M. le président. La parole est à Mme la rapporteure.

Mme Corinne Imbert, rapporteure. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la semaine dernière, un certain nombre d’entre vous regrettaient que l’extension de la PMA à toutes les femmes ait été intégrée à un projet de loi relatif à la bioéthique. En revanche, cette après-midi, nous nous trouvons bien au cœur des sujets bioéthiques.

Le Conseil d’État, dans son avis sur ce texte, avouait que la révision des lois de bioéthique était un exercice juridiquement semé d’embûches. Nous les avons bien mesurées depuis le début de cet après-midi.

À l’article 14, nous allons aborder la question de la recherche sur les embryons et les cellules souches embryonnaires. L’article 15, quant à lui, porte sur la recherche qui a trait aux cellules souches pluripotentes induites.

Je voudrais m’excuser par avance de l’aspect peut-être un peu trop technique de mes commentaires sur les divers amendements en discussion : de fait, les sujets que nous abordons sont techniques. J’essaierai de vous expliquer le mieux possible, à chaque fois, de quoi nous parlons : il est vrai que, entre embryons, cellules souches embryonnaires et cellules souches pluripotentes induites, il y a parfois de quoi perdre son latin !

Il faudra aussi bien distinguer entre la recherche sur l’embryon destiné à être implanté en vue d’une gestation et celle qui porte sur un embryon surnuméraire, qui a été obtenu par fécondation in vitro dans le cadre d’un processus de PMA et qu’un couple qui n’a plus de projet parental a décidé de donner à la recherche.

Voilà quelques-uns des sujets que nous allons aborder au cours de la discussion qui s’ouvre.

M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier, sur l’article.

M. Guillaume Chevrollier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la manipulation de l’embryon est un sujet fondamental et complexe, dans la mesure où l’on légifère sur le vivant et où il faut, par conséquent, éviter tout projet aventureux.

J’ai déposé un amendement de suppression de l’article 14, mais je tiens à être clair sur un point : naturellement, je ne m’oppose pas à la recherche. Je suis favorable à la formule qui sert d’intitulé au titre IV : « Soutenir une recherche libre et responsable au service de la santé humaine ». Je soutiens la recherche dès lors qu’elle sert l’homme.

Cependant, même si j’ai confiance dans le discernement éthique des chercheurs, je considère que le Parlement doit assurer sa mission de contrôle en encadrant ces recherches. J’ai donc déposé plusieurs amendements sur cet article. Celui-ci est en effet stratégique. Il opère une distinction entre les cellules souches embryonnaires et les embryons, et prévoit de remplacer l’autorisation de recherche aujourd’hui requise par une simple déclaration du chercheur.

Une fois de plus, on assouplit la législation. Je rappellerai les étapes précédentes de ce mouvement. En 1994, la loi a semblé interdire toute recherche. En 2004, elle a ouvert une dérogation temporaire. En 2011, cette dérogation a été pérennisée et la recherche a été ensuite autorisée, sous conditions. En 2016, on a ouvert une dérogation dans la dérogation afin de faciliter la recherche visant à améliorer la PMA. Aujourd’hui, on supprime toutes les conditions. Quelle est la prochaine étape ?

À chaque nouvelle loi de bioéthique, on nous invite à assouplir la législation pour libérer la recherche. Aujourd’hui, le monde scientifique reconnaît pourtant que la recherche sur l’embryon n’a pas franchi le stade clinique. N’est-ce pas le constat d’un échec ? Quel est le bilan de ces recherches ? Pourquoi ne pas privilégier les cellules pluripotentes induites, qui sont, selon l’Académie nationale de médecine, l’Agence de la biomédecine et l’Inserm, tout aussi efficaces que les cellules souches embryonnaires humaines ?

Nous ne nous demandons pas si l’on peut conduire ces recherches ; nous nous interrogeons simplement sur un tel assouplissement de la législation. Pourquoi passer d’un régime d’autorisation à un régime déclaratif ? Pourquoi abaisser ainsi nos exigences éthiques ?

S’il est indéniable qu’une cellule souche embryonnaire n’est pas un embryon humain en soi, le législateur ne peut oublier qu’elle en émane et que son prélèvement en provoque la destruction.

Le présent article soulève de nombreuses questions, qui sont d’ordre non pas scientifique, mais sociétal. La France veut-elle produire des enfants génétiquement modifiés ? La levée de l’interdit de créer des embryons transgéniques permettra la création en laboratoire d’embryons humains génétiquement modifiés.

La responsabilité des politiques est grande, d’autant qu’il n’y a eu aucun débat digne de ce nom sur la fécondation in vitro à trois parents ou le ciseau moléculaire.

Le Gouvernement essaie de nous rassurer en posant un interdit sur le transfert à des fins de gestation d’embryons génétiquement modifiés, mais l’expérimentation en laboratoire a-t-elle une autre finalité que d’aboutir, à terme, à une expérimentation clinique ?

Il est donc de notre responsabilité de dénoncer toutes les menaces qui pèsent déjà aujourd’hui sur les êtres humains et qui pèseront demain sur les générations futures. Je me demande si l’article 14 protège vraiment l’humain. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)

(Mme Hélène Conway-Mouret remplace M. David Assouline au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE Mme Hélène Conway-Mouret

vice-présidente

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Gontard, sur l’article.

M. Guillaume Gontard. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous avons entamé l’examen du titre IV : « Soutenir une recherche libre et responsable au service de la santé humaine ».

Avant d’entrer dans le détail, je tenais à exprimer un point de vue plus général sur cette division du projet de loi. Nous allons discuter de plusieurs articles qui assouplissent, de manière parfois problématique, les possibilités de recherche sur les embryons, les cellules souches et le génome.

Ce projet de loi déploie un arsenal juridique considérable pour favoriser la recherche afin de lutter contre l’infertilité. Ce problème, de plus en plus prégnant dans nos sociétés modernes, concerne près d’un couple sur huit dans notre pays.

Il est dès lors dommageable que rien, ou presque, dans ce texte n’ait trait à la recherche sur les causes de l’infertilité ou de certaines malformations fœtales. Les députés se sont timidement emparés du sujet, mais l’on reste loin du compte !

Pourtant, si les causes environnementales de l’infertilité sont identifiées, elles ne sont pas parfaitement comprises. Je pense tout particulièrement aux perturbateurs endocriniens, aux ondes électromagnétiques et aux pesticides, toutes choses dont on connaît ou suspecte les effets : baisse de la fertilité du sperme, endométriose, bébés sans bras, et j’en passe !

Ainsi, selon les données de l’Inserm, pour 25 % des couples qui consultent, la science n’est pas en mesure de déceler les causes de l’infertilité. Un couple sur quatre qui ne peut pas avoir d’enfant ne saura pas pourquoi !

Alors que nous dépensons un temps et un argent considérable à la recherche visant à soigner ou à pallier l’infertilité, il faudrait orienter une partie de cet effort vers la recherche sur ses causes.

Un esprit méfiant verrait une explication simple à ce choix unidimensionnel du Gouvernement : prévenir les problèmes de santé est bien moins lucratif pour les laboratoires pharmaceutiques que les soigner. Pour ma part, j’y vois une nouvelle preuve de l’incapacité de l’humanité à accepter les conséquences délétères de son mode de vie sur notre environnement et sur notre propre santé.

Comme pour le réchauffement climatique, nous préférons fuir en avant : on dépense une énergie considérable à chercher des palliatifs, plutôt que d’agir pour tenter de corriger les problèmes à la source.

Ainsi, de la même manière que l’on invente des bateaux pour nettoyer le plastique des océans ou que l’on cherche un moyen de stocker le carbone, on tente de corriger, à grand renfort de manipulations génétiques, les causes de l’infertilité, alors qu’il conviendrait en premier lieu de cesser de produire du plastique jetable, de diminuer les émissions de carbone et de se débarrasser des perturbateurs endocriniens et autres pesticides.

C’est pourquoi nous défendrons un amendement relatif, notamment, à la recherche sur les perturbateurs endocriniens.

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L’amendement n° 55 rectifié est présenté par MM. Reichardt et Danesi, Mme Eustache-Brinio, MM. Kennel, de Legge et Morisset, Mmes Troendlé et Sittler, M. L. Hervé, Mme Férat, M. Mayet, Mme Noël et MM. Duplomb, Retailleau et H. Leroy.

L’amendement n° 90 rectifié quater est présenté par MM. Chevrollier et B. Fournier, Mme Bruguière et MM. Regnard, Cardoux, de Nicolaÿ, Vial, Meurant, Rapin, Cambon, Chaize, Bignon, Mandelli, Segouin et Hugonet.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. André Reichardt, pour présenter l’amendement n° 55 rectifié.

M. André Reichardt. En substituant un régime de déclaration à un régime d’autorisation, cet article crée, pour les cellules souches embryonnaires humaines, un régime distinct de celui qui s’applique en cas de recherches sur l’embryon humain.

À mon sens, différencier les protocoles de recherche applicables, d’une part, à l’embryon humain et, d’autre part, aux cellules souches embryonnaires humaines revient à banaliser la recherche sur les lignées de cellules souches embryonnaires.

Compte tenu des enjeux de ce type de recherche et, notamment, de l’industrialisation des cellules souches embryonnaires, il est nécessaire que l’Agence de la biomédecine, garante des principes éthiques des activités médicales et de recherche, instruise en amont les protocoles de recherche portant sur les cellules souches embryonnaires humaines et autorise expressément leur mise en œuvre.

Dès lors, par le biais du présent amendement, nous entendons supprimer l’article 14, qui vise à faciliter la recherche sur ces cellules souches embryonnaires en supprimant le régime d’autorisation sous conditions.

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Chevrollier, pour présenter l’amendement n° 90 rectifié quater.

M. Guillaume Chevrollier. En complément des propos de mon collègue, je ferai simplement remarquer que chercher ainsi à mettre à part l’embryon humain et les cellules souches embryonnaires revient à masquer ce que sont en réalité ces cellules, à savoir l’être même de l’embryon. Il n’y a pas d’embryon sans ces cellules souches, et réciproquement.

La croissance, voire l’industrialisation de la production de ces cellules souches embryonnaires est l’un des enjeux du business de l’industrie pharmaceutique. Rendre ainsi disponibles ces cellules peut susciter un risque majeur d’industrialisation de l’humain.

Au regard de l’atteinte portée à l’embryon humain et des enjeux de ce type de recherche, il est nécessaire que l’Agence de la biomédecine, garante du cadre légal et des principes éthiques, mène en amont une instruction sur les protocoles de recherche.

En somme, nous proposons au travers de cet amendement le maintien du droit actuel.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?

Mme Corinne Imbert, rapporteure. La suppression de l’article 14 du projet de loi empêcherait certaines adaptations du cadre juridique des recherches sur l’embryon, adaptations rendues nécessaires par l’évolution des connaissances et des techniques, ne serait-ce que pour instituer un délai limite de culture in vitro des embryons surnuméraires, délai qui n’existe pas aujourd’hui.

Par ailleurs, cette suppression reviendrait sur la mise en place d’un régime de déclaration préalable des recherches sur les cellules souches embryonnaires, en lieu et place de l’actuel régime d’autorisation.

Or si le projet de loi procède à une différenciation des régimes juridiques applicables aux recherches sur l’embryon et à celles qui portent sur les cellules souches embryonnaires, c’est précisément pour acter la différence de nature entre l’embryon et les cellules souches qui en sont issues.

Une fois dérivées d’un embryon, les cellules souches n’ont pas la capacité d’en former spontanément un nouveau. Elles n’ont en rien le caractère symbolique de la personne potentielle qu’on attribue à l’embryon, comme l’a rappelé le Comité consultatif national d’éthique.

De plus, une fois qu’elles sont constituées, les lignées de cellules souches embryonnaires n’impliquent plus la destruction d’un embryon.

Dans ces conditions, le maintien d’un régime d’autorisation analogue à celui qui est applicable aux recherches sur l’embryon ne se justifie plus, éthiquement, pour les recherches qui portent sur les cellules souches embryonnaires.

Par ailleurs, je tiens à répondre à une inquiétude exprimée par les auteurs de l’amendement n° 90 rectifié quater : il convient de préciser que toute dérivation d’une lignée de cellules souches à partir d’un embryon suppose l’établissement d’un protocole de recherche sur l’embryon, qui restera soumis à autorisation préalable, dans la mesure où cela implique la destruction de l’embryon.

Pour toutes ces raisons, la commission spéciale a émis un avis défavorable sur ces deux amendements identiques de suppression.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Frédérique Vidal, ministre. Nous avons souhaité établir deux régimes différents.

De fait, les lignées de cellules souches embryonnaires sont dérivées depuis plusieurs années, voire plusieurs dizaines d’années. Les laboratoires qui travaillent sur ces lignées établies, dans leur très grande majorité, n’ont jamais eu accès à un embryon humain pour produire ces lignées.

Il me paraît donc important de bien réaffirmer que ce n’est pas parce que les cellules souches embryonnaires sont potentiellement capables de reconstituer n’importe quelle partie d’un embryon qu’elles constituent un embryon en tant que tel. Il est donc très important de pouvoir distinguer ces régimes, en conservant un régime d’autorisation très strict pour l’embryon, tout en instaurant un régime de déclaration pour les cellules souches.

Précisons que l’Agence de la biomédecine aura toujours la possibilité de refuser le protocole : le fait qu’il s’agisse d’une déclaration n’implique pas qu’aucun contrôle ne sera effectué ; simplement, le processus sera simplifié.

Là encore, le rôle des chercheurs, que ce soit en France ou dans le reste du monde, est avant tout de produire de la connaissance. En aucun cas ils ne le font de manière désinvolte, surtout quand il s’agit de recherche sur les embryons.

On compte actuellement 19 000 embryons, dont, en l’absence de projet parental, on a proposé qu’ils soient utilisés pour la recherche dans des délais raisonnables. À ce propos, j’ai peine à écouter sans réagir ceux qui affirment que la recherche sur l’embryon n’a rien apporté : je pourrais en débattre pendant des heures ! Au total, quelque 3 400 autorisations d’utilisation d’embryons à des fins de recherche ont été accordées par l’Agence de la biomédecine : vous le voyez, on est bien loin d’une utilisation totalement irraisonnée de ces embryons.

Les chercheurs utilisent de manière raisonnée les outils qui sont à leur disposition. Ils demandent une telle autorisation seulement quand aucun autre choix n’est possible. Chaque fois qu’il a fallu le démontrer, cela a été fait. Parfois, recevoir cette autorisation a requis plusieurs mois, parce que l’on essayait de bloquer les recherches sur l’embryon humain, mais les chercheurs ont toujours pu démontrer in fine que ces recherches ne pouvaient pas se faire sur un autre matériel.

L’avis du Gouvernement sur ces deux amendements identiques est donc défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.

M. René-Paul Savary. J’estime que ce texte pose des bornes correctes. La constitution d’embryons à partir de cellules souches est de toute façon inacceptable aux termes de la convention d’Oviedo. Il est ici question d’embryons qui ne relèvent plus d’un projet parental, et de recherche dont les fins sont purement médicales.

On voit bien que ces recherches génétiques peuvent avoir des débouchés intéressants et permettre de sauver nos enfants. Quand nous avons visité le Genopole, structure que je connais particulièrement, nous avons bien vu à qui nous avions affaire. Les chercheurs qui y travaillent ont bien les deux pieds sur terre ! Leur vocation est bien d’aller trouver une innovation médicale qui soit acceptable par la société. Ce n’est pas pour eux-mêmes qu’ils cherchent, mais dans l’intérêt général.

On sait bien qu’il y aura encore des pas à franchir. L’intérêt de ces recherches est notamment les progrès qu’elles permettent en matière de médecine prédictive. La prévention ne suffit pas : demain, il faudra acquérir, à travers la recherche génétique et les thérapies géniques, la possibilité de prédire un certain nombre de pathologies. Aujourd’hui, on ne sait pas encore le faire ; y parvenir nécessite encore de nombreuses années d’effort et, notamment, des recherches portant sur les cellules embryonnaires et les cellules souches pluripotentes induites.

Notre rôle est surtout d’offrir un cadre à ces recherches. J’ai pour ma part confiance dans la réflexion qui a été menée.

Or le cadrage est évolutif. C’est le principe d’une loi de bioéthique : la vérité d’aujourd’hui n’est pas celle de demain. Il faut anticiper, afin que la vérité de demain soit adaptée à notre société et qu’il n’y ait pas de dérives.

C’est pourquoi j’estime que l’encadrement proposé est correct ; je soutiendrai donc la position de la commission spéciale au sujet de ces recherches.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.

M. Daniel Chasseing. Je soutiendrai moi aussi la position de la commission spéciale.

Je voudrais rappeler le cadre proposé dans ce projet de loi : il s’agit d’établir une différence entre la recherche effectuée sur l’embryon et celle qui porte sur les cellules souches. Celles-ci, tirées de l’embryon, peuvent, du fait de leur caractère pluripotent, former n’importe quel tissu du corps humain et recevoir par conséquent de très vastes applications, par exemple après un infarctus.

Les cellules souches embryonnaires humaines (CSEh), quant à elles, après avoir été extraites de l’embryon originel et cultivées, sont incapables de former un nouvel embryon et, donc, un être humain potentiel.

Il est important que l’article 14 maintienne le régime d’autorisation des recherches sur l’embryon, en conservant certains principes éthiques, comme l’interdiction de la constitution d’embryons humains par clonage, l’interdiction de l’adjonction de cellules d’une autre espèce dans un embryon humain, l’interdiction de l’utilisation d’embryons à des fins commerciales, ou encore l’interdiction de constituer par clonage un embryon humain à des fins thérapeutiques.

L’introduction d’un régime de déclaration préalable pour faciliter les recherches sur les cellules souches embryonnaires humaines, même si un contrôle subsiste, me paraît tout à fait licite. Ce régime est aussi sécurisé sur le plan juridique que le celui qui s’applique aux recherches sur l’embryon. Il permettra des avancées dans la compréhension du développement embryonnaire dans le respect des principes éthiques.

Il est très important de connaître la façon dont les cellules souches embryonnaires humaines se développent à partir de l’embryon avant de devenir des organes différenciés.

Je soutiens par conséquent la position de la commission spéciale.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.

M. Bernard Jomier. En fin de compte, on sait très peu de choses sur l’embryon. L’épigénétique, qui se développe à grande vitesse, nous enseigne que les gènes ne s’expriment pas nécessairement, contrairement à ce que l’on croyait il y a dix ou vingt ans. En réalité, ils peuvent s’exprimer, ou non, en fonction de paramètres environnementaux, au sens large.

Aujourd’hui, on découvre que ce qui se passe pendant la vie embryonnaire est essentiel à cet égard. Un certain nombre de pathologies survenant à l’âge adulte – je pense aux recherches sur l’infarctus du myocarde et sur certaines maladies neurologiques, comme la maladie de Parkinson ou la chorée de Huntington – trouvent potentiellement leur origine dans cette phase embryonnaire. C’est pourquoi il est très important de poursuivre les recherches dans ce domaine.

Il est également très important de continuer ces recherches dans le cadre de la PMA, car le taux d’échec en matière de FIV est très élevé, ce qui résulte d’une problématique multifactorielle.

Je dis cela évidemment en ayant un immense respect pour ce qui constitue, de fait, du matériel humain, des cellules humaines : nous devons fixer un ensemble de garanties qu’il est hors de question d’abandonner. Ce dont il est question dans le texte qui nous est proposé par le Gouvernement, texte qui a été affiné et même amélioré, à mon sens, par la commission spéciale, c’est de maintenir l’ensemble de ces garanties et de ne rien céder. Cet objectif nous réunit.

Il faut prendre conscience de la chance immense qui s’offre à nous grâce à des embryons qui, évidemment, ne peuvent toujours pas être créés pour la recherche, modifiés ou transplantés. Toutes les garanties sont maintenues : il faut donc très clairement continuer à développer ce domaine de la recherche, qui est prometteur pour notre santé.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 55 rectifié et 90 rectifié quater.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. L’amendement n° 75, présenté par MM. Chevrollier et de Legge, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Les recherches sur l’embryon et sur les cellules souches embryonnaires humaines sont suspendues pour un an, le temps que l’office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques dresse un bilan de quinze ans de recherche sur l’embryon humain et ses cellules souches en France, en les comparant aux résultats annoncés depuis quinze ans.

La parole est à M. Guillaume Chevrollier.

M. Guillaume Chevrollier. Cet amendement a pour objet de suspendre les recherches sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires.

En effet, chaque fois que la loi modifie le régime s’appliquant aux recherches sur les embryons humains et les cellules souches embryonnaires humaines, certains chercheurs annoncent des résultats spectaculaires et à portée de main. Ces déclarations ont poussé le Parlement à consentir des dérogations, puis à autoriser les recherches sur l’embryon et les cellules souches.

En 2011, on nous disait que les cellules souches embryonnaires humaines permettraient de créer des pansements provisoires pour les grands brûlés. En 2013, on nous disait que l’on était sur le point de guérir les patients… Les mêmes arguments ont été avancés pour élaborer le présent texte. Ces annonces ont toujours émergé au moment des débats législatifs, sans qu’aucune suite ait été donnée à ces résultats.

Aujourd’hui, peut-on guérir des grands brûlés grâce aux cellules souches embryonnaires humaines ? La réponse est non. Les avancées dans le domaine des thérapies pour traiter certaines myopathies nécessitent-elles des recherches sur les cellules souches embryonnaires humaines ? Il n’y a aucune thérapie effective en la matière. Où en sommes-nous aujourd’hui ? Quel bilan peut-on dresser de ces dérogations et autorisations ?

Avant d’aller plus loin, mes chers collègues, je vous propose d’écouter la voix de la sagesse, en laissant à une autorité compétente, en l’occurrence l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst), le soin d’établir un premier état des lieux. Tel est le sens de cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?

Mme Corinne Imbert, rapporteure. L’amendement, tel qu’il est rédigé, tend à réécrire intégralement l’article 14, pour le cantonner à une disposition suspendant, pour une période d’un an, les recherches sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires humaines dans l’attente d’une évaluation de ces recherches par l’Opecst.

Or la loi charge déjà l’Agence de la biomédecine d’évaluer, dans son rapport annuel d’activité, l’état d’avancement des recherches sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires, en incluant un comparatif avec les recherches concernant les cellules souches adultes, les cellules pluripotentes induites et les cellules issues du sang de cordon, du cordon ombilical et du placenta, ainsi qu’un comparatif avec la recherche internationale.

Réécrire totalement l’article reviendrait à supprimer les dispositions qui y figurent actuellement. La commission spéciale est donc défavorable à l’amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Frédérique Vidal, ministre. Je précise tout d’abord que, entre le moment où l’on entame des recherches et celui où l’on aboutit à un médicament, il y a évidemment, et fort heureusement, un certain nombre d’étapes, qui sont essentielles et qui permettent de garantir la sécurité du médicament. J’évoque ici des phases qui sont très en aval de la recherche.

Pour vous répondre, monsieur le sénateur, je citerai un premier essai clinique complété sur le traitement de l’insuffisance cardiaque, un essai clinique sur le traitement de la rétinite pigmentaire, qui vient de commencer, ainsi que deux projets conduisant au développement de produits de thérapie cellulaire, qui sont en train d’être déposés pour un essai clinique, notamment ce qui concerne les ulcères de la peau liés à la drépanocytose ou le traitement des maladies métaboliques du foie.

Je mentionnerai également deux projets, qui ont permis d’identifier des molécules utilisées dans des essais cliniques sur des patients atteints d’une forme génétique d’autisme et de la myotonie de Steinert, qui est une maladie génétique orpheline.

Enfin, j’évoquerai deux projets qui visent à élucider les mécanismes permettant de comprendre la pluripotence et à découvrir si, de la même façon que nous avons maintenant des cellules souches pluripotentes induites, nous pourrions avoir d’autres cellules pluripotentes ayant des origines diverses.

Je le répète, entre le moment des recherches en laboratoire et le moment où l’on aboutit à un médicament, il y a fort heureusement le temps des différents essais cliniques. Avant ces essais cliniques, des essais sont aussi menés en laboratoire de manière à assurer la sécurité des essais cliniques eux-mêmes. Bref, pour les médicaments qui arrivent sur le marché humain, la phase de développement dure toujours entre dix et quinze ans au minimum.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 75.

(Lamendement nest pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de six amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 129 rectifié bis, présenté par MM. de Legge et Chevrollier, Mmes Noël, Bruguière, Thomas et Chain-Larché, MM. Schmitz et Morisset, Mme Sittler, MM. de Nicolaÿ, Cuypers et Mayet, Mme Lamure, MM. Bascher et B. Fournier, Mme Ramond et MM. Regnard, Longuet, Leleux, H. Leroy, Meurant et Segouin, est ainsi libellé :

Alinéas 1 et 2

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Dominique de Legge.