M. Didier Guillaume, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Monsieur le sénateur, vous avez raison de dire que la situation actuelle des retraités dans notre pays est difficile, particulièrement chez vous, dans les territoires d’outre-mer, et encore plus spécifiquement à La Réunion.
Cette situation est évidemment aggravée par la durée des carrières, qui, vous le savez aussi bien que moi, est différente, puisque les cotisations dont s’acquittent les agriculteurs ultramarins sont nettement inférieures. Aujourd’hui, cette disparité entre agriculteurs se manifeste donc dès le début de la carrière.
Le futur système s’appliquera de plein droit à l’ensemble de ceux qui cotisent en outre-mer, à La Réunion donc, comme en métropole. La mise en place d’un filet de sécurité constituera justement une bonne réponse pour les agriculteurs de La Réunion : ils percevront une retraite de 1 000 euros dès 2022 et 85 % du SMIC dès 2025.
Toutefois, des adaptations particulières seront nécessaires pour les agriculteurs ultramarins. Une ordonnance permettra de tenir compte des contraintes spécifiques à La Réunion.
Ma collègue ministre de l’outre-mer, Laurent Pietraszewski et moi-même travaillons sur les modalités actuelles de détermination de ces cotisations : pour les agriculteurs comme pour les territoires d’outre-mer, c’est le même principe de ce système universel de retraite qui s’appliquera, à savoir qu’un euro cotisé donnera les mêmes droits.
Nous savons par ailleurs que le cas des retraités actuels doit faire l’objet d’un traitement à part. C’est la raison pour laquelle, comme l’ont déjà dit le Président de la République et le Premier ministre, il faut absolument que les agriculteurs puissent bénéficier de l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA). Désormais, le monde agricole pourra profiter de cette aide sans conséquence négative.
J’ajoute que des dispositions spécifiques, qui ont été actées pour les outre-mer, portent déjà leurs fruits. Ainsi, le recours sur succession a été supprimé en outre-mer sous le seuil de 100 000 euros – ce seuil est fixé à 39 000 euros dans l’Hexagone – et le taux de recours à l’ASPA est trois fois plus élevé à La Réunion que dans l’Hexagone.
Ces mesures constituent une réponse positive pour les agriculteurs ultramarins. Elles vont dans votre sens, monsieur le sénateur, même s’il faudra certainement poursuivre les efforts dans cette direction. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM. – M. Raymond Vall applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Lagourgue, pour la réplique.
M. Jean-Louis Lagourgue. Monsieur le ministre, permettez-moi de conclure par un proverbe créole : « Nou lé pas plus, nou lé pas moins, respect à nous ! » (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants. – Mme Nadia Sollogoub et M. Gérard Poadja applaudissent également.)
politique générale du gouvernement
M. le président. La parole est à M. Philippe Mouiller, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Mouiller. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
Monsieur le Premier ministre, la situation de notre pays est grave, les crises sont profondes et tranchent avec la légèreté dont le pouvoir fait preuve.
Venons-en aux faits.
Il y a tout d’abord eu le rejet par Mme Pénicaud et les députés LREM de la proposition de loi portant à douze jours le congé pour décès d’un enfant. Quel manque spontané d’humanité !
Il y a eu le très sévère et, pour tout dire, inédit avis du Conseil d’État sur les retraites, qui a pointé du doigt les risques juridiques, l’absence de visibilité d’ensemble de la réforme, ainsi que le flou qui entoure son financement. Que d’inquiétudes !
Il y a eu l’avis du même Conseil d’État sur la circulaire Castaner relative aux élections municipales, qui a pris le Gouvernement la main dans le pot de confiture.
À deux reprises, le Conseil d’État vous a donc rappelé avec force que nous étions dans un État de droit. Il a pointé la légèreté de vos copies.
Mais ce n’est pas tout.
Mme la garde des sceaux a confondu liberté de conscience et délit de blasphème, le parquet allant même jusqu’à ouvrir une enquête contre la victime !
On ne vous a pas entendu condamner avec fermeté les propos du délégué général du Conseil français du culte musulman (CFCM), pour lequel Mila « avait bien cherché » les menaces de mort dont elle est l’objet.
Le Président de la République a lui-même contribué à ce sentiment de flottement.
Il s’est laissé immortaliser tout sourire avec un tee-shirt dénonçant les policiers, (Huées sur des travées du groupe Les Républicains.) qui se sont sentis humiliés par celui qui devrait les protéger.
En outre, comment imaginer régler la difficile question de l’assimilation des jeunes générations issues de l’immigration, en rapprochant guerre d’Algérie et Shoah ?
Monsieur le Premier ministre, vous qui conduisez le Gouvernement, nous attendons vos explications ! (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Sophie Joissains et M. Jean-Claude Luche applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. C’est la triste réalité !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. … contre l’action du Gouvernement en évoquant toute une série de décisions,…
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste et républicain. De couacs !
M. Laurent Duplomb. De bêtises !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. … de réactions et d’éléments, et en omettant, compte tenu du temps limité dont vous disposez, de mentionner un certain nombre d’autres indicateurs, dont je suis personnellement convaincu que vous vous satisfaites, comme la baisse continue du chômage (Exclamations ironiques sur les travées des groupes Les Républicains, SOCR et CRCE.) ou les excellents chiffres de l’apprentissage. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
Autant d’éléments qui ne gomment en rien ce que vous venez de dire, monsieur le sénateur, mais qui doivent être mentionnés, car ils ne me semblent pas moins importants.
M. François Patriat. Cela ne les intéresse pas !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. Concernant les nombreux points que vous avez abordés, je voudrais rappeler un certain nombre de choses.
Vous avez cité le cas de notre compatriote qui, après des propos critiques sur une religion, l’islam en l’occurrence, a été confrontée à des menaces de mort et, de ce fait, a dû faire l’objet d’une protection particulière et subir une déscolarisation forcée.
Dans la mesure où le sort de cette compatriote vous intéresse sans doute autant que moi, je précise que nous suivons sa situation avec beaucoup d’attention. Le ministre de l’éducation nationale est en contact permanent avec sa famille, afin que cette jeune fille puisse être de nouveau scolarisée, et ce dans de bonnes conditions – il serait effectivement inenvisageable qu’il ne puisse en être ainsi.
Je me permets d’indiquer que le délit de blasphème n’existe pas en France. Vous le savez ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Je me permets de vous inviter à écouter avec attention les propos qui sont tenus, y compris par des responsables politiques, y compris par des responsables politiques présidents de groupe, y compris par des responsables politiques présidant le groupe de votre famille politique à l’Assemblée nationale. Ils reconnaissent, eux aussi, qu’il y a tout de même un sujet !
Vous verrez que les réactions outrées ayant suivi les propos de Mme la garde des sceaux vont trouver un écho intéressant avec ceux qui ont été tenus par ailleurs.
En vérité, monsieur le sénateur, le délit de blasphème n’existe pas ; la liberté de croire ou de ne pas croire est garantie en France, ainsi que la liberté de caricature…
M. Gérard Longuet. Y compris par le Président de la République !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. … ou de critique, dans le respect de la loi. Car, et vous le savez aussi, nous le savons tous, même la liberté d’expression est limitée par la loi.
Mais elle est garantie, et c’est très bien ainsi !
C’est ce qu’a dit le Gouvernement. C’est ce que je redis ici, fermement.
Sur tous les autres sujets, je comprends le jeu consistant à les pointer un à un, en disant : « ceci n’est pas acceptable », « cela ne devrait pas être fait ». C’est classique !
Ce qui m’intéresse, et ce qui devrait, au fond, tous nous intéresser, monsieur le sénateur, c’est de savoir comment nous construisons la France (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.), comment nous réparons des choses dont nous savons parfaitement, vous et moi, qu’elles fonctionnent mal depuis longtemps, comment, avec M. le ministre de l’éducation nationale, nous améliorons l’éducation et l’enseignement supérieur, comment nous veillons à développer l’industrie française, à garantir l’attractivité de notre pays, comment, avec Mme la ministre de la santé, nous faisons face à la menace d’une épidémie importante. (Exclamations teintées d’ironie sur les travées des groupes Les Républicains, SOCR et CRCE.)
À propos des mesures qui ont été prises, vous auriez pu, monsieur le sénateur, puisque vous avez dressé le tableau de cette France contemporaine, indiquer combien notre pays peut s’honorer – notre pays, pas le Gouvernement – d’avoir organisé l’opération de rapatriement de ses concitoyens et des concitoyens européens depuis la Chine dans les meilleures conditions. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM. – Exclamations sur les travées du groupe SOCR.)
J’entends que l’on crie sur les travées… Vous savez parfaitement, mesdames, messieurs les sénateurs, que l’opération n’était pas simple à mener. Vous savez parfaitement que la France l’a conduite pour le compte de ses amis européens et que cette opération a été parfaitement réalisée.
Cela fait, aussi, partie du tableau que vous auriez pu dresser, monsieur le sénateur, et, à mon sens, cela n’est pas moins important. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM, ainsi que sur des travées des groupes RDSE et UC.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Mouiller, pour la réplique.
M. Philippe Mouiller. Monsieur le Premier ministre, j’ai écouté attentivement votre réponse. J’ai entendu les bons points que vous vous attribuez – j’en partage un certain nombre. Le plus important, je crois, c’est l’ambiance générale, le sentiment qu’éprouvent les Français, la confiance – mot essentiel car, pour pouvoir réformer le pays, il est fondamental que les Français aient le sentiment qu’il n’y a pas de fossé entre eux et ceux qui les gouvernent. La confiance est essentielle ; sans elle, vous n’arriverez à rien ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
financement de l’accord entre le gouvernement et les sapeurs-pompiers sur le projet de loi « retraites »
M. le président. La parole est à Mme Nadia Sollogoub, pour le groupe Union Centriste. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme Nadia Sollogoub. Vous l’avez un peu anticipé, madame la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, (Sourires.) mais, en effet, je vais évoquer le même sujet que ma collègue Mireille Jouve, à savoir la revalorisation de la prime de feu des sapeurs-pompiers professionnels.
Cette revalorisation a, certes, mis fin à un mouvement de grève, mais elle en a fait bondir plus d’un.
La demande est ancienne, et le ministre de l’intérieur s’était toujours engagé à ne pas décider à la place de ceux qui payent, ce qui était une sage attitude. En définitive, voici ce qu’il se passe, et je le dis avec tout le respect que je porte au ministre de l’intérieur et que je vous porte, madame la ministre : il a annoncé une mesure et envoie la facture aux collègues ! Les choses ne doivent pas fonctionner ainsi : c’est une fausse bonne idée !
Par ailleurs, je suis très étonnée des annonces et de la position de M. Richefou. J’ai en main le communiqué de presse qu’il a publié le lendemain même de l’annonce. Il confirme que la dépense supplémentaire atteint bien 80 millions d’euros, « entièrement à la charge des financeurs », et que, « dans le contexte budgétaire actuel, une telle augmentation de charge n’est pas supportable ».
Je vous remercie donc, madame la ministre, de bien vouloir m’expliquer comment cette mesure doit être financée. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Jean-Michel Houllegatte applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Madame la sénatrice, chère Mireille Jouve (Rires.), permettez-moi tout d’abord de vous prier d’excuser l’absence du ministre de l’intérieur, qui est parti sur les lieux des incendies en Corse justement.
Avec tout le respect que je vous dois, madame Nadia Sollogoub, vous avez rappelé qu’un accord a été passé pour augmenter la prime de feu de 19 % à 25 %, au titre du plafond.
J’ajouterai que cette décision a été prise en parfaite coordination avec les associations d’élus que sont l’Assemblée des départements de France (ADF) et l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF), tout cela coordonné par M. Richefou, président de la Conférence nationale des services d’incendie et de secours (SDIS). C’est même lui, d’ailleurs, qui m’a annoncé cet accord en le qualifiant devant moi de bonne nouvelle.
Je rappelle par ailleurs, comme je l’ai indiqué précédemment, que cette prime est financée par une ressource fiscale, à savoir une quote-part de la taxe spéciale sur les conventions d’assurance (TSCA), laquelle connaît une dynamique particulièrement forte. Dans le cadre du PLF pour 2020, ce sont 53 millions d’euros de recettes supplémentaires qui ont été octroyés aux départements, au titre de cette seule ressource.
J’ajoute enfin que c’est bien une possibilité que nous accordons, puisque c’est un plafond qui a été fixé, la décision revenant ensuite à chaque département, associé aux communes – on oublie souvent de rappeler que la participation des communes est encore importante ; elle monte parfois jusqu’à 40 % des cotisations en faveur des SDIS. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM. – M. Jean-Marc Gabouty applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Nadia Sollogoub, pour la réplique.
Mme Nadia Sollogoub. Madame la ministre, je ne doute pas que cette augmentation soit une bonne nouvelle pour M. Richefou. Mais la question est celle-ci : où trouve-t-on les 80 millions d’euros supplémentaires ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes Les Républicains et SOCR.)
S’agissant de la TSCA, cette recette prise sur les conventions d’assurance rapporte chaque année entre 8 et 9 milliards d’euros. Sur cette somme, seuls 2,8 milliards d’euros sont fléchés vers les départements. Dans ces conditions, j’imagine qu’il doit être facile de trouver 80 millions d’euros au passage, sans avoir à aller les chercher dans la poche des collectivités ou des SDIS, au détriment du fonctionnement même de ces services.
Car oui, mes chers collègues, s’il faut trouver autrement les financements, ce seront des recrutements de sapeurs-pompiers prévus à certains endroits qui ne pourront pas se faire. C’est pourquoi, madame la ministre, je compte sur vous pour trouver ces 80 millions d’euros dans la TSCA. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes Les Républicains et SOCR.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Pemezec, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Pemezec. Ma question s’adresse au Premier ministre.
Monsieur le Premier ministre, vous ne répondez pas aux questions qui vous sont posées ! C’est pourquoi je voudrais revenir sur ce qui s’est passé jeudi dernier à Angoulême : une photo montre le Président de la République poser, de façon ostentatoire, en exhibant un tee-shirt où figurent les trois lettres désignant les lanceurs de balles de défense – LBD – et une illustration d’un chat à l’œil crevé.
Je ne reviens pas sur la liberté absolue de caricaturer. Mais il y a tout de même une différence entre la liberté de caricaturer et la caution que l’on donne à certaines caricatures. Lorsque l’on est Président de la République, investi des pouvoirs qui sont les siens, lorsque l’on est le garant des institutions et que, de ce fait, on dirige les forces de l’ordre et garantit l’ordre public, on ne se livre pas à des exercices de ce genre, me semble-t-il.
M. Ladislas Poniatowski. Bien sûr !
M. Philippe Pemezec. Ce qui est à mettre en cause, c’est non pas tant le tee-shirt que cette forme d’abandon des forces de l’ordre, qui sont les derniers gardiens de la République, à un moment où la France – cela a été dit – est fracturée, divisée et vit dans la peur.
De deux choses l’une : ou bien le Président de la République agit de façon légère, et c’est assez inquiétant ; ou bien il est parfaitement conscient de ce qu’il fait, parce qu’il est assez transgressif, et là, pour le coup, c’est gravissime, car méprisant à l’endroit des forces de police, qui assurent la sécurité des Français, celle du Président de la République, et la vôtre aussi, monsieur le Premier ministre.
Pourriez-vous donc, au nom du Président de la République, exprimer au moins des regrets et réaffirmer, avec conviction, la défense des forces de police, qui sont sur le pont depuis l’affaire de Charlie Hebdo, c’est-à-dire depuis cinq ans, et protègent notre démocratie de toutes les personnes, de plus en plus nombreuses dans le pays, qui menacent les valeurs de notre démocratie ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Jean-Claude Luche applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État, porte-parole du Gouvernement. (Vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Sibeth Ndiaye, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur, vous faites référence à la visite du Président de la République à Angoulême, voilà quelques jours.
Au cours d’un déjeuner avec des dessinateurs de bandes dessinées, le sujet dit « des violences policières » – je mets des guillemets puisque, comme l’ensemble du Gouvernement, je récuse ces termes – a été abordé.
Le Président de la République a alors défendu avec force la conviction qui nous anime. Nous devons avoir pleine confiance dans les forces de l’ordre, qui nous protègent de toutes les violences existant dans la société, en particulier de celles qui voient le jour dans les manifestations quand des personnes cagoulées, munies de pavés, s’en prennent à elles, mais aussi au mobilier urbain, et ont des agissements parfaitement répréhensibles.
Dans le même temps, le Président de la République n’a eu de cesse de le dire, nous devons avoir une grande exigence vis-à-vis des policiers, des gendarmes, qui, dans notre cadre démocratique, pour nous protéger, sont les seuls à pouvoir faire usage légitime de la force.
Cette exigence que nous avons à leur égard se traduit par le fait que les fautes, dès lors qu’elles sont avérées, doivent être sanctionnées.
M. François Bonhomme. Ritournelle !
Mme Sibeth Ndiaye, secrétaire d’État. C’est ce à quoi la justice de notre pays s’est attachée au cours de tous ces mois où nous avons connu un grand nombre de manifestations et, donc, beaucoup d’opérations de maintien de l’ordre. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Dominique Estrosi Sassone. Quel rapport avec le tee-shirt ?
Mme Sibeth Ndiaye, secrétaire d’État. Parallèlement, et je suis certaine, monsieur le sénateur, que vous partagerez ce point avec moi, le Président de la République est extrêmement attaché à la liberté de caricaturer et de donner son opinion. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Dallier. Là, c’est autre chose !
Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains. Ce n’est pas la question !
Mme Sibeth Ndiaye, secrétaire d’État. Il me paraît parfaitement légitime que, dans ce cadre, tout en exprimant une position extrêmement claire vis-à-vis de ce que certains veulent nous faire prendre pour des violences policières et qui n’en sont pas – il n’y a pas de violence organisée par l’État au sein de l’État de droit français –, le Président de la République soutienne et défende cette liberté de caricaturer, y compris au moyen d’une photographie. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Pemezec, pour la réplique. Vous avez huit secondes, mon cher collègue.
M. Philippe Pemezec. Cela me suffira, monsieur le président. J’ai bien entendu votre réponse, madame la secrétaire d’État. J’ai un beau tee-shirt, que je ne peux pas vous remettre dans cette enceinte, mais que je vous remettrai à l’extérieur. Vous voudrez bien l’offrir au Président de la République… C’est un tee-shirt de soutien aux forces de l’ordre.
M. Ladislas Poniatowski. Très bien !
M. Philippe Pemezec. S’il pouvait avoir la gentillesse de se promener avec à l’occasion d’une sortie publique, ce serait parfait ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC. – M. Jean-Louis Lagourgue applaudit également.)
apprentissage des langues régionales
M. le président. La parole est à M. Maurice Antiste, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR)
M. Maurice Antiste. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’éducation nationale.
Les langues régionales constituent, pour la France, une richesse indéniable à bien des égards. La Délégation générale à la langue française et aux langues de France encourage leur préservation et contribue à leur valorisation.
On comptait jusqu’à récemment plus de 92 000 élèves des premier et second degrés qui suivaient un enseignement en langues régionales, dont les trois quarts dans le service public d’éducation.
Avec la réforme du baccalauréat, des classes de langues dites régionales ont fermé, tandis que d’autres sont en instance de fermeture ; des enseignants, démunis, se retrouvent avec moitié moins d’élèves que l’an passé. Dorénavant, une langue régionale prise en option facultative possède un coefficient minime, trois fois inférieur à celui des langues anciennes, ce qui représente 1 % environ de la note finale du bac.
Il semble donc que la réforme du lycée soit un coup rude porté aux langues régionales.
Pourtant, le président Emmanuel Macron déclarait, le 21 juin 2018 : « Les langues régionales jouent leur rôle dans l’enracinement qui fait la force des régions. Nous allons pérenniser leur enseignement. » Force est de constater que nous sommes aujourd’hui très loin de cet objectif !
On peut donc légitimement s’interroger sur la place qu’entend donner la France à ses langues minoritaires et régionales, pourtant qualifiées de richesse culturelle. En outre, est-il prévu de ratifier la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, et l’article 30 de la Convention internationale des droits de l’enfant protégeant le droit humain à pouvoir vivre dans sa langue ? (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR. – MM. Joseph Castelli, André Gattolin et Loïc Hervé applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le sénateur Antiste, nous sommes évidemment d’accord sur les fondements de votre intervention. Autrement dit, les langues régionales sont encouragées dans le système scolaire français !
Autrefois, voilà quelques décennies, les langues régionales étaient parlées en famille, mais ne l’étaient pas à l’école. Parfois même, leur usage était sanctionné. Aujourd’hui, ces langues sont beaucoup plus rarement parlées en famille et, au contraire, encouragées à l’école. La donne actuelle est donc très différente, de par sa dimension volontariste.
J’ai eu l’occasion de m’exprimer, souvent et fortement, au Sénat sur cette question. C’est un sujet qui, normalement, devrait tous nous unir, du fait de cette politique volontariste en faveur des langues régionales au sein de l’école.
Vous m’interrogez sur les conséquences de la réforme du lycée : celle-ci se fait-elle au détriment des langues régionales ? La réponse est non, évidemment ! Cette réforme du lycée – mais pas seulement elle – nous permet au contraire de les encourager.
En particulier, un dispositif qui n’existait pas par le passé a été mis en place : les enseignements de spécialité en langue régionale. Après, il faut évidemment que nous ayons des demandes de la part des élèves… Mais, à partir du moment où ils le souhaitent, ils peuvent recevoir quatre heures de formation en première et six heures en terminale, soit beaucoup plus que tout ce qui a pu être instauré auparavant.
Vous faites référence à des options qui auraient fermé ; d’autres ouvrent aussi ! Nous parlons d’un système vivant, dépendant énormément de la demande des familles en la matière, demande que nous encourageons dès l’école primaire.
Outre-mer, où la situation vous intéresse tout particulièrement – je connais bien le sujet pour avoir été, autrefois, recteur outre-mer et avoir beaucoup encouragé les langues créoles ou d’autres langues locales comme les langues amérindiennes –, nous menons également une politique volontariste, avec des médiateurs de langues régionales ; nous entendons la poursuivre.
Par ailleurs, la loi du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance a consacré l’importance des langues régionales. Je sais que, parfois, ce ne sont pas les commentaires qui en ont été tirés, mais il me semble que, dans ce domaine, nous pouvons progresser si nous demeurons sur des consensus. C’est tout à fait possible.
La langue française est la langue de la République. Cette affirmation, non seulement n’entre pas en contradiction avec la vitalité des langues régionales, mais en est même complémentaire, et ce grâce à l’école ! (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
M. le président. La parole est à M. Maurice Antiste, pour la réplique.
M. Maurice Antiste. Monsieur le ministre, je rappelle que, selon l’Unesco, 21 langues sont en danger ou sérieusement en danger en France, plus précisément aux Antilles, en Guyane et en Polynésie.
Une langue est une part intrinsèque de l’être culturel. Il n’y a pas d’être sans culture. Donc porter atteinte à une langue régionale, c’est porter atteinte à l’existence même de l’être culturel.
N’oublions pas que la bête acculée n’accepte jamais d’être une victime expiatoire, mais livre toujours une farouche bataille pour survivre. Le message est clair ! (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR. – MM. Joseph Castelli et André Gattolin applaudissent également.)
études de médecine : numerus clausus