M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice, vous évoquez les conséquences de la réforme des retraites pour les familles nombreuses.
Les droits familiaux sont aujourd’hui inégalitaires. La majoration de la pension de retraite de 10 % pour chacun des parents des familles d’au moins trois enfants profite aux hommes à hauteur de 60 %, alors que les femmes subissent l’essentiel des préjudices de carrière.
En vertu du projet de loi de réforme des retraites, chaque naissance donnera lieu à l’attribution d’une majoration de 5 % des points dès le premier enfant, et de 2 % supplémentaires pour les familles de trois enfants et plus.
Les parents pourront choisir celui à qui cette majoration sera attribuée ou décider de la partager. Ils pourront statuer jusqu’aux 4,5 ans de l’enfant. Sans décision de leur part, ces droits seront automatiquement attribués à la mère. Ainsi, grâce à la réforme des retraites, les mères de famille nombreuse ne seront plus lésées par l’éducation de leurs enfants.
Vous avez mentionné une autre proposition du Gouvernement : le congé de paternité de quatre semaines obligatoire. Nous pourrions en débattre longuement. À ce stade, j’indiquerai simplement que le congé de paternité est un enjeu primordial, à la fois pour favoriser le développement de l’enfant, en renforçant les liens avec son père, et pour soutenir la mère.
Ce dispositif favorise donc lui aussi l’égalité entre les femmes et les hommes. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019, nous avons décidé d’instaurer un congé de paternité plus long en cas d’hospitalisation immédiate de l’enfant.
Cette mesure est particulièrement importante. Plusieurs études ont montré l’effet positif sur le développement cognitif des enfants prématurés de l’implication des parents dans le soin et le développement. La commission des 1 000 premiers jours, présidée par Boris Cyrulnik, pourra également formuler des recommandations sur ce sujet.
M. le président. La parole est à Mme Michelle Gréaume, pour la réplique.
Mme Michelle Gréaume. Madame la secrétaire d’État, il y a un peu plus d’une semaine, cinq associations familiales ont tenu une conférence de presse commune : la Confédération nationale des associations familiales catholiques, Familles de France, le Mouvement mondial des mères, la Confédération syndicale des familles et la Fédération nationale des associations familiales protestantes. Toutes ces associations vous interpellent sur l’impact réel d’une telle réforme. J’espère que vous les entendrez !
Mme Laurence Cohen. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Colette Mélot.
Mme Colette Mélot. Tous les États européens disposent d’une politique familiale, mais cette dernière varie sensiblement d’un pays à l’autre.
Notre politique familiale a été conçue pour encourager les Français à fonder une famille – en tout cas pour que le coût financier ne soit pas un obstacle.
Au fil des années, la structure familiale a évolué, avec une baisse de la natalité et l’augmentation du nombre des familles monoparentales, lesquelles sont souvent les plus touchées par la pauvreté.
La famille constitue un espace privé privilégié ; chacun de ses membres doit pouvoir s’y épanouir. Elle revêt néanmoins un aspect particulier lorsque l’un d’eux est en situation de handicap.
À cet égard, j’attire l’attention de notre assemblée sur une question qui préoccupe de nombreuses communes : la scolarisation des enfants en situation de handicap. Certes, d’importants progrès ont été accomplis, en particulier au titre de l’accompagnement, mais beaucoup reste à faire.
En septembre 2019, 300 unités localisées pour l’inclusion scolaire (ULIS) ont été créées et 4 500 accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) ont été recrutés. Malgré cela, 8 000 enfants restent sans solution de scolarisation. Les deux principaux obstacles auxquels se heurtent les familles sont la lourdeur des démarches administratives et le manque d’accompagnement.
Lors de la Conférence nationale du handicap (CNH), le Président de la République a annoncé des solutions de scolarisation pour chaque enfant dès la rentrée prochaine, avec notamment la création de 1 000 places supplémentaires dans les établissements spécialisés.
Madame la secrétaire d’État, nous connaissons le désarroi des familles. Nous connaissons aussi les difficultés de mise en œuvre d’un accompagnement adapté. Pouvez-vous nous donner davantage d’éléments quant aux solutions envisagées pour permettre à chaque enfant de bénéficier d’une scolarisation adaptée d’ici à la rentrée prochaine ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice, vous m’interrogez sur les moyens mis en œuvre pour permettre à chaque enfant handicapé de bénéficier d’une scolarisation adaptée d’ici à la rentrée de 2020.
Le Président de la République l’a rappelé lors de la CNH qui s’est tenue à l’Élysée le 11 février dernier : nos concitoyens en situation de handicap doivent pouvoir vivre comme les autres et au milieu des autres. Cette obligation s’applique dès le plus jeune âge. C’est la raison de l’engagement du Gouvernement pour la scolarisation des enfants handicapés.
Dès 2018, mes collègues Sophie Cluzel et Jean-Michel Blanquer ont mobilisé tous les acteurs concernés pour proposer un service public de l’école inclusive. Des pôles inclusifs d’accompagnement localisé (PIAL) ont été déployés au plus près de 2,5 millions d’élèves concernés dès la rentrée de 2019, et nous généraliserons ce dispositif d’ici à la rentrée de 2022.
Des cellules de réponse aux familles sont mises en place dans chaque département pour que les familles aient une réponse sous vingt-quatre heures.
Nous informons les enseignants et les accompagnons dans la prise en charge de tous les élèves, en augmentant l’offre de formation continue et en donnant accès, via la plateforme Cap école inclusive, à des ressources simples et directement utilisables en classe.
Au total, 900 millions d’euros supplémentaires ont été engagés pour que cette école inclusive devienne une réalité. Les premiers résultats sont là. Entre la rentrée de 2018 et la rentrée de 2019, 20 000 enfants supplémentaires ont été scolarisés et le nombre d’élèves en attente d’un accompagnement a été divisé par deux.
Néanmoins – nous le savons –, nous devons faire plus. Nous nous sommes fixé un objectif clair : dès la rentrée de 2020, plus aucun enfant handicapé ne doit se trouver sans solution de scolarisation.
En la matière, nous nous donnons les moyens de nos ambitions. Nous ouvrirons 11 500 postes d’AESH supplémentaires d’ici à 2022. Nous créons un numéro d’appel unique, le 360, afin que les familles aient un point de contact identifié pour adresser toutes leurs demandes d’aide.
Enfin, concernant l’avant-scolarisation, il faut favoriser l’inclusion dès le plus jeune âge. (Mme Colette Mélot acquiesce.) C’est tout l’enjeu de la mise en place du bonus inclusion handicap.
M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Doineau. (Applaudissements sur des travées des groupes UC et Les Républicains)
Mme Élisabeth Doineau. Tout d’abord, je tiens à remercier Pascale Gruny d’avoir demandé la tenue de ce débat. Le Gouvernement serait bien inspiré de lancer un grand débat national sur la famille. En effet, la famille, c’est le socle de notre République !
La natalité est en baisse en France pour la quatrième année consécutive. Si cette tendance planétaire menace nos systèmes de sécurité sociale et de retraite, « la dénatalité est au fond le symptôme d’un mal bien plus vaste », selon un article du New York Times de novembre 2019.
En France, en 2019, l’indicateur de fécondité ne s’établit plus qu’à 1,87 enfant par femme, alors que le désir d’enfant reste fort. Selon une étude de l’OCDE menée dans vingt-huit pays en 2016, les femmes aspiraient en moyenne à avoir 2,3 enfants et les hommes 2,2.
Comment expliquer cet important écart ? Par la situation économique, sociale ou écologique ? Les causes sont sans doute multifactorielles.
D’une part, nombre de couples éprouvent des difficultés à concilier vie professionnelle et vie familiale. De plus en plus, le projet d’enfant est relégué au second plan, ce qui peut se comprendre. Devenir parent reste difficile, et particulièrement peu séduisant pour les femmes, qui, lorsqu’elles sont mères et actives, doivent assumer une double journée.
D’autre part, notre environnement dégradé est responsable de nombreux cas de stérilité et de pathologies survenant lors de la gestation et de l’accouchement.
Comment sortir de cette situation ? Une solution est de développer les modes de garde. Or les objectifs de création de places de crèches fixés dans la convention d’objectifs et de gestion (COG) 2018-2022 ne seront pas atteints. Une autre solution est d’agir sur notre environnement en réduisant l’exposition aux polluants. La procréation exige le même élan de mobilisation des politiques publiques que l’urgence climatique.
Madame la secrétaire d’État, au regard de ces constats, comment le Gouvernement compte-t-il agir pour que les prochaines générations puissent avoir autant d’enfants qu’elles le souhaitent ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice, la natalité est en effet en baisse : 2019 a été la cinquième année consécutive de recul du nombre de naissances, même si la baisse ralentit.
Cette baisse globale de la natalité reflète deux réalités : d’une part, la diminution du nombre de femmes en âge de procréer – la baisse actuelle est donc, d’abord, un écho du ralentissement des naissances observé à la génération précédente – et, d’autre part, le recul de la fécondité des femmes actuellement en âge de procréer. L’indicateur de fécondité diminue depuis quatre ans. Il s’établit désormais à 1,88 enfant par femme. Néanmoins, la France conserve le plus fort taux de fécondité en Europe.
Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette évolution. La mise en couple est plus tardive, ce dont témoigne, par exemple, l’âge au mariage, qui n’a cessé de croître depuis vingt ans. L’âge moyen de la maternité continue, lui aussi, d’augmenter régulièrement. Il a atteint 30,6 ans en 2018 ; il était de 29,8 ans dix ans plus tôt.
L’ampleur des effets potentiels de la politique familiale sur la fécondité est difficile à évaluer, dans notre pays comme ailleurs. Toutefois, en France, il semble que le soutien public apporté aux familles, notamment aux plus modestes d’entre elles, a permis d’atténuer les effets de la crise de 2008. Ainsi, il aurait limité leur impact sur la fécondité.
Afin d’encourager la natalité, la politique familiale a désormais pour priorité de permettre de concilier vie familiale et vie professionnelle. Il s’agit non seulement d’éviter aux femmes de devoir faire un choix entre une famille et une carrière, mais également de soutenir les familles les plus modestes.
« Ayez une carrière, ayez une famille : vous pouvez faire les deux en même temps » ; c’est le message que nous adressons aux femmes. À cet égard, notre ambition est forte. Pour ce qui concerne le mode d’accueil – collectif ou individuel –, il faut laisser la liberté de choix aux parents et leur éviter les avances de frais. Il importe également de développer les places d’accueil collectif ou individuel et former les professionnels pour renforcer la sérénité des parents. Enfin, ces derniers doivent pouvoir trouver facilement la bonne information lorsqu’ils veulent faire garder leur enfant.
M. le président. La parole est à M. Alain Milon.
M. Alain Milon. Madame la secrétaire d’État, en raison des réformes successives ayant affecté les prestations familiales depuis huit ans, la branche famille de la sécurité sociale traduit une politique de moins en moins universelle.
En effet, la modulation des allocations familiales en fonction des revenus, qui a permis de dégager 3,4 milliards d’euros d’économies depuis 2015, est venue écorner l’universalité de la politique familiale. Or, je le rappelle, le premier objectif de cette politique est de compenser les charges de famille selon une logique de redistribution horizontale.
En parallèle, les mesures de solidarité se sont développées au sein de la branche famille, à l’image de la majoration du complément familial en deçà du seuil de pauvreté, décidée en 2014. Bien entendu, il est nécessaire de soutenir les familles les plus modestes, mais, à nos yeux, cela ne devrait pas se faire au détriment des autres familles.
À ces mesures s’ajoute la sous-revalorisation, à l’instar des retraites, de l’ensemble des prestations familiales, décidée par votre gouvernement depuis deux ans. Le Sénat s’y est opposé lors de l’examen des deux derniers projets de loi de financement de la sécurité sociale. Ces décisions déconnectent progressivement les cotisations prélevées des prestations servies aux allocataires. En outre, elles affectent leur pouvoir d’achat, ce qui est particulièrement pénalisant pour les familles nombreuses.
Si l’on poursuit dans cette logique que je déplore, il faudra s’interroger sur la place de la branche famille au sein de la sécurité sociale. Est-il encore cohérent que les prestations familiales soient financées à hauteur de 60 % par des cotisations sociales, alors que la branche famille sert de plus en plus une politique de solidarité décidée par l’État ? Puisque la politique familiale change progressivement de nature, l’État ne devrait-il pas contribuer davantage à son financement, afin que celui-ci ne relève plus de prélèvements assis sur les revenus du travail ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Élisabeth Doineau applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le président Milon, vous proposez que la branche famille soit désormais financée par l’État et qu’elle ne soit donc plus considérée comme faisant partie de notre sécurité sociale.
Cette position n’est pas la mienne, pour deux raisons.
Premièrement, sur le plan des principes, le financement de la branche famille par les cotisations sociales justifie son caractère universel. Le financement permet la solidarité horizontale,…
M. Bruno Retailleau. De moins en moins !
Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État. … qui est le fondement de notre politique au service de toutes les familles, quelles que soient leurs ressources.
Je le répète : notre politique familiale est universelle.
M. Bruno Retailleau. De moins en moins !
Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État. Les aides à la garde d’enfant s’adressent à toutes les familles, tout comme les allocations familiales, même si elles ont été modulées, en vertu, je le rappelle, d’une décision de l’ancienne majorité.
Le choix de cibler certaines aides sur les plus précaires relève de l’équité. Il s’agit de garantir l’égalité des chances entre toutes les familles. Remettre en cause ce financement, c’est remettre en cause ce pilier de notre politique familiale qu’est l’universalité.
Deuxièmement, sur le plan de la gouvernance, la branche famille est aujourd’hui gérée par un conseil d’administration où siègent les partenaires sociaux et les associations familiales. Cette instance de démocratie sociale fonctionne. Je tiens d’ailleurs à saluer le travail constructif du conseil d’administration au service de toutes les familles, y compris les plus précaires.
Un financement par l’État mettrait à mal cette logique, ainsi que le rôle des partenaires sociaux dans notre politique familiale !
M. le président. La parole est à M. Alain Milon, pour la réplique.
M. Alain Milon. Madame la secrétaire d’État, je ne propose pas, je constate : actuellement, c’est l’État qui décide à la place de la branche famille ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Roger Karoutchi. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Corinne Féret.
Mme Corinne Féret. Les politiques familiales devraient avant tout être guidées par des objectifs de solidarité et de justice sociale, notamment du fait de leurs conséquences sur la démographie de notre pays. Or le Gouvernement s’emploie à rogner le pouvoir d’achat des familles, et sa politique affecte particulièrement les plus modestes d’entre elles.
En 2018, le taux de pauvreté a augmenté de 0,6 point, pour représenter 14,7 % de la population. Ce chiffre est corroboré, malheureusement, par le rapport 2019 du Secours catholique, qui donne une photographie préoccupante de la précarité dans notre pays, sixième puissance économique mondiale.
Derrière ces inquiétantes statistiques se trouvent des familles. Les familles monoparentales sont particulièrement touchées. Au sein de ces dernières, 40 % des enfants vivent dans la pauvreté.
Année après année, nous faisons le triste constat de l’importance du taux de pauvreté des enfants. Rappelons le lien, scientifiquement établi depuis longtemps, entre conditions de vie difficiles dans la petite enfance et carences dans le développement intellectuel, émotionnel et social.
De quoi ont besoin ces enfants ? Que l’on tende la main à leurs parents, plutôt que de diminuer les allocations de logement. Le Gouvernement a-t-il bien mesuré l’impact du coup de rabot de 5 euros sur les aides personnalisées au logement (APL) et de la non-revalorisation de certaines aides sociales ?
Environ 70 % des enfants élevés par un ou deux parents au chômage ou inactifs vivent dans la pauvreté. La récente réforme de l’assurance chômage, qui se traduit par une baisse des droits, va toucher 1,3 million de personnes, soit un chômeur indemnisé sur deux. Comment imaginer que toutes ces décisions resteront sans conséquence sur les plus fragiles de nos concitoyens et sur leurs enfants ?
Au début du quinquennat, le Gouvernement a lancé sa Stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, assortie d’un objectif chiffré de réduction de la pauvreté pour les enfants. Madame la secrétaire d’État, quel premier bilan peut-on tirer des politiques menées pour réduire la pauvreté des familles et de leurs enfants ? (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice, les chiffres dont vous faites état, émanant de l’Insee, sont des données provisoires datant de 2018 ; l’Insee l’indique lui-même, elles n’ont pas encore été consolidées.
Mme Corinne Féret. Mais ce sont des faits !
Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État. Quant à celles issues de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), sous-jacentes à votre intervention, si elles prennent en compte l’augmentation de la prime d’activité, elles négligent la hausse du taux de recours à cette prestation, dont 1,5 million de foyers supplémentaires bénéficient désormais. De ce fait, le taux de pauvreté a reculé, en moyenne, de 0,5 point, et de 0,9 point pour les familles monoparentales. De même, ces chiffres ne tiennent pas compte de la création de la complémentaire santé solidaire, qui va garantir un meilleur accès aux soins pour les familles modestes : ces dernières n’auront plus à faire d’avance de frais et elles seront mieux couvertes. Ils ne prennent pas non plus en compte le reste à charge zéro, qui permet d’ores et déjà d’obtenir une paire de lunettes à 0 euro, et la prise en charge des appareils auditifs, certes partielle et progressive, à hauteur de 450 euros par oreille.
La stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté, annoncée en septembre 2018 par le Président de la République, prévoit un effort de réinvestissement social au plus près des acteurs de 8,5 milliards d’euros, en liaison avec les départements, avec lesquels nous avons contractualisé.
Enfin, nous soutenons les politiques d’insertion menées par les départements à destination de ceux qui bénéficient du revenu social d’activité (RSA) depuis plus de quatre ans, en vue de l’instauration d’un véritable droit à l’accompagnement et d’un service public de l’insertion. Lutter contre la pauvreté, c’est permettre à ceux qui le peuvent de retrouver un travail. C’est ce que nous faisons par le déploiement de l’emploi sur l’ensemble de notre territoire.
M. le président. La parole est à Mme Corinne Féret, pour la réplique.
Mme Corinne Féret. J’ai entendu les chiffres que vous avez cités, madame la secrétaire d’État, mais je vois surtout ce qui se passe dans nos quartiers et dans nos communes rurales. Je constate le nombre croissant de personnes ayant recours aux associations caritatives pour pouvoir bénéficier, au moins, d’un repas équilibré par jour.
M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère.
Mme Maryse Carrère. Madame la secrétaire d’État, alors que la réforme des retraites est en cours d’examen à l’Assemblée nationale, plusieurs associations familiales s’interrogent sur ses conséquences pour les familles.
Trois dispositifs complémentaires d’aide existent aujourd’hui pour les parents : la majoration de durée d’assurance (MDA), l’assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF) et les majorations de pension pour les pères et mères de famille nombreuse.
Ces droits jouent un rôle majeur dans la réduction des inégalités entre les femmes et les hommes en matière de retraites, puisqu’ils profitent à plus de 70 % aux femmes et représentent, en moyenne, plus de 10 % du montant de leur pension. Ils soutiennent aussi le pouvoir d’achat des parents retraités.
Or pas moins de 90 % des femmes bénéficient d’au moins un droit familial au moment de leur retraite. Dans son projet de loi, le Gouvernement prévoit la suppression de la MDA et son remplacement par une bonification de 5 % des pensions de retraite des parents pour les deux premiers enfants, ainsi qu’un fort recentrage de l’assurance vieillesse sur les premières années de l’enfant. Supprimer la MDA pénalisera les familles de trois enfants et plus, la réduction de la bonification entraînant celle de la pension de retraite que toucheront les parents : pour trois enfants, la bonification passera ainsi de 20 % à 17 %.
Par ailleurs, la suppression de l’assurance vieillesse pour les mères de famille nombreuse au-delà des 6 ans de leur troisième enfant pourrait mettre en difficulté des femmes de condition modeste.
Madame la secrétaire d’État, dans la perspective du projet de réforme, pouvez-vous nous apporter des réponses sur la bonification au troisième enfant, pour l’heure insuffisante, sur une bonification majorée pour l’éducation d’un enfant handicapé ou encore sur une prise en compte équivalente à celle du système actuel dès la naissance du premier enfant pour les deux parents ? Pouvez-vous nous confirmer que les changements induits par la réforme ne réduiront pas les droits familiaux de retraite ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice, j’ai déjà répondu sur la question de la bonification de la retraite pour le troisième enfant.
S’agissant des enfants en situation de handicap, le système actuel repose principalement sur l’assurance vieillesse des parents au foyer, l’AVPF, qui consiste en la validation de trimestres d’assurance et de paiement des cotisations par la solidarité nationale, pour un montant équivalent au SMIC, pendant une certaine durée et sous certaines conditions.
Le futur système de retraite reprend le principe de l’AVPF, transformée en garantie aidants. Concrètement, les proches aidants ayant dû restreindre ou limiter leur activité acquerront des points au titre de la solidarité nationale.
En outre, nous améliorons le dispositif actuel en comblant certains vides. Dans le futur système, par exemple, les mères d’enfant handicapé présentant un taux d’incapacité important, mais inférieur à 80 %, pourront bénéficier d’une majoration de points.
De même, les proches aidants de personnes en fin de vie bénéficieront du congé de solidarité familiale, conçu pour accompagner la fin de vie d’un proche, et pourront obtenir des points à ce titre, ainsi que les proches aidants de personnes ayant perdu leur autonomie du fait de la maladie ou de l’âge, lorsque la perte d’autonomie est particulièrement importante.
Nous avons également voulu marquer une solidarité nationale particulière envers les parents d’enfants handicapés, qui s’ajoutera à cette large garantie aidants. Dans le système universel, les parents d’enfants handicapés bénéficieront, comme les autres parents, d’une majoration de points de 5 % par enfant dès le premier, ainsi que d’une majoration spécifique de la prestation relative au handicap, qui ne sera pas conditionnée à une interruption ou à une réduction d’activité. Elle pourra atteindre 5 % du montant de la pension de retraite.
M. le président. La parole est à M. Martin Lévrier.
M. Martin Lévrier. À la demande du groupe Les Républicains, nous débattons aujourd’hui d’un sujet essentiel : la politique familiale en France.
Chacun des parents doit contribuer à l’entretien et à l’éducation des enfants, en fonction de ses ressources et des besoins de l’enfant, même – surtout, ai-je envie de dire – en cas de séparation ou de divorce.
Près d’un million de pensions alimentaires, dont le montant moyen est de 170 euros par enfant, sont versées chaque année, mais près de 30 % d’entre elles sont payées en retard ou pas du tout. Ce problème concerne près de 300 000 familles.
Sécuriser le versement de la pension alimentaire pour ces centaines de milliers de familles, telle est la mission du service public de versement des pensions alimentaires que souhaite mettre en place l’exécutif dès juin 2020.
Pensé conjointement par les ministères de la justice et de la santé et le secrétariat d’État à l’égalité entre les femmes et les hommes, un nouveau service public, l’Agence de recouvrement des impayés de pensions alimentaires (Aripa), a pour ambition de protéger les familles.
Deux cas de figure pourront se présenter.
En cas d’accord des parties dans le cadre de la convention de divorce, le rôle de l’Aripa sera d’organiser, jusqu’aux 18 ans de l’enfant, le recouvrement de la pension par son intermédiaire.
En cas de signalement d’impayés émis par le bénéficiaire de la pension, l’Aripa se substituera au créancier et devra effectuer toutes les démarches nécessaires afin de résoudre la situation d’impayé.
Madame la secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé, pouvez-vous nous dire comment l’Aripa entend procéder en pratique, en termes d’éventuelles avances, de délais de procédure ou de forme que prendront les saisies, et quelle communication entendez-vous mettre en place pour que les parents concernés soient informés de cette avancée notable ? (M. Thani Mohamed Soilihi applaudit.)