violence qui, oui, est extrême, au regard non pas de l’histoire, mais des dernières décennies. Je pense au 1er décembre 2018 et à la prise de l’Arc de Triomphe ; je pense aussi au 16 mars 2019 et au saccage des Champs-Élysées.
Cette violence de rue n’est pas proprement parisienne. Souvenons-nous de la ZAD de Sivens, de Bure et de son centre d’enfouissement des déchets nucléaires, ou encore de Notre-Dame-des-Landes. Ces situations nouvelles doivent nous conduire, comme nous l’avons fait au cours de l’histoire, à revisiter nos techniques, notre doctrine, pour que la liberté de manifester demeure le principe et le recours aux forces de l’ordre l’exception.
La première exigence est de toujours mieux préparer et anticiper les manœuvres de maintien de l’ordre public. Cela suppose de mobiliser encore plus les services de renseignement afin d’adapter au mieux les moyens humains et les matériels mobilisés. L’anticipation suppose aussi un renforcement de la concertation entre les organisateurs, la préfecture et les services d’ordre. Cette concertation a toutefois des limites du fait de l’augmentation des rassemblements spontanés, désorganisés et autopilotés depuis les réseaux sociaux. Envisageons, par exemple, un durcissement des peines encourues lorsque les manifestations ne sont pas déclarées ou en cas de participation à des manifestations interdites.
Nous gagnerions aussi à communiquer davantage sur les réseaux sociaux, tant en amont de la manifestation qu’au cours de celle-ci, pour prévenir des interruptions de circulation, des sommations effectuées ou encore des manœuvres de dispersion.
Ne négligeons pas la question des équipements. Le vieillissement des matériels est une source de préoccupation, pointée notamment par nos collègues Philippe Paul et Yannick Vaugrenard, qui dénoncent « des situations inadmissibles » et du matériel dans un « état de délabrement avancé ».
Il convient également de repenser la variété des armements disponibles. L’emploi des engins lanceurs d’eau a, par exemple, pour avantage de maintenir à distance les fauteurs de troubles. Nous devons en reconsidérer l’usage.
La formation au maintien de l’ordre est aussi cruciale. C’est une spécialité éprouvante, à laquelle doivent être préparées les unités de forces mobiles de façon harmonisée sur l’ensemble du territoire national. Cette harmonisation est d’autant plus indispensable lorsque l’on fait appel à des forces de sécurité publique non spécialisées.
Privilégions, enfin, l’effet de masse, qui permet d’éviter les incidents. Le conférencier Guillaume Farde rappelle la pérennité de la doctrine du préfet de police Maurice Grimaud, selon laquelle la trop forte proximité crée la violence. L’envoi au contact des manifestants de policiers en sous-nombre, trop peu formés, mal équipés, rompt avec cette doctrine, qui permettait d’éviter les blessures chez les manifestants, mais aussi dans les rangs des forces de l’ordre.
Nous ne pouvons pas demander aux unités de forces mobiles d’être présentes sur tous les fronts. Leur usage dévoyé pour d’autres missions éloignées de leur cœur d’action explique en partie les mauvais chiffres actuels de la délinquance. Dans ce contexte, nous devons également préparer des événements futurs, comme les jeux Olympiques de 2024.
Saisissons-nous des technologies nouvelles, je pense aux drones par exemple, pour maintenir l’ordre. C’est ainsi que nous pourrons protéger nos libertés fondamentales et que nous parviendrons à restaurer le lien de confiance entre nos concitoyens et les forces de l’ordre. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC. – M. Alain Fouché applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Laurent Nunez, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, beaucoup de choses ont été dites depuis le début de ce débat. Certaines d’entre elles sont exactes, d’autres étaient des interrogations portant sur de véritables sujets de débat. Je répondrai évidemment à ces interrogations. D’autres, hélas ! m’ont semblé quelque peu polémiques. J’y répondrai également, évidemment, même si le but de ce débat est non pas d’entretenir de vaines polémiques, mais bien de rappeler quelques réalités importantes sur le maintien de l’ordre et son évolution récente, évolution que la plupart d’entre vous ont d’ailleurs relevée de manière extrêmement précise et exacte.
Il faut avoir à l’esprit que maintenir l’ordre, c’est préserver un équilibre entre, d’une part, la sécurité de tous nos concitoyens, qu’ils soient manifestants ou non, mais aussi celle des biens et des institutions, et, d’autre part, la protection de la liberté, celle de manifester, de s’exprimer et de contester. Cet équilibre est bien sûr mouvant. Il dépend des périodes, des pratiques et, surtout, des types de troubles auxquels nous avons à faire face.
Le maintien de l’ordre, c’est une certitude, n’est jamais une chose aisée, vous l’avez d’ailleurs tous très clairement laissé apparaître dans vos propos. Dans certains cas, il impose le recours à la force. Bien sûr, son usage ne peut être que proportionné à l’atteinte à l’ordre public. J’insiste toutefois sur le fait que ce n’est pas parce qu’il y a usage de la force qu’il y a faute. Il faut que les choses soient claires : le recours à la force est parfois nécessaire, cette nécessité devant bien évidemment être justifiée.
Le maintien de l’ordre est effectué par des professionnels qui ont suivi des formations et qui obéissent à des règles très strictes. J’y reviendrai, certains m’ayant interpellé sur la formation des unités que nous employons. Il n’y a donc jamais de bandes rivales qui s’affrontent, il n’y a que des unités accomplissant leur devoir républicain en faisant un usage maîtrisé de la force ou des armes, le cas échéant, pour faire face aux violences.
Aujourd’hui, nous en sommes tous d’accord, un débat sur le maintien de l’ordre s’impose, car les modalités de contestation ont changé. Comme Alain Richard l’a très bien dit, le dialogue systématique, réel, entre les organisateurs des manifestations et les forces de l’ordre, qui existait autrefois et qui, heureusement, subsiste encore dans certains cas, est désormais de plus en plus souvent rejeté par principe. Il n’y a plus de dialogue préalable à certaines manifestations. Les manifestations des « gilets jaunes » illustrent particulièrement ce phénomène.
Certains cortèges refusent toute forme d’organisation, même en leur sein, y compris la présence d’un service d’ordre. Ils refusent également de respecter le parcours qu’ils ont eux-mêmes déclaré à la préfecture, quand la manifestation est déclarée, bien évidemment, ce qui est de moins en moins souvent le cas.
On touche là du doigt le problème de la désescalade, dont certains ont parlé. Pour qu’il y ait désescalade, il faut que les forces de l’ordre aient un organisateur ou des interlocuteurs à qui s’adresser. Or il est évidemment difficile d’en trouver lorsque les manifestants se rassemblent sur la voie publique sans que la manifestation ait été déclarée.
Sans anticiper sur la réponse que j’apporterai tout à l’heure à la question que m’a posée Alain Richard sur nos relations avec les organisations syndicales, je rappelle que, dans les manifestations « à l’ancienne », nous avions des interlocuteurs sur le terrain, avec qui nous pouvions dialoguer, et qu’un service d’ordre était mis en place. Le contact était donc permanent entre les forces de l’ordre et les organisateurs, ce qui permettait une « coproduction » du maintien de l’ordre et la gestion des personnes indésirables et des débordements. Ce n’est plus le cas actuellement.
Je rappelle par ailleurs que nous avons allégé, dans un texte qui a été adopté avant l’été, les formalités de déclaration : un seul déclarant est désormais suffisant, contre trois auparavant.
Des violences surviennent désormais de plus en plus souvent lors des manifestations. Le phénomène est déjà ancien. Dans une période récente, il a été observé lors du sommet de l’Organisation mondiale du commerce à Seattle, à la fin des années 1990. Il est apparu en France, pour la première fois de manière majeure, dix ans plus tard, en 2009, lors du sommet de l’OTAN à Strasbourg, au cours duquel tout un quartier avait été saccagé.
Des personnes ayant la volonté de commettre des exactions s’immiscent de plus en plus dans les cortèges. Elles prennent pour cible les forces de l’ordre et détruisent tout ce qui se trouve sur leur passage. Évidemment, ces exactions sont le fait non pas de l’ensemble des manifestants, mais d’un certain nombre d’individus à l’intérieur des cortèges. C’est ainsi qu’est née la technique, désormais tristement célèbre, des Black Blocs, qui n’est plus l’apanage de la mouvance d’ultra-gauche. On a ainsi vu, lors des manifestations des « gilets jaunes », un certain nombre d’« ultra-jaunes », comme les appellent les policiers dans leur jargon, recourir de plus en plus aux techniques des Black Blocs.
Depuis, les violences se sont propagées, systématisées. Elles touchent aujourd’hui toutes les villes et tous les cortèges. Les manifestations contre la loi El Khomri ont été les prémices de ces violences, qui se sont ensuite produites lors des manifestations du 1er mai 2017 et du 1er mai 2018.
Une autre mutation importante s’est produite : la diffusion des images sur les réseaux sociaux et sur les chaînes d’information en continu. Les casseurs ont désormais une caisse de résonance et un public.
Enfin, la violence a clairement franchi un nouveau cap lors des manifestations des « gilets jaunes » ces derniers mois. Elle s’est faite plus forte, plus vive, plus insurrectionnelle. Plus de 2 000 policiers et gendarmes et plus de 2 500 manifestants ont ainsi été blessés.
Ces violences se déroulent pendant les manifestations et sur leurs marges. Les cortèges sont éclatés, de petits groupes les quittent pour commettre des exactions. Nous ne sommes plus dans le scénario « à l’ancienne ». Il faut bien voir ce que cela signifie en termes de maintien de l’ordre. Je parle bien de « maintien de l’ordre » et non pas de gestion démocratique des foules – à cet égard, je rejoins ce qui a été dit par M. Hugonet.
Nous sommes aujourd’hui confrontés à des mouvements extrêmement violents et qui se dispersent, qui peuvent s’en prendre à un bâtiment institutionnel, comme cela fut le cas le 1er décembre 2018 avec la préfecture de Haute-Loire, que les manifestants avaient clairement l’intention d’incendier. Nous assistons aussi à des actions nocturnes, comme celle qui a été menée contre les locaux de l’escadron départemental de sécurité routière de la gendarmerie nationale de Narbonne, dans l’Aude. Je n’évoquerai pas les nombreuses exactions qui ont été commises contre les commerces des centres-villes.
Un certain nombre d’exactions commises en marge des manifestations peuvent être qualifiées de véritables opérations commando : je pense aux dégradations de permanences parlementaires et de péages, de nuit. Nous sommes de plus en plus confrontés à ce type d’actions.
Madame Assassi, vous avez évoqué les événements de 2005-2007. Je précise qu’il s’agissait là de violences urbaines, dont la nature est complètement différente de celles dont nous parlons aujourd’hui.
Il nous a donc fallu réagir, adapter le maintien de l’ordre tel que nous le connaissions, et c’est ce que nous avons fait, contrairement à ce que certains ont pu dire, mais j’y reviendrai. Nombre d’entre vous ont en revanche parfaitement décrit cette adaptation – les sénateurs Hervé, Allizard, Requier, Mme Assassi –, qui a commencé lors de l’évacuation de Notre-Dame-des-Landes. Cette crise difficile a été surmontée et a permis des avancées fortes en matière de maintien de l’ordre, notamment l’utilisation de nouvelles technologies, en particulier les drones, et une judiciarisation plus systématique des individus violents désireux de commettre des exactions.
La semaine qui a suivi les événements du 1er décembre 2018 a été une deuxième étape importante pour l’évolution du maintien de l’ordre. La doctrine a évolué au lendemain de cette manifestation, et ce de manière non pas beaucoup plus radicale – ce n’est pas le bon mot –, mais plus forte. Ce jour-là, je le rappelle, l’Arc de Triomphe a été pris pour cible et saccagé. Des commerces ont été dégradés. Un cap a donc été franchi, qui nous a contraints, le ministre de l’intérieur et moi-même, à modifier la doctrine en une semaine à peine afin de la rendre, beaucoup l’ont souligné, plus réactive.
Être réactif, cela signifie être en mesure d’interpeller immédiatement les fauteurs de troubles, de mettre un terme rapidement aux exactions commises contre des personnes, des biens, des institutions. Nous avons souhaité accroître la mobilité, la réactivité, l’autonomie et les capacités d’interpellation des forces de l’ordre sur le terrain afin de leur permettre de faire face aux nouveaux modes d’organisation des manifestants et aux violences systématiques auxquelles elles sont confrontées. Une réaction extrêmement forte était nécessaire.
Que les choses soient claires cependant : nous n’avons pas abandonné la doctrine du maintien à distance pour passer à cette doctrine de réactivité, d’intervention, et nous n’avons jamais dit que nous l’avions abandonnée. Nous demandons simplement aux forces de l’ordre d’être en capacité d’intervenir rapidement quand des exactions ou des violences sont commises. En l’absence de violences, les forces de l’ordre encadrent évidemment la manifestation à distance. Cette règle n’a jamais évolué. Nous avons simplement demandé aux forces de l’ordre de se mettre en situation d’intervenir immédiatement en cas d’exactions et de ne pas tolérer de dégradations ni de violences aux personnes. Voilà ce qui a été décidé à ce moment-là.
Après le 16 mars 2019 et les incidents qui ont eu lieu sur les Champs-Élysées, notamment l’incendie du Fouquet’s, il a été demandé aux forces de l’ordre de ne même pas laisser se constituer de Black Blocs, ces groupes d’individus qui se masquent le visage au sein d’un cortège avant, on le sait pertinemment, de commettre des actions violentes et des exactions. Nous avons demandé aux forces de l’ordre d’intervenir immédiatement et de disloquer ces groupes à risque. Ces méthodes nous ont évidemment permis de contenir les violences. Nous n’avons pas simplement procédé à une « gestion du désordre », comme l’a dit M. Allizard, dont je ne partage pas du tout le point de vue.
Nous avons fait face, entre le 1er décembre 2018 et l’automne 2019, à des événements d’une ampleur exceptionnelle. Grâce à l’engagement des policiers et des gendarmes, que vous avez d’ailleurs tous salué, ce dont je vous remercie, l’ordre républicain a été maintenu. À mon tour, je salue le courage, le sang-froid et l’engagement des policiers et des gendarmes qui ont assuré, et continuent d’assurer au quotidien le maintien de l’ordre dans notre pays.
Nous devons évidemment aller plus loin et réfléchir à froid à la doctrine telle que nous l’avons adaptée après le 1er décembre 2018. C’est le travail que nous avons engagé dans le cadre du nouveau schéma national du maintien de l’ordre, auquel le ministre de l’intérieur et moi-même réfléchissons depuis l’été dernier, en concertation avec de nombreux acteurs du ministère, mais aussi avec des professionnels, des praticiens de terrain, des chercheurs, des journalistes, certaines associations comme la Ligue des droits de l’Homme ou Amnesty International, et le Défenseur des droits.
Monsieur le sénateur Durain, les consultations citoyennes ont eu lieu non pas dans ce cadre, mais dans celui de la préparation du Livre blanc sur la sécurité intérieure, au cours de laquelle ces questions ont évidemment été abordées. Il est normal que vous n’ayez pas encore connaissance des résultats de cette concertation avec un panel de citoyens, mais nous les rendrons évidemment publiques le moment venu.
Notre objectif est clairement de développer, dans le schéma national du maintien de l’ordre, une doctrine protectrice pour les manifestants et ferme à l’égard des fauteurs de troubles. C’est à cette condition que nous pourrons garantir durablement l’exercice de la liberté de manifester dans notre pays.
Nous dévoilerons évidemment ce schéma prochainement. Sans préjuger de ses conclusions, je peux dès à présent vous faire part d’un certain nombre d’éléments. Nous ne modifierons évidemment pas ce qui a fait notre force pour maintenir l’ordre républicain au cours des mois écoulés, à savoir la réactivité et la mobilité des forces de l’ordre, ainsi que la déconcentration des décisions au plus près du terrain, qui nous permettent de mettre un terme immédiatement aux exactions et aux violences dans les manifestations.
J’insiste de nouveau sur le fait que lorsque les manifestations se déroulent bien, lorsqu’il n’y a pas d’incidents, il n’y a aucune volonté du Gouvernement de taire quelque contestation que ce soit. Nous ne sommes pas dans un régime autoritaire, madame Benbassa. Je ne peux évidemment pas accepter ce terme. Certaines manifestations se passent très bien, y compris parfois celles de « gilets jaunes ». Les manifestations contre la réforme des retraites se sont elles aussi remarquablement déroulées. Lorsque nous encadrons de telles manifestations et qu’il n’y a pas d’incident, il n’y a pas d’intervention des forces de l’ordre.
Nous continuerons en revanche avec la doctrine consistant à être réactifs et à intervenir chaque fois qu’il y a des violences ou des incidents.
Bien entendu, nous allons chercher à maintenir le dialogue nécessaire avec les manifestants chaque fois – j’insiste sur ce point – que c’est possible. Quand nous n’avons pas de déclarant ou d’interlocuteur, c’est très compliqué. Il faut peut-être réfléchir aux sommations, c’est-à-dire aux alertes que donnent les forces de l’ordre avant de disperser, par exemple, un attroupement, afin de les rendre plus visibles et, sans doute, de changer leur nature.
De même, il faudra réfléchir à une meilleure prise en compte – vous l’avez souligné – des journalistes au sein des opérations de maintien de l’ordre, puisqu’il nous faut préserver leur intégrité physique. C’est évidemment le cas, puisque nous avons des contacts avec certaines associations de journalistes. Nous y veillerons tout particulièrement.
Je souhaite que les choses soient également claires sur l’emploi des armes intermédiaires. Ainsi que Christophe Castaner et moi-même l’avons souligné à de multiples reprises, l’objectif est évidemment de préserver le plus possible l’intégrité physique de chacun. Nous déplorons bien entendu les blessés qu’il peut y avoir à l’occasion d’interventions des forces de l’ordre. Mais, encore une fois, l’usage de la force est parfois nécessaire.
Madame Benbassa, le fait qu’il y ait une blessure, y compris une blessure grave, ne veut pas dire qu’il y a une faute des services de police. Quand l’usage de la force est proportionné, il n’y a pas faute ! Il faut accepter qu’il puisse y avoir des blessures. Les policiers ou les gendarmes répondent à des violences importantes et graves provoquées par des manifestants, et la réponse est toujours proportionnée et soumise à un contrôle. Il n’y a pas de corps plus contrôlé que nos policiers et nos gendarmes dans ce pays.
Le ministre a annoncé le 26 janvier la fin de l’utilisation de la grenade GLI-F4 et son remplacement par une grenade sans explosif, la GM2L. (Exclamations sur les travées du groupe CRCE.)