Mme la présidente. La parole est à M. Claude Kern, pour la réplique.
M. Claude Kern. Madame la secrétaire d’État, je vous remercie d’envisager également la redéfinition de la clé de répartition.
infanticides en France
Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Lherbier, auteur de la question n° 797, adressée à M. le ministre des solidarités et de la santé.
Mme Brigitte Lherbier. Rien n’est plus fragile qu’un enfant ! La société se doit de le protéger contre toutes les formes de violence.
Pourtant, au sein même de leur famille, 72 enfants sont tués chaque année. Un rapport glaçant de l’inspection générale des affaires sociales démontre que ce chiffre, malheureusement, ne baisse pas. Par ailleurs, « plus de la moitié des enfants concernés ont subi avant leur mort des violences graves et répétées […] souvent repérées – c’est le pire ! – par des professionnels ».
Ces morts auraient peut-être pu être évitées si les services de protection de l’enfance avaient été mieux organisés, mieux formés et surtout mieux dotés en moyens à la fois humains et financiers. Vous avez certainement vu, madame le secrétaire d’État, ce reportage diffusé récemment par M6 montrant combien les services de protection de l’enfance pouvaient être défaillants, faute de moyens humains suffisants ! Comment ne pas en être scandalisé ?
Dans le département du Nord, en zone gendarmerie plus précisément, les maltraitances faites aux enfants explosent : les viols sur mineurs ont augmenté de 25,53 % entre 2018 et 2019 ; les faits de harcèlement sexuel et autres agressions sexuelles contre des mineurs ont quant à eux augmenté de 18,31 %. Les scandales de maltraitance d’enfants ne sont pas vraiment relevés. Les enfants sont devenus les premières victimes de l’ensauvagement de la société que nous constatons.
Enfin, que dire des nouveaux scandales survenus dans le sport, où certains dirigeants, en connaissance de cause semble-t-il, ont laissé des prédateurs et des pervers entraîner des enfants ? Mettez-vous à la place des parents qui laissent, en toute confiance, leurs enfants faire du sport ! Toute personne travaillant ou ayant une activité avec des enfants devrait faire l’objet d’un contrôle beaucoup plus régulier par son employeur.
Madame le secrétaire d’État, pouvez-vous nous dire quelles mesures l’État compte prendre afin de protéger davantage et plus efficacement les enfants en souffrance ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice, la prévention et la lutte contre toutes les formes de violences faites aux enfants constituent une priorité du Gouvernement.
Le secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé Adrien Taquet a présenté le 20 novembre un plan de lutte contre toutes les formes de violences faites aux enfants visant à mieux protéger les enfants dans tous les contextes de leur vie et dont certaines mesures permettent de mieux recueillir la parole de l’enfant, en liaison avec les différents acteurs, mais aussi de renforcer la lutte contre le syndrome du bébé secoué.
L’une des principales mesures consiste à renforcer les moyens du 119 : les effectifs d’écoutants sont accrus de 20 % grâce à l’augmentation du budget à hauteur de 400 000 euros dès 2020.
En outre, d’ici à 2022 seront constituées dans chaque région des équipes référentes en pédiatrie pour améliorer le repérage et la prise en charge des enfants victimes.
Par ailleurs, nous avons décidé d’augmenter le nombre d’unités d’accueil et d’écoute pédiatriques spécialisées pour couvrir l’ensemble du territoire d’ici à 2022.
Enfin, les auditions filmées seront étendues aux enfants exposés aux violences intrafamiliales de toute nature.
Outre ces actions portant sur le repérage et le signalement de toutes les formes de violence, le plan tend à généraliser les protocoles associant les parquets, les hôpitaux et la police judiciaire relatifs à la prise en charge des cas de mort inattendue du nourrisson, comme il en existe déjà dans certaines régions.
La Haute Autorité de santé a aussi engagé des travaux visant à définir un cadre de référence national pour l’évaluation des situations de danger concernant les enfants.
L’objectif est, notamment, de mieux tenir compte de l’ensemble des facteurs de risques – violences conjugales, addictions, etc. – et de mieux guider le repérage des « signaux faibles », tels que l’absentéisme scolaire.
Le dernier sujet que vous avez évoqué, madame la sénatrice, est suivi avec attention par mon collègue Adrien Taquet, en liaison avec la ministre des sports. Nous œuvrons avec les acteurs pour trouver les bonnes solutions, sachant que la réponse ne saurait être unique.
Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Lherbier, pour la réplique.
Mme Brigitte Lherbier. Madame la secrétaire d’État, j’étais présente quand Adrien Taquet a exposé les mesures de prévention que vous avez évoquées. J’y crois en partie, et j’espère que la situation va évoluer. Comme je le dis souvent, un enfant ne peut pas porter plainte, il ne sait que se plaindre ; dès lors il faut l’écouter et l’entendre.
Mme la présidente. Nous en avons terminé avec les réponses à des questions orales.
Mes chers collègues, l’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures quarante, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Vincent Delahaye.)
PRÉSIDENCE DE M. Vincent Delahaye
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
4
Politique familiale
Débat organisé à la demande du groupe Les Républicains
M. le président. L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande du groupe Les Républicains, sur la politique familiale.
Nous allons procéder au débat sous la forme d’une série de questions-réponses, dont les modalités ont été fixées par la conférence des présidents.
Je rappelle que l’auteur de la demande dispose d’un temps de parole de huit minutes, puis le Gouvernement répond pour une durée équivalente.
À l’issue du débat, l’auteur de la demande dispose d’un droit de conclusion pour une durée de cinq minutes.
Dans lke débat, la parole est à Mme Pascale Gruny, pour le groupe auteur de la demande. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Élisabeth Doineau applaudit également.)
Mme Pascale Gruny, pour le groupe Les Républicains. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, depuis sa création, la politique familiale française vise trois grands objectifs : maintenir le niveau de vie des familles, malgré les coûts engendrés par la naissance et l’éducation des enfants ; contribuer au renouvellement des générations par une politique de soutien à la natalité ; favoriser l’articulation entre vie familiale et vie professionnelle.
Or, depuis 2012, les gouvernements successifs n’ont eu de cesse de remettre en cause les fondements de notre politique familiale. Les mesures prises au cours du dernier quinquennat ont été justifiées par la volonté de faire des prestations familiales un outil de lutte contre la pauvreté. En résumé, les familles « riches » doivent payer pour les familles « pauvres ».
À l’origine universelle, c’est-à-dire orientée vers l’ensemble des familles, cette politique se transforme en instrument conduisant à aider principalement, voire uniquement, les familles « vulnérables ». Et comme toujours, ce sont les classes moyennes qui trinquent !
C’est ainsi qu’a été décidé l’abaissement du plafond du quotient familial de 2 000 à 1 500 euros ou la modulation des allocations familiales en fonction du niveau de revenus du foyer.
Si la lutte contre la pauvreté des familles, et donc des enfants, est un objectif qui ne fait pas débat, ce changement d’approche fait perdre à la politique familiale sa vocation première, qui est de compenser la charge liée à l’éducation des enfants.
Interrogeons-nous sur l’acceptabilité sociale d’une politique familiale qui exclurait ses principaux contributeurs et qui traiterait de la même manière, à niveau de revenu identique, un ménage sans enfant et une famille.
Cette remise en cause du principe d’universalité est inquiétante en ce qu’une même logique pourrait être étendue demain à d’autres branches de la sécurité sociale, voire pour conditionner l’accès aux services publics.
Modulera-t-on demain les remboursements de frais médicaux en fonction de la capacité qu’ont les assurés à y faire face ? Remettra-t-on aussi en cause la gratuité de l’école publique, sous prétexte que certaines familles ont les moyens de recourir à l’enseignement privé ?
Les conséquences de ces choix politiques hasardeux voulus par François Hollande n’ont pas tardé à se faire sentir. Faute d’avoir réussi à inverser la courbe du chômage, il aura au moins réussi à en inverser une autre, celle de la natalité !
Si la France reste dans le peloton de tête européen avec un indice de fécondité de 1,87 enfant par femme en 2019, cet indice baisse pour la cinquième année consécutive. Les effets des mesures prises depuis 2012 ont commencé à se faire sentir dès 2016.
Le groupe Les Républicains s’est toujours opposé aux réformes intervenues au cours du quinquennat de François Hollande et à la poursuite de celles-ci par Emmanuel Macron.
Nous proposons au contraire de remettre la politique familiale au cœur de notre pacte républicain. Il est indispensable de traiter la famille comme un moteur de notre société jouant, au même titre que l’entreprise, un rôle essentiel pour l’avenir du pays.
L’investissement dans la jeunesse est fondamental, et la famille est le ciment de cette jeunesse. Quels que soient les progrès de la robotique et de l’intelligence artificielle, le facteur de production le plus important est et restera l’être humain.
Nous prônons tout d’abord un retour à l’universalité de la politique familiale.
La majorité de l’Assemblée nationale a tenté récemment de supprimer le quotient familial, déjà malmené par le gouvernement Ayrault et jugé trop coûteux, pour créer une nouvelle allocation mensuelle : un prélude évident à la fusion espérée entre l’impôt sur le revenu et la CSG, qui, jusqu’à présent, a été rendue impossible par le Conseil constitutionnel. Nous proposons au contraire de le remonter à 3 000 euros, de façon à éviter que soit repris par le biais de l’impôt le bénéfice des allocations versées aux familles.
Nous souhaitons également améliorer le niveau des retraites des personnes ayant élevé des enfants. La réforme des retraites doit être l’occasion d’uniformiser les règles de bonification des retraites en agissant sur la durée d’assurance ou sur la valeur du point.
À ce sujet, le remplacement envisagé des huit trimestres supplémentaires par enfant accordés aux mères par une majoration de 5 % de la retraite par enfant suscite l’inquiétude, car il risque de pénaliser les femmes, notamment dans les familles nombreuses, où les interruptions d’activité sont les plus importantes. Le projet de loi prévoit en effet, pour les familles de trois enfants, une majoration de pension de 17 %, contre 20 % actuellement.
Remettre la politique familiale au cœur du pacte républicain, c’est également améliorer la politique d’accueil du jeune enfant.
Pour cela, il faut d’abord améliorer l’efficacité de la prime à la naissance. Jusqu’au 1er janvier 2015, son versement intervenait au cours du septième mois de grossesse. Depuis cette date, il s’effectue au deuxième mois suivant la naissance. Ce décalage a compliqué la vie des familles, qui ont souvent à engager des dépenses liées à l’accueil de l’enfant avant sa naissance. C’est faire encore une fois montre d’une méconnaissance totale de la vie des Français. Nous proposons un retour à la situation qui prévalait avant 2015.
Nous défendons aussi la mise en place d’un congé parental plus court et mieux rémunéré que l’actuelle prestation partagée d’éducation de l’enfant (PreParE).
La réforme du congé parental a accéléré la baisse du recours au congé parental, principalement à cause de la baisse de la durée de perception en cas de non-partage entre conjoints.
Je salue l’adoption l’année dernière de la directive européenne sur l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée, qui encourage le congé parental flexible – travail à distance, temps partiel – permettant aux parents de rester dans l’emploi. En effet, plus le congé parental est long, plus il éloigne de l’emploi, surtout pour les femmes.
Enfin, nous souhaitons donner davantage de moyens aux collectivités locales pour créer des places de crèche.
La précédente convention d’objectifs et de gestion pour la période 2012-2017 passée entre l’État et la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) n’a pas tenu ses promesses : 275 000 places en crèche avaient été prévues ; à peine 60 000 ont été créées, dont 30 000 par le privé. Ce résultat médiocre s’explique principalement par les difficultés budgétaires croissantes que rencontrent les communes pour assumer la charge financière du fonctionnement des crèches existantes.
L’objectif de 30 000 places supplémentaires prévu dans la nouvelle convention pour 2018-2022 n’est pas plus réaliste, et il est à craindre une augmentation du reste à charge à la fois pour les familles et pour les communes ou intercommunalités.
J’ajoute que, au travers de la loi du 10 août 2018 pour un État au service d’une société de confiance, dite « loi Essoc », le Gouvernement avait demandé une habilitation à légiférer par ordonnance sur ce sujet, mais il a laissé passer le délai des dix-huit mois, ce qui l’a obligé à demander une nouvelle habilitation au travers du projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique.
Nous continuons de dénoncer ce « chèque en blanc » pour une politique qui touche directement les collectivités locales et pour laquelle le Sénat pourrait utilement contribuer à l’élaboration des nouvelles règles.
En conclusion, mes chers collègues, la politique familiale a trop longtemps servi de variable d’ajustement budgétaire. Il est urgent de lui redonner du sens, en adoptant une vision à plus long terme. À défaut, l’exception française en matière de dynamisme démographique aura définitivement vécu.
Les Françaises et les Français qui mettent au monde des enfants et les éduquent investissent pour l’avenir, et cet investissement profite à l’ensemble de la Nation. C’est pourquoi le coût que cela représente doit être partagé par tous : ceux qui ont des enfants à charge comme ceux qui n’en ont pas. Il s’agit donc non pas d’aider les parents, mais de rétablir l’équité entre les citoyens.
Les gouvernements de la IVe République l’avaient très bien compris, répondant à l’avertissement que le général de Gaulle leur avait adressé : « Si les Français ont trop peu d’enfants, la France ne sera plus qu’une grande lumière qui s’éteint. » (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès du ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je remercie le groupe Les Républicains d’avoir inscrit à l’ordre du jour un débat sur la politique familiale.
Nous connaissons tous l’importance de cette politique : c’est une politique de solidarité, qui prend en compte les charges et les besoins liés à l’éducation d’un enfant, mais c’est aussi une politique d’investissement social, puisque les enfants d’aujourd’hui forment la société de demain.
Pour ces raisons, le Gouvernement investit massivement dans la politique familiale et la petite enfance. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : cette politique touche 6,6 millions de familles. La branche famille de la sécurité sociale, ce sont plus de 50 milliards d’euros de dépenses pour le soutien aux familles.
Ce gouvernement travaille à améliorer une politique essentielle à notre modèle social, tout en l’adaptant aux besoins nouveaux des familles.
Avant de répondre à votre intervention liminaire, je souhaite préciser le sens de la politique familiale menée par ce gouvernement, qui repose sur trois principes majeurs : l’universalité, la prévention et l’adaptation à tous les parcours de vie.
Le premier principe de notre politique familiale, c’est son principe historique : l’universalité. C’est le principe fondateur de la politique familiale, et nous y tenons. Notre ambition est simple : donner une nouvelle impulsion à ce principe en renforçant l’offre de services aux familles, notamment l’offre d’accueil des jeunes enfants.
Tous les parents qui confient leur enfant à un mode de garde formel sont aidés par la branche famille ; cependant, la recherche d’un mode de garde est trop souvent vécue par les parents comme un parcours du combattant.
Notre premier objectif est donc de renforcer l’offre d’accueil formel, collectif comme individuel, pour favoriser à la fois le développement des enfants et la conciliation entre la vie professionnelle et la vie personnelle des parents.
Nous avons annoncé la création de 30 000 places de crèches d’ici à 2022 ; ce chiffre sera atteint.
Mais, aujourd’hui, ces places ne profitent pas à tous les enfants, et c’est inacceptable : 54 % des enfants en situation de handicap de moins de 3 ans sont gardés exclusivement par leurs parents, contre 32 % des autres enfants ; 5 % des enfants défavorisés sont accueillis en crèche, contre 22 % des enfants favorisés.
Nous prenons à bras-le-corps ces inégalités, fidèles au principe d’universalité de la branche famille. Avec le bonus « inclusion handicap », un quart des crèches bénéficient d’aides financières.
Nous avons aussi créé le bonus « mixité sociale » pour encourager l’accueil en crèche des enfants issus de familles modestes.
Enfin, nous avons créé un bonus « territoires » pour encourager la création de places là où les besoins sont les plus importants.
En parallèle, nous améliorons l’offre de services de garde individuelle, parce que le premier mode d’accueil en France, ce sont les assistants maternels.
Depuis le mois de juin 2019, les parents n’ont plus à avancer le montant du complément de libre choix du mode de garde (CMG), grâce à l’introduction du tiers payant. Nous avons majoré de 30 % le montant du CMG octroyé aux familles monoparentales et aux familles dont un enfant est en situation de handicap pour la garde individuelle de leur enfant.
Enfin, nous souhaitons mettre en place un « service unique d’information des familles », qui permettra à tous les parents de connaître les disponibilités en matière d’accueil autour de chez eux ou de leur lieu de travail.
En fonction des résultats que nous obtiendrons, nous pourrons nous fixer de nouveaux objectifs en termes de mode d’accueil.
Le renforcement de l’offre d’accueil ne peut se passer d’une réflexion sur la qualité de l’accueil. C’est pourquoi nous avons lancé en janvier un vaste plan de formation, avec pour objectif de former les 600 000 professionnels de la petite enfance sur trois ans.
Pour assurer un accueil de meilleure qualité, nous allons créer 1 000 relais assistants maternels supplémentaires d’ici à 2022.
Construire une offre de service universelle, c’est aussi permettre à toutes les femmes de bénéficier du même congé de maternité, qu’elles soient salariées ou indépendantes. C’est désormais chose faite : depuis le 1er janvier 2019, la durée d’indemnisation a été portée à 112 jours pour toutes les femmes. C’est loin d’être négligeable, lorsque l’on sait l’importance du congé pour la santé de la mère et de son bébé, et pour la construction du lien d’attachement.
Le deuxième principe de notre politique familiale, sa dimension stratégique, c’est la prévention.
Cette prévention, elle commence dès le plus jeune âge, lors des 1 000 premiers jours. C’est au cours de cette période, et dès la grossesse, que beaucoup de choses se jouent pour le développement de l’enfant.
Cette période est souvent source de doutes, de questionnements et parfois d’inquiétudes pour les parents. Beaucoup ont le sentiment d’être trop seuls face à la parentalité et ses problèmes du quotidien.
Le Président de la République a donc installé en septembre une commission d’experts, qui remettra ses recommandations sur les 1 000 premiers jours de la vie au printemps.
M. Roger Karoutchi. Si c’est une commission d’experts…
Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État. À partir de ces recommandations scientifiques, mon collègue Adrien Taquet proposera un nouveau parcours d’accompagnement de cette période cruciale.
Avoir une politique publique ciblée sur ces 1 000 premiers jours, c’est s’assurer que nos concitoyens grandissent dans les meilleures conditions, dès les premiers pas.
La prévention, c’est aussi celle des ruptures de droits en cas de changements de situation brutaux, notamment en cas de séparation.
À ce titre, la question des impayés de pensions alimentaires a émergé avec force lors du grand débat national. La situation actuelle est préoccupante : 30 % des pensions alimentaires ne sont pas payées ou le sont de manière irrégulière.
Cette situation précarise les familles et les enfants : pour les familles monoparentales, la pension alimentaire représente en moyenne 18 % du budget. Nous avons donc créé le service public de versement des pensions alimentaires, qui entrera en vigueur à partir de juin 2020. Le versement des pensions alimentaires sera géré par les caisses d’allocations familiales, qui les prélèveront auprès des débiteurs et les reverseront aux parents créanciers.
Ce nouveau système permettra de prévenir les impayés, mais aussi de les détecter plus rapidement et d’engager immédiatement une procédure de recouvrement en cas de besoin avant que la situation ne s’aggrave.
Avec ce nouveau service, nous protégeons de manière durable les personnes ayant déjà fait face à un impayé de pension alimentaire, mais nous permettons également à tous les parents qui le souhaitent de s’affranchir du souci du paiement de la pension alimentaire pour se consacrer au développement de leur enfant.
Sans préempter les débats que vous aurez bientôt dans cette enceinte, j’ajoute que nous œuvrons, avec Adrien Taquet, pour accompagner les familles lors de la plus dure des ruptures : le décès d’un enfant.
Le troisième grand principe de notre politique familiale, c’est la prise en compte des parcours de vie.
Faut-il le rappeler : les modèles familiaux se renouvellent. On compte 23 % de familles monoparentales, l’homoparentalité fait pleinement partie de la famille du XXIe siècle, les Français vivent de plus en plus longtemps.
Les raisons de faire évoluer notre politique familiale sont donc nombreuses.
Pour les familles monoparentales, nous avons d’abord voulu lever le frein à l’emploi que constitue la garde des jeunes enfants. Ce frein est par nature encore plus important pour les chefs de famille monoparentale, puisqu’il n’y a pas de deuxième parent pour prendre le relais.
Je l’ai dit, nous avons augmenté le CMG pour les familles monoparentales, mais nous sommes également mobilisés pour promouvoir les crèches à vocation d’insertion professionnelle, pensées pour les jeunes parents éloignés de l’emploi, très souvent des mères de famille monoparentale.
La stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté prévoit donc la labellisation de 300 crèches à vocation d’insertion professionnelle en 2020.
Nous avons également engagé la refonte du cadre normatif des modes d’accueil du jeune enfant avec les professionnels du secteur, pour que l’offre d’accueil puisse répondre aux besoins de tous les parents. Nous avons pris le temps de la concertation avec l’ensemble des parties prenantes pour travailler cette ordonnance.
Pour ce qui est du pouvoir d’achat, certaines familles monoparentales bénéficient d’un complément de revenu important grâce à la prime d’activité. La hausse exceptionnelle de la prime d’activité décidée à la fin de 2018 a particulièrement profité aux familles monoparentales : elle a permis une baisse de 0,9 point de leur taux de pauvreté, contre 0,5 point pour l’ensemble des bénéficiaires.
Notre politique familiale s’adapte aussi pour tenir compte de la situation des proches aidants : entre 8 et 11 millions de nos concitoyens soutiennent des proches en perte d’autonomie, et l’État a un rôle à jouer auprès de ces « familles élargies ».
Nous devons d’abord aider ces aidants à concilier leur vie professionnelle avec leur vie personnelle : la stratégie Agir pour les aidants annoncée en octobre dernier prévoit la création d’un congé de proche aidant indemnisé dès octobre 2020.
Nous devons ensuite permettre à ces proches aidants d’accéder à des solutions de répit, ce que la stratégie prévoit également avec l’octroi d’un financement supplémentaire de 105 millions d’euros sur la période 2020-2022.
Tels sont les premiers éléments de réponse que je souhaitais vous livrer, mesdames, messieurs les sénateurs. (Applaudissements sur des travées du groupe LaREM. – Mme Michèle Vullien applaudit également.)
Débat interactif
M. le président. Nous allons maintenant procéder au débat interactif.
Je rappelle que chaque orateur dispose de deux minutes au maximum pour présenter sa question, suivie d’une réponse du Gouvernement pour une durée équivalente.
Dans le cas où l’auteur de la question souhaite répliquer, il dispose de trente secondes supplémentaires, à la condition que le temps initial de deux minutes n’ait pas été dépassé.
Dans le débat interactif, la parole est à Mme Michelle Gréaume.
Mme Michelle Gréaume. Nos collègues du groupe Les Républicains ont souhaité débattre de la politique familiale de notre pays.
Ce débat est indispensable, à l’heure où l’Assemblée nationale examine une réforme des retraites qui prévoit le remplacement des trimestres supplémentaires accordés aux mères par un système de majoration pénalisant pour les familles nombreuses.
Actuellement, chacun des deux parents d’une famille d’au moins trois enfants bénéficie d’une majoration de sa pension de retraite de 10 %. Le nouveau système porte la majoration à 17 %, mais pour un seul des deux parents.
Madame la secrétaire d’État, sachant que, dans 75 % des couples, le salaire de l’homme est le plus élevé, votre réforme va pénaliser les futures pensions de retraite des femmes. Cette attaque s’inscrit dans la continuité des mesures prises par les gouvernements précédents, qui, pour des raisons comptables, ont diminué le montant des aides familiales – comme le quotient familial et la prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE) – ou modulé les prestations familiales.
À nos yeux, il est urgent de rétablir l’universalité des prestations familiales et d’orienter la politique familiale vers une répartition plus égalitaire, par exemple en allongeant la durée du congé de paternité et d’accueil du jeune enfant à quatre semaines et en le rendant obligatoire. Ce faisant, on irait vers une organisation moins sexuée de la vie familiale et professionnelle. Quel est votre avis sur la question ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
Mme Laurence Cohen. Très bien !