Sommaire
Présidence de Mme Valérie Létard
Secrétaires :
M. Guy-Dominique Kennel, Mme Patricia Schillinger.
2. Candidature à une délégation sénatoriale
3. Mises au point au sujet de votes
4. Bioéthique. – Suite de la discussion d’un projet de loi dans le texte de la commission
Articles additionnels après l’article 1er
Amendement n° 254 de M. Michel Canevet. – Non soutenu.
Article 1er bis (supprimé)
Mme Muriel Jourda, rapporteur de la commission spéciale
Mme Laurence Rossignol ; Mme la présidente.
Amendement n° 147 rectifié de M. Henri Leroy. – Rejet.
Amendement n° 36 rectifié bis de M. Guillaume Chevrollier. – Retrait.
Amendement n° 124 rectifié bis de Mme Josiane Costes. – Retrait.
Amendement n° 148 rectifié de M. Henri Leroy. – Retrait.
Amendement n° 285 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 120 rectifié de Mme Véronique Guillotin. – Adoption.
5. Mise au point au sujet d’un vote
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE Mme Hélène Conway-Mouret
6. Mise au point au sujet d’un vote
7. Bioéthique. – Suite de la discussion d’un projet de loi dans le texte de la commission
Amendement n° 6 de Mme Élisabeth Doineau. – Retrait.
Amendement n° 252 de M. Alain Milon. – Adoption.
Amendement n° 286 du Gouvernement. – Devenu sans objet.
Amendement n° 200 de Mme Laurence Cohen. – Rejet.
Amendement n° 305 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 306 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 294 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 222 de Mme Catherine Conconne. – Adoption.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État
Rejet de l’article modifié.
Article additionnel après l’article 2 bis
Amendement n° 166 de M. Sébastien Meurant. – Non soutenu.
Mme Muriel Jourda, rapporteur de la commission spéciale
Amendement n° 240 rectifié de M. Loïc Hervé. – Rejet.
Amendement n° 122 rectifié de Mme Josiane Costes. – Rejet.
Amendement n° 233 rectifié de M. Jacques Bigot. – Retrait.
Amendement n° 292 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 244 rectifié de M. Emmanuel Capus. – Non soutenu.
Amendement n° 293 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 265 rectifié de M. Thani Mohamed Soilihi. – Rejet.
Amendement n° 281 du Gouvernement. – Rejet.
Amendement n° 255 de Mme Angèle Préville. – Non soutenu.
Amendement n° 307 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 201 de Mme Éliane Assassi. – Retrait.
Adoption de l’article modifié.
Suspension et reprise de la séance
Amendements nos 107 rectifié bis, 108 rectifié, 109 rectifié bis et 112 rectifié de Mme Sophie Primas. – Devenus sans objet.
Amendement n° 195 de Mme Éliane Assassi. – Devenu sans objet.
Amendement n° 27 rectifié bis de M. François Bonhomme. – Devenu sans objet.
Amendements nos 111 rectifié et 113 rectifié de Mme Sophie Primas. – Devenus sans objet.
Amendement n° 63 de Mme Laurence Cohen. – Devenu sans objet.
Amendements identiques nos 232 de M. Jacques Bigot et 242 de M. Michel Raison. – Devenu sans objet.
Amendement n° 277 rectifié de M. François Patriat. – Devenu sans objet.
Amendement n° 110 rectifié de Mme Sophie Primas. – Devenu sans objet.
Amendement n° 269 rectifié de Mme Patricia Schillinger. – Devenu sans objet.
Amendement n° 223 de Mme Laurence Rossignol. – Devenu sans objet.
Amendements nos 327, 328 et 329 de la commission. – Devenus sans objet.
Amendement n° 97 rectifié de Mme Élisabeth Doineau. – Devenu sans objet.
Amendement n° 330 de la commission. – Devenu sans objet.
Articles additionnels après l’article 4
Amendement n° 229 rectifié de Mme Marie-Pierre de la Gontrie. – Rejet.
Amendement n° 198 rectifié bis de Mme Éliane Assassi. – Retrait.
Amendement n° 9 rectifié de M. Olivier Cadic. – Rejet.
Amendement n° 199 rectifié ter de Mme Éliane Assassi. – Rejet.
M. Alain Milon, président de la commission spéciale
8. Candidature à une délégation sénatoriale
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Vincent Delahaye
9. Mises au point au sujet de votes
10. Bioéthique. – Suite de la discussion d’un projet de loi dans le texte de la commission
Demande de priorité de plusieurs amendements. – M. Alain Milon, président de la commission spéciale ; Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. – La priorité est ordonnée.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie
Amendement n° 8 rectifié de M. Olivier Cadic
Amendement n° 104 de Mme Esther Benbassa
Amendement n° 249 rectifié bis de Mme Françoise Laborde
Amendement n° 250 rectifié de Mme Josiane Costes
Amendement n° 216 rectifié quater de Mme Marie-Pierre de la Gontrie
Amendement n° 301 du Gouvernement
Suspension et reprise de la séance
Amendement n° 8 rectifié de M. Olivier Cadic (suite). – Rejet par scrutin public n° 73.
Amendement n° 104 de Mme Esther Benbassa (suite). – Rejet par scrutin public n° 74.
Amendement n° 249 rectifié bis de Mme Françoise Laborde (suite). – Retrait.
Amendement n° 250 rectifié de Mme Josiane Costes (suite). – Retrait.
Amendement n° 301 du Gouvernement (suite). – Rejet par scrutin public n° 76.
11. Mises au point au sujet de votes
12. Bioéthique. – Suite de la discussion d’un projet de loi dans le texte de la commission
Article 4 bis (nouveau) (suite)
Amendement n° 333 de la commission. – Adoption par scrutin public n° 78.
Adoption, par scrutin public n° 79, de l’article modifié.
M. Bernard Jomier, rapporteur de la commission spéciale
Adoption de l’article.
Amendement n° 308 de la commission. – Adoption.
Amendement n° 221 rectifié ter de M. Daniel Chasseing. – Retrait.
Adoption de l’article modifié.
Articles additionnels après l’article 5
Amendement n° 202 de Mme Laurence Cohen. – Retrait.
Amendement n° 121 rectifié de Mme Nathalie Delattre. – Retrait.
Amendement n° 219 rectifié quinquies de M. Daniel Chasseing. – Retrait.
Amendement n° 119 rectifié de Mme Nathalie Delattre. – Retrait.
Amendement n° 220 rectifié ter de M. Daniel Chasseing. – Retrait.
Amendement n° 203 rectifié de Mme Laurence Cohen. – Retrait.
Amendement n° 309 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Article additionnel après l’article 6
Amendement n° 106 de Mme Esther Benbassa. – Retrait.
Amendement n° 310 de la commission. – Adoption.
Adoption de l’article modifié.
Renvoi de la suite de la discussion.
13. Mise au point au sujet de votes
14. Ordre du jour
Nominations de membres de délégations sénatoriales
compte rendu intégral
Présidence de Mme Valérie Létard
vice-présidente
Secrétaires :
M. Guy-Dominique Kennel,
Mme Patricia Schillinger.
1
Procès-verbal
Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
2
Candidature à une délégation sénatoriale
Mme la présidente. J’informe le Sénat qu’une candidature pour siéger au sein de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation a été publiée.
Cette candidature sera ratifiée si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.
3
Mises au point au sujet de votes
Mme la présidente. La parole est à Mme Christine Lavarde.
Mme Christine Lavarde. Madame la présidente, lors du scrutin n° 69 sur l’article 1er du projet de loi relatif à la bioéthique, M. Christian Cambon souhaitait voter contre.
Mme la présidente. La parole est à Mme Michèle Vullien.
Mme Michèle Vullien. Madame la présidente, lors de ce même scrutin n° 69, M. Claude Kern souhaitait voter contre et Mme Sylvie Vermeillet souhaitait voter pour.
Mme la présidente. Acte vous est donné de ces mises au point, mes chères collègues. Elles seront publiées au Journal officiel et figureront dans l’analyse politique du scrutin.
4
Bioéthique
Suite de la discussion d’un projet de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à la bioéthique (projet n° 63, texte de la commission spéciale n° 238, rapport n° 237).
Dans la discussion du texte de la commission, nous en sommes parvenus, au sein du chapitre Ier du titre Ier, aux amendements portant articles additionnels après l’article 1er.
TITRE Ier (suite)
ÉLARGIR L’ACCÈS AUX TECHNOLOGIES DISPONIBLES SANS S’AFFRANCHIR DE NOS PRINCIPES ÉTHIQUES
Chapitre Ier (suite)
Permettre aux personnes d’exercer un choix éclairé en matière de procréation dans un cadre maîtrisé
Articles additionnels après l’article 1er
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 10 rectifié quinquies est présenté par Mme Noël, MM. Danesi, Morisset, Bascher et Vial, Mme Lamure et MM. H. Leroy, Chevrollier et Gremillet.
L’amendement n° 169 est présenté par M. Meurant.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le troisième alinéa de l’article L. 1418-1-1 du code de la santé publique, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° La liste des causes et des pathologies qui ont motivé le recours aux techniques de l’assistance médicale à la procréation et leur pondération quantitative ; ».
La parole est à M. René Danesi, pour présenter l’amendement n° 10 rectifié quinquies.
M. René Danesi. Aux termes de la loi relative à la bioéthique du 7 juillet 2011, l’accès aux techniques de l’assistance médicale à la procréation (AMP) est réservé aux couples homme-femme, vivants, en âge de procréer, le caractère pathologique de l’infertilité étant médicalement diagnostiqué.
Il est donc nécessaire d’identifier clairement les causes pathologiques qui motivent le recours à l’AMP, car elles permettront d’emprunter de nouvelles pistes dans la recherche sur l’infertilité.
De plus, l’ouverture de l’AMP aux couples de femmes et aux femmes seules risque de se traduire par un accès beaucoup plus difficile pour les couples hétérosexuels, dans un contexte de levée de l’anonymat, qui entraînera un tarissement des dons de sperme, comme cela a pu être vérifié au Danemark. Il importe donc de s’assurer que les couples hétérosexuels ne seront pas victimes d’une discrimination.
Mme la présidente. La parole est à M. Sébastien Meurant, pour présenter l’amendement n° 169.
M. Sébastien Meurant. Il est défendu, madame la présidente.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à la bioéthique. C’est vrai, la loi confie déjà à l’Agence de la biomédecine le soin d’établir un rapport, dans le cadre d’une mission de suivi des activités d’assistance médicale à la procréation. Il ne paraît pas de mauvais aloi, s’agissant de la recherche contre l’infertilité, de lister les causes et les pathologies qui nécessitent cette intervention.
La commission est donc favorable à ces amendements.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Il s’agit effectivement d’une des missions confiées à l’Agence de la biomédecine, qui s’en acquitte depuis 2013, avec une approche méthodologique qui nous semble présenter de nombreux avantages par rapport à tout autre type d’études qui pourrait être proposé. Je pense notamment au suivi anonyme des personnes tout au long du parcours de soins, à la représentativité et à l’importance de la population étudiée ou encore à la constitution d’un groupe témoin.
C’est la raison pour laquelle le Gouvernement est défavorable à cet amendement. Si nous comprenons en partie votre intention, monsieur le sénateur, dans le cadre de cet amendement, qui vise à favoriser les recherches sur l’infertilité, nous ne cautionnons pas le souhait évoqué dans l’exposé des motifs, selon lequel il convient de s’assurer que les couples hétérosexuels ne seront pas victimes d’une discrimination.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 10 rectifié quinquies et 169.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 1er.
L’amendement n° 254 n’est pas soutenu.
Article 1er bis
(Supprimé)
Article 2
I. – L’article L. 1244-2 du code de la santé publique est ainsi rédigé :
« Art. L. 1244-2. – Le donneur est majeur. Le mineur émancipé ne peut être donneur.
« Préalablement au don, le donneur et, s’il fait partie d’un couple, l’autre membre du couple, sont dûment informés des dispositions législatives et réglementaires relatives au don de gamètes, notamment des dispositions de l’article L. 2143-2 relatives à l’accès des personnes conçues par assistance médicale à la procréation avec tiers donneur aux données non identifiantes et à l’identité du tiers donneur.
« Le consentement du donneur et, s’il fait partie d’un couple, celui de l’autre membre du couple, sont recueillis par écrit et peuvent être révoqués à tout moment jusqu’à l’utilisation des gamètes. »
II. – Le chapitre Ier du titre IV du livre Ier de la deuxième partie du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° L’article L. 2141-12 devient l’article L. 2141-13 ;
2° Il est rétabli un article L. 2141-12 ainsi rédigé :
« Art. L. 2141-12. – I. – Une personne majeure peut bénéficier, après une évaluation et une prise en charge médicales par l’équipe clinicobiologique pluridisciplinaire, du recueil, du prélèvement et de la conservation de ses gamètes en vue de la réalisation ultérieure, à son bénéfice, d’une assistance médicale à la procréation dans les conditions prévues au présent chapitre. L’équipe clinicobiologique pluridisciplinaire apprécie si la personne remplit les critères d’âge pour en bénéficier, sur la base de recommandations de bonnes pratiques définies par un arrêté du ministre en charge de la santé après avis de l’Agence de la biomédecine.
« Le recueil, le prélèvement et la conservation sont subordonnés au consentement écrit de l’intéressé, recueilli par l’équipe clinicobiologique pluridisciplinaire après information sur les conditions, les risques et les limites de la démarche et de ses suites. L’équipe clinicobiologique pluridisciplinaire informe également l’intéressé de l’état des connaissances scientifiques sur le diagnostic et le traitement de l’infertilité, la baisse de fertilité liée à l’âge, et les risques de santé liés aux grossesses tardives.
« Lorsque les gamètes conservés sont des spermatozoïdes, l’intéressé est informé qu’il peut, à tout moment, consentir par écrit à ce qu’une partie de ses gamètes fasse l’objet d’un don en application du chapitre IV du titre IV du livre II de la première partie du présent code.
« Les frais relatifs à la conservation des gamètes réalisée en application du présent I ne peuvent être pris en charge ou compensés, de manière directe ou indirecte, par l’employeur ou par toute personne physique ou toute personne morale de droit public ou privé avec laquelle la personne concernée serait dans une situation de dépendance économique.
« II. – La personne dont les gamètes sont conservés en application du I du présent article est consultée chaque année civile. Elle consent par écrit à la poursuite de cette conservation.
« Si elle ne souhaite plus poursuivre cette conservation, ou si elle souhaite préciser les conditions de conservation en cas de décès, elle consent par écrit :
« 1° À ce que ses gamètes fassent l’objet d’un don en application du chapitre IV du titre IV du livre II de la première partie du présent code ;
« 2° À ce que ses gamètes fassent l’objet d’une recherche dans les conditions prévues aux articles L. 1243-3 et L. 1243-4 ;
« 3° À ce qu’il soit mis fin à la conservation de ses gamètes.
« Dans tous les cas, ce consentement est confirmé à l’issue d’un délai de réflexion de trois mois à compter de la date du premier consentement. L’absence de révocation par écrit du consentement dans ce délai vaut confirmation.
« Le consentement est révocable jusqu’à l’utilisation des gamètes ou jusqu’à ce qu’il soit mis fin à leur conservation.
« En l’absence de réponse durant dix années civiles consécutives de la personne dont les gamètes sont conservés et en l’absence du consentement prévu aux 1° ou 2° du présent II, recueilli simultanément au consentement au recueil, au prélèvement et à la conservation mentionné au I, il est mis fin à la conservation.
« En cas de décès de la personne et en l’absence du consentement prévu aux 1° ou 2° du présent II, recueilli simultanément au consentement au recueil, au prélèvement et à la conservation mentionné au I, il est mis fin à la conservation des gamètes. »
III. – L’article L. 160-8 du code de la sécurité sociale est complété par des 7° et 8° ainsi rédigés :
« 7° La couverture des frais relatifs aux actes et traitements liés à la préservation de la fertilité et à l’assistance médicale à la procréation, à l’exception de ceux afférents à la conservation des gamètes réalisée en application de l’article L. 2141-12 du code de la santé publique pour des assurés non atteints d’une pathologie altérant leur fertilité et ne relevant pas de l’article L. 2141-11 du même code ;
« 8° (Supprimé) »
IV. – L’article L. 2141-11-1 du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Elles sont exclusivement destinées à permettre la poursuite d’un projet parental par la voie d’une assistance médicale à la procréation ou la restauration de la fertilité ou d’une fonction hormonale du demandeur, à l’exclusion de toute finalité commerciale. » ;
1° bis Au troisième alinéa, la référence : « et L. 2141-11 » est remplacée par les références : « , L. 2141-11 et L. 2141-12 » ;
2° (Supprimé)
V. – (Supprimé)
VI (nouveau). – Le troisième alinéa de l’article L. 2142-1 du code de la santé publique est complété par une phrase ainsi rédigée : « Par dérogation, si aucun organisme ou établissement de santé public ou privé à but non lucratif n’assure cette activité dans un département, le directeur général de l’agence régionale de santé peut autoriser un établissement de santé privé à but lucratif à la pratiquer. »
VII (nouveau). – À compter de la date de promulgation de la présente loi, les gamètes conservés en application du troisième alinéa de l’article L. 1244-2 du code de la santé publique, dans sa rédaction antérieure à la présente loi, sont soumis aux dispositions du II l’article L. 2141-12 du même code.
Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Avec cette prise de parole liminaire, je souhaite tout simplement exposer les tenants et aboutissants de l’article 2, qui est relatif à l’autoconservation des gamètes.
Alors que nous avons beaucoup parlé, jusqu’à présent, du don de gamètes, il s’agit aujourd’hui de les conserver à des fins d’utilisation personnelle. Cette autoconservation existe déjà dans deux cas. Tout d’abord, en cas de maladie ou de traitement affectant la fertilité, on peut autoconserver ses propres gamètes. Ensuite, depuis 2016 – le texte avait toutefois été voté en 2011, mais les décrets d’application ont tardé à paraître –, dans le cadre de dons de gamètes, il est possible de conserver à son propre bénéfice ses gamètes. Ainsi, un homme, après trois recueils de sperme, peut bénéficier d’une conservation à son propre bénéfice. Une femme doit, pour sa part, donner cinq ovocytes pour espérer conserver ceux qui sont en surplus.
Pour résumer, c’est un système qui permet l’autoconservation dans le cadre du don. Il a été extrêmement critiqué, parce qu’il introduit une contrepartie au don. En effet, l’espoir de pouvoir conserver à des fins personnelles peut justifier le don. Or, vous le savez, il existe un principe de non-patrimonialisation du corps humain, qui implique une gratuité totale du don, lequel ne peut faire l’objet d’une contrepartie.
La conservation, qui apparaît comme une contrepartie, a été critiquée par l’Académie nationale de médecine, le Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé (CCNE), de nombreux organismes médicaux et de nombreux médecins.
Il est donc prévu de revenir sur ce système, en permettant, sans contrepartie, la conservation de gamètes au bénéfice de la personne qui fait prélever ses gamètes. Une telle disposition n’est pas dénuée d’enjeux.
Tout d’abord, la conservation à des fins personnelles n’est pas, pour reprendre une expression qui a été largement utilisée, une solution miracle. En effet, la période de fertilité des femmes – ce sont surtout elles qui sont concernées – n’est pas allongée par l’allongement de la durée de la vie. Par ailleurs, les grossesses tardives sont des grossesses plus difficiles, à risques. Il ne faut pas penser que, parce qu’on a conservé ses gamètes à un âge antérieur, on pourra reporter indéfiniment une grossesse. Ne soyons pas leurrés par un tel mirage !
Ensuite, il existe une pression sociale. Il est arrivé, dans le milieu du travail, même si ce n’était pas en France, qu’on demande aux femmes de repousser une grossesse pour se consacrer à leur activité professionnelle. Ce n’est positif ni pour les femmes ni pour la société, et nous ne devons pas permettre l’autoconservation des gamètes à cette fin.
Pour autant, la commission spéciale a autorisé un tel dispositif. En effet, si la pression sociale existe, nous nous sommes rendu compte que la cause principale des grossesses tardives, aussi étonnant que cela puisse paraître, était la difficulté pour les femmes à trouver des conjoints qui veulent s’engager et faire un enfant avant qu’elles-mêmes ne puissent plus en faire.
Nous reviendrons sur les conditions du régime de l’autoconservation de gamètes au fil de l’examen des amendements.
Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi, sur l’article.
Mme Éliane Assassi. L’article 2 tend à autoriser l’autoconservation de gamètes pour des raisons non médicales et de manière déconnectée d’un don, dans la mesure où le dispositif actuel d’autoconservation contre don est contraire au principe de gratuité.
Si je ne m’oppose pas à cet article, je souhaite, comme je l’ai dit dans la discussion générale, rappeler quelques points.
D’abord, le remboursement partiel de cet acte est justifié par le fait qu’il s’agirait d’une technique de médecine préventive pour la prévention de l’infertilité, ce qui n’est pas sans poser de question. Ce qui m’interroge n’est pas tant le remboursement partiel de cet acte que la justification invoquée, en lien avec la « médecine préventive ». Qu’est-ce que cela signifie ?
Ainsi, au lieu de lutter contre les causes de l’infertilité, qui peuvent être d’ordre environnemental et liées aux perturbateurs endocriniens – nous y reviendrons dans le cadre de la discussion d’un autre amendement –, on adopte un raisonnement inverse : puisque l’infertilité guette pour des raisons qu’on tient à l’écart, agissons en conséquence et mettons nos gamètes à l’abri, pour y revenir ultérieurement sans qu’ils aient été altérés par l’environnement dans lequel nous vivons.
En outre, j’ai des doutes sur les motivations réelles des personnes qui auront recours à cette méthode : se préoccuperont-elles vraiment d’une infertilité probable ? Je ne le pense pas ! Elles agiront souvent sous la pression de la société dans son ensemble, qui véhicule un double mouvement contradictoire : d’une part, l’injonction à devenir mères, parce que les femmes ne seraient réellement « accomplies » qu’après avoir acquis ce « statut » ; d’autre part, l’appel à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, bien que les conditions de cette égalité ne soient pas encore assurées et qu’il ne s’agisse que d’un leurre camouflant largement la charge mentale assumée par les femmes.
Face à ces problématiques, je m’interroge sur la fausse bonne idée que pourrait représenter cette mesure d’autoconservation de gamètes. Dans quelle logique s’inscrit-elle au regard de l’émancipation des femmes ? Dans quelle mesure pallie-t-elle nos inactions en matière de politique familiale et environnementale ? Et je ne parle pas de la mesure visant à ouvrir aux établissements privés à but lucratif la possibilité de conserver les gamètes en question !
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, sur l’article.
M. Daniel Chasseing. Cet article 2, auquel je suis tout à fait favorable, est relatif à l’assouplissement du don de gamètes et à leur autoconservation.
À mes yeux, les dispositions en question offrent une réponse appropriée aux retards de projets de grossesse de nombreuses femmes et aux problèmes de fertilité. Chacun le sait, l’âge moyen de la première grossesse augmente, du fait des études et d’une carrière à mener. Pourtant, après 35 ans, l’infertilité est plus fréquente.
Il me semble donc que le régime actuel est injuste et peu éthique, dans la mesure où il oblige une femme qui souhaiterait effectuer une autoconservation de ses ovocytes à donner une partie de ses gamètes – sauf en cas de maladie, ou si la personne choisit d’aller à l’étranger.
Ces mesures renforcent donc les droits individuels de nos concitoyens. Par ailleurs, le nombre de donneurs devrait augmenter du fait de l’autorisation de l’autoconservation. Je suis donc favorable à ce que les établissements privés à but lucratif soient autorisés à pratiquer des activités de conservation des gamètes, en complément de l’offre publique et privée sans but lucratif.
Je soutiens également l’assouplissement de l’âge, l’accord du conjoint, la possibilité que les gamètes puissent être donnés en cas de décès et l’interdiction, réaffirmée par la commission spéciale, d’importer ou d’exporter des gamètes dans un but commercial.
L’article 2 est bien sûr très important dans le cadre de la mise en place de la PMA.
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Piednoir, sur l’article.
M. Stéphane Piednoir. Je souhaite intervenir plus particulièrement sur cet article. Tout au long de ce débat passionnant et de bonne tenue qui nous occupe depuis maintenant deux jours, nous nous sommes posé plusieurs fois la question de savoir jusqu’où nous irions.
Bien sûr, nous avons eu à nous prononcer sur l’emblématique article 1er relatif à l’extension de la PMA, mais aussi sur la procréation post mortem, que nous avons décidé de ne pas autoriser.
J’ai entendu beaucoup de belles paroles, notamment sur la liberté de la gent féminine. Je pense en particulier à l’intervention de mon collègue Olivier Cadic hier soir.
Avec cet article et la possibilité d’étendre l’autoconservation des gamètes, j’ai bien peur que nous n’allions à l’encontre de la liberté donnée aux femmes de procréer à tout moment de leur carrière. En effet, ayant tous exercé des responsabilités, nous avons sans doute tous en tête le recrutement d’une jeune femme au sein de notre collectivité, qui tombera peut-être enceinte peu après, de manière plus ou moins programmée.
La pression sociale risque désormais de s’exercer différemment sur les femmes, puisque leurs employeurs pourront leur rappeler qu’elles ont la possibilité de reporter leur grossesse, afin de pouvoir aller au bout d’un projet professionnel ou d’une mission. Certains employeurs, sans doute pas les plus respectables, ont recours à un tel argument. L’adoption de cet article risquerait de généraliser un tel comportement.
Je m’inscris vraiment en faux contre cette extension. Gardons-nous d’aller vers une liberté à tous crins, qui peut se retourner et devenir une véritable contrainte. J’espère que nous trouverons un large consensus sur cette question. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Yves Daudigny, sur l’article.
M. Yves Daudigny. Les dispositions contenues dans l’article 2, qui ont d’ailleurs déjà fortement évolué par rapport au texte initial, répondent à une évolution sociétale.
La durée des études, l’inscription dans la vie active, la recherche d’une stabilité financière, la construction d’une vie amoureuse et d’un projet parental conduisent les femmes à avoir des enfants de plus en plus tard. On le sait, la fertilité baisse avec l’âge, en particulier, cela a été dit, après 35 ans.
Pour que ces projets parentaux tardifs puissent se réaliser, il s’agit de permettre aux femmes et aux hommes de conserver leurs gamètes, afin qu’ils puissent différer leurs projets d’enfants. Certaines femmes pourraient ainsi s’affranchir d’un choix que leur imposerait notre société de manière injuste afin que le poids de la maternité ne soit pas seulement subi. Des limites sont fixées, notamment l’âge ou l’impossibilité pour l’employeur de prendre en charge l’autoconservation.
Nous l’avons déjà dit, les Françaises n’ont pas attendu la loi. Nombre d’entre elles vont congeler leurs ovocytes à l’étranger, dans des pays où une telle pratique est autorisée, comme l’Espagne. Certains médecins, en France, prescrivent illégalement les traitements et les examens, en vue d’une congélation qui aura lieu à l’étranger. Certains vont même jusqu’à pratiquer le prélèvement et la congélation pour les patientes qui n’entrent pas dans le cadre autorisé par la loi.
Aux termes de l’article 2, il ne s’agit pas d’encourager la congélation massive d’ovocytes. Nous le savons, c’est un acte lourd, qui nécessite de stimuler les ovaires avec un traitement hormonal, par le biais d’injections quotidiennes pendant une douzaine de jours. Cela implique des échographies de contrôle, des prises de sang tous les deux jours et, enfin, la ponction d’ovocytes sous anesthésie locale ou générale. Personne ne prend ce genre de décision à la légère !
Un principe cardinal doit enfin nous guider dans l’examen de cet article : la gratuité du don, qui est l’un des fondements, sinon le fondement, de la bioéthique à la française.
Il s’agit d’ouvrir un nouvel espace de liberté pour les femmes.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Amiel, sur l’article.
M. Michel Amiel. J’interviens à titre personnel sur cet article, mon avis n’étant pas forcément représentatif de l’opinion majoritaire du groupe auquel j’appartiens.
L’autoconservation des gamètes, hormis les cas pathologiques pour lesquels elle existe déjà, me paraît une fausse bonne idée.
M. Loïc Hervé. Très bien !
M. Michel Amiel. L’idée de liberté est mise en avant. Certes, les femmes peuvent disposer librement de leur corps. Pour autant, ne s’agit-il pas de créer une nouvelle forme d’aliénation due à la pression sociétale, et plus particulièrement des entreprises, pour que des femmes puissent conserver leurs gamètes pour plus tard, afin de pouvoir « dérouler » leur carrière ?
En toute conscience, j’ai peur que l’on aboutisse à une sorte de chantage. Je suis très loin de penser qu’il s’agisse d’un progrès de la liberté humaine.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 126 rectifié ter est présenté par MM. de Legge, Retailleau et Chevrollier, Mmes Noël, Bruguière, Thomas et Chain-Larché, MM. Schmitz, Morisset et Bonne, Mme Sittler, MM. de Nicolaÿ et Cuypers, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Mayet, Piednoir, Mandelli, Bascher et B. Fournier, Mmes Ramond, Lavarde et Lopez, MM. Longuet, Regnard, Leleux, H. Leroy et Rapin, Mme Micouleau et MM. Cambon, Meurant, Bignon, Segouin et Hugonet.
L’amendement n° 239 rectifié est présenté par M. L. Hervé, Mme Billon, M. Cigolotti et Mme Morin-Desailly.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Dominique de Legge, pour présenter l’amendement n° 126 rectifié ter.
M. Dominique de Legge. Je voudrais d’abord remercier Muriel Jourda de nous avoir rappelé ce qu’est un don, lequel exclut toute contrepartie.
Monsieur le secrétaire d’État, nous souhaitons supprimer l’article 2, qui pose à nos yeux deux séries de problèmes.
La première est liée à la liberté. Effectivement, on peut tout d’abord se dire que la congélation des gamètes permettra à la femme et, je l’espère, au couple d’organiser la venue d’un enfant. Mais est-ce véritablement une liberté ? La pression sociale a été évoquée tout à l’heure.
Mme Jourda nous l’a expliqué, la première raison des grossesses tardives est la difficulté, pour la femme, de trouver un compagnon qui accepte de faire tout de suite un enfant. Les dispositions contenues dans cet article constituent-elles une mesure de liberté pour l’homme ou pour la femme ? Posons-nous la question !
La seconde série de problèmes tient au remboursement par la sécurité sociale. Est-ce la vocation de la sécurité sociale que de prendre en charge des décisions de pure convenance personnelle ou, pire encore, de faciliter les besoins de l’entreprise ?
En outre, est-ce la vocation de la sécurité sociale en matière de santé publique que de favoriser des grossesses tardives dont on sait qu’elles sont plus compliquées et engendrent des risques pour la personne ?
À ce stade, nous souhaitons la suppression de l’article 2. À l’évidence, il va à l’encontre des principes de précaution et de bon sens. Par ailleurs, les dispositions prévues ne nous paraissent pas constituer un progrès pour les femmes. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Loïc Hervé, pour présenter l’amendement n° 239 rectifié.
M. Loïc Hervé. Dans le cadre de ce débat, je propose, avec un certain nombre de mes collègues du groupe Union Centriste, la suppression de l’article 2.
Tout d’abord, il peut arriver, en matière de bioéthique, que l’on souhaite le maintien du droit en vigueur, il n’y a rien de grave à cela.
Ensuite, j’évoquerai une expérience personnelle pour illustrer les pressions qui peuvent se faire jour non seulement dans le monde de l’entreprise, mais aussi dans celui des collectivités locales, où une jeune cadre peut se voir demander si elle est prête à « faire une pause » dans ses grossesses.
Nous avons vécu une telle situation avec mon épouse, qui n’a pas été embauchée à la suite de sa réponse à cette question. Au cours du même entretien, on lui a même demandé si elle était syndiquée, ainsi que l’identité de son mari ! Tout cela est bien évidemment puni par la loi.
Pour ma part, je siège à la délégation aux droits des femmes. On peut être militant ou féministe, mais il faut se poser des questions quand on assouplit certains dispositifs qui peuvent avoir des conséquences sur la carrière des femmes et la liberté de porter un enfant quand on le souhaite.
Quand on offre, par la science, des possibilités de différer une grossesse, on prend une lourde responsabilité d’ordre sociétal. Cette question se posera aux femmes qui font, dans notre pays, les plus belles carrières. Je vous l’assure, je souhaite que nous en restions au droit actuel sur ces questions. (Applaudissements sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. La commission est défavorable à ces amendements, qui s’opposent à la position de la commission, laquelle a autorisé la conservation des ovocytes.
Est-ce une liberté pour la femme ? C’est une vraie question, qui peut être discutée. Sans doute le féminisme aurait-il pu gagner d’autres combats, pour faire en sorte que la société s’adapte à la réalité des femmes et non pas l’inverse ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Loïc Hervé. Absolument !
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Les femmes devraient pouvoir faire des enfants au moment où elles sont fertiles et ne pas être soumises à ce type de prélèvement. Pourquoi ne considère-t-on pas que la grossesse n’est pas un handicap dans le milieu du travail ? Le fait que les femmes portent les enfants, c’est l’avenir de la société, pas seulement celui du régime de retraite par répartition.
Pourtant, la grossesse n’est pas considérée ainsi aujourd’hui. J’espère qu’elle le sera un jour, qu’on se rendra compte non seulement que la grossesse n’est pas un handicap, mais aussi que c’est un service que les femmes rendent à toute la société. Elles devraient non pas être pénalisées, mais remerciées pour cela. Or tel n’est pas le cas, mes chers collègues.
Nous pourrions aussi avoir une politique de natalité, des crèches dans les entreprises, quantité de choses facilitant tout cela ! Mais nous ne les avons pas.
La position de la commission, qui se fonde sur la situation existante et non pas sur celle que nous aimerions avoir, est réaliste. Or, la réalité, c’est que les femmes ont des grossesses de plus en plus tardives. Pour que celles-ci ne soient pas à risques, qu’elles soient plus aisées et qu’elles puissent aboutir, il s’agit d’autoriser la conservation, en amont, des ovocytes.
En outre, si nous supprimions cet article, nous en reviendrions au régime antérieur, à savoir celui de la contrepartie au don, qui va à l’encontre de sa gratuité.
Je le répète, la commission est défavorable à ces amendements identiques de suppression de l’article 2.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Messieurs le sénateur, vous souhaitez supprimer du projet de loi cette mesure qui vise à permettre l’autoconservation de gamètes à la fois pour les hommes et pour les femmes. Vous m’autoriserez à prendre quelques instants pour rappeler le contexte dans lequel s’inscrit cet article 2, nos objectifs, et répondre à certains arguments que vous avez soulevés.
Nous sommes effectivement aujourd’hui confrontés à un recul de l’âge à la naissance du premier enfant, qui est la conséquence d’un mouvement d’ampleur et qui ne devrait pas s’inverser dans les années à venir, parce qu’il résulte de changements considérables qui sont survenus dans les comportements au cours des dernières années.
Parmi les moyens à notre disposition pour maintenir notre taux de natalité, nous pouvons offrir la possibilité de conserver leurs gamètes aux femmes et aux hommes – je reviendrai sur cette notion de choix, de possibilité, qui relève de leur liberté – qui ne peuvent concrétiser leur projet d’enfant à un moment donné de leur vie et leur permettre ainsi de le différer avec de plus grandes chances de succès.
Pour le moyen terme, cet article permet d’autres avancées. Il permettra, d’une part, de réduire la demande de don d’ovocytes dans la mesure où les propres ovocytes de la femme conservés antérieurement seront utilisés, d’autre part, d’augmenter les gamètes disponibles pour le don dans l’hypothèse où, n’en ayant pas eu besoin, les femmes et les hommes concernés les donneraient finalement pour qu’ils bénéficient à d’autres femmes et à d’autres hommes.
S’agissant de la question de la fertilité, qui a été évoquée par un certain nombre d’entre vous, l’autoconservation est bien une mesure supplémentaire en faveur de la fertilité. Néanmoins, elle ne garantit pas une naissance et il sera avant tout important de mieux informer la population sur les enjeux de la fertilité. Le Gouvernement a eu l’occasion de s’engager à cet égard devant l’Assemblée nationale. Tel était également l’objet des débats que vous avez eus à propos de l’article 2 bis, que votre commission spéciale a supprimé.
Cette mesure contribuera également à renforcer l’égalité entre les hommes et les femmes en réduisant l’impact dans notre société de l’écart biologique entre les unes et les autres – cette fameuse horloge biologique, qui est subie par la femme.
M. André Reichardt. Mais non !
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Il est là aussi question de liberté pour la femme, monsieur le sénateur : donner le choix à ces femmes de pouvoir recourir à l’autoconservation ne veut pas dire en faire un impératif,…
M. André Reichardt. Cela ne garantit pas la procréation !
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. … ne signifie pas les inciter à l’autoconservation. (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.), et vous savez que le Gouvernement a instauré un certain nombre de garde-fous en la matière. Je le répète, nous offrons une possibilité de choix aux femmes.
Au final, et comme c’est souvent le cas, mesdames, messieurs les sénateurs, avec les lois de bioéthique, il s’agit de rechercher un équilibre, fragile, entre la liberté offerte aux femmes et la nécessité de prévoir un certain nombre de garde-fous pour qu’il ne soit pas porté atteinte à d’autres principes fondamentaux de notre droit et de notre société.
Pour toutes ces raisons, et parce que ce principe-là ne contrevient à aucun principe bioéthique, nous estimons que cet article 2 a évidemment toute sa place au sein de ce projet de loi. L’avis est défavorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Notre groupe ne votera pas ces amendements de suppression et je souhaiterais revenir sur ce qui a été dit précédemment.
Il a beaucoup été question de liberté. Moi, comme beaucoup d’entre vous, j’ai eu la chance de faire partie d’une génération qui a bénéficié de cette liberté conquise par nos aînées, tout en ayant à l’oreille le slogan « un enfant si je veux, quand je veux ». Lorsque je suis devenue adolescente, puis adulte, puis mère, j’ai toujours su apprécier ce luxe de pouvoir décider du moment où je pourrais avoir des enfants.
Certains s’inquiètent – et on peut le comprendre – des pressions éventuelles de l’employeur. D’abord, je salue leur lucidité, s’agissant des relations parfois difficiles de l’employeur avec ses salariés. Je salue aussi leur souhait de se préoccuper de la liberté des femmes. Mais peut-être que certains d’entre vous, mes chers collègues masculins, ne mesurent pas que la pression qui s’exerce sur les femmes pour avoir un enfant au bon âge est totale.
M. Stéphane Piednoir. Mais non !
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Si vous n’avez pas de compagnon, la question est : « Alors, où en es-tu ? » Lorsque vous avez un compagnon, c’est : « Alors, vous allez avoir un enfant ? » Si vous avez un enfant, c’est : « Alors, le deuxième, c’est pour quand ? » (Rires et applaudissements sur des travées du groupe SOCR.)
Cette pression s’exerce donc à un moment où la femme n’en est pas forcément à une étape de sa vie où elle souhaite faire un enfant.
Il se trouve qu’aujourd’hui les jeunes femmes retardent quelque peu – c’est ainsi – leur maternité et que leur fertilité, pour le coup, continue de décroître. J’espère que personne ne croit que le parcours qui est proposé là – qui sera quand même assez peu fréquent en proportion – sera une partie de plaisir ! L’autoconservation des ovocytes est une démarche lourde.
L’examen de ce texte en commission spéciale s’est très bien passé et dans des conditions très respectueuses des uns et des autres. Mais enfin, rassurez-vous, nous n’avons pas constaté un activisme échevelé en faveur d’un féminisme triomphant ! (Sourires sur les travées du groupe SOCR.) Cette possibilité, cette liberté offerte aux femmes est très encadrée. Donc, je vous en conjure, respectez ce besoin et n’acceptez pas qu’on supprime cet article. Nous verrons ensuite les modalités d’encadrement de cette faculté.
Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. Monsieur le secrétaire d’État, au contraire, je soutiens de toutes mes forces les deux amendements de suppression présentés par notre collègue centriste Loïc Hervé et le collègue de mon groupe, Dominique de Legge.
En écoutant les uns et les autres, on voit bien que la mécanique qui est à l’œuvre, à cet article comme dans tout le texte, c’est la logique compassionnelle. (Exclamations sur les travées des groupes LaREM et CRCE.)
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Pas du tout !
M. Julien Bargeton. C’est la liberté !
M. Bruno Retailleau. Mme le rapporteur, comme d’autres, nous a expliqué la difficulté pour certaines femmes de rencontrer un conjoint. J’ai entendu invoquer les mots liberté et égalité, occasion chaque fois de nous demander, à nous, si nous allions nous opposer à l’une et à l’autre. Évidemment, nous sommes pour la liberté, évidemment, nous sommes pour l’égalité. (Non ! sur les travées du groupe SOCR.)
Nous avons tous, dans nos cercles, des discussions au sujet de l’horloge biologique, y compris avec de jeunes femmes qui occupent un certain nombre de postes à haut niveau de responsabilités. À cet égard, je souscris à ce qu’a dit Mme le rapporteur, qui a parlé de risque et de mirage : mes chers collègues, la dernière étude dont nous disposons a été menée en Espagne en 2019, et celle-ci indique qu’après 35 ans les chances de réussite avec ces techniques dépassent à peine 50 %, tandis que les risques sont certains – diabète, hypertension, grossesse tardive, grossesse à risque, etc.
Là encore, prenons conscience de cet environnement.
Et qu’en est-il de la liberté ? Nos collègues élus plus récemment le savent peut-être moins, mais pendant une dizaine d’années je me suis spécialisé sur les questions numériques. Voilà quelques années, j’avais pu observer le tollé qu’avait suscité partout, y compris en France, la proposition qu’avaient faite Facebook et Apple à leurs jeunes collaboratrices les plus talentueuses de payer l’autoconservation de leurs ovocytes pour repousser justement leur maternité.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Bien sûr ! Et ce texte l’interdit !
M. Bruno Retailleau. J’ai conservé les articles, et il serait drôle de les ressortir. Aujourd’hui, on nous propose que ce soit la sécurité sociale qui assure ce financement.
Que se passera-t-il avec cette fausse liberté ? Ces jeunes femmes, soumises à une telle pression sociale et professionnelle, intégreront cette possibilité et s’autocensureront. On exigera d’elles une disponibilité totale pour l’entreprise qu’aucune grossesse ne devra venir troubler.
Mes chers collègues, c’est ainsi que la société de marché avance masquée derrière les bonnes intentions. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Il faut dire aux femmes d’avoir des enfants tôt. C’est tout à fait clair. Il faut même leur dire d’essayer d’en avoir avant 32 ans. Quand on discute avec des gynécologues, comme nous l’avons fait dans le cadre de la commission spéciale en recevant notamment les professeurs Grynberg et Frydman, ils nous disent que les fécondations qui interviennent après 35 ans entraînent un plus grand risque de trisomie ou d’autres anomalies. Pour eux, il vaut mieux travailler avec des ovules qui ont été autoconservés à 32 ans.
Mais cette autoconservation des ovules n’est pas une obligation pour les femmes. Alors, il se trouve peut-être, dans des collectivités ou dans des entreprises, des personnes qui payeront une secrétaire pour ce faire. Mais c’est là un comportement vraiment pervers qui doit être puni par la loi.
Personnellement, je ne voterai pas ces amendements de suppression de l’article. Rien n’empêchera les personnes qui le souhaitent de se rendre dans d’autres pays, là où l’autoconservation est autorisée. (Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.) Et pourquoi veulent-elles y recourir ? Parce que, effectivement, elles peuvent vouloir mener une carrière professionnelle, parce qu’elles n’ont pas rencontré de conjoint. C’est ainsi.
Après 35 ans, il vaut mieux travailler avec des ovocytes autoconservés avant 30 ans ou 32 ans. C’est simple. Et je ne pense pas que cette mesure aura des conséquences en matière d’embauche dans les entreprises ou dans les collectivités. Franchement, si des élus se comportent ainsi, ce n’est pas bien.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laure Darcos, pour explication de vote.
Mme Laure Darcos. On parle là beaucoup de la dimension sociétale de cette question, des entreprises. Peut-être suis-je à côté de la plaque, mais moi aussi je suis contre la suppression de cet article 2, et ce pour des raisons médicales.
De plus en plus, les médecins ont le réflexe, quand une femme est atteinte d’un cancer de l’utérus, de lui proposer un stockage de ses ovocytes. Simplement, ce n’est pas toujours le cas, et l’on sait très bien qu’une femme sur sept ou huit, actuellement et dans les années et générations à venir, aura un cancer au cours de sa vie, et ce de plus en plus tôt.
L’article 2 n’impose aucune obligation et laisse toute liberté aux femmes. Bien évidemment, il convient d’éviter les dérives possibles. Mais si, dans une famille où ce type de cancer s’est déclaré de génération en génération, des jeunes femmes, de manière anticipée, avant même que ne soit éventuellement diagnostiqué un tel cancer, veulent pouvoir stocker des ovocytes, honnêtement, c’est leur liberté et supprimer cet article, me semble-t-il, les en empêcherait.
Encore une fois, je m’interroge sur l’aspect purement médical et scientifique de cette question, qui me touche. En effet, l’une de mes cousines atteinte d’un cancer ne s’est pas vu proposer un stockage de ses ovocytes. Et c’est après sa maladie qu’on lui a déclaré qu’elle ne pourrait plus avoir d’enfant.
Certes, la suggestion de proposer l’autoconservation est certes de plus en plus fréquente, mais pourquoi retirer aux femmes cette liberté-là ? Pour réagir à ce qu’ont dit certains de nos collègues, je ne suis pas certaine qu’on obligera ces femmes à le faire pour mener à bien leur carrière.
Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. J’ai voté l’article 1er sans état d’âme. Et je voterai les amendements de suppression de l’article 2.
M. Loïc Hervé. Très bien !
M. Roger Karoutchi. Je ne crois pas à la vision rousseauiste de la société ; je ne crois pas à la bonté d’âme au-dessus de tout ; je crois que, malheureusement, et on le voit tous les jours et à tous les niveaux, l’homme n’est pas toujours bon naturellement.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. La femme, oui ! (Sourires.)
M. Roger Karoutchi. Allez, si vous le souhaitez, c’est d’accord, mais pas toutes, alors ! (Mêmes mouvements.)
La vérité, c’est que nous vivons dans des sociétés, en des temps où, malheureusement, le commerce, la marchandisation, la pression sont réguliers. Et je dis tout de suite à Mme de la Gontrie, pour qui j’ai une profonde estime, que, dans ma vie à moi, des pressions, j’en ai connu de bien pires. Donc, en la matière, je n’ai pas beaucoup de leçons à recevoir.
Quel modèle de société veut-on ? J’ai voté l’article 1er parce que j’avais le sentiment qu’il n’était pas juste que des gens aient le droit à la PMA et d’autres pas. Mais après, on commence à tirer sur la ficelle : puisque l’on a fait ça à l’article 1er, alors il faut faire ci à l’article 2, autre chose encore à l’article 3 et à l’article 4. À un moment, il faut faire attention.
Sur le plan sociétal, je suis plutôt libéral, mais je ne suis pas favorable à ce qu’on casse notre modèle actuel de société, parce que nous ne savons pas où nous allons, parce que je ne veux pas voir arriver le modèle de société tel qu’il apparaît dans les films de science-fiction, où finalement tout est préfabriqué et où l’être humain n’a plus de sens, n’est plus, en réalité, un être charnel, mais un modèle intégré à une société mécanique où l’on dirait : « Pas maintenant la naissance, pas maintenant la maladie, etc. » Ce n’est pas possible !
Moi, j’aime la société française telle qu’elle est. Elle peut évoluer, elle doit évoluer, mais laissons-la humaine. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour explication de vote.
Mme Patricia Schillinger. Je rejoins totalement les propos que Mme Darcos a tenus. Supprimer l’article 2 reviendrait à tout supprimer. J’ai entendu beaucoup de choses qui m’ont blessée et qui m’ont fait mal. Je pense par exemple à ces femmes qui, de génération en génération, vivent une ménopause précoce, qui sont déjà ménopausées à 28 ans, sans peut-être savoir que leurs mères et grands-mères ont, elles aussi, été ménopausées très tôt.
Des dialogues existent avec les spécialistes, mais cela ne marche pas tout le temps. Alors anticiper, prévoir, pouvoir avoir recours à l’autoconservation est quelque chose non seulement d’exceptionnel, mais aussi de souhaitable.
Chacun d’entre nous pourrait dire qu’il connaît un tel ou une telle qui a été confronté à ce type de situation. Mais une femme de 38 ans, par exemple, doit pouvoir disposer de la liberté de suivre une formation pour sortir d’une situation de chômage faute d’autres moyens pour ce faire et décider, avec son conjoint, d’avoir un premier enfant plus tard.
On ne peut pas laisser les choses se faire n’importe comment et supprimer l’article 2 revient à dénier cette liberté à vos enfants, à vos filles, à vos petites-filles. J’irai même jusqu’à dire que je trouve cette position très masculine. (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Loïc Hervé. C’est très excessif !
Mme Patricia Schillinger. Je voterai contre ces amendements de suppression.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Michel Houllegatte, pour explication de vote.
M. Jean-Michel Houllegatte. Je voterai également ces amendements de suppression parce que, comme le disait M. Karoutchi, je pense que, malheureusement, nous ne sommes pas dans un monde parfait et que la pression sociale des entreprises notamment pourrait s’exercer en faveur de cette autoconservation des gamètes.
On le sait, le monde de l’entreprise est un monde dur, c’est un monde de pouvoir, c’est parfois, et l’actualité le démontre, le lieu du harcèlement, de la pression sur les individus. Il existe bien du mal-être au travail, et l’on ne peut pas le négliger. À ce titre, quand on parle de liberté, eh bien c’est la liberté d’un individu qui va être seul, parfois sans défense.
Ce que je crains de pire, c’est l’autosuggestion. La personne elle-même va devoir faire un arbitrage entre un projet personnel – accueillir un enfant, lui donner vie – et un projet tout naturel, celui d’un bon déroulement de carrière au sein d’entreprises de plus en plus présentes à l’international, d’entreprises qui doivent pouvoir compter sur des personnes fiables, qui ont besoin de stabilité, qui ont besoin de performances, qui ont besoin d’un engagement total de leurs salariés, surtout quand ils occupent des postes à haute responsabilité. En quelque sorte, elles ont besoin de passer un contrat de confiance avec eux.
Eh bien, moi, je n’ai pas confiance dans le monde de l’entreprise et je pense que la loi doit protéger, en évitant notamment que les projets d’entreprise, de façon insidieuse, deviennent des projets personnels.
C’est pour ces raisons que je voterai les amendements de suppression de l’article 2. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Loïc Hervé. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme Élisabeth Doineau, pour explication de vote.
Mme Élisabeth Doineau. L’un de nos collègues nous a dit que le monde n’était pas parfait. C’est certain, mais il n’est ni tout noir ni tout blanc. Ce qu’a cherché à faire la commission spéciale, c’est tenir compte des nuances de notre société, de l’évolution sociétale qui est en marche. Mais on peut aussi changer les choses, parce que les enfants d’aujourd’hui seront demain adultes, les générations se succédant les unes aux autres.
Si nous avons su apporter des nuances, c’est parce que nous avons aussi écouté un certain nombre d’acteurs : le Conseil d’État – certains peuvent s’affranchir de ses avis –, mais aussi le CCNE ou encore l’Académie nationale de médecine : vous retenez parfois ces avis, quand ils vous arrangent, mais vous les rejetez quand ils ne vous arrangent pas. (Mme Patricia Schillinger applaudit.)
Cette ligne a été suivie par l’ensemble des experts. Ce n’est pas comme si nous avions suivi le seul avis d’un petit nombre d’entre eux en en faisant les conclusions du plus grand nombre. La réalité, c’est que le dispositif actuel d’autoconservation contre don est contraire au principe de gratuité. Il est donc juridiquement impraticable.
En outre, comme les uns et les autres l’ont souligné, nous avons prévu des limites à cette pratique : l’absence de pression de l’employeur, un meilleur encadrement des conditions d’importation et d’exportation de gamètes, parce que si cette pratique n’est pas autorisée chez nous, elle l’est de toute façon ailleurs.
Certains avancent qu’il ne faudrait pas voter des lois au motif qu’elles seraient en vigueur ailleurs.
M. André Reichardt. Absolument !
Mme Élisabeth Doineau. Bien sûr. Précisément, nous cherchons à encadrer des pratiques autorisées ailleurs qu’en France.
La commission spéciale, sur cet article, a vraiment tenu compte de l’avis de tous les experts.
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.
M. Bernard Jomier. Un grand mérite de ce débat, c’est qu’il permet à chacun d’expliciter les valeurs éthiques sur lesquels il fonde son approche.
Évidemment, il n’est pas dans notre rôle de fonder la législation sur le compassionnel. En revanche, notre rôle est certainement de ménager cet espace compassionnel pour ceux qui sont confrontés aux situations décrites, en clair les professionnels de santé qui vont devoir « gérer » les femmes rencontrant des difficultés pour avoir un enfant et souhaitant préserver leurs chances d’en avoir un alors que la fertilité féminine, on le sait, se « fane » extrêmement vite. À 35 ans, les femmes ont déjà perdu une part très importante de leur fertilité et leur horloge biologique est sans pitié par rapport à la nôtre.
On utilise parfois des mots pour dévaloriser une valeur. Hier, lors de nos débats, je vous ai entendus souvent défendre le principe de vulnérabilité. Et l’on pourrait là vous retourner l’argument. Or vous faites totalement abstraction d’un principe cardinal dans tout raisonnement bioéthique, fondement de notre éthique, c’est l’éthique de l’autonomie, qui nous impose de respecter chacun, tout en cadrant, bien sûr, par la décision collective, par le respect de nos valeurs, ce que va faire la personne concernée, mais sans se substituer à elle.
Indéniablement, quand on retrace l’histoire de l’éthique, on constate que celle-ci s’est désormais imposée en France et qu’elle est l’un des fondements de nos lois de bioéthique. Elle est née aux États-Unis, il y a bien longtemps, en réaction au paternalisme.
Je m’interroge simplement sur la façon dont nous allons légiférer. En supprimant cet article, c’est-à-dire en refusant de discuter des conditions d’une autoconservation de gamètes et en l’interdisant, on met à bas le principe et l’éthique de l’autonomie. (Mme Michelle Meunier applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. Élisabeth Doineau a bien rappelé que le texte dont nous discutons prohibe tout financement par quelqu’un d’autre que la femme, et en particulier par une entreprise, de l’autoconservation des ovocytes. Donc, il faut arrêter de se faire peur avec le cas de Google, qui est une affaire d’abord américaine. D’autant, me semble-t-il, que celle-ci est close, puisque l’entreprise a fait machine arrière après le tollé qu’avait suscité cette proposition.
M. Loïc Hervé. Encore heureux !
M. Bernard Jomier. Et c’est tant mieux !
M. André Reichardt. Qu’est-ce que cela change ?
Mme Laurence Rossignol. C’est tant mieux, en effet. Cela prouve que les sociétés ont quand même la capacité d’imposer parfois au marché des valeurs et de l’éthique puisque, en raison de l’opprobre et de la réprobation générale, Google a dû reculer.
Ce qui est complexe avec la bioéthique, c’est qu’il faut à la fois associer des techniques médicales et scientifiques nouvelles avec des valeurs qui, parfois, sont aussi orthogonales entre elles. Quand nous examinons les lois de bioéthique, nous passons notre temps à faire des arbitrages entre les différentes valeurs disposées sur chacun des deux plateaux de la balance. Et à un moment donné, il faut choisir.
J’emploie précisément ce mot parce que, en ce qui concerne les droits sexuels et reproductifs des femmes, le choix est une valeur. Les femmes doivent pouvoir choisir : mener ou non une grossesse à terme, prendre ou non un moyen de contraception, choisir ce moyen – nous nous battons contre l’injonction à la contraception unique qui pèse sur les femmes. Tout ce que ce texte propose, c’est de laisser aux femmes le choix.
Je voudrais faire deux remarques par ailleurs.
Affleure régulièrement dans ce débat l’idée – historique, je le sais bien – qu’il faudrait absolument protéger les femmes, qu’elles ne seraient pas tout à fait capables de savoir elles-mêmes ce qui est bon pour elles.
M. Loïc Hervé. Qui a dit cela ?
Mme Laurence Rossignol. Eh bien, en interdisant aux femmes le recours à cette technique, vous considérez qu’elles ne seraient pas capables elles-mêmes de se protéger contre les risques de la technique. Elles en sont capables !
M. Loïc Hervé. C’est un procès d’intention !
Mme Laurence Rossignol. S’agissant des arguments catastrophistes qui sont avancés, chaque fois que les droits des femmes ont progressé, que ce soient leurs droits civils, civiques ou procréatifs, chaque fois on nous a annoncé une catastrophe pour la civilisation, chaque fois cela a été la même histoire.
Quand les femmes ont demandé le droit de vote – je vous renvoie aux propos des adversaires du droit de vote des femmes –, le monde allait s’écrouler, les femmes allaient abandonner leurs enfants. Voyez les caricatures.
Même histoire lors du vote de la loi sur la contraception ou de la loi autorisant l’IVG !
Aujourd’hui encore, on nous rejoue ce film de l’autodestruction du monde et de la civilisation en raison de l’émancipation des femmes.
Mme la présidente. Il faut conclure, ma chère collègue.
Mme Laurence Rossignol. Eh bien, rompons avec cette vieille tradition : les femmes sont majeures, libres, et elles pourront choisir de conserver ou non leurs ovocytes.
Mme la présidente. La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote.
M. Yves Daudigny. Je voterai contre ces amendements de suppression de l’article et je voudrais apporter deux éléments dans ce débat.
Premièrement, je veux rappeler, en y insistant, la position du Comité consultatif national d’éthique, qui a d’ailleurs évolué. Opposé à cette disposition en 2017, il déclare maintenant que « la possibilité d’une autoconservation ovocytaire apparaîtrait comme un espace dans lequel la liberté des femmes pourrait s’exercer sans qu’elles compromettent leur maternité future ». Le CCNE poursuit en décrivant « les difficultés matérielles et les défauts d’organisation de la société qui peuvent détourner les femmes jeunes de la possibilité d’avoir des enfants ».
Deuxièmement, cette mesure ne serait que justice, dit de son côté le président du collège national des gynécologues et obstétriciens français, Israël Nisand.
« Les hommes peuvent conserver leur sperme beaucoup plus facilement que les femmes leurs ovocytes. Qu’est-ce qui prévaut aujourd’hui encore, dans cette différence de traitement, si ce n’est la mainmise des hommes sur le corps des femmes ? », s’étonne le professeur, qui conclut : « La situation actuelle n’est qu’une séquelle du patriarcat. » (Applaudissements sur des travées du groupe SOCR. – Mmes Laurence Cohen et Patricia Schillinger applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Il est normal que des doutes s’expriment, comme c’est le cas, d’ailleurs, sur toutes les travées. Et il est normal qu’ensemble nous énumérions les risques que le vote de telle ou telle disposition pourrait faire courir à l’espèce humaine et à la société.
Il faut malgré tout, me semble-t-il, raison garder. De nombreux arguments ont été développés ; je veux dire, pour ma part, que le dispositif qui nous est proposé n’est pas un encouragement à l’autoconservation des ovocytes ! Il s’agit simplement d’ouvrir un droit en créant un dispositif qui est très encadré par la commission spéciale.
Cela a été rappelé : la commission spéciale est plurielle, diverse ; nous avons beaucoup discuté, et beaucoup auditionné. Justement, un cadre est posé pour répondre à toutes les interrogations qui ont été soulevées. Ce cadre constitue une garantie contre les dérives.
En tant que membre du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, je me réjouis d’une chose, mes chers collègues : c’est que j’entends s’exprimer, toutes travées confondues, la critique forte, que je partage à 100 %, d’une société de marché, d’une société marchandisée.
Mme Éliane Assassi. On avance !
Mme Laurence Cohen. Je me dis donc : « Ça y est ! » Voilà un point d’appui dont nous allons pouvoir disposer dans les débats sur les entreprises, sur les droits des salariés et même, peut-être, sur la réforme des retraites ! C’est super, vraiment, et très intéressant… (M. Roger Karoutchi sourit.)
M. Stéphane Piednoir. Ne nous emballons pas !
Mme Laurence Cohen. La lutte contre la marchandisation des corps ne doit pas se faire seulement lorsque cela vous arrange, en fonction des débats ! Il faut être cohérent ! Nous le sommes, nous.
Cette petite note humoristique étant faite – vous m’avez tendu la perche ! –, j’en appelle à votre raison, mes chers collègues. La priorité doit vraiment être de préserver le choix des femmes, et – cela a été dit – de prendre en compte toutes les pressions et évolutions négatives qui pèsent sur la fertilité et fragilisent les ovocytes – je pense notamment à tout ce qui concerne l’environnement et la pollution.
Si vous supprimez cet article, vous faites, de mon point de vue, une grave erreur.
Mme Éliane Assassi. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme Christine Lavarde, pour explication de vote.
Mme Christine Lavarde. J’ai beaucoup entendu parler de droit des femmes, mais pas du tout de droit des enfants. C’est ce qui a motivé ma décision de cosigner cet amendement, que je voterai : je lis qu’aujourd’hui des femmes accouchent à 50 ans ou 60 ans ;…
Mme Éliane Assassi. Ce n’est pas vrai !
Mme Laurence Rossignol. C’est interdit ! Vous dites n’importe quoi !
Mme Christine Lavarde. … cela veut dire que, lorsque leurs enfants auront 15 ans ou 20 ans, elles auront 70 ans ou 75 ans. (Exclamations sur des travées des groupes SOCR, CRCE et LaREM.)
On peut bien être très optimiste et parier sur des progrès considérables de la médecine pour faire reculer la maladie – et nous pourrons tous, le cas échéant, nous réjouir. Reste qu’aujourd’hui, au moment de voter sur ces amendements, je me demande ce que nous ferons plus tard ; en particulier, incombera-t-il à ces enfants d’accompagner leurs parents dans la maladie ? Être parent exige beaucoup d’énergie…
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Lisez le texte !
Mme Éliane Assassi. Qu’on soit père à 60 ans, ça ne vous dérange pas ?
Mme Christine Lavarde. Si de telles précisions figurent dans le texte, très bien ; mais je n’en suis pas convaincue… Je pense avant tout aux enfants ; eux n’ont pas choisi ! (Brouhaha sur les mêmes travées.)
J’ai écouté chacun dans le calme. Je défends depuis le début de nos débats la même position sur ce texte : je ne sais pas de quoi le futur sera fait, et il faut penser aux plus faibles et à ceux qui aujourd’hui ne peuvent pas s’exprimer. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Loïc Hervé et Mme Nadia Sollogoub applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique de Legge, pour explication de vote.
M. Dominique de Legge. Je ne comptais pas reprendre la parole ; mais je veux être sûr de comprendre de quoi nous parlons.
J’ai cru comprendre que l’autoconservation était de toute façon possible pour des raisons médicales – peut-être M. Milon ou Mme le rapporteur pourront-ils nous le préciser tout à l’heure –, ce qui me fait dire à Mme Darcos que, bien que j’entende les arguments qu’elle a développés, ses demandes me paraissent satisfaites.
Un mot m’a fait tiquer de la part de notre collègue Daniel Chasseing – il ne m’en voudra pas –, lorsqu’il a dit : « Il vaut mieux travailler avec des cellules jeunes. » C’est le mot « travailler » ! Pardonnez-moi, mais le sujet dont nous parlons ne relève pas seulement de la technique ! Nous parlons de l’autoconservation pour des raisons non pas médicales, mais sociales et sociétales. On appelle à la rescousse les professeurs Frydman et Nisand ; quand ils parlent de médecine, je leur fais totalement confiance. Mais ce n’est pas de médecine que nous parlons :…
M. Dominique de Legge. … c’est bien d’un projet de société. Est-il possible d’évoquer ces questions selon une approche qui ne soit pas purement technique et médicale ?
C’est pour ces raisons que nous souhaitons la suppression de l’article 2.
Je voudrais former un vœu – nous sommes encore au mois de janvier. J’ai entendu Mme Rossignol en appeler à l’histoire et évoquer le droit de vote des femmes. Pourrait-on imaginer que nous nous appliquions à nous-mêmes, dans nos explications de vote, une sorte d’article 45 de la Constitution qui nous éviterait de parler de choses qui n’ont strictement rien à voir avec le texte ? (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – Huées sur des travées des groupes CRCE, SOCR et LaREM.)
Mmes Éliane Assassi et Laurence Rossignol. Et la liberté de parole ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Je n’avais pas prévu du tout de prendre la parole ; j’ai écouté avec beaucoup d’attention ce qui s’est dit et je constate, comme pour la PMA post mortem hier, qu’il n’y a pas les gentils d’un côté et les méchants de l’autre. Il y va de sujets d’éthique, qui, comme tels, suscitent des interrogations. Nous sommes tous légitimes à nous exprimer, et les choses ne sont pas blanches ou noires – c’est un peu plus compliqué que cela.
Effectivement, la conservation pour des raisons médicales est déjà prévue ; les arguments qui ont été développés sur ce point me semblent donc inopérants.
Surtout, je suis un peu comme Roger Karoutchi : je ne crois pas que les gens soient bons. Et j’ai très peur de l’effet pervers que pourraient induire ces dispositifs : les employeurs pourraient pousser un certain nombre de femmes à les utiliser. C’est la raison pour laquelle je voterai les amendements de suppression.
M. Roger Karoutchi. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour explication de vote.
Mme Véronique Guillotin. Je ne voterai pas ces amendements de suppression.
Je voudrais revenir sur deux arguments.
Premièrement, il a été beaucoup question de pression sociale. Cet argument ne me semble pas absolument valable pour interdire l’autoconservation des ovocytes et des gamètes chez la femme, parce que la pression sociale qui pèse sur cette dernière – je donne raison à M. Retailleau –, dans le milieu professionnel comme dans le milieu personnel, existe déjà. C’est une réalité !
J’ai rencontré, pas plus tard que la semaine dernière, une femme qui ne me demandait pas de plaider la cause de l’autoconservation – elle savait que nous étions en train de discuter du projet de loi relatif à la bioéthique. Cette femme donne ses ovocytes ; elle ne veut pas d’enfants, car elle privilégie sa carrière professionnelle et n’aurait pas le temps de s’occuper de ses enfants. Elle ne réclame rien, mais son cas montre que la pression, aujourd’hui, existe bel et bien. Sa décision – quitte à ne pas avoir d’enfants, donner ses ovocytes à quelqu’un d’autre – semble être un peu un crève-cœur : si l’autoconservation avait été possible, peut-être aurait-elle envisagé d’avoir un enfant dans cinq ou six ans…
En tout cas, on prend le problème à l’envers en affirmant que c’est le don d’ovocytes qui engendrerait la pression sociale. Il faut plutôt réduire cette pression qui pèse déjà sur les femmes et retravailler sur la place de la femme dans le milieu professionnel et dans la famille ; peut-être ainsi ce problème pourra-t-il être évacué.
Je voudrais, deuxièmement, rassurer Mme Lavarde, donc je respecte totalement la position : l’âge auquel on pourra bénéficier d’un don d’ovocytes correspondra à l’âge naturel d’infertilité de la femme. La présente disposition ne permettra en aucun cas des grossesses à des âges bien supérieurs à ce qui est possible aujourd’hui.
Une petite touche d’humour pour finir, monsieur Karoutchi : vous disiez que l’homme n’est pas toujours bon ; mais, vous savez, la femme le sait bien ! (Sourires.) Faites-nous un peu confiance, et, sur cette question de l’autoconservation des ovocytes, nous saurons bien décider. Je m’opposerai donc à ces amendements. (MM. Olivier Henno et Pierre Louault ainsi que Mme Nadia Sollogoub applaudissent.)
Mme la présidente. La parole est à M. Julien Bargeton, pour explication de vote.
M. Julien Bargeton. J’écoute ce débat avec attention. Il est sous-tendu, au fond, par un désaccord philosophique, qui a été dévoilé par Roger Karoutchi. Notre collègue, citant Rousseau, nous dit que l’homme n’est pas bon.
M. Roger Karoutchi. Rousseau, c’est l’inverse ! Je ne suis pas rousseauiste.
M. Julien Bargeton. Face à Rousseau se dresse une tradition bien connue, celle de Joseph de Maistre, qui déclarait n’avoir jamais vu d’homme, mais seulement des Français, des Italiens, des Russes – tout le monde connaît cette citation.
M. Bruno Retailleau. C’est le vieux débat entre Aristote et Platon…
M. Julien Bargeton. On voit bien qu’il y a là deux traditions qui s’affrontent – elles datent de la Révolution française : le rousseauisme, d’un côté, et, de l’autre, la réponse, qu’on peut qualifier de contre-révolutionnaire ou de réactionnaire, qui lui a été faite.
Mais ce débat a été résolu, en France, par le moyen du parlementarisme. Entre Rousseau et Maistre, il y a la liberté à la française, c’est-à-dire Benjamin Constant ou Alexis de Tocqueville, par exemple. Ce débat a été tranché, donc, avec la liberté, cette solution s’étant exprimée dans certains mots comme « autonomie » ou « choix ». Ladite liberté, d’ailleurs, a été construite par le Parlement.
Cette remarque me permet de répondre aussi à une tentation que j’entends s’exprimer sur la gauche de l’hémicycle, qui est de confondre liberté et libéralisme. Attention ! La liberté politique ne se confond pas avec le libéralisme économique.
De quoi s’agit-il ici ? Il s’agit, tout simplement, de respecter cette tradition-là.
M. Roger Karoutchi. Quelle tradition ?
M. Julien Bargeton. Cette disposition met-elle en danger la société ? Non !
M. Roger Karoutchi. Si !
M. Julien Bargeton. Met-elle en péril l’avenir de l’enfant ou l’amour qu’il va recevoir ? Non !
M. André Reichardt. Pourquoi non ?
M. Julien Bargeton. Cioran parlait de « l’inconvénient d’être né » ; personne ne choisit où il naît, et on ne saurait déduire, du type de famille où l’enfant est élevé, son bonheur ou son malheur. On le sait très bien : tous les types de famille peuvent être aimants ou, au contraire et malheureusement, dysfonctionnels.
Je respecte néanmoins toutes les positions. Comme le disait Benjamin Constant, il ne faut jamais faire à une opinion l’honneur de l’intolérance. (Applaudissements sur des travées du groupe LaREM.)
M. Bruno Retailleau. Je vous répondrai sur la liberté.
Mme la présidente. La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote.
M. André Reichardt. Assurément, la Haute Assemblée vit, depuis mardi, un débat éminemment passionnant. Le moment est venu néanmoins, si vous me le permettez, mes chers collègues, d’attirer l’attention sur la réalité de ce que nous sommes en train de faire.
Mardi après-midi, nous nous sommes très longuement interrogés sur l’extension de la procréation médicalement assistée. À l’issue de ce long débat, le Sénat a décidé de permettre cette extension. À titre personnel, j’y suis opposé, et j’ai voté contre.
Depuis, que faisons-nous ? Nous ne cessons de tirer sur la ficelle. Nous avons commencé par discuter de l’extension de la PMA aux femmes seules ; cela a été adopté. Puis nous avons discuté – excusez-moi d’utiliser ce terme – de la PMA post mortem. J’étais de ceux qui ont voté contre ; cette disposition n’a pas été adoptée.
Aujourd’hui, nous discutons de l’autoconservation des gamètes – nous verrons, en la matière, jusqu’où nous irons. Et cet après-midi, nous nous apprêtons à tirer encore une fois sur la ficelle en élaborant une « filiation d’intention » – le simple fait de prononcer ce mot me pose un vrai problème, à moi qui suis juriste.
Au point où nous en sommes, je voudrais dire clairement que je n’ai pas voté pour l’extension de la PMA telle que nous l’avons prévue, et que je voterai ces amendements de suppression, parce que, premièrement, je suis logique et cohérent avec moi-même, et parce que, deuxièmement, il y a bien un moment où il faut arrêter de tirer sur la ficelle ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Loïc Hervé applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Houpert, pour explication de vote.
M. Alain Houpert. Nous allons légiférer ; chaque avis est respectable et doit être respecté. Il a été dit que le monde n’est pas parfait. C’est vrai ! On a parlé de liberté ; je parlerai, quant à moi, d’égalité.
Le monde n’est pas parfait, car il y a, entre les hommes et les femmes, inégalité dans la conservation des gamètes – conserver des ovocytes est un acte médical : on ne fait pas ça comme un don de sang ou de spermatozoïdes –, inégalité dans la vie professionnelle, inégalité, aussi, dans le désir d’enfant.
De grands médecins ont été évoqués. Je suis, moi, un humble médecin ; je fais de l’imagerie de la femme, et mon avis a changé depuis que je suis près des femmes qui désirent procréer. Ce qui me gêne, c’est de légiférer sur ce que la femme a le droit de faire de son corps.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.
M. Philippe Bas. Je conçois, bien sûr, que, sur cette question, on puisse hésiter. Il y a un tel investissement personnel, une telle chance d’accomplissement pour soi-même, dans le fait de pouvoir être père ou mère, que préserver les chances de chacun de l’être un jour est un objectif noble. Par conséquent, nous avons au moins en partage, dans ce débat, les mêmes valeurs d’humanisme, même si nous n’en tirons pas nécessairement les mêmes conséquences.
J’ai peur que nous nous transformions en marchands d’illusions. Et j’ai peur que l’on crée, à travers une forme d’épargne d’ovocytes, une fausse sécurité. J’ai peur qu’on donne l’illusion qu’est possible une sorte d’assurance grossesse. Il n’en est rien ! Car la difficulté de la grossesse, à mesure que l’on avance en âge, ne tient pas uniquement au nombre et à la qualité des ovocytes dont on est porteuse. Il ne faut pas répandre l’illusion selon laquelle, parce qu’on aura mis de côté des ovocytes, on pourra avoir un enfant. Cette illusion est dangereuse.
Il faudrait bien plutôt essayer de corriger les défauts de notre société qui font reculer l’âge de la première grossesse là où la femme serait prête plus tôt à avoir un enfant. Si l’illusion dont j’ai parlé se répand, des couples se retrouveront un jour dans une situation où, parce qu’on les aura entretenus dans l’illusion qu’il est possible de reculer indéfiniment la grossesse, ils n’auront tout simplement pas d’enfant.
Face à ce risque et au moment de nous prononcer sur ces amendements, nous devons bien prendre la mesure de notre responsabilité. Je voterai les amendements de suppression. Je dois dire que je ne m’y suis pas décidé d’entrée de jeu : je trouve la question vraiment difficile. Mais ma conviction est que nous aboutirons à l’effet inverse à celui que nous recherchons si nous laissons se répandre l’idée de l’assurance grossesse par l’épargne des ovocytes. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Loïc Hervé applaudit également.)
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. La comparaison est sordide !
Mme la présidente. La parole est à M. Stéphane Piednoir, pour explication de vote.
M. Stéphane Piednoir. Je voudrais à mon tour donner quelques arguments pour expliquer mon vote en faveur de ces amendements de suppression.
Même si nos avis divergent, j’entends les arguments que Mme Cohen a exposés sur la non-marchandisation du corps. Je tiens à préciser, néanmoins, que notre accord s’arrête là : il ne va pas au-delà. (Mme Laurence Cohen sourit.)
Roger Karoutchi a dit que l’homme n’était pas bon ; en écho à ces propos, l’objet de cet amendement étant de poser une interdiction et certains, comme M. Bargeton, bardés de leurs certitudes, nous répliquant qu’on n’a pas le droit d’interdire, je dirai que si l’homme n’est pas toujours bon, la femme, elle, n’est peut-être pas toujours raisonnable.
M. Julien Bargeton. C’est la tradition réactionnaire qui s’exprime !
M. Stéphane Piednoir. Et c’est au droit, donc au législateur, qu’il appartient de fixer des règles. (M. Sébastien Meurant applaudit.)
M. Julien Bargeton. Vous êtes du côté de Joseph de Maistre !
M. Stéphane Piednoir. Par ailleurs, s’agissant de la bien-pensance qui s’est exprimée sur plusieurs travées,…
M. Julien Bargeton. Acceptez le débat !
M. Stéphane Piednoir. … je refuse de mettre sur le même plan les droits civiques de la femme, qui ont été acquis lors des décennies précédentes, et le droit de défier le temps, de déjouer la nature.
M. Julien Bargeton. Quelle nature ? Natura naturata ou natura naturans ?
M. Stéphane Piednoir. Comme l’a dit Dominique de Legge, ce n’est vraiment pas raisonnable ni convenable. Les deux n’ont rien à voir, madame Rossignol !
Je milite, en ce qui me concerne, pour que nous tenions compte des avis de l’Académie nationale de médecine, et pas seulement quand ça nous arrange – je le dis à l’intention de mes collègues membres de la commission spéciale.
On nous intime d’adopter cet article 2 par suivisme : nous devrions fixer pour la France des règles identiques à ce qui se fait ailleurs. Surtout pas ! Tel n’est pas le rôle du législateur, bien au contraire. La voie singulière de la France, à mon avis, peut s’exprimer. Il est arrivé que la communauté scientifique se mette d’accord sur des limites – Bruno Retailleau parlait hier d’interroger les limites avant d’en fixer. Elle sait le faire ; elle sait parfois dire qu’il faut que le droit interdise ce qui est pourtant techniquement possible.
J’aimerais que la voie singulière de la France puisse peser en ce sens dans le concert international. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Michelle Meunier, pour explication de vote.
Mme Michelle Meunier. Ce débat est riche ; chacun, ici, a son mot à dire sur notre conception de la place de la femme dans la société et sur les places respectives de la famille et de l’entreprise.
Que sommes-nous en train de faire aujourd’hui ? Nous discutons d’un projet de loi relatif à la bioéthique, et, plus précisément, du titre Ier, qui a pour objet d’« élargir l’accès aux technologies disponibles sans s’affranchir de nos principes éthiques ». C’est bien de cela qu’il s’agit ! L’autoconservation des ovocytes est une technique supplémentaire permettant de procréer lorsque cela n’est pas possible autrement pour des raisons avant tout médicales, mais aussi, peut-être, sociales, ce dont je ne jugerai pas.
Il s’agit, dans le chapitre Ier que nous examinons ce matin, de « permettre aux personnes d’exercer un choix éclairé en matière de procréation dans un cadre maîtrisé ». Tout est dit, mes chers collègues. N’ayons pas peur ! Nous discutions ici d’un texte qui s’appliquera pendant les cinq ou sept ans à venir, et je ne voterai pas la suppression de cet article 2.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.
M. Jacques Bigot. Notre collègue Yves Daudigny a cité Israël Nisand, professeur à Strasbourg, qui fait autorité dans ces milieux et que je connais bien. Il prône la possibilité de la conservation d’ovocytes tout en faisant campagne auprès des femmes en leur tenant les propos suivants : « Attention, votre fertilité peut être menacée, pensez à faire des enfants avant 30 ans. »
Mais la réalité de la société, quelle est-elle ? Indépendamment des pressions qui pourraient être exercées par les employeurs, les couples se forment bien plus tard, et la durée de vie est telle que les femmes ne réalisent pas forcément aujourd’hui que des problèmes de fertilité pourraient se poser. Ce n’est pas pour autant que toutes ces jeunes femmes envisagent de conserver leurs ovocytes. Il y a une campagne à mener ! On ne peut pas opposer l’assurance procréation qu’évoquait Philippe Bas à la réalité actuelle de la vie des femmes et des couples, dont le désir d’enfant, en outre, vient bien plus tard qu’avant.
Attention, donc : gardons-nous des anathèmes, et jouons sur l’autonomie. Surtout, puisque nous sommes, nous, les élus des territoires, faisons en sorte que des campagnes soient organisées sur ce sujet, et permettons aux jeunes d’avoir accès à un emploi et à un système de garde pour leurs enfants.
L’Alsace est voisine de l’Allemagne ; j’ai vu en Allemagne, avec le principe des trois K – Kinder, Kirche, Küche –, la façon dont des femmes qui se lançaient dans l’emploi renonçaient à avoir des enfants. Nous avons évité cela grâce à des systèmes de garde. Mais les solutions offertes aujourd’hui aux couples dont les deux membres travaillent et qui cherchent à faire garder leur enfant sont insuffisantes.
C’est à ce problème qu’il faut se consacrer en faisant campagne pour encourager les jeunes femmes et les jeunes couples à avoir des enfants en temps utile. Il faut leur dire d’y penser !
Pour notre génération – je suis devenu avocat à 22 ans et demi, ma femme magistrat à 23 ans –, il était logique de penser à avoir un enfant à 26 ans. Aujourd’hui, on arrive sur le marché du travail à 27 ans ; il est donc tout aussi logique qu’on ne pense enfin aux enfants qu’à 30 ans, lorsque commence à augmenter le risque d’infertilité dont parle Israël Nisand.
Voilà la raison pour laquelle, mes chers collègues, il ne faut pas voter ces amendements, tout en menant de vraies campagnes pour encourager les femmes et les couples à avoir des enfants à un âge où cela est encore possible. (Mme Patricia Schillinger applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Michelle Gréaume, pour explication de vote.
Mme Michelle Gréaume. L’endométriose est une maladie chronique chez la femme. Elle touche une femme sur sept en âge de procréer et provoque une infertilité de 30 % à 40 %.
Si je vous donne ces quelques éléments, c’est qu’il est important de rappeler qu’il existe, à côté des maladies comme le cancer, que l’on traite par la chimiothérapie ou la radiothérapie, des maladies d’un autre type.
Toutes les femmes n’auront pas recours à l’autoconservation. J’entends beaucoup parler, par ailleurs, de crainte de l’avenir ; pour ma part, mes chers collègues, j’ai confiance dans l’avenir, et dans tous les sénateurs et sénatrices qui prendront, demain, notre succession. Je pense qu’ils prendront les bonnes décisions, et je suis sûre que nous pouvons avoir confiance en eux. (M. Roger Karoutchi fait la moue.)
Je ne voterai pas ces amendements.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Corbisez, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Corbisez. Quand on vit avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête, on a tendance à s’armer d’humour pour vivre sa vie. Ceux qui me connaissent savent que j’ai beaucoup d’humour…
Si l’on admet la « banque du sperme », en quoi l’« épargne d’ovocytes », qu’a évoquée mon collègue Philippe Bas non sans hésitation, serait-elle critiquable ? Les femmes, en l’espèce, prennent certes un risque ; mais elles le font en toute conscience, accompagnée par leur gynécologue. Je pense qu’il faut faire confiance à celles qui voudraient reporter la date d’une procréation pour, prenant de l’âge, utiliser leurs propres ovocytes jeunes.
Je m’opposerai donc à ces deux amendements.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Alain Milon, président de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à la bioéthique. Mes chers collègues, vous imaginez bien que la commission spéciale s’est posé toutes les questions que vous venez de vous poser ; nous avons essayé de trouver des réponses à chacune.
Je ne reviendrai pas sur toutes ces questions, qui sont nombreuses. Je voudrais rassurer Laure Darcos : l’autoconservation est possible en cas de maladie, et même en cas d’endométriose. Toutes les maladies génitales permettent l’autoconservation. Pas de problème, donc, si par malheur vous deviez voter ces amendements de suppression.
Si la commission a autorisé cette autoconservation pour d’autres raisons que des raisons médicales, c’est parce qu’elle a constaté l’évolution de la société, qui a été décrite par les uns et par les autres : les mariages sont de plus en plus tardifs, les grossesses également – les carrières professionnelles imposent aux femmes, sans que les employeurs, d’ailleurs, interviennent nécessairement, des grossesses de plus en plus tardives. Et la possibilité de l’autoconservation, comme l’a très bien dit Philippe Bas, ne signifie pas une assurance grossesse.
En revanche, si la grossesse réussit, cela suppose au moins un ovule de qualité, ce qui est déjà énorme, et ce qui, à défaut d’un tel dispositif, ne serait pas le cas.
Nous discutions, avec Muriel Jourda, pendant que chacune et chacun s’exprimait ; nous nous disions que la proposition que nous faisons relève presque des soins palliatifs, eu égard à l’évolution de la société que je viens d’évoquer – mariages tardifs, grossesses tardives, etc.
Pourquoi « palliatifs » ? Comme l’ont dit certains d’entre vous, la société ne propose pas aux femmes jeunes toutes les conditions nécessaires à une vie parfaite et à des grossesses jeunes – je pense aux crèches, et notamment aux crèches d’entreprise, au maintien de l’évolution de carrière malgré les grossesses, etc. Vous connaissez tout ça aussi bien que moi, mes chers collègues.
Cette décision n’est donc qu’un palliatif à une société dont l’évolution n’est pas parfaite pour la femme et pour les enfants. Par ailleurs, on a beaucoup évoqué une possible pression des employeurs : excusez-moi, mais cette pression vient autant des employeurs que de la société !
M. Roger Karoutchi. Voilà !
M. Alain Milon, président de la commission spéciale. Malheureusement, cette pression existera même sans l’autoconservation et nombre de femmes se retrouveront en situation de vouloir tardivement une grossesse. Le cas s’est produit dans ma famille. Cette personne, parce qu’elle vivait dans un autre pays, a pu procéder – volontairement – à l’autoconservation, car elle souhaitait assurer son évolution de carrière avant de passer à autre chose.
Quoi qu’il en soit, vous avez tous raison. Même lorsque Bruno Retailleau nous dit qu’il ne faut pas de « loi compassionnelle », il n’a pas tort. Mais pour l’instant, nous sommes tous responsables – parlementaires et Gouvernement – de la société dans laquelle nous obligeons nos jeunes filles à vivre, puisque c’est nous qui l’avons faite, étant là depuis plus longtemps qu’elles ! Faisons en sorte que, par la suite, les femmes puissent vivre mieux, certainement pas grâce à l’autoconservation des gamètes, mais en leur permettant d’avoir des grossesses plus jeunes. Dans la mesure où nous ne pouvons pas le leur garantir pour l’instant, mettons en place un soin palliatif dans l’attente d’une réflexion plus générale afin de leur permettre des vies, des grossesses et des carrières convenables. Sans parler, bien sûr, de mettre en place une véritable égalité dans tous les sens du terme.
Certes, l’égalité homme-femme n’existe pas, elle n’est pas possible. On peut certes parler d’égalité salariale, etc., mais pas d’égalité entre un homme et une femme, car nous sommes différents. Comme l’a fort justement dit Muriel Jourda, autant demander aux poissons de grimper aux arbres et aux écureuils d’aller dans l’eau !
Pour toutes les raisons que je viens de vous donner, je ne voterai pas ces deux amendements identiques de suppression. Il s’agit ici uniquement d’autoriser un soin palliatif en attendant mieux. (MM. Jean-Pierre Corbisez et Daniel Chasseing applaudissent.)
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Je ne reviendrai pas sur l’ensemble des arguments qui ont été développés. On a beaucoup parlé de projet professionnel, de pressions professionnelles, mais assez peu de projet parental. C’est pourtant au cœur du sujet.
Aujourd’hui, monsieur Karoutchi, l’autoconservation existe déjà.
M. Roger Karoutchi. Oui, à titre médical !
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Non, pas uniquement. Je ne peux donc laisser accroire que nous serions en train d’inventer quelque chose !
D’ailleurs, en dehors des raisons médicales, les raisons d’autoconservation sont déjà, à l’heure actuelle, d’ordre personnel, parce qu’il y a absence de projet parental, et non d’ordre professionnel, comme un certain nombre d’entre vous le craignent.
En tant que mâle blanc, de 40 ans, avec deux enfants,…
M. Roger Karoutchi. Ah non, vous n’allez pas recommencer, on n’est pas à France Télévisions !
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. … ce qui est effectivement le cas d’un certain nombre de personnes ici, on peut penser qu’avoir un projet parental est à la portée de tout le monde, que c’est facile. Eh bien non, ce ne sera pas si simple, ça ne se décidera pas sur un coup de tête, ce sera très suivi, très encadrée, monsieur Bas, par une équipe qui énoncera un certain nombre de conditions et précisera quels sont les risques encourus. Il ne s’agit assurément pas de conférer une sorte de « droit à l’enfant ».
Fondamentalement, il s’agit d’offrir une liberté aux femmes, c’est-à-dire un choix effectif et non le simple choix entre une grossesse tardive ou pas de grossesse du tout !
Offrir le choix ne signifie pas inciter. Offrir le choix ne signifie pas non plus se contenter de la solution proposée et renoncer à agir par ailleurs sur les autres composantes de la société pouvant constituer des obstacles pour les femmes. Je vous rejoins, monsieur Bigot, les neurosciences nous apprennent que la présence des deux parents auprès de l’enfant est importante, notamment au cours de la première année de la vie. Nous devons donc nous poser la question des congés parentaux et celle, intimement liée, des modes d’accueil des jeunes enfants.
Ce sont autant de questions qui sont au cœur des réflexions et des travaux que nous menons en ce moment, et dont vous avez connaissance, autour de cette période cruciale pour l’enfant que ce sont les mille premiers jours de sa vie. Le Président de la République a installé une commission confiée à Boris Cyrulnik pour travailler sur le sujet.
Tout cela ne signifie pas qu’il ne faut pas de garde-fous. Nous en avons prévu un certain nombre. L’employeur, par exemple, ne pourra pas financer le projet. Madame Cohen, si je puis me permettre, le Gouvernement en avait même envisagé davantage, mais ils ont été supprimés par la commission spéciale. Je pense à l’impossibilité de confier aux établissements privés la possibilité de procéder à ces autoconservations. Il me paraît également important qu’un décret en Conseil d’État fixe les limites d’âge pour recourir à ce genre de techniques, nous y reviendrons au cours de nos débats.
Enfin, pour rejoindre Michelle Meunier, cet article ne met en tension aucun autre principe de bioéthique. C’est bien là tout le sens d’une révision d’une loi de bioéthique telle que nous l’envisageons.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 126 rectifié ter et 239 rectifié.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste et républicain.
Je rappelle que l’avis de la commission spéciale est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 70 :
Nombre de votants | 313 |
Nombre de suffrages exprimés | 287 |
Pour l’adoption | 109 |
Contre | 178 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Rappel au règlement
Mme Laurence Rossignol. Ce rappel au règlement vise à préciser à notre assemblée, particulièrement à notre collègue Dominique de Legge, qui a cru utile, sans doute pour faire un bon mot, d’évoquer l’application de l’article 45 de la Constitution, qui limite le droit d’amendement, aux propos tenus dans l’assemblée, en l’occurrence aux miens, que la liberté de parole est un des privilèges individuels fondamentaux des droits des parlementaires. Sans la liberté de parole des parlementaires, il n’y a pas de démocratie parlementaire, il n’y a pas de liberté de conscience, il n’y a pas de liberté d’opinion et il n’y a pas de liberté d’expression !
Comme chacun d’entre vous dans cette assemblée, je suis en droit d’exprimer mes opinions, fussent-elles contraires à celles de mes collègues. Vous êtes d’ailleurs nombreux ici à exprimer régulièrement des opinions que je ne partage pas !
Pour aller au fond de la proposition de notre collègue, je considère pour ma part que le fait de discuter du droit des femmes à conserver leurs ovocytes s’inscrit dans la longue lutte des femmes dans notre histoire pour conquérir progressivement des droits. Partant de l’incapacité civile, du temps où les femmes étaient considérées comme des incapables majeures, de l’assignation à la procréation, de l’interdiction de la contraception et de l’avortement, de l’interdiction d’exercer leurs droits civiques, tous nos droits ont été conquis progressivement. Ils s’inscrivent selon moi dans un continuum de conquête qui mène les femmes de la soumission et de l’oppression vers l’émancipation. Car la congélation des ovocytes est bien une disposition relative à l’émancipation des femmes ! (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et CRCE.)
Mme la présidente. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, ma chère collègue.
Article 2 (suite)
Mme la présidente. L’amendement n° 147 rectifié, présenté par M. H. Leroy, Mme Noël, M. Guerriau, Mme Thomas et M. Meurant, est ainsi libellé :
Alinéa 2, après la première phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Le donneur doit avoir procréé.
La parole est à M. Sébastien Meurant.
M. Sébastien Meurant. Il s’agit de prévoir que le donneur doit avoir procréé. Cette disposition a été abrogée lors de la révision de la loi relative à la bioéthique en 2011. Supprimer l’exigence que les donneurs aient déjà procréé n’a rien d’anodin et donner ses ovocytes sans avoir procréé présente certains inconvénients.
Tout d’abord, lorsque le donneur n’a pas procréé, il ne peut réaliser la portée de son geste. C’est le fait d’avoir déjà procréé qui permet de consentir en connaissance de cause. Les conditions de l’expression d’un consentement libre et éclairé ne paraissent donc pas réunies.
Ensuite, accepter le don de gamètes de personnes n’ayant pas procréé risque de susciter chez le donneur des conséquences psychologiques graves allant de la préoccupation jusqu’au fantasme nourri à propos des enfants issus du don, notamment lorsque le donneur n’aura pas d’autres enfants.
Enfin pour une femme, la stimulation ovarienne n’est pas sans risque.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Sans vouloir raviver le débat que nous venons d’avoir, si nous réintroduisons la condition pour le donneur d’avoir procréé, nous risquons d’avoir, dans la mesure où l’âge de la procréation est de plus en plus élevé, des gamètes de qualité de moins en moins bonne. C’est une conséquence qu’il me paraît important de souligner.
Plus important encore, la mention que le donneur devrait avoir procréé a été supprimée en 2011. Nous avons donc le recul suffisant, me semble-t-il, pour nous rendre compte que cette suppression n’a pas posé de difficulté identifiée à ce jour, ni dans l’étude d’impact du Gouvernement ni auprès des personnes que nous avons auditionnées. La commission émet donc un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les trois premiers sont identiques.
L’amendement n° 234 rectifié est présenté par M. Jacques Bigot, Mmes de la Gontrie, Meunier et Blondin, MM. Daudigny, Jomier et Vaugrenard, Mme Rossignol, M. Kanner, Mme Conconne, M. Fichet, Mme Harribey, M. Montaugé, Mme Monier, M. Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline, Bérit-Débat et Joël Bigot, Mme Bonnefoy, MM. Botrel, M. Bourquin, Boutant et Carcenac, Mme Conway-Mouret, MM. Courteau, Dagbert, Daunis, Devinaz, Durain, Duran et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mmes Féret, M. Filleul et Ghali, M. Gillé, Mmes Grelet-Certenais et Guillemot, M. Jacquin, Mme Jasmin, MM. P. Joly, Kerrouche, Lalande et Leconte, Mme Lepage, M. Lozach, Mme Lubin, MM. Magner, Manable, Marie et Mazuir, Mme Perol-Dumont, M. Raynal, Mme S. Robert, MM. Roger, Sueur et Sutour, Mme Taillé-Polian, MM. Temal et Tissot, Mme Tocqueville, MM. Todeschini, Tourenne et Vallini et Mme Van Heghe.
L’amendement n° 263 rectifié est présenté par M. Mohamed Soilihi, Mme Schillinger, M. Bargeton, Mme Constant, MM. Buis, Yung et Théophile, Mme Cartron, MM. Patriat, Hassani, Marchand, Patient, Iacovelli, Gattolin, Karam, Lévrier, Rambaud, Haut et les membres du groupe La République En Marche.
L’amendement n° 282 est présenté par le Gouvernement.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
I. – Alinéa 3
Remplacer les mots :
et, s’il fait partie d’un couple, l’autre membre du couple, sont dûment informés
par les mots :
est dûment informé
II. – Alinéa 4
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Le consentement du donneur est recueilli par écrit et peut être révoqué à tout moment jusqu’à l’utilisation des gamètes. »
La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie, pour présenter l’amendement n° 234 rectifié.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Cet amendement vise à supprimer le recueil du consentement du conjoint dans le cadre du don de gamètes. Dans la plupart des procédures de dons biologiques, le consentement du conjoint n’est pas demandé. Pourquoi instaurer ici ce contrôle assez étrange ?
Il me semble, mais cela ne vous étonnera pas, puisque nous parlons de ce sujet depuis maintenant plusieurs heures, que chaque être humain – il ne s’agit pas que des femmes – doit être libre de disposer de son corps. Chacun doit pouvoir donner ou ne pas donner, dans ce domaine comme dans les autres, qu’il s’agisse de sang ou d’autres dons plus délicats.
Nous demandons la suppression de cette mention : chacun étant libre de son corps, chacun doit être libre de faire un don.
Mme la présidente. La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour présenter l’amendement n° 263 rectifié.
Mme Patricia Schillinger. Le don est un acte personnel. Il est très difficile pour les équipes de savoir si la personne est en couple ou non. Par ailleurs, les échanges au sein d’un couple relèvent de la sphère privée. Voilà pourquoi nous voulons supprimer le recueil du consentement du conjoint.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État, pour présenter l’amendement n° 282.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Premier élément de constat : la législation française était la seule en Europe à imposer le recueil du consentement de l’autre membre du couple pour un don de gamètes.
Maintenir une telle exigence serait d’autant plus surprenant qu’en 2011 le législateur a abrogé le modèle retenu pour le don jusque-là, à savoir celui d’un couple, qui a déjà un enfant, permettant à un autre couple d’en avoir un. Avant 2011, le recueil du consentement du conjoint était nécessaire, mais il ne l’est plus depuis.
Nous partageons l’idée que le don de gamètes engage chacun personnellement. Que le donneur tienne informé son conjoint ou sa conjointe, dans le cadre d’un PACS, d’un mariage ou d’un concubinage, c’est très bien, mais cela relève de la sphère privée et non de la loi. On a le droit, même si on est en couple, de prendre des décisions individuelles. Je vous souhaite d’ailleurs qu’il en soit ainsi dans vos couples respectifs !
Mme Sophie Primas. C’est vraiment une remarque inutile !
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Par ailleurs, il est nécessaire d’adapter le don de gamètes aux évolutions de la société et de le sécuriser en permettant au seul donneur de gamètes de révoquer son consentement. Nous aurons l’occasion d’y revenir à l’article 3, avec un amendement visant à supprimer le recueil du consentement de l’autre membre du couple dans le cadre de l’accès à l’identité du donneur de gamètes.
Voilà pourquoi je vous invite à en revenir au texte initial du Gouvernement et à supprimer le recueil du consentement de l’autre membre du couple lors d’un don de gamètes.
Mme la présidente. L’amendement n° 36 rectifié bis, présenté par MM. Chevrollier et de Legge, Mmes Chain-Larché, Thomas, Gruny et Bruguière, MM. Babary et Morisset, Mme Troendlé, MM. Danesi, Bonne, Chaize, Bonhomme et Cardoux, Mme Ramond, MM. Vaspart, Cuypers et Bascher, Mme Lamure, MM. B. Fournier, Longuet, Regnard, H. Leroy et Meurant et Mme Micouleau, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Le consentement des donneurs et, s’ils font partie d’un couple, celui de l’autre membre du couple, sont recueillis par écrit et peuvent être révoqués à tout moment jusqu’à l’utilisation des gamètes. »
La parole est à M. Dominique de Legge.
M. Dominique de Legge. Le don de gamètes ayant un impact sur la vie du couple du donneur, il est essentiel que le conjoint du donneur donne formellement son consentement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. La commission spéciale a émis un avis défavorable sur les trois amendements identiques nos 234 rectifié, 263 rectifié et 282, et demande le retrait de l’amendement n° 36 rectifié bis, qui est déjà satisfait – à défaut, elle émettra également un avis défavorable.
Effectivement, jusqu’à présent, le consentement du conjoint est sollicité en cas de don de gamètes. Tout le monde aura en effet compris que le don de gamètes n’a pas le même effet que le don du sang, puisqu’il permet la naissance d’un autre être humain. Telle est d’ailleurs la finalité d’un tel don. Nous pouvons donc difficilement assimiler le don d’autres éléments du corps humain au don de gamètes.
Par ailleurs, il est exact que nous sommes les seuls à avoir une telle exigence. Mais je rappelle que nous sommes aussi les seuls à avoir une loi de bioéthique ! Quoi qu’il en soit, le fait que nous soyons les seuls à demander le consentement du conjoint n’est pas un argument suffisant pour mettre fin à cette pratique.
En réalité, ce consentement est fondé sur le fait qu’une relation de couple est une relation particulière, dans laquelle on s’engage moralement, voire juridiquement, notamment lorsqu’on se marie, sur un certain nombre de points.
Il paraît surprenant, à l’heure où nous envisageons la levée de l’anonymat du donneur, que son conjoint ne soit pas informé et ne donne pas son consentement, alors même qu’il devient possible qu’un enfant issu du don vienne s’immiscer dix-huit ans plus tard – le terme est peut-être péjoratif – dans le couple. Le consentement du conjoint me paraît d’autant plus raisonnable que la levée de l’anonymat du donneur peut intervenir.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 36 rectifié bis ?
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.
M. Jacques Bigot. Madame la rapporteure, permettez-moi d’exprimer mon incompréhension. Le texte issu des travaux de la commission évoque le « couple ». Or nul ne sait ce qu’est juridiquement un couple !
Vous avez parlé du conjoint : j’imagine donc qu’il s’agit du couple dans le cadre du mariage. À défaut, les centres devront-ils interroger le donneur ? « Êtes-vous en couple ? Êtes-vous pacsé ? Vivez-vous en union libre ? Depuis combien de temps ? » Franchement, tout cela relève de l’intime. Nous sommes d’ailleurs en droit de penser que celui qui fait un don de gamètes en a discuté avec son partenaire dans l’intimité.
De plus, lorsque l’un des membres du couple, notamment l’homme, s’égaye en allant voir ailleurs et qu’un enfant naît, demande-t-il l’autorisation de l’autre ? (Sourires sur les travées du groupe SOCR.)
Ajouter une contrainte supplémentaire me paraît donc compliquer inutilement le dispositif. Si vous persistez dans cette voie, madame la rapporteure, il faudrait à tout le moins envisager de modifier le texte de la commission, car le terme de couple manque de clarté et posera des difficultés aux personnes chargées de recueillir les consentements. Le notaire va-t-il devoir procéder à un interrogatoire sur la situation individuelle du donneur ? Cette rédaction n’est pas sérieuse et ne tient pas. Les amendements identiques sont bien meilleurs, raison pour laquelle je les voterai.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. Je ne comprends pas le postulat qui a été posé dans plusieurs interventions et qui consiste à dire que le don a une incidence sur la vie du couple. Quelle incidence le don a-t-il sur la vie du couple ? Même en ouvrant l’accès aux origines, le don n’aura aucune conséquence successorale. Il ne crée pas de filiation à l’égard du donneur.
Le don peut certes avoir des conséquences intimes dans la relation de couple, mais ce n’est certainement pas au législateur de réguler cette situation en prévoyant une obligation !
De surcroît, si le don avait une incidence sur la vie du couple, peut-être faudrait-il aussi prévoir de demander, au moment du mariage, s’il n’y a pas eu don auparavant ? J’appuie d’ailleurs la remarque de mon collègue Jacques Bigot sur la confusion entretenue par l’emploi des mots « couple » et « conjoint », car le couple n’est pas une entité juridique, c’est une entité humaine, parfois aléatoire, provisoire, durable, mais soumise aux aléas de la vie des individus. Quoi qu’il en soit, un don antérieur au mariage pourrait avoir des incidences, au même titre qu’un don postérieur.
Tout cela ne me semble ni sérieux ni raisonnable. Il s’agit d’une mesure intrusive inutile. Je voterai donc en faveur des amendements identiques et contre l’amendement suivant.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Certes, chacun est libre de son corps. Le don de gamètes est donc complètement libre. Néanmoins, en raison de la levée de l’anonymat, l’identification du donneur par le bénéficiaire du don deviendra possible. Il me paraît donc légitime que le conjoint donne son avis.
Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. J’indique à M. Bigot que l’expression utilisée est celle qui figure dans la loi depuis le départ. La notion de couple figure dans la rédaction initiale du texte. C’est elle que nous avons donc rétablie.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Qu’est-ce que cela signifie juridiquement ?
Mme Sophie Primas. La définition est ouverte !
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Oui, parce que l’AMP est ouverte aux couples, tout simplement.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 234 rectifié, 263 rectifié et 282.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Monsieur de Legge, l’amendement n° 36 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Dominique de Legge. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 36 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° 124 rectifié bis, présenté par Mme Costes et MM. Collombat, Arnell, A. Bertrand, Cabanel, Castelli, Collin, Corbisez, Dantec, Gabouty, Labbé et Requier, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Supprimer les mots :
et à l’identité du tiers donneur
La parole est à M. Jean-Pierre Corbisez.
M. Jean-Pierre Corbisez. Il s’agit d’un amendement de coordination par anticipation de l’amendement visant à préserver l’anonymat du donneur, qui sera présenté à l’article 3.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Il s’agit en effet d’un amendement par anticipation. Nous aurons le débat sur la levée de l’anonymat du donneur lors de l’examen de l’article 3.
Dans la mesure où la commission spéciale a accepté de lever l’anonymat des donneurs de gamètes, son avis est nécessairement défavorable.
M. Jean-Pierre Corbisez. Je retire l’amendement !
Mme la présidente. L’amendement n° 124 rectifié bis est retiré.
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 149 rectifié est présenté par M. H. Leroy, Mme Noël, M. Guerriau, Mme Thomas et M. Meurant.
L’amendement n° 257 est présenté par Mme Préville.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’alinéa 4
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
…. – À l’article L. 1244-4 du code de la santé publique, le mot : « dix » est remplacé par le mot : « cinq ».
L’amendement n° 149 rectifié n’est pas soutenu.
La parole est à Mme Angèle Préville, pour présenter l’amendement n° 257.
Mme Angèle Préville. Je vais vous parler d’un sujet que nous n’avons pas beaucoup évoqué jusqu’à présent, celui de la découverte, parfois douloureuse, par les enfants nés par PMA du secret de leur naissance.
J’ai été contactée par l’un de mes anciens élèves, né par PMA, qui m’a confié son expérience. Cette découverte a d’abord été pour lui un choc. Il a ressenti ensuite une grande solitude, car, ayant appris ce secret par inadvertance, il n’a pas osé l’évoquer avec ses parents, lesquels n’en parlaient pas. Il a découvert par la suite que tout le monde le savait, sauf lui. Son cheminement fut ensuite long et difficile.
Cette personne m’a également transmis des vœux à propos d’un autre sujet.
Une personne qui apprend qu’elle est née par PMA découvre la potentialité que dix autres enfants soient issus du don d’un même donneur. C’est pourquoi j’ai souhaité prévoir dans cet amendement que le recours aux gamètes d’un même donneur ne puisse conduire à la naissance de plus de cinq enfants, et non plus de dix enfants. Mon objectif – disant cela, je vais forcément être maladroite – est de corriger un petit peu la douleur de découvrir que l’on est né dans un tel flot d’enfants. J’ai du mal à exprimer les difficultés posées par ces situations…
Par un autre amendement, je proposerai que les personnes nées par ce procédé puissent avoir accès aux identités des autres enfants, l’objectif étant de leur permettre de retrouver une sorte de fratrie. Souvent, les enfants nés par PMA sont enfants uniques, à l’instar de cet ancien élève qui m’a contactée, et peuvent souffrir, outre de la découverte de leurs origines, de cette solitude, alors même qu’ils ont des parents aimants, ceux-ci n’ayant pas forcément envie de communiquer à ce propos. Ces personnes pourraient ainsi se reconstruire en s’inscrivant dans une histoire, afin de ne pas se sentir complètement exclues d’un processus naturel de reproduction et trop singulières par rapport à leurs camarades de classe, notamment.
Mme la présidente. Il faut conclure, chère collègue.
Mme Angèle Préville. Telles sont les raisons pour lesquelles je propose cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. J’entends ce que dit Mme Préville, mais cette limitation du nombre de naissances ne semble pas justifiée en l’état. En effet, concernant les éventuels risques de consanguinité que ce mode de conception pourrait entraîner, les experts que nous avons auditionnés nous ont confirmé que ces risques n’étaient pas plus importants pour les personnes nées par AMP – ils sont même moindres – que pour le reste de la population.
Il convient de surcroît, avant même de parler de levée de l’anonymat du donneur, de rappeler que la loi prévoit d’ores et déjà la possibilité pour les deux médecins concernés de se transmettre des informations médicales, et ce dès la naissance. Le Conseil d’État a ainsi jugé que de telles informations pouvaient être communiquées à titre préventif, pour des raisons de nécessité médicale.
Une personne née d’une AMP peut donc obtenir des informations médicales lui permettant de savoir si un potentiel conjoint ne serait pas issu du même don. Cette situation, rarissime, est susceptible d’être déjouée par cette possibilité de communication d’informations.
J’ajoute que la rédaction du projet de loi est encore plus claire, puisqu’il y est fait mention d’une nécessité non plus thérapeutique mais médicale, ce qui est beaucoup plus large.
En l’absence de raisons objectives de diminuer le nombre de ces naissances, l’avis est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Merci, madame la sénatrice, d’avoir partagé avec nous le témoignage de cet ancien élève qui vous a contactée. Vous vous êtes excusée d’employer des mots peut-être maladroits ou d’être hésitante, mais, sur des sujets qui relèvent à ce point de l’intime, il est toujours difficile pour les tierces personnes que nous sommes de trouver les mots justes. Cette histoire que vous venez de partager avec nous renvoie au débat passionnant que nous aurons à l’article 3 sur l’accès aux origines.
Je veux dire, en tant que secrétaire d’État chargé de l’enfance, qu’il est important pour le développement personnel et individuel de l’enfant qu’il connaisse son histoire. Il ne s’agit pas forcément pour lui de rechercher un père ou une fratrie, mais de pouvoir mettre des mots sur son histoire. Le présent amendement trouvera donc plutôt un écho au moment de l’examen de l’article 3.
Par ailleurs, comme l’a très bien dit Mme la rapporteure, d’un point de vue médical, les risques de consanguinité ne sont pas plus élevés, et sont mêmes moindres, pour ces personnes que dans la population générale.
Pour ces deux raisons, l’avis est défavorable sur cet amendement.
Mme Angèle Préville. Je retire l’amendement !
Mme la présidente. L’amendement n° 257 est retiré.
L’amendement n° 148 rectifié, présenté par M. H. Leroy, Mme Noël, M. Meurant, Mmes Loisier et Bonfanti-Dossat et M. Piednoir, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 4
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Après l’article L. 1244-4 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 1244-2-… ainsi rédigé :
« Art. L. 1244-2-…. – La gratuité des gamètes est de principe : aucun paiement quelle qu’en soit la forme ne peut être alloué à celui qui se prête au don de spermatozoïdes ou à celle qui se prête au don d’ovocytes. »
La parole est à M. Sébastien Meurant.
M. Sébastien Meurant. L’extension de l’AMP conduirait inévitablement à une pénurie de gamètes et, donc, à la tentation de la commercialisation.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. La commission partage pleinement l’objectif de l’amendement, qui tend à réaffirmer le principe éthique essentiel de la gratuité du don. Nous avons d’ailleurs indiqué hier qu’il existait une disposition pénale permettant de sanctionner une infraction soit directe, soit par entremise, à ce principe.
Cet objectif est d’autant plus partagé dans la perspective de la levée de l’anonymat du donneur et d’un risque éventuel de pénurie de gamètes. En effet, le professeur Nisand – grand professeur – a récemment évoqué dans un journal quotidien la possibilité d’une marchandisation des gamètes.
Cependant, l’amendement est satisfait par l’article 16-1 du code civil, qui dispose : « Le corps humain, ses éléments et ses produits ne peuvent faire l’objet d’un droit patrimonial. » La disposition proposée serait donc totalement redondante, ce qui nuirait à bonne écriture de la loi.
Je demande le retrait de l’amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Monsieur Meurant, l’amendement n° 148 rectifié est-il maintenu ?
M. Sébastien Meurant. Nous votons des lois, mais ensuite il faut faire appliquer le droit. Or nous savons que, dans la réalité, celui-ci est bafoué.
Je tiens, ainsi que les signataires de cet amendement, à redire ce qui nous semble essentiel, à savoir qu’il faut légiférer pour le bien commun, lequel interdit la marchandisation du corps humain. Je retire néanmoins l’amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 148 rectifié est retiré.
L’amendement n° 285, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 2141-12. – I. – Une personne majeure qui répond à des conditions d’âge fixées par décret en Conseil d’État, pris après avis de l’Agence de la biomédecine, peut bénéficier, après une prise en charge médicale par l’équipe clinicobiologique pluridisciplinaire, du recueil, du prélèvement et de la conservation de ses gamètes en vue de la réalisation ultérieure, à son bénéfice, d’une assistance médicale à la procréation dans les conditions prévues au présent chapitre.
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Cet amendement vise à rétablir le texte du Gouvernement, qui prévoit de fixer par décret en Conseil d’État, pris après avis de l’Agence de la biomédecine, les conditions d’âge pour autoconserver ses gamètes. Il est indispensable d’enserrer la réforme dans des conditions strictes d’accès en termes d’âge pour ne pas encourager l’autoconservation de gamètes. Tel est notre leitmotiv depuis le début de ces travaux.
Il faut rappeler que, avant 32 ans, la femme a toutes les chances de procréer naturellement sans avoir besoin de recourir aux ovocytes qu’elle aurait conservés – dans notre pays, 78 % des femmes font leur premier enfant avant l’âge de 35 ans. La balance bénéfices-risques ne serait donc pas favorable. Par ailleurs, pour garantir la qualité des gamètes prélevés ou recueillis, un âge supérieur doit également être fixé. À défaut, ce serait une perte de chance pour les personnes concernées.
Si des limites chiffrées n’étaient pas fixées par un décret, ainsi qu’en a décidé la commission spéciale, les recommandations d’âge ne pourraient être que très générales et les praticiens de l’assistance médicale à la procréation, auxquels il reviendra concrètement d’apprécier si les personnes qui les consultent « remplissent des critères d’âge », seront mis en difficulté. Il appartient certes au législateur de fixer les règles et d’encadrer la pratique dont nous débattons, mais il convient également d’entendre ce que disent les praticiens de leur quotidien.
Des différences éventuelles d’appréciation, d’une équipe médicale à l’autre, sont susceptibles de créer des inégalités d’accès ou un nomadisme médical, voire des contentieux.
Le Gouvernement ne souhaite pas ouvrir la porte à de telles dérives et revient, par cet amendement, à un cadre rigoureux qui sera validé par les professionnels concernés puisque le décret sera pris après avis de l’Agence de la biomédecine qui les consultera.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. La commission est d’accord avec M. le secrétaire d’État pour dire qu’il faut encadrer l’âge d’autoconservation des gamètes. Notre désaccord porte sur la procédure d’encadrement : le Gouvernement souhaite recourir à un décret avec un bornage entre 32 et 37 ans ; pour notre part, nous souhaitons que les médecins apprécient l’âge en toute responsabilité.
Les médecins que nous avons auditionnés ne sont pas tout à fait satisfaits des bornes fixées, notamment de la borne basse. Ils considèrent que l’âge de 32 ans est un peu tardif et souhaitent pouvoir intervenir à partir de 30 ans. Les médecins sont habitués à prendre leurs responsabilités.
La commission spéciale a prévu un encadrement par un arrêté, qui reprendrait les recommandations de bonne pratique de l’Agence de la biomédecine. Il s’agit simplement d’introduire un peu de souplesse pour que les médecins puissent concrètement apprécier, en fonction de la patiente qui se présente devant eux, si elle a le bon âge pour que soit pratiquée l’intervention.
L’avis de la commission spéciale est donc défavorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.
M. Bernard Jomier. Je partage tout à fait l’avis exprimé par Muriel Jourda. Pour la question de l’encadrement, il faut s’adapter au plus près des situations.
Nous sommes tous d’accord pour dire qu’il faut un référentiel et que l’Agence de la biomédecine doit donner son avis. Mais, lors des débats, il est apparu que le Gouvernement savait quelles bornes d’âge il voulait fixer, même s’il ne les a pas inscrites dans la loi. Il nous a dit en effet : « Laissez-moi prendre un décret, et j’inscrirai les bornes d’âge. » Or la borne inférieure est clairement discutable.
Je partage l’idée selon laquelle ce sont les professionnels qui doivent apprécier les bornes d’âge. Vous craignez, monsieur le secrétaire d’État, qu’ils aient des difficultés à dire non. Or dire non aux patients est un processus que les médecins apprennent dès leur formation. Ils ont ainsi mis en place, ce qui est un pas important, des dispositifs dans les équipes et dans les centres pluridisciplinaires, notamment, pour apprendre à émettre ces réponses négatives. Il faut donc leur faire confiance.
Les bornes d’âge ne doivent pas être fixées de manière trop rigide : il faut leur laisser une marge d’appréciation. Pour faire un peu de philosophie, cela rappelle Karl Popper : il y a une règle du jeu, mais il doit y avoir du jeu dans la règle. Le dispositif que nous proposons garantit ce jeu dans la règle dans de bonnes conditions.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. La souplesse tient justement à l’idée d’inscrire ces conditions d’âge non dans la loi, mais dans un décret. Il ne faut pas voir là de mauvaises intentions du Gouvernement : ces bornes d’âge seront fixées non pas de façon arbitraire, mais bien sur la base de l’avis des professionnels.
Les recommandations de bonne pratique émises par l’Agence de la biomédecine sur lesquelles devront se baser les professionnels sur le terrain nous semblent trop larges et vagues pour être réellement opérationnelles et en rapport avec le quotidien desdits professionnels.
Un certain nombre d’entre vous, notamment Mme Cohen, ont mis l’accent sur le fait que ces pratiques devaient être encadrées. Nous vous rejoignons totalement à cet égard. Le dispositif que nous vous proposons va dans ce sens.
Si vous souhaitez adopter un autre dispositif, libre à vous, mais nous maintenons évidemment cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.
Mme Sophie Primas. Je veux surtout faire état de mes hésitations.
Je comprends les arguments de la souplesse et du jeu dans la règle, évoqués par Bernard Jomier. L’avis des médecins et de ceux qui suivent ces affaires est extrêmement important. Je suis néanmoins hésitante du fait de l’invocation par M. le secrétaire d’État de l’argument du nomadisme.
Peut-être faudrait-il trouver dans la navette un dispositif permettant d’éviter le nomadisme d’une patiente ayant essuyé un refus qui irait voir d’autres professionnels susceptibles d’accepter de faire ce geste ? Je suivrai Mme la rapporteure, mais je pense qu’il serait de bon aloi de prévoir un encadrement sur ce point.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. J’avais en effet parlé dans mon intervention d’encadrement ou de cadrage, mais cela ne signifiait pas que nous allions obligatoirement soutenir les mesures d’encadrement proposées par le Gouvernement.
Notre groupe partage totalement la position de la commission spéciale – nous étions deux à en être membre. Nous suivrons donc Mme la rapporteure, tout en prêtant attention à ce que vient de dire Mme Primas, qui est tout à fait juste et important à souligner.
Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. S’agissant du nomadisme, on peut en effet craindre que des femmes se rendent dans des centres plus éloignés de leur domicile mais qui pratiquent des prélèvements avec une limite d’âge plus basse.
La marge de manœuvre laissée aux médecins est une souplesse d’appréciation au cas par cas. Ceux-ci décideront non pas de façon globale de prélever à partir de l’âge de 30 ans, mais, en fonction de l’état de santé de la patiente, s’il faut ou non prélever. Ils ne seront pas bornés par un âge fixe prévu dans le décret.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Ainsi présenté, je peux appréhender le caractère prima facie quelque peu rigide du dispositif. Reste que, sans manifester aucune méfiance que ce soit à l’égard des professionnels, nous serions plus à l’aise si une règle uniforme s’appliquait sur l’ensemble du territoire, notamment – je n’entamerai pas sur ce sujet un dialogue avec Mme Cohen, même si celui-ci est fort plaisant – lorsque cette disposition s’articule avec l’ouverture aux établissements privés de la possibilité de l’autoconservation.
Je réitère notre souhait que cette loi de bioéthique, dont c’est tout l’objet, fixe un cadre uniforme sur l’ensemble du territoire pour offrir une équité de traitement à nos concitoyens.
Mme la présidente. L’amendement n° 120 rectifié, présenté par Mme Guillotin, MM. A. Bertrand et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin et Corbisez, Mme Costes, MM. Dantec, Gabouty et Gold, Mme Laborde et MM. Requier et Roux, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 10
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu’une ponction d’ovocytes a lieu dans le cadre d’une procédure d’assistance médicale à la procréation, il est proposé de réaliser dans le même temps une autoconservation ovocytaire.
La parole est à Mme Véronique Guillotin.
Mme Véronique Guillotin. Cet amendement de bon sens vise à proposer aux femmes de réaliser une autoconservation ovocytaire lorsqu’une ponction d’ovocytes est réalisée dans leur parcours d’AMP, afin de leur garantir le bénéfice des risques qu’elles prennent au cours d’un parcours de fécondation in vitro en leur constituant, si elles le souhaitent, une réserve d’ovocytes susceptible de leur être restituée en cas d’arrêt subi de la procédure d’AMP entreprise avec leur conjoint.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Nous avons échangé en commission spéciale sur cet amendement, qui vise à faire face à une situation particulière : le souhait d’engager deux AMP successives avec deux conjoints différents. Est-ce réaliste ? Je ne le sais pas.
La difficulté, c’est que le nombre d’ovocytes prélevés à chaque fois n’est pas très important et qu’il n’est donc pas évident de faire face à deux projets.
Pour autant, la discussion s’est engagée au sein de la commission spéciale et elle a fini par émettre un avis favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Je vais prendre le temps d’expliciter l’avis défavorable du Gouvernement sur cet amendement.
Vous souhaitez qu’il soit proposé aux femmes de réaliser une autoconservation d’ovocytes dans le même temps que le prélèvement d’ovocytes en cours de fécondation in vitro. Nous pouvons comprendre votre démarche au bénéfice des femmes qui s’engagent dans ces parcours longs et difficiles. De fait, celles qui présentent une insuffisance ovarienne débutante souhaitent parfois faire une préservation de fertilité avant ou pendant la conservation in vitro pour augmenter les chances d’avoir plusieurs enfants.
Par ailleurs, ainsi que vous l’évoquez, si une femme a conservé des ovocytes, elle pourra les utiliser ultérieurement en formant un nouveau couple avec un autre homme ; de plus, ces ovocytes seront de meilleure qualité puisque prélevés alors qu’elle était plus jeune.
Pour autant, cette pratique peut, selon nous, induire une perte de chances pour la femme, sur le plan tant de la fécondation in vitro que de l’autoconservation. Cette dernière, en effet, ne portera que sur peu d’ovocytes et ne garantira donc pas un stock suffisant pour préserver correctement la fertilité.
Si cette perte de chances est de plus en plus limitée grâce à l’amélioration des techniques et à la vitrification ovocytaire, notamment, elle reste cependant bien réelle. Surtout, l’autoconservation ovocytaire étant autorisée par ailleurs, rien n’empêche dans les faits de pratiquer une vitrification ovocytaire au cours d’une fécondation in vitro.
Il nous semble donc que la proposition que vous formulez n’a pas à figurer dans la loi. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement y est défavorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Je crois – Mme Guillotin, auteure de l’amendement, pourra le préciser ou me contredire – qu’une confusion est faite. Je dis cela après avoir entendu la rapporteure, qui parfois se laisse aller à ne pas exprimer exactement l’avis de la commission spéciale (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.),…
Mme Sophie Primas. Oh ! Vous exagérez !
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. … même si, in fine, elle le donne tout de même en conclusion. Je le dis, car, depuis le début de notre discussion, nous connaissons la position de notre rapporteure, que par ailleurs j’apprécie beaucoup ; mais je souhaiterais tout de même que l’on expose aussi l’avis de la commission spéciale.
Mme Sophie Primas. Elle prend la peine de le dire à chaque fois !
M. Roger Karoutchi. On a le droit d’avoir un avis personnel !
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Selon moi, cet amendement ne vise pas du tout à prévoir qu’une femme pourra faire plusieurs enfants avec des hommes différents. Il est prévu que, à l’occasion de cette opération, qui est tout de même très lourde pour le corps d’une femme, il ne soit procédé qu’à une seule intervention physique : la ponction d’ovocytes et l’autoconservation seraient faites dans un même temps pour éviter que le corps ne soit sollicité à plusieurs reprises.
La réussite n’est pas automatique en la matière, nous le savons. Ce n’est pas parce que l’on a pu bénéficier d’une implantation que s’ensuivra une grossesse. Il est donc très important de pouvoir agréger le plus grand nombre possible de facteurs favorables.
Un argument pourrait faire hésiter, celui qui tient au nombre insuffisant d’ovocytes. Cet argument est intéressant, mais il n’est pas gênant au regard de cet amendement. Puisqu’il aura été procédé, à la fois, à une ponction d’ovocytes et à une autoconservation, s’il s’avérait qu’il y a plus d’ovocytes que nécessaire – il ne s’agit pas, monsieur le secrétaire d’État, de réduire le nombre d’ovocytes utilisés –, la ponction ayant bénéficié au process d’autoconservation évitera, du coup, que le corps de la femme soit à nouveau sollicité en cas d’échec de cette implantation.
Nous sommes donc favorables à cet amendement, qui vise à préserver l’intégrité du corps de la femme en lui évitant d’être sollicité à plusieurs reprises.
Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour explication de vote.
Mme Véronique Guillotin. Les deux arguments ont été très bien défendus par ma collègue, qui a expliqué quel était l’esprit de l’amendement.
Il s’agit, dans le cadre d’une ponction d’ovocytes en vue d’une PMA, de permettre de « ne pas y revenir » plusieurs fois, ce qui doit éviter les risques infectieux et médicaux inhérents à des opérations aussi lourdes.
Cette solution consistant à prélever des ovocytes à visée de congélation permettrait, dans des cas de rupture de PMA, de poursuivre un projet de grossesse.
Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.
Mme Sophie Primas. En fait, je veux poser une question. Ne faut-il pas préciser dans l’amendement que l’accord de la femme est nécessaire ? La vitrification est-elle systématique ?
Mme Véronique Guillotin. Dans l’amendement, il est écrit : « Il est proposé ». Ce n’est donc pas systématique.
Mme Sophie Primas. Merci !
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Alain Milon, président de la commission spéciale. Je souhaite revenir sur ce qu’a dit Mme de la Gontrie au sujet du rapporteur de la commission spéciale, car cela me semble important.
J’ai souvent entendu des rapporteurs dire en séance : « La commission, contre l’avis du rapporteur, a donné un avis favorable, ou un avis défavorable. » Je n’ai pas entendu Muriel Jourda le dire une seule fois depuis que nous débattons de ce sujet dans cet hémicycle ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. Daniel Chasseing et Yves Détraigne applaudissent également.)
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Je n’ai pas parlé de ça !
M. Alain Milon, président de la commission spéciale. J’ajoute qu’elle s’est efforcée, de manière systématique, de retracer l’évolution de la pensée de la commission spéciale ayant abouti à un vote favorable ou défavorable sans chercher à influencer notre assemblée en fonction de sa propre position. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Yves Détraigne applaudit également.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 120 rectifié.
(L’amendement est adopté.) – (Mme Marie-Pierre de la Gontrie applaudit.)
5
Mise au point au sujet d’un vote
Mme la présidente. La parole est à Mme Colette Mélot.
Mme Colette Mélot. Lors du scrutin n° 69, Franck Menonville et Emmanuel Capus souhaitaient s’abstenir et Robert Laufoaulu et Joël Guerriau souhaitaient voter contre.
Mme la présidente. Acte vous est donné de cette mise au point, ma chère collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de Mme Hélène Conway-Mouret.)
PRÉSIDENCE DE Mme Hélène Conway-Mouret
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
6
Mise au point au sujet d’un vote
Mme la présidente. La parole est à Mme Laure Darcos.
Mme Laure Darcos. Lors du scrutin n° 69, Mme Élisabeth Lamure souhaitait voter contre.
Mme la présidente. Acte vous est donné de cette mise au point, ma chère collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
7
Bioéthique
Suite de la discussion d’un projet de loi dans le texte de la commission
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 6, présenté par Mme Doineau, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 11
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Seuls les établissements de santé publics, privés et privés d’intérêt collectif habilités à assurer le service public hospitalier peuvent, lorsqu’ils y ont été autorisés, procéder au prélèvement, au recueil et à la conservation des gamètes mentionnés au deuxième alinéa du présent I.
La parole est à Mme Élisabeth Doineau.
Mme Élisabeth Doineau. Ceux qui ont suivi nos débats sur l’article 1er auront certainement noté que la commission spéciale a ouvert la conservation des embryons au secteur privé. J’avais demandé qu’il soit précisé qu’il s’agit du secteur privé à but non lucratif, désormais appelé Espic depuis la loi HPST. Je défends ici la même demande de précision pour la conservation des gamètes.
Mme la présidente. L’amendement n° 252, présenté par M. Milon, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 11
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Seuls les établissements de santé publics, privés et privés d’intérêt collectif habilités à assurer le service public hospitalier peuvent, lorsqu’ils y ont été autorisés, procéder au prélèvement, au recueil et à la conservation des gamètes mentionnés au présent I. Cette activité ne peut donner lieu à dépassement d’honoraires.
La parole est à M. Alain Milon.
M. Alain Milon. Mon amendement est sensiblement le même que le précédent. J’y ai simplement ajouté que l’activité ne pouvait donner lieu à dépassement d’honoraires.
Mme la présidente. L’amendement n° 286, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 11
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Seuls les établissements publics de santé ou les établissements de santé privés à but non lucratif habilités à assurer le service public hospitalier peuvent, lorsqu’ils y ont été autorisés, procéder au prélèvement, au recueil et à la conservation des gamètes mentionnés au deuxième alinéa du présent I. Ces activités ne peuvent être exercées dans le cadre de l’activité libérale prévue à l’article L. 6154-1.
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Je vais me permettre de prendre un peu de temps sur ce sujet à la fois important en soi et qui nous semble être un point majeur d’équilibre de l’article, voire du projet de loi dans son ensemble. Je veux rappeler à cette occasion comment a été construit l’article 2.
Si la mesure d’autoconservation des gamètes est défendue par le Gouvernement et partagée par un certain nombre de sénateurs, je le redis, il n’a jamais été dans ses intentions d’y associer une campagne d’incitation, en particulier à l’intention des jeunes femmes. Nous ne sommes confrontés ni à un déficit d’offre ni à un besoin d’augmenter le nombre d’établissements autorisés – je pense notamment aux établissements qui pourraient avoir pour objectif de recruter le plus de candidates possible.
Dans ce contexte, nous ne souhaitons pas modifier l’équilibre des lois relatives à la bioéthique, qui excluent les établissements privés à but lucratif de l’activité de conservation des éléments produits du corps humain. Aux termes de ses travaux, l’Académie nationale de médecine considère d’ailleurs que, pour éviter les « démarches mercantiles, seuls devraient être autorisés les centres publics à but non lucratif, offrant toutes les garanties techniques de succès de conservation des ovocytes ».
Par ailleurs, nous espérons que les gamètes non utilisés seront orientés, si la personne concernée y consent, vers le circuit du don. L’exercice de l’activité de conservation dans les établissements publics ou privés à but non lucratif facilitera, par construction, le transfert des gamètes vers le secteur du don.
Je suis assez confiant sur le fait que les limites posées par le projet de loi, notamment en termes de bornes d’âge – même si nous nous sommes opposés sur ce point lors des discussions de la fin de la matinée –, seront de nature à empêcher une inflation des demandes et un débordement des centres spécialisés.
Nous travaillons d’ores et déjà avec les professionnels de la procréation, notamment du secteur public, pour mieux anticiper la mise en œuvre de ces mesures.
Pour l’ensemble de ces raisons, nous souhaitons revenir au texte initial du Gouvernement, ce que prévoit cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à la bioéthique. Vous vous rappelez, mes chers collègues, que nous avons longuement discuté hier de la possibilité d’ouvrir aux centres privés à but lucratif l’activité de conservation des embryons. Là, il s’agit de l’autoconservation des gamètes.
En matière d’assistance médicale à la procréation, ces centres représentent plus de 50 % de l’activité ; dans de nombreux départements, ils représentent la seule offre médicale disponible. Ils sont soumis aux mêmes contrôles et au même régime d’autorisation et procèdent déjà à l’autoconservation des gamètes en cas de traitement de l’infertilité.
La commission a estimé qu’elle pouvait étendre cette activité à l’autoconservation à des fins personnelles.
La rédaction des deux premiers amendements est similaire, sauf la fin. Celui de M. Milon prévoit en effet qu’il ne pourra pas être pratiqué de dépassements d’honoraires. Je laisse à votre appréciation, mes chers collègues, ce qu’il convient de faire ; en tout cas, la commission a émis un avis favorable sur ces deux amendements et, de ce fait, un avis défavorable sur l’amendement du Gouvernement, qui va dans un sens inverse.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Élisabeth Doineau, pour explication de vote.
Mme Élisabeth Doineau. Je retire mon amendement au profit de celui de M. Milon.
Je précise que si l’amendement du Gouvernement était adopté, il faudrait modifier la dénomination employée. Depuis la loi HPST, il n’y a plus d’établissements de santé privés à but non lucratif, mais des Espic, c’est-à-dire des établissements de santé privés d’intérêt collectif.
Mme la présidente. L’amendement n° 6 est retiré.
Je mets aux voix l’amendement n° 252.
(L’amendement est adopté.)
Mme la présidente. En conséquence, l’amendement n° 286 n’a plus d’objet.
L’amendement n° 200, présenté par Mmes Cohen, Assassi, Apourceau-Poly et Benbassa, M. Bocquet, Mmes Brulin et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud, M. Savoldelli et Mme Lienemann, est ainsi libellé :
Alinéa 19
Remplacer le mot :
dix
par le mot :
cinq
La parole est à Mme Michelle Gréaume.
Mme Michelle Gréaume. Avec cet amendement, nous avons repris l’une des remarques formulées par la fédération des Cécos (centres d’étude et de conservation des œufs et du sperme).
La rédaction actuelle du texte prévoit un délai de dix années consécutives sans réponse de la personne qui a bénéficié d’une conservation de gamètes ou tissus germinaux pour procéder à un arrêt de leur conservation. Ce délai est le même qu’il s’agisse d’une conservation sur indication médicale ou hors indication médicale.
Nous proposons que ce délai de conservation avant destruction en l’absence de réponse au courrier de relance annuel soit réduit à cinq ans si la conservation des gamètes est effectuée en dehors des indications médicales. La démarche de conservation de gamètes hors indication médicale étant volontaire, aucun argument ne pourrait justifier l’absence de réponse au courrier concernant le devenir des échantillons conservés en dehors du décès de la personne.
Cette proposition est de bon sens et facilitera de manière importante, pour les Cécos, la gestion du stockage à long terme des échantillons biologiques des patients perdus de vue. Nous espérons donc qu’elle sera adoptée.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. La commission spéciale n’ayant pas souhaité raccourcir ce délai, l’avis est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 305, présenté par Mme M. Jourda, au nom de la commission spéciale, est ainsi libellé :
Alinéa 22
Supprimer les mots :
et à l’assistance médicale à la procréation
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Sans chercher à relancer le débat – il s’agit d’un simple amendement de coordination –, nous revenons sur l’absence de prise en charge par la sécurité sociale de l’AMP étendue. Il s’agit d’éviter des dispositions redondantes au sein d’un même article du code de la sécurité sociale.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L’amendement n° 306, présenté par Mme M. Jourda, au nom de la commission spéciale, est ainsi libellé :
Alinéa 25
Remplacer les mots :
ou la restauration de la fertilité ou
par les mots :
, la préservation de la fertilité ou la restauration
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de précision. Nous indiquions qu’il fallait restaurer la fertilité : l’expression exacte est « la préservation de la fertilité ou sa restauration ».
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Roger Karoutchi. Très favorable ? (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 294, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 29
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. La commission spéciale a ouvert la possibilité au directeur général de l’ARS d’autoriser un établissement privé à but lucratif à réaliser des activités relatives au don de gamètes dans un département dépourvu d’établissement public ou privé à but non lucratif autorisé à pratiquer cette activité.
Depuis 2004, seuls les établissements publics et privés à but non lucratif peuvent être autorisés à pratiquer cette activité ; 34 établissements de ce type l’exercent effectivement sur le territoire. Par conséquent, il n’existe pas de déficit d’offre de soins dans ce domaine et rien ne justifie de remettre en question l’équilibre de la loi Bioéthique de 2004 – je le redis ici et tiens, en particulier, à être rassurant sur l’offre en outre-mer, qui n’a pas été spécifiquement évoquée.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Nous allons en parler !
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Très bien !
L’offre est assurée par des établissements publics à La Réunion, sur la zone Antilles-Guyane permettant dès lors l’accès des populations concernées à cette activité.
C’est la raison pour laquelle je demande la suppression de la possibilité que vous avez ouverte en commission spéciale.
Mme la présidente. L’amendement n° 222, présenté par Mme Conconne, M. Jacques Bigot, Mmes de la Gontrie, Meunier, Blondin et Rossignol, MM. Daudigny, Jomier, Vaugrenard, Kanner et Fichet, Mme Harribey, M. Montaugé, Mme Monier, M. Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline, Bérit-Débat et Joël Bigot, Mme Bonnefoy, MM. Botrel, M. Bourquin, Boutant et Carcenac, Mme Conway-Mouret, MM. Courteau, Dagbert, Daunis, Devinaz, Durain, Duran et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mmes Féret, M. Filleul et Ghali, M. Gillé, Mmes Grelet-Certenais et Guillemot, M. Jacquin, Mme Jasmin, MM. P. Joly, Kerrouche, Lalande et Leconte, Mme Lepage, M. Lozach, Mme Lubin, MM. Lurel, Magner, Manable, Marie et Mazuir, Mme Perol-Dumont, M. Raynal, Mme S. Robert, MM. Roger, Sueur et Sutour, Mme Taillé-Polian, MM. Temal et Tissot, Mme Tocqueville, MM. Todeschini, Tourenne et Vallini et Mme Van Heghe, est ainsi libellé :
Alinéa 29
Après les mots :
un département
insérer les mots :
ou une collectivité territoriale unique
La parole est à M. Jacques Bigot.
M. Jacques Bigot. Cet amendement a été suggéré par notre collègue Catherine Conconne, afin de tenir compte du fait que les départements de la Martinique et de la Guadeloupe n’existent plus, puisque ce sont désormais des collectivités territoriales uniques.
Je suis très étonné, monsieur le secrétaire d’État, que vous ayez dit que la situation des territoires d’outre-mer était garantie par une offre à La Réunion, couvrant à la fois ce territoire et les Antilles. Il y a, me semble-t-il, une certaine distance entre les deux zones… Cela prouve bien la légitimité de nos revendications, que nous défendons depuis hier et que nous poursuivons ici.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Sur l’initiative de Mme Conconne a été adopté par la commission spéciale un amendement visant à ouvrir la possibilité à un établissement de santé privé à but lucratif de pratiquer, de façon dérogatoire et sur autorisation, l’activité du don de gamètes s’il n’existe pas d’autre offre sur le territoire, soit privée à but non lucratif soit publique. Le Gouvernement entend revenir sur cette disposition par son amendement : l’avis est donc défavorable.
Quant à l’amendement n° 222, il apporte une précision juridique. L’avis est évidemment favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 222 ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. L’avis est défavorable.
Je me permets de répondre au sénateur Bigot, qui a dû mal entendre mon intervention, qu’il n’y a pas une seule offre pour La Réunion et les Antilles, mais bien une offre dans les deux zones. Pour être vraiment précis, sachez que les Martiniquais et les Guyanais sont dirigés vers le centre d’AMP de la Guadeloupe. Je ne voudrais pas que mes propos soient détournés.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Mesdames, messieurs les sénateurs, vous vous apprêtez à voter l’article 2. Je vous ai dit combien le Gouvernement était favorable à une modification du régime de l’autoconservation. Pour autant, vous n’avez pas adopté les garde-fous que nous avions instaurés, c’est-à-dire la mise en place d’un dispositif encadré, notamment par des bornes d’âge fixées par décret en Conseil d’État après avis de l’Agence de la biomédecine. En outre, vous avez voté l’ouverture aux établissements privés à but lucratif de la possibilité de procéder à l’autoconservation.
Ces deux mesures combinées me conduisent à vous appeler à la plus grande prudence. Le Gouvernement n’est donc pas favorable à l’article 2 en l’état et ne pourra qu’essayer de revenir sur sa rédaction à l’Assemblée nationale.
M. Julien Bargeton. C’est honnête de le dire ! (M. Roger Karoutchi s’esclaffe.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 2, modifié.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste et républicain.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 71 :
Nombre de votants | 313 |
Nombre de suffrages exprimés | 238 |
Pour l’adoption | 119 |
Contre | 119 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Article 2 bis
(Supprimé)
Article additionnel après l’article 2 bis
Mme la présidente. L’amendement n° 166 n’est pas soutenu.
Chapitre II
Reconnaître et sécuriser les droits des enfants nés d’assistance médicale à la procréation
Article 3
I A (nouveau). – Au second alinéa de l’article L. 1211-5 du code de la santé publique, le mot : « thérapeutique » est remplacé par le mot : « médicale ».
I. – L’article L. 1244-6 du code de la santé publique est ainsi rédigé :
« Art. L. 1244-6. – Un médecin peut accéder aux informations médicales non identifiantes, en cas de nécessité médicale, au bénéfice d’une personne conçue à partir de gamètes issus d’un don ou au bénéfice d’un donneur de gamètes.
« Ces informations médicales peuvent être actualisées par le donneur de gamètes ou la personne conçue de gamètes issus d’un don auprès des organismes et établissements mentionnés aux deuxième et troisième alinéas de l’article L. 2142-1 du présent code. »
II. – (Non modifié) Au début du second alinéa de l’article L. 1273-3 du code de la santé publique, sont ajoutés les mots : « “Sauf dans le cas prévu à l’article 16-8-1 du code civil, » et, après la seconde occurrence du mot : « couple », sont insérés les mots : « ou la femme non mariée ».
III. – Le titre IV du livre Ier de la deuxième partie du code de la santé publique est complété par un chapitre III ainsi rédigé :
« CHAPITRE III
« Accès aux données non identifiantes et à l’identité du tiers donneur
« Art. L. 2143-1. – Pour l’application du présent chapitre, la notion de tiers donneur s’entend de la personne dont les gamètes ont été recueillis ou prélevés en application du chapitre IV du titre IV du livre II de la première partie du présent code ainsi que du couple, du membre survivant ou de la femme non mariée ayant consenti à ce qu’un ou plusieurs de ses embryons soient accueillis par un autre couple ou une autre femme en application de l’article L. 2141-5.
« Lorsque le tiers donneur est un couple, son consentement s’entend du consentement exprès de chacun de ses membres.
« Art. L. 2143-2. – Toute personne conçue par assistance médicale à la procréation avec tiers donneur peut, si elle le souhaite, accéder à sa majorité aux données non identifiantes de ce tiers donneur définies à l’article L. 2143-3.
« Elle peut également, si elle le souhaite, accéder à sa majorité à l’identité du tiers donneur, sous réserve du consentement exprès de celui-ci exprimé au moment de la demande qu’elle formule en application de l’article L. 2143-5.
« Le consentement exprès des personnes souhaitant procéder au don de gamètes ou d’embryon à la communication de leurs données non identifiantes dans les conditions prévues au premier alinéa du présent article est recueilli avant qu’il soit procédé au don. En cas de refus, elles ne peuvent procéder à ce don.
« Art. L. 2143-3. – I. – Lors du recueil du consentement prévu aux articles L. 1244-2 et L. 2141-5, le médecin collecte l’identité des personnes souhaitant procéder au don de gamètes ou d’embryon ainsi que les données non identifiantes suivantes :
« 1° Leur âge ;
« 2° (Supprimé)
« 3° Leurs caractéristiques physiques ;
« 4° Leur situation familiale et professionnelle ;
« 5° Leur pays de naissance ;
« 6° Les motivations de leur don, rédigées par leurs soins en concertation avec le médecin.
« En cas d’opposition à la collecte de ces données, les personnes ne peuvent procéder au don.
« Les tiers donneurs peuvent procéder à la rectification de ces données en cas d’inexactitude ou à l’actualisation des données mentionnées au 4°.
« II. – Le médecin mentionné au I du présent article est destinataire des informations relatives à l’évolution de la grossesse résultant d’une assistance médicale à la procréation avec tiers donneur et à son issue. Il recueille l’identité de chaque enfant né à la suite du don d’un tiers donneur.
« Art. L. 2143-4. – Les données relatives aux tiers donneurs mentionnées à l’article L. 2143-3, à leurs dons et aux personnes nées à la suite de ces dons sont conservées par l’Agence de la biomédecine dans un traitement de données dont elle est responsable en application du 13° de l’article L. 1418-1, dans des conditions garantissant strictement leur sécurité, leur intégrité et leur confidentialité, pour une durée limitée et adéquate tenant compte des nécessités résultant de l’usage auquel ces données sont destinées, fixée par décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, qui ne peut être supérieure à cent vingt ans.
« Art. L. 2143-5. – La personne qui, à sa majorité, souhaite accéder aux données non identifiantes relatives au tiers donneur ou à l’identité du tiers donneur s’adresse au conseil mentionné à l’article L. 2143-6.
« Art. L. 2143-5-1. – (Supprimé)
« Art. L. 2143-6. – I. – Le Conseil national pour l’accès aux origines personnelles est chargé :
« 1° De faire droit aux demandes d’accès à des données non identifiantes relatives aux tiers donneurs conformes aux modalités définies par le décret en Conseil d’État pris en application du 3° de l’article L. 2143-9 ;
« 2° De traiter les demandes d’accès à l’identité des tiers donneurs conformes aux modalités définies par le décret en Conseil d’État pris en application du même 3° de l’article L. 2143-9, en interrogeant les tiers donneurs pour recueillir leur consentement en application de l’article L. 2143-2 ;
« 3° De demander à l’Agence de la biomédecine la communication des données non identifiantes et de l’identité des tiers donneurs ;
« 3° bis (Supprimé)
« 4° De se prononcer, à la demande d’un médecin, sur le caractère non identifiant de certaines données préalablement à leur transmission au responsable du traitement de données mentionné à l’article L. 2143-4 ;
« 5° De recueillir et d’enregistrer l’accord des tiers donneurs qui n’étaient pas soumis aux dispositions du présent chapitre au moment de leur don pour autoriser l’accès à leurs données non identifiantes ainsi que la transmission de ces données à l’Agence de la biomédecine ;
« 5° bis (nouveau) De contacter les tiers donneurs qui n’étaient pas soumis aux dispositions du présent chapitre au moment de leur don, lorsqu’il est saisi de demandes au titre de l’article L. 2143-5, afin de solliciter et recueillir leur consentement à la communication de leurs données non identifiantes et de leur identité, ainsi qu’à la transmission de ces données à l’Agence de la biomédecine ;
« 6° D’informer et d’accompagner les demandeurs et les tiers donneurs.
« II et III. – (Supprimés)
« Art. L. 2143-7. – Les manquements des membres du Conseil national pour l’accès aux origines personnelles, consistant en la divulgation d’informations sur une personne ou un couple qui a fait un don de gamètes ou a consenti à l’accueil de ses embryons ou sur une personne née à la suite de ces dons, sont passibles des sanctions prévues à l’article 511-10 du code pénal.
« Art. L. 2143-8. – L’Agence de la biomédecine est tenue de communiquer les données mentionnées à l’article L. 2143-3 au Conseil national pour l’accès aux origines personnelles, à la demande de ce dernier, pour l’exercice de ses missions mentionnées à l’article L. 2143-6.
« Art. L. 2143-9. – Les modalités d’application du présent chapitre sont déterminées par décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, notamment :
« 1° La nature des données non identifiantes mentionnées aux 1° à 6° du I de l’article L. 2143-3 ;
« 2° Les modalités de recueil de l’identité des enfants mentionné au II du même article L. 2143-3 ;
« 3° La nature des pièces à joindre à la demande mentionnée à l’article L. 2143-5 ;
« 4° (Supprimé) »
III bis (nouveau). – Le chapitre VII du titre IV du livre Ier du code de l’action sociale et des familles est ainsi modifié :
1° Au début, il est ajouté un article L. 147-1A ainsi rédigé :
« Art. L. 147-1A. – Le Conseil national pour l’accès aux origines personnelles est placé auprès des ministres chargés des affaires sociales et de la santé.
« Il comprend deux formations, l’une compétente pour traiter les demandes relatives aux personnes pupilles de l’État ou adoptées qui ne connaissent pas leurs origines et l’autre compétente pour traiter les demandes relatives aux personnes conçues par assistance médicale à la procréation avec tiers donneur.
« La formation compétente à l’égard des personnes pupilles de l’État ou adoptées qui ne connaissent pas leurs origines est composée d’un magistrat de l’ordre judiciaire, d’un membre de la juridiction administrative, de représentants des ministres concernés, d’un représentant des conseils départementaux, de trois représentants d’associations de défense des droits des femmes, d’un représentant d’associations de familles adoptives, d’un représentant d’associations de pupilles de l’État, d’un représentant d’associations de défense du droit à la connaissance de ses origines, et de deux personnalités que leurs expérience et compétence professionnelles médicales, paramédicales ou sociales qualifient particulièrement pour l’exercice de fonctions en son sein.
« La formation compétente à l’égard des personnes conçues par assistance médicale à la procréation avec tiers donneur est composée d’un magistrat de l’ordre judiciaire, d’un membre de la juridiction administrative, de représentants des ministres concernés, de trois personnalités qualifiées choisies en raison de leurs connaissances ou de leur expérience dans le domaine de l’assistance médicale à la procréation ou des sciences humaines et sociales et de six représentants d’associations dont l’objet relève du champ d’intervention de la formation.
« Afin de répondre aux demandes dont il est saisi, le Conseil national pour l’accès aux origines personnelles peut utiliser le numéro d’inscription des personnes au répertoire national d’identification des personnes physiques et consulter ce répertoire. Les conditions de cette utilisation et de cette consultation sont fixées par décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.
« Les modalités d’application du présent article sont déterminées par décret en Conseil d’État. » ;
2° Après l’article L. 147-1A tel qu’il résulte du 1° du présent III bis, est insérée une section 1 intitulée : « Missions à l’égard des personnes pupilles de l’État ou adoptées qui ne connaissent pas leurs origines » qui comprend les articles L. 147-1 à L. 147-11 ;
3° L’article L. 147-1 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « , placé auprès du ministre chargé des affaires sociales, » sont supprimés et, à la fin, les mots : « au présent chapitre » sont remplacés par les mots : « à la présente section » ;
b) Le dernier alinéa est supprimé ;
4° À l’article L. 147-11, les mots : « du présent chapitre » sont remplacés par les mots : « de la présente section » ;
5° Est ajoutée une section 2 intitulée : « Missions à l’égard des personnes conçues par assistance médicale à la procréation avec tiers donneur » qui comprend un article L. 147-12 ainsi rédigé :
« Art. L. 147-12 – Le Conseil national pour l’accès aux origines personnelles exerce les missions qui lui sont confiées dans le cadre du chapitre III du titre IV du livre Ier de la deuxième partie du code de la santé publique. »
IV. – Le code civil est ainsi modifié :
1° (nouveau) Au second alinéa de l’article 16-8, le mot : « thérapeutique » est remplacé par le mot : « médicale » ;
2° Après l’article 16-8, il est inséré un article 16-8-1 ainsi rédigé :
« Art. 16-8-1. – Dans le cas d’un don de gamètes ou d’embryons, les receveurs sont les personnes qui ont donné leur consentement à l’assistance médicale à la procréation.
« Le principe d’anonymat du don ne fait pas obstacle à l’accès de la personne majeure née d’une assistance médicale à la procréation avec tiers donneur, sur sa demande, à des données non identifiantes ou à l’identité de ce tiers donneur, dans les conditions prévues au chapitre III du titre IV du livre Ier de la deuxième partie du code de la santé publique. »
V. – (Non modifié) À l’article 511-10 du code pénal, au début, sont ajoutés les mots : « Sauf dans le cas prévu à l’article 16-8-1 du code civil, » et, après la seconde occurrence du mot : « couple », sont insérés les mots : « ou la femme non mariée ».
VI. – A. – Les articles L. 1244-2, L. 2141-5, L. 2143-3, L. 2143-5, L. 2143-6 et L. 2143-8 du code de la santé publique, dans leur rédaction résultant de la présente loi, entrent en vigueur le premier jour du treizième mois suivant la promulgation de la présente loi.
B. – Les articles L. 2143-4 et L. 2143-7 du code de la santé publique, dans leur rédaction résultant de la présente loi, entrent en vigueur à une date fixée par décret, et au plus tard le premier jour du treizième mois suivant la promulgation de la présente loi.
C. – À compter d’une date fixée par décret, ne peuvent être utilisés pour toute tentative d’assistance médicale à la procréation que les gamètes et les embryons proposés à l’accueil pour lesquels les donneurs ont consenti à la transmission de leurs données non identifiantes en cas de demande des personnes nées de leur don.
D. – À la veille de la date fixée par le décret prévu au C du présent VI, il est mis fin à la conservation des embryons proposés à l’accueil et des gamètes issus de dons réalisés avant le premier jour du treizième mois suivant la promulgation de la présente loi.
VII. – A. – L’article L. 2143-2 du code de la santé publique s’applique aux personnes conçues par assistance médicale à la procréation avec tiers donneur à compter de la date fixée par le décret prévu au C du VI du présent article.
B. – Les tiers donneurs dont les embryons ou les gamètes sont utilisés jusqu’à la date fixée par le décret prévu au C du VI du présent article peuvent manifester auprès du conseil mentionné à l’article L. 2143-6 du code de la santé publique leur accord à la transmission aux personnes majeures nées de leur don de leurs données non identifiantes d’ores et déjà détenues par les organismes et établissements mentionnés au troisième alinéa de l’article L. 2142-1 du même code et à être recontactés en cas de demande d’accès à leur identité par ces mêmes personnes. Si le donneur faisait partie d’un couple et que le consentement de l’autre membre du couple a été recueilli au moment du don de gamètes en application de l’article L. 1244-2 dudit code, le donneur doit transmettre aux organismes et établissements susmentionnés, dans les conditions fixées par décret en Conseil d’État, le consentement de cette personne s’il forme toujours un couple avec elle. Le consentement de cette personne doit également être transmis à l’organisme mentionné à l’article L. 2143-6 du même code lorsque le donneur forme toujours un couple avec elle et accepte la demande d’une personne majeure née de son don d’accéder à son identité. À défaut, il ne peut être fait droit à la demande d’accès à l’identité du donneur.
B bis. – À compter du premier jour du treizième mois suivant la promulgation de la présente loi, et au plus tard l’avant-veille de la date fixée par le décret prévu au C du VI du présent article, les tiers donneurs qui ont effectué un don avant l’entrée en vigueur de l’article L. 2143-2 du code de la santé publique peuvent également se manifester auprès des organismes et établissements mentionnés au troisième alinéa de l’article L. 2142-1 du même code pour donner leur accord à l’utilisation, à compter de la date fixée par le décret prévu au C du VI du présent article, de leurs gamètes ou embryons qui sont en cours de conservation. Ils consentent alors expressément, dans les conditions fixées par décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, à la communication de leurs données non identifiantes aux personnes majeures conçues, à partir de cette date, par assistance médicale à la procréation à partir de leurs gamètes ou de leurs embryons qui en feraient la demande et à être recontactés en cas de demande d’accès à leur identité. Si le donneur faisait partie d’un couple et que le consentement de l’autre membre du couple a été recueilli au moment du don de gamètes en application de l’article L. 1244-2 dudit code, le donneur doit transmettre aux organismes et établissements susmentionnés, dans les conditions fixées par décret en Conseil d’État, le consentement de cette personne s’il forme toujours un couple avec elle. Le consentement de cette personne doit également être transmis à l’organisme mentionné à l’article L. 2143-6 du même code lorsque le donneur forme toujours un couple avec elle et accepte la demande d’une personne majeure née de son don d’accéder à son identité. À défaut, il ne peut être fait droit à la demande d’accès à l’identité du donneur.
C. – Les personnes majeures conçues par assistance médicale à la procréation avec tiers donneur à partir des embryons ou des gamètes utilisés jusqu’à la date mentionnée au C du VI du présent article peuvent se manifester, si elles le souhaitent, auprès du conseil mentionné à l’article L. 2143-6 du code de la santé publique pour demander l’accès aux données non identifiantes du tiers donneur détenues par les organismes et établissements mentionnés au troisième alinéa de l’article L. 2142-1 du même code et, le cas échéant, à l’identité de ce tiers donneur.
D. – Le conseil mentionné à l’article L. 2143-6 du code de la santé publique fait droit aux demandes d’accès aux données non identifiantes du tiers donneur qui lui parviennent en application du C du présent VII si le tiers donneur s’est manifesté conformément au B.
E. – Les organismes et établissements mentionnés au troisième alinéa de l’article L. 2142-1 du code de la santé publique sont tenus de communiquer au conseil mentionné à l’article L. 2143-6 du même code, sur sa demande, les données nécessaires à l’exercice des missions de celle-ci qu’ils détiennent.
F. – Les B, B bis et C du présent VII sont applicables le premier jour du treizième mois suivant la promulgation de la présente loi.
VIII. – (Supprimé)
Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Je veux exposer sommairement l’objet de l’article 3 : il s’agit de la levée de l’anonymat du donneur de gamètes, avec la possibilité de révéler soit des informations non identifiantes, soit l’identité exacte du donneur, soit les deux.
Jusqu’à présent, vous le savez, mes chers collègues, il existe un principe général de bioéthique qui est l’anonymat. Cela signifie que l’identité de celui qui donne n’est pas connue de celui qui reçoit et que l’identité de celui qui reçoit n’est pas connue de celui qui donne.
Dans le don de gamètes, les choses sont plus complexes du fait qu’il y a une troisième personne issue du don : l’enfant. Le principe de l’anonymat lui a été étendu, de sorte qu’il ne connaît pas non plus le nom du donneur de gamètes, tout comme ce dernier ne connaît pas l’identité des enfants qu’il a pu engendrer par son don.
Cette situation a créé un malaise chez un certain nombre d’enfants issus du don, qui s’en sont fait l’écho médiatiquement – vous les avez sans doute déjà entendus – et qui ont fait part de la nécessité pour eux, pour leur construction psychique, de connaître l’identité de la personne qui avait donné un gamète pour permettre leur naissance. Le Gouvernement et l’Assemblée nationale ont conclu à la nécessité d’une levée de l’anonymat.
Je dois préciser que, sur le nombre d’enfants nés du don, évalués à environ 70 000 en France, quoique les chiffres soient assez fluctuants, il semblerait – là aussi, nous avons des données assez parcellaires – qu’il n’y ait pas de majorité, loin de là, désireuse de connaître l’identité du donneur de gamètes. Un certain nombre d’enfants, ainsi qu’une association que nous avons auditionnée, ont même indiqué qu’ils ne souhaitaient pas la levée de l’anonymat.
La difficulté de la levée de l’anonymat est connue : il s’agit du risque de pénurie, mais nous ne savons pas quelle ampleur elle pourrait prendre. En effet, le public qui donnait ne sera pas nécessairement celui qui continuera à le faire avec ce nouveau régime, qui suppose tout de même d’indiquer son identité.
Ce risque de pénurie entraîne un autre risque qui va à l’encontre d’un principe bioéthique extrêmement important : la marchandisation des gamètes, c’est-à-dire la patrimonialisation du corps humain, que nous interdisons en droit français.
Mme la présidente. Madame le rapporteur, vous avez épuisé votre temps de parole. Je vous invite à conclure.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. J’essaye de poser le cadre général du débat, mais je vais conclure, madame la présidente.
En Angleterre, par exemple, il y a eu une baisse subite des dons, lesquels ont repris ensuite. Je rappelle tout de même que l’exemple de l’Angleterre, souvent cité, est sensiblement différent de celui de la France, puisque là-bas les donneurs perçoivent une indemnité.
L’ensemble de ces éléments a conduit la commission spéciale à adopter un dispositif différent de celui de la levée systématique de l’anonymat. L’enfant né du don sollicitera la possibilité de connaître le nom du donneur ou ses données non identifiantes et le donneur sera à son tour sollicité pour faire droit ou non à cette demande, évidemment avec un accompagnement de l’un comme de l’autre. Je précise que nous avons étendu ce dispositif à l’ensemble des enfants nés du don, c’est-à-dire à ceux qui sont nés avant que ce projet de loi n’apparaisse.
Voilà le contexte général dans lequel vont s’inscrire nos discussions.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, sur l’article.
Mme Laurence Cohen. Cet article est l’un des plus emblématiques de ce projet de loi. Nous nous apprêtons en effet à permettre aux enfants nés par PMA d’accéder à certaines informations concernant leur donneur. Là aussi, la question est délicate et sensible. Doit-on considérer que le principe de l’anonymat du don entre en contradiction avec le droit de l’enfant d’avoir accès à ses origines ?
Nous avons entendu plusieurs associations d’enfants nés par PMA. Pour certaines d’entre elles, pouvoir disposer de ces données est indispensable à la construction individuelle. Cette impossibilité est pour l’heure source de souffrances. Pour d’autres, au contraire, cette quête d’identité, qui peut également être source de souffrances et de déception, n’est en rien utile, tant ces enfants font primer la parentalité sociale sur le biologique. Ceux-ci ont grandi et évolué dans une famille où ils ne ressentent pas le besoin d’en savoir plus sur leur géniteur.
Bien sûr, je distingue, dans les deux cas, le fait d’informer son enfant de son mode de conception du fait d’accéder à ses origines. On ne sait que trop combien les secrets, les non-dits, peuvent être lourds de conséquences dans une famille, notamment en termes d’histoire individuelle. Je fais partie de celles et ceux qui pensent qu’il faut révéler dès son plus jeune âge à l’enfant son mode de conception.
La question posée par l’article 3 est de savoir jusqu’où nous irons dans la transmission des données relatives au tiers donneur. S’agit-il uniquement des données non identifiantes ou bien également de son identité ?
Il me semble que l’article, tel qu’il a été réécrit par la commission spéciale, est satisfaisant : d’un côté, au moment du don, le donneur doit exprimer son consentement à fournir ses données non identifiantes en cas de demande de l’enfant à sa majorité ; de l’autre, lors de la demande de l’enfant – donc, au minimum, dix-huit ans après le don –, on sollicite le donneur pour savoir s’il accepte ou non de révéler son identité. Cela revient à considérer que les données non identifiantes sont les plus importantes et que l’identité du donneur peut être davantage source de troubles pour l’équilibre de la famille. Toutefois, je m’interroge également sur le fait que, en fonction du choix du donneur, les enfants ne seront pas placés devant le même régime, ils n’auront pas accès aux mêmes choses.
J’en termine avec deux points.
D’une part, pour moi, le principe de l’anonymat du don est garanti, et c’est essentiel. En effet, la garantie de l’anonymat entre le donneur et le couple receveur, au moment du don, empêche de pouvoir choisir son enfant – pardonnez-moi l’expression – sur catalogue.
D’autre part, la levée de l’anonymat peut entraîner une baisse des dons et, donc, une pénurie de gamètes. Aussi, je plaide pour la mise en place d’une campagne nationale, monsieur le secrétaire d’État, afin de sensibiliser l’opinion à cette question et d’accorder plus de moyens aux Cécos.
Mme la présidente. La parole est à M. Yves Daudigny, sur l’article.
M. Yves Daudigny. L’article 3 crée, dans sa version initiale, un droit d’accès, pour les personnes nées d’un don de gamètes, aux données non identifiantes et à l’identité du donneur, à partir de l’âge de 18 ans. Cet article revient ainsi sur le principe d’anonymat opposable aux enfants nés d’un don de gamète ou d’embryons, principe issu de la loi du 29 juillet 1994 et conservé lors de la révision de la loi Bioéthique de 2011.
Les personnes nées d’un don auront simplement la possibilité, si elles le souhaitent et à condition qu’elles sachent qu’elles sont nées d’un don, de saisir une commission dédiée, à l’instar de ce qui se passe en Suède, en Autriche, en Norvège, au Royaume-Uni, aux Pays-Bas, en Finlande ou encore en Allemagne. Les pays conservant un anonymat absolu, comme la France, se trouvent de plus en plus isolés en Europe.
Pourquoi lever ce voile ?
Une fois encore, la pratique n’a pas attendu la loi. Le principe d’anonymat devient obsolète en raison du développement des technologies génétiques, lesquelles permettent d’avoir facilement accès à ses données génétiques et, donc, de retrouver, éventuellement, son géniteur.
Il ne me paraît plus possible de méconnaître l’importance des quêtes identitaires de l’enfant et son besoin de se situer dans une histoire familiale. Les personnes conçues par ce biais et cherchant à connaître leurs origines génétiques ont déjà des parents ; ils sont non pas dans une quête affective ou à la recherche d’une famille, mais à la recherche d’une partie de leur histoire et de leur identité.
Par ailleurs, cela évite le risque de consanguinité et permet de connaître ses antécédents médicaux.
C’est un changement culturel assumé au nom, non de l’intérêt supérieur de l’enfant, mais de son meilleur intérêt.
L’accès à l’identité n’est pas un droit à la rencontre, qui pourrait venir percuter la vie du donneur. Celui-ci n’est pas un parent de substitution ; il est un donneur de gamètes. Il s’agit simplement de permettre à ceux qui le désirent d’avoir accès à un morceau non négligeable de leur identité, cela répond à un besoin profond chez certains enfants nés d’un don.
C’est donc un droit à l’identité, qui permet que chacun puisse avoir un accès aux informations permettant d’établir quelques racines de son histoire et les circonstances de sa naissance. L’ignorance des origines est souvent une cause de souffrances mise en lumière par des psychiatres, des psychanalystes et des sociologues.
Pour toutes ces raisons, nos amendements viseront à revenir à la philosophie initiale du texte, en ne distinguant pas entre les modalités d’accès aux données non identifiantes et les moyens de connaître l’identité du donneur.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, sur l’article.
M. Daniel Chasseing. L’article 3 propose, dans sa version initiale, le droit, pour les personnes nées d’une AMP avec tiers donneur, d’accéder, à leur majorité, à l’identité de celui-ci. Il revient ainsi sur le régime actuel, qui garantit l’anonymat des donneurs de gamètes.
Il me semble préférable de laisser au donneur la liberté de communiquer ou non son identité à l’enfant, à la majorité de celui-ci. J’ai proposé à la commission spéciale un amendement allant en ce sens. Celle-ci a modifié l’article pour adopter ce système.
Ainsi, tous les enfants pourront avoir accès aux données non identifiantes du tiers donneur, notamment aux antécédents médicaux, mais seuls les donneurs qui le souhaitent donneront leur identité aux enfants issus de leur don. Je pense que ce système est préférable, afin de ne pas décourager les donneurs et de préserver leur vie privée et celle de leur conjoint.
La mission consistant à mettre en œuvre ce droit est confiée au Conseil national pour l’accès aux origines personnelles, le CNAOP, ce qui me satisfait.
Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Primas, sur l’article.
Mme Sophie Primas. Ce sujet est extrêmement complexe et très personnel.
Je partage en grande partie les propos tenus à l’instant par Mme Cohen, à une différence près : je me place résolument du côté de l’enfant, du futur adulte, de l’adulte ou, parfois, de la personne vieillissante. En effet, cette personne, à un moment de sa vie – quand elle sera ado, quand elle se mariera, quand elle aura des enfants ou encore quand elle perdra l’un de ses parents de vie –, se posera la question de son origine. Sans vouloir faire du café du commerce, pour avoir été plusieurs fois témoin de personnes découvrant, autour de moi, qu’elles ne connaissaient pas leur identité biologique, je peux vous affirmer que cela peut prendre toute la place dans la vie, cela peut devenir une véritable obsession.
Si je comprends la nécessité de conserver l’anonymat au moment du don, car il ne faut pas faire de sélection – on ne doit évidemment pas faire d’eugénisme en choisissant le donneur –, je pense aussi qu’il faut laisser aux enfants nés de cette technique de procréation le droit de chercher leurs origines.
Il s’agit ici d’un choix extrêmement personnel, mais je voulais faire part du mien, car je pense que l’on doit parler de l’intérêt de ces enfants devenus adultes, puis personnes âgées.
Mme la présidente. L’amendement n° 240 rectifié, présenté par M. L. Hervé, Mme Billon, M. Cigolotti et Mme Férat, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Loïc Hervé.
M. Loïc Hervé. Cet amendement de suppression de l’article est fondé sur ma volonté de ne pas voir évoluer le droit en la matière.
Je comprends les arguments de nos collègues, qui se fondent sur un besoin légitime de la personne née d’un don. Reste que, si les éléments permettant l’identification sont laissés à la discrétion du donneur, au moment du don, cela aboutira à la création de régimes différenciés, selon que le donneur veut ou non se faire connaître. Ce faisant, alors que le mot « égalité » fait l’objet, pour certains d’entre nous, dont je ne suis pas, d’une forme d’obsession conduisant à vouloir offrir les mêmes droits à toutes les personnes nées à l’issue d’un même processus technique, certains enfants – ceux qui seront nés des gamètes d’un donneur ayant refusé la transmission d’un certain nombre d’éléments – se heurteront au mur du refus.
En outre, moi qui siège à la CNIL, je me demande en quoi consistent ces données non identifiantes. Seront-elles suffisantes pour répondre à la soif d’informations d’un enfant né d’un don ?
Je souhaite donc que soit maintenu un principe éthique des différentes lois relatives à la bioéthique et qui n’a jamais été remis en cause : l’anonymat.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. La commission spéciale n’a pas méconnu l’ensemble des arguments qui viennent d’être évoqués. Il s’agit, là encore – comme d’habitude, depuis mardi dernier –, d’une décision extrêmement difficile à prendre.
Il y a plusieurs intérêts en jeu : celui des enfants qui veulent savoir – même s’il y a aussi des enfants, majoritaires, me semble-t-il, qui ne veulent pas savoir –…
M. Loïc Hervé. Eh oui !
Mme Muriel Jourda, rapporteur. … et celui du donneur, le respect de sa vie privée. Être contacté dix-huit ans après avoir fait un don, voire un peu plus, peut représenter une irruption tout à fait néfaste dans la vie du donneur et sans commune mesure avec le geste altruiste qu’il a pu faire.
M. Loïc Hervé. Bien sûr !
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Nous avons donc tenté de trouver un équilibre, consistant à permettre, au travers d’un double cliquet – le fait à la fois de demander l’accès à ces informations et d’obtenir l’accord de la personne qui est à l’origine du don – et par l’intermédiaire de la structure désignée, d’entretenir, avec chaque acteur, une discussion, une analyse, une avancée sur ce qu’il convient de faire, sur la décision vers laquelle l’un et l’autre doivent s’acheminer.
C’est un système que nous pensons juste et équilibré, autant que faire se peut. La commission spéciale a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Je vais revenir sur quelques-uns des points évoqués dans les prises de parole sur l’article, quitte à anticiper sur des débats à venir. Je veux au préalable rappeler, pour qu’il n’y ait aucune confusion, que l’anonymat du don d’éléments et de produits du corps humain, qui relève des grands principes qui structurent notre cadre bioéthique, n’est pas remis en cause. Ce principe s’exerce entre un donneur et un receveur. Or l’enfant né d’un don de gamètes constitue un tiers, tant à l’égard du donneur qu’à l’égard du receveur. Donc, j’y insiste, l’anonymat du don n’est pas remis en cause dans le système que nous proposons.
Cela dit, effectivement, les pédopsychiatres confirment la difficulté de se construire dans le secret et la frustration suscitée par ce qui s’apparente à un trou noir dans l’histoire et le récit des personnes nées de PMA avec don. Ainsi, le Gouvernement prévoit de compléter le cadre actuel de l’assistance médicale à la procréation avec tiers donneur, en accordant aux seules personnes conçues par don anonyme qui le souhaiteront un droit d’accès à des informations relatives au donneur, y compris à son identité. Il n’est pas question de permettre au donneur ni au receveur de connaître l’identité l’un de l’autre, ni au moment du don ni ultérieurement, et personne ne fait ni ne doit faire l’amalgame entre un père et un donneur ; c’est un constat qui me paraît consensuel et qui a encore été souligné à l’occasion des États généraux de la bioéthique.
Par conséquent, cette ouverture ne menace en rien la famille fondée sur une filiation juridique et sociale ; un donneur n’est pas un parent, je le répète, ce n’est pas sa vocation, ce n’est pas ce que nous instaurons et ce n’est pas le sens de son geste. Toutefois, il est une pièce de l’identité de l’enfant que l’on ne peut pas dérober à ce dernier.
Mettons-nous un instant à la place de ces enfants,…
M. Gérard Longuet. Enfin !
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. … comme vous nous y invitez, madame la sénatrice Primas. Un certain nombre d’entre eux nous indiquent avoir besoin, dans leur construction, dans leur développement, dans leur épanouissement, de connaître l’identité de leur donneur.
Pour autant, madame la rapporteure, ceux qui ne le souhaiteront pas n’y seront pas obligés ; ceux qui ne veulent pas connaître l’identité du donneur n’auront aucune obligation à en être informés, ils n’auront pas l’identité du donneur parmi leurs cadeaux d’anniversaire à leur majorité. De même, à l’inverse, connaître l’identité ne constitue pas un droit à la rencontre.
Or le système vers lequel vous êtes en train de vous diriger, mesdames, messieurs les sénateurs, consiste, du point de vue de l’enfant, à institutionnaliser le fait que certains auront le droit de connaître l’identité de leur donneur et que d’autres, non. Ainsi, à partir de l’adolescence – moment important de la construction de l’identité –, ces enfants commenceront à se poser, tel un supplice chinois, chaque jour, chaque semaine jusqu’à leurs 18 ans, la question de savoir si leur donneur sera ou non d’accord pour qu’ils connaissent son identité. Puis, patatras, le jour de leurs 18 ans, ils se heurteront à une porte fermée !
Tel est le système que vous êtes en train d’institutionnaliser. En soumettant la révélation de l’identité du donneur à l’accord de celui-ci, ce dispositif sera délétère pour une grande partie des enfants qui se verront refuser l’accès à ces données. Alors que, tout au long de la construction de leur identité, ils auront pu espérer la révélation de l’identité du donneur, cette porte leur sera fermée, je le répète, à 18 ans.
J’ai envie de vous dire, un peu par provocation – vous m’en excuserez –, qu’il vaut mieux, dans ce cas, préserver les fameux secrets de famille ; ne bougeons pas, ne créons pas une inégalité, un supplice de plus pour ces enfants.
M. Bruno Retailleau. Ils ont sauté avec l’instauration de la PMA pour tous, les secrets de famille !
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Voilà ce que j’avais à vous dire à cet égard.
Par ailleurs, le projet du Gouvernement, confirmé par les députés, prévoyait que cette réforme ne valait que pour l’avenir. Il prévoyait aussi que les anciens donneurs ne seraient pas sollicités, mais qu’ils pourraient, sur leur initiative, se manifester auprès de la commission s’ils étaient favorables à la communication de leur identité aux personnes nées de leurs dons qui en feraient demande. Votre commission spéciale a adopté un amendement ayant pour objet de prévoir que l’on recherche les anciens donneurs. Nous aurons l’occasion d’y revenir ; nous avions prévu une campagne incitant les anciens donneurs à se rapprocher de la commission, sans le caractère systématique que vous prévoyez.
Enfin, dans les pays qui ont déjà modifié leur législation sur ce point, on a observé, c’est vrai, une baisse du nombre de donneurs de gamètes au moment du changement de législation. Il est vrai aussi que cette tendance s’est inversée et a fini par se stabiliser. Il est également vrai que la nature des donneurs et les raisons pour lesquelles ces derniers donnent ont changé ; ce ne sont plus les mêmes donneurs. Pour autant, cela ne veut pas dire qu’il y a moins de donneurs.
Je me permets de vous rappeler à cet égard que l’ouverture de la PMA aux femmes ne nécessite, a priori, que des spermatozoïdes et non des gamètes féminins. Or il n’existe aujourd’hui aucune tension sur les dons de spermatozoïdes ; depuis que les personnes n’ayant pas eu d’enfant ont le droit de donner leurs gamètes, il n’y a plus de pénurie de spermatozoïdes.
Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, quelques points sur lesquels nous aurons l’occasion de revenir. Vous le comprendrez, je serai particulièrement tenace sur la question de l’identité du donneur, parce que cela me semble fondamental pour les enfants de ce pays qui seraient nés d’un don. Le Gouvernement a donc émis un avis défavorable sur cet amendement de suppression.
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. L’intelligence artificielle – je rappelle que ses données échappent au contrôle national – permettra à peu près certainement à tout enfant de remonter, avec une probabilité forte, à son parent, qui n’est certes qu’un donneur, mais qui sera ressenti, par l’enfant devenu adulte, comme tel.
Vous avez tout à fait raison, monsieur le secrétaire d’État, un donneur n’est pas un père, mais, quand on avance en âge, on s’intéresse beaucoup plus à ses parents que lorsque l’on est jeune – parfois, lorsque l’on est jeune, on les subit. On cherche à les comprendre et à savoir d’où l’on vient. D’ailleurs, les généalogistes vous le diront, ils sont très sollicités par des gens qui ont largement dépassé l’âge de l’adolescence et des crises post-pubertaires.
Il est assez légitime, quand on est un être humain, de se raccrocher à ses ascendants, à son histoire, à ses racines. Il y aura, pour cela, quoiqu’en dise la loi, un outil : le fichage absolu de toutes les données par des systèmes d’hébergement que, à cet instant, l’autorité nationale n’est pas, je le répète, en mesure de contrôler.
J’ai donc presque envie de vous soutenir dans votre volonté de lever l’anonymat du don, parce que, de toute façon, un donneur reste un parent, que vous le vouliez ou non. C’est un parent qui surgit dans un couple – je parle bien du couple, non de l’enfant – comme un intrus. Or cet intrus peut jouer un rôle considérable dans la maturation psychologique de l’enfant. C’est donc quelqu’un qui dérange ceux qui l’ont sollicité, mais qui rassure celui qui en est issu.
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.
M. Bernard Jomier. Il nous faut, pour de nombreuses raisons, tourner la page du secret, qui n’est plus adaptée aux demandes des enfants nés de dons et qui produit beaucoup de dégâts. Il faut tourner cette page en garantissant un double respect.
D’une part, il faut respecter les donneurs et les conditions dans lesquelles ils ont effectué leur don. À cet égard, je soutiens sans réserve la position de la commission spéciale, qui estime, puisque l’on change le cadre du don, qu’il faut contacter les anciens donneurs pour leur demander s’ils acceptent ce changement. Sans cela, il faudrait détruire ces gamètes, ce qui n’est pas souhaitable, en raison notamment du risque de pénurie.
D’autre part, il faut respecter l’intérêt supérieur de l’enfant, qui est d’avoir le droit de connaître ses origines, pour des raisons tant psychologiques que médicales. La connaissance des antécédents médicaux est importante. En cette matière, les données non identifiantes sont très clairement identifiantes. Il est donc inutile de s’accrocher à cette ligne de démarcation. Par conséquent, je soutiens la position du Gouvernement qui consiste à ne pas créer deux catégories différentes : les enfants qui auraient le droit de connaître leurs origines et ceux qui ne pourraient pas exercer ce droit parce que le donneur le refuserait. Il faut éviter de créer une inégalité entre les enfants.
Je ne soutiendrai donc évidemment pas cet amendement, qui tend à proposer d’en rester à un système qui n’est pas efficient et qui provoque, c’est peut-être compassionnel de le dire, beaucoup de malheur.
Mme la présidente. La parole est à Mme Élisabeth Doineau, pour explication de vote.
Mme Élisabeth Doineau. J’appuie les propos de Bernard Jomier.
J’ai pour ma part nourri ma réflexion de mon expérience de présidente d’un conseil de famille, dans lequel on examine la situation des enfants nés sous X et celle des parents – des mères seules, souvent – qui ont décidé d’accoucher sous X. Certaines de ces femmes choisissent – ce sera le cas des donneurs – de fournir leurs données. Cela est absolument nécessaire pour certains enfants. Il n’y a qu’à voir la progression de ces personnes quand, à l’adolescence ou à l’âge adulte, elles accèdent à ces données, même si celles-ci sont infimes ; cela leur permet de se construire.
Dans le cadre des conseils de famille, avant de confier les enfants nés sous X à des familles d’accueil, on leur demande souvent de constituer un album sur les premiers jours de vie. Rien que le fait de disposer de ces albums, qui atterrissent dans les mains du jeune en construction, qui devient, à sa majorité, adulte, permet à ces individus de se construire.
J’ai aussi nourri ma réflexion des propos de la sociologue Irène Théry, selon qui, aujourd’hui, on « distill[e] parcimonieusement “des renseignements non identifiants”, sans paraître se rendre compte de ce raffinement de cruauté ». C’est terrible pour certains enfants, pas pour tous – certains ne demandent rien –, mais pour ceux qui veulent se construire ; c’est un besoin essentiel. Sans cela, il s’agit, je le répète, d’un « raffinement de cruauté ».
Mme la présidente. La parole est à M. Loïc Hervé, pour explication de vote.
M. Loïc Hervé. Je maintiens évidemment mon amendement.
Je relève de cette discussion que des éléments de doute subsistent quant aux conséquences mêmes de ce nouveau droit.
Je veux demander au Gouvernement si l’on a étudié la question de l’apparition d’une éventuelle jurisprudence judiciaire ou administrative en la matière. À partir du moment où l’on constitue un droit opposable, le juge ne pourra-t-il pas se poser la question du rétablissement du principe d’égalité et passer outre la décision du donneur de ne pas révéler son identité ?
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique de Legge, pour explication de vote.
M. Dominique de Legge. Ce débat n’est pas simple.
Jusqu’à présent, on garantissait l’anonymat du don, parce qu’il s’agissait d’organes. Nous sommes là face à un cas de figure différent : il ne s’agit pas de réparer ; les gamètes contribuent à donner la vie. Il est donc normal de se poser la question de savoir si la règle générale applicable au don d’organes l’est aussi, compte tenu de cette particularité, au don de gamètes.
J’ai une deuxième difficulté : on nous explique d’abord que, au fond, la PMA n’est pas très grave pour l’enfant, lequel peut être conçu sans père ; on nous explique ensuite que, pour sa construction, il faut quand même que cet enfant puisse avoir accès à ses origines… J’ai encore plus de mal à comprendre comment on met tout cela en cohérence avec l’article 4 portant sur la filiation.
M. Bruno Retailleau. Bien sûr !
M. Dominique de Legge. On va ainsi avoir accès à un père, qui n’est pas un père mais qui est un géniteur, et on va appliquer un dispositif qui me semble terriblement incompréhensible.
Je n’ai pas de réponse à mes questions, mais j’aimerais bien que vous nous aidiez à résoudre toutes ces contradictions, monsieur le secrétaire d’État. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Loïc Hervé applaudit également.)
Dans ce cadre, la commission spéciale vise à surfer entre les deux positions, en indiquant que, si le donneur ne s’y oppose pas, l’enfant pourrait accéder aux données ; mais on se rend bien compte que ce n’est pas satisfaisant, au regard de l’égalité de droit entre enfants. En effet, selon que le géniteur s’y oppose ou non, on n’a pas le même droit.
Monsieur le secrétaire d’État, puisque c’est vous qui défendez ce projet de loi, auriez-vous la gentillesse de bien vouloir nous expliquer comment vous-même levez toutes ces contradictions ?
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Corbisez, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Corbisez. Je suis troublé, parce que, si j’ai voté pour l’ouverture de la PMA aux couples homosexuels et aux femmes seules, je réalise au fil des débats que l’on commence à avoir le bras engagé, moralement, politiquement, dans des choses qui me gênent beaucoup.
Dans mon esprit, quand on aide à la création d’un projet familial, quand on fait un don, on devrait s’inscrire soi-même dans un projet familial de don de gamètes ; selon moi, le conjoint devrait en être informé.
Dorénavant, parmi ses cadeaux pour ses 18 ans, comme le dit M. le secrétaire d’État, le jeune né par PMA aura le droit de demander des informations sur son géniteur, que l’on va interroger ; dira-t-il oui ou non ? Dès lors que celui-ci ne l’a pas indiqué lors du don de gamètes, cela complexifie les choses. Au contraire, aujourd’hui, l’anonymat entraîne tout de même moins de conséquences négatives que tout le système que l’on est en train d’instituer dans des poupées gigognes.
Je l’avoue, selon moi, lever l’anonymat engendrera beaucoup plus de problèmes que ça n’en résoudra. Par-dessus le marché, vous voulez rechercher, monsieur le secrétaire d’État, les anciens donneurs anonymes pour savoir s’ils acceptent la levée de leur anonymat, rendant ce changement de législation rétroactif.
M. Jean-Pierre Corbisez. Je suis très inquiet des conséquences de cette décision pour les couples dont l’un des membres a été donneur dix-huit ans plus tôt sans le dire à son conjoint. (M. Loïc Hervé applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. Julien Bargeton, pour explication de vote.
M. Julien Bargeton. Il y a, dans ce débat, deux positions cohérentes. L’une, celle de M. Hervé, qui souhaite conserver le droit actuel et, donc, ne pas lever l’anonymat. L’autre, qui me paraît plus conforme à l’évolution de la société, qui repose sur le constat qu’il y a parfois un besoin de connaître son géniteur, ses origines biologiques, puisqu’on ne parle effectivement pas du père. Cela répond à une demande forte.
Si j’étais taquin, je dirais que la commission spéciale a essayé de faire du « en même temps »,…
M. Gérard Longuet. Ça déteint !
Mme Sophie Primas. Comme quoi c’est moche ! (Sourires.)
M. Julien Bargeton. … en disant que « ça dépendra du choix ». Mais cela pose une véritable question ; comme l’a dit le secrétaire d’État, c’est un peu la loterie : vous voulez connaître vos origines biologiques, mais cela dépendra d’une décision prise il y a bien longtemps par le donneur.
Il me semble que l’on introduit, ce faisant, une rupture d’égalité qui ne se justifierait – j’emploie le conditionnel, parce que je suis prudent – que par l’intention du donneur et non par la situation de l’enfant. Celui-ci se trouverait donc dans une situation différente selon un choix qui ne dépend pas de lui.
La position du Gouvernement me paraît donc être la bonne.
Si, à titre personnel, j’étais dans la situation qui nous occupe, je ne sais pas si je chercherais à connaître mon origine biologique. Il est toujours très compliqué de juger les hommes. Fontenelle disait : « Nous voulons juger de nous, nous en sommes trop près ; nous voulons juger des autres, nous en sommes trop loin. » Il faudrait être au milieu, mais nous n’y sommes jamais. Or nous ne sommes pas que des spectateurs, nous ne sommes pas que des habitants de la Terre, nous sommes des législateurs.
Je crois qu’il faut permettre à chacun de connaître son origine biologique, son géniteur, et qu’il faut le faire dans des conditions qui n’ajoutent pas une souffrance supplémentaire, c’est-à-dire sans rupture d’égalité.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.
M. Jacques Bigot. Si nous nous disions simplement que nous sommes en train de légiférer en nous appuyant sur l’expérience induite des lois antérieures pour nous projeter vers l’avenir ?
L’un des sujets qui nous préoccupe est de savoir si l’on va intégrer à ces progrès de la médecine et de la conception l’idée que la filiation peut-être multiple. Issue d’un projet parental, c’est une filiation sociologique : un couple réalise son désir d’enfant grâce à l’assistance médicale à la procréation. On peut penser que ces enfants, qui vont recevoir tout l’amour et toute l’éducation que ces couples ont à donner, ne vont pas être malheureux.
Je repense aux propos d’Angèle Préville, ce matin, qui évoquait un de ses anciens élèves. On sent bien que la difficulté, dans ce cas précis, est venue du fait qu’on ne lui a pas parlé. Or l’expérience nous a justement appris qu’entretenir la fiction de la biologie dans un couple qui n’a qu’une filiation sociologique constitue une erreur.
Je rejoins ce qu’a dit notre collègue Gérard Longuet : l’enfant, arrivé à sa majorité, va peut-être se poser des questions sur ses origines, mais sa filiation sera d’abord sociologique. C’est celle-là qui va compter, c’est cette éducation qui a été portée.
Le donneur sait, au moment du don, que son identité pourrait être connue un jour. On lui dit aussi clairement qu’il n’y aura pas de lien de filiation, qu’il ne sera pas possible de reconnaître cet enfant, qu’il n’y aura pas de contrôle de l’ADN… Ce dispositif peut donc parfaitement fonctionner.
Par contre, monsieur le secrétaire d’État, vous avez raison de souligner la souffrance de cet enfant à qui on va dire la vérité sur ses origines – les parents vont d’ailleurs être encouragés à lui en parler au fur et à mesure de son évolution, notamment à l’adolescence –, à qui on aura fait miroiter l’idée qu’il pourrait, comme le suggérait Gérard Longuet, retrouver l’identité du donneur et qui s’opposera finalement au refus de ce dernier.
Nous ne sommes pas dans la même situation que pour l’enfant né sous X, dispositif propre à la France qui n’existe pas dans les autres pays européens : l’enfant né sous X a été porté par sa mère pendant neuf mois. Or on sait que quelque chose se vit entre la mère et l’enfant durant la maternité, qu’il existe une relation entre l’enfant et celle qui le porte pendant toute la durée de la conception. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous sommes quasiment unanimes à penser que la GPA n’est pas la solution. Il ne s’agit pas du même sujet.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Sur ce sujet, il est nécessaire de penser avant tout à l’enfant.
M. Bruno Retailleau. Ah !
M. Philippe Bas. Enfin !
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Monsieur le président Bas, ne soyez pas ironique à chaque fois que j’essaie de développer un argument. Je n’ai pas votre vélocité. (Sourires sur les travées du groupe SOCR.) Pour vous rassurer, je parlerai également des parents.
M. Philippe Bas. Allez-y !
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. De deux choses l’une : soit les enfants ne sauront jamais qui est leur géniteur biologique – pour lever la contradiction que relevait M. de Legge voilà quelques instants, je ne parle pas de « père » – et aucun d’entre eux ne pourra avoir accès à l’identité du donneur de gamètes. Cette situation entraînera une souffrance des enfants, si tant est qu’ils apprennent la vérité plus tard, et la recherche de leurs origines qu’évoquait Gérard Longuet. Aujourd’hui, on sait qu’un grand nombre d’enfants qui ne savent pas « d’où ils viennent » – PMA, adoption, nés sous X… – ont cette préoccupation. Pour certains, cela devient même un problème psychologique. Soit les enfants auront accès à l’identité du donneur.
Il me semble que la clarté commande de permettre à tous soit l’un, soit l’autre, et de ne pas offrir un aléa total.
Monsieur de Legge, permettre à l’enfant de savoir qu’il est né d’une PMA n’entraîne pas de confusion entre le père social, celui qui l’a élevé et aimé, et le gamète qui a permis sa naissance. Je ne vois aucune contradiction dans notre raisonnement. Dans mon esprit, il n’y a pas de confusion.
Le « en même temps » de la commission, qui constitue déjà une avancée sur laquelle nous avons beaucoup travaillé, n’est sans doute pas totalement satisfaisant. L’amendement du Gouvernement a le mérite de la clarté. Quand on veut faire du « en même temps », on peut aussi y aller carrément !
Dans les pays où un tel dispositif a été mis en place, le nombre de donneurs a effectivement diminué, mais dans un premier temps seulement. Ce problème ne s’est plus posé ensuite.
Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Lafon, pour explication de vote.
M. Laurent Lafon. J’ai déposé un amendement à l’article 9 visant à ce que la levée de l’anonymat, qu’elle soit généralisée, comme le propose le Gouvernement, ou qu’elle se fasse sous condition, comme le propose la commission spéciale, soit traitée de la même façon pour les enfants nés d’un don de gamètes ou pour les enfants nés sous X.
Je rejoins les propos de Jacques Bigot : il s’agit de deux sujets différents. La maman a porté l’enfant pendant neuf mois et a établi un lien avec lui. À un moment, il faudra se poser la question de la levée de l’anonymat pour les enfants nés sous X.
Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. Je reprends le début du propos de Gérard Longuet : c’est déjà presque une évidence, sans même l’ordinateur quantique, l’intelligence artificielle nous permettra d’accéder à ces informations.
Dans son livre Le Fils, dont je vous conseille la lecture, Arthur Kermalvezen montre comment il a retrouvé ses origines, contre toute attente, avec les seuls outils dont nous disposons aujourd’hui et sans trop faire appel à l’intelligence artificielle. L’intérêt de ce livre est double : il montre le ressort puissant qui vous pousse à rechercher le géniteur, le père, tout du moins celui dont vous procédez. C’est quelque chose d’inextinguible. Il montre aussi les technologies à notre disposition pour y parvenir.
Tout en respectant beaucoup sa position, qui est claire, je ne voterai pas l’amendement de Loïc Hervé. Entre la proposition du Gouvernement et celle de la commission spéciale, qui prévoient toutes deux la levée de l’anonymat, il n’y a pas photo : celle de la commission me paraît plus éclairée.
Le Gouvernement propose que le consentement se fasse au moment du don : le jeune adulte demandera cette levée dix-huit ans après, alors même que la volonté du donneur pourrait avoir changé. La commission, quant à elle, propose de faire coïncider le moment du consentement et celui de la demande. Il s’agit d’une grande différence. Je n’en avais pas fait ma doctrine, mais je me rallie à la position de la commission spéciale.
Cette question nous renvoie bien évidemment au grand débat sur la filiation que nous aurons dans quelques instants. On a pu parler de rupture anthropologique en raison de la suppression du lien symbolique entre engendrement et filiation. Vous avez parlé d’égalité, monsieur le secrétaire d’État, mais il y aura de facto un processus inégalitaire entre les enfants qui auront des pères et ceux qui n’en auront pas, entre ceux qui auront accès à leurs origines et ceux qui n’y auront pas accès, faute de consentement du donneur.
Quand la transmutation n’aura pas fonctionné, c’est à dire quand une femme, dans l’esprit du fils, ne sera pas devenue sa mère, l’enfant cherchera ses origines. Quand cette transformation n’aura pas bien fonctionné, ce qui peut arriver dans la construction de l’identité d’un adolescent, le « plan B » qui s’offrira à lui se trouvera du côté du biologique, du côté du géniteur. C’est toute la contradiction que relevait Dominique de Legge.
Cette contradiction apparaît aussi dès lors que nous avons accepté l’extension de la PMA. Nous reviendrons sur cette question, qui touche profondément au régime de filiation que nous établirons ou que nous n’établirons pas. Pour l’instant, nous parlons de fiction juridique fondée sur la vraisemblance. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.
M. Philippe Bas. Revenons à la question posée par M. Hervé, qui veut que nous en restions à loi de bioéthique actuelle.
J’ai voté ou rejeté avec lui un certain nombre de dispositions, mais je ne peux le suivre cette fois. Ce n’est pas parce que tous ne pourront avoir accès à l’identité du donneur qu’aucun ne doit y avoir accès. La grille de lecture qui passerait par une interprétation excessive du principe d’égalité pour savoir si, oui ou non, on doit permettre de connaître l’identité du donneur n’est pas la bonne porte d’entrée.
Face à des situations qui peuvent soit être bien assumées, soit témoigner d’une certaine détresse psychologique, la bonne porte d’entrée est de savoir si l’on doit interdire l’accès à l’identité du donneur si celui-ci est d’accord. Nous discuterons des modalités lors de l’examen d’autres amendements.
Comme l’ont souligné Gérard Longuet et Bruno Retailleau, les banques de données d’ADN deviennent si importantes qu’elles permettent déjà de retrouver des parents. Elles ne cessent de croître de manière exponentielle si bien que des enfants issus d’un don témoignent aujourd’hui qu’ils ont retrouvé leur géniteur – qui n’avait pourtant pas consenti à la révélation de son identité – de cette manière.
Tout cela relativise quelque peu la portée de ce que nous sommes en train de faire et permet surtout de montrer l’importance qu’accordent les personnes nées d’un don à la possibilité d’accéder, le cas échéant, à l’identité du donneur.
Mme la présidente. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Je me suis assez peu exprimé pour l’instant. Ce texte pose un véritable problème de conviction : ce n’est pas un débat entre ceux qui détiennent la vérité et les autres. Chacun a une vision qui tient à sa sensibilité, à ses convictions. C’est avec beaucoup d’humilité que je me permets de prendre la parole. Même en tant que médecin, je n’ai pas encore osé m’exprimer sur ces questions hautement sensibles.
Ce débat nous montre que le père a tout de même une utilité dans la cellule familiale. Je suis rassuré, car il me semblait comprendre que le père n’était finalement pas d’une redoutable utilité.
M. Gérard Longuet. Un gêneur !
M. René-Paul Savary. Les arguments de Mme la ministre et les vôtres, monsieur le secrétaire d’État, semblent démontrer qu’il est tout de même utile.
Dans le cas d’un couple hétérosexuel, l’enfant peut trouver l’amour qu’il cherche auprès du père qu’il a déjà, même si ce n’est pas son père biologique. Dans le cas d’un couple homosexuel, l’enfant ne pourra trouver son père au sein de la cellule familiale. Si on ne lui donne pas la chance de pouvoir connaître un jour son père biologique, on risque de le pénaliser dans sa construction individuelle.
L’amendement de la commission, que je voterai, me paraît tout à fait équilibré en ce qu’il tient compte de la place de l’enfant et de l’ouverture de la PMA aux couples homosexuels. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Michelle Gréaume, pour explication de vote.
Mme Michelle Gréaume. On ne peut comparer un enfant adopté de manière plénière ou un enfant né sous X qui veulent connaître leur histoire et leurs vrais parents et un enfant conçu par des dons anonymes de gamètes ou d’ovocytes. Selon moi, au risque de vous choquer, le donneur n’est pas le géniteur. Il fait un simple don de cellules.
Il me semble donc important de conserver l’anonymat et de réfléchir à un nouveau statut de l’embryon et du fœtus, ce qui pourrait résoudre pas mal de difficultés.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. Le président Retailleau a raison d’évoquer la filiation : il y a une cohérence entre refuser l’accès aux données non identifiantes, et non l’accès aux origines, et refuser de porter la mention du don sur l’acte d’état civil de la personne issue de ce don. On protège ainsi le secret du mode de conception.
Sur cette question, la position du Gouvernement me semble quelque peu contradictoire : vous êtes favorable, monsieur le secrétaire d’État, à l’accès aux origines, mais vous refusez d’appliquer aux enfants nés d’un couple de femmes ou d’un couple hétérosexuel la même règle de connaissance de l’engendrement. La cohérence n’est donc pas du côté du Gouvernement, mais de ceux qui défendent l’amendement de Loïc Hervé.
La commission n’est pas dans une position facile : cumuler connaissance du mode de filiation et accès aux origines, cela fait beaucoup d’aléas pour un individu. Cette personne aura-t-elle appris de ses parents qu’elle est née d’un don de spermatozoïdes ? Aura-t-elle ensuite la chance d’avoir un donneur ayant consenti à la levée de son identité ? Encore une fois, cela fait beaucoup d’aléas pour une même personne.
J’ai beaucoup entendu parler du père, mais il me semble que la question de l’accès aux origines concerne aussi les ovocytes. Ne parlons pas que des spermatozoïdes et des pères, pensons aussi aux donneuses d’ovocytes.
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Henno, pour explication de vote.
M. Olivier Henno. Nous avons eu des débats passionnants, hier soir, sur la PMA post mortem. Nous entrons ici dans un débat encore plus « violent » et impressionnant. Ces questions peuvent parfois nous donner le vertige et nous faire ressentir la peur du vide.
Comme l’a souligné Gérard Longuet, nous sommes face à la rencontre de l’intelligence artificielle et des biotechnologies. Ces questions, très fortes et très lourdes, ont souvent été évoquées au cours des travaux de la commission spéciale, notamment sur le prix de ces thérapies et le maintien de la gratuité des soins. Le président Delfraissy en a parlé lors de son audition.
Pourrons-nous maintenir longtemps l’anonymat du don ? J’entendais l’un de nos collègues dire de l’anonymat qu’il était sacré. Certes, mais est-il possible de lui conserver ce caractère sacré ?
La commission spéciale n’a pas cherché un « en même temps », mais seulement à tenir compte des évolutions technologiques. Elle n’est pas partie du principe que les choses étaient sacrées ni qu’il fallait forcément interdire. Au contraire, elle est plutôt partie du principe qu’elle n’interdirait pas ce qu’on ne pouvait interdire.
L’essentiel, sur tous les sujets, était de se mettre en situation, en tenant compte de nos convictions, de notre expérience, voire de nos croyances, pour faire en sorte que les hommes et les femmes concernés gardent la main sur ces questions. Nous avons eu le souci permanent de tenir compte des évolutions scientifiques tout en encadrant et en humanisant les choses. Le texte de la commission me semble donc particulièrement équilibré.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Roger Karoutchi. Après, on pourrait peut-être passer au vote…
M. Alain Milon, président de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à la bioéthique. La commission spéciale a mené une réflexion longue et pas toujours très facile.
Je voudrais revenir sur les interrogations de Dominique de Legge quant à la notion d’anonymat du don et à son origine.
La première loi de bioéthique a défini trois types de dons : le don de sang et ses dérivés, cas dans lequel on ne se préoccupe pas d’identifier le donneur qui vous a sauvé la vie ; le don d’organes, plus spécifique – si le don de reins est aujourd’hui autorisé sur être vivant, le don d’organes ne concernait jusqu’à présent que les personnes décédées, d’abord à cœur battant, puis arrêté, et l’anonymat était de règle pour protéger le receveur – ; enfin, le don de gamètes, pour lequel l’anonymat a constitué la règle, dans la continuité du don d’organes, sans que peut-être le gouvernement ou le législateur de l’époque ne s’interrogent sur la volonté des bénéficiaires de ce don de connaître celui qui leur aura permis la vie.
La commission s’est penchée sur tous ces sujets et a essayé de trouver une solution, hors intervention de l’intelligence artificielle dont nous parlerons à l’article 11. Elle propose donc que le donneur, à partir de l’entrée en vigueur de la loi, soit prévenu qu’il pourra être sollicité, dans le futur, pour une éventuelle levée d’anonymat. En outre, l’accès aux données non identifiantes sera automatique, le donneur devant nécessairement donner son accord pour la transmission des seules données identifiantes.
Comme l’ont souligné certains de nos collègues, cette position me semble sage, probablement définitive pour les cinq ans à venir… D’ici là, avec le développement de l’intelligence artificielle, cette position sera sans doute amenée à évoluer, comme l’ont souligné Gérard Longuet et Bruno Retailleau.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Je voudrais remercier le président Retailleau d’avoir cité l’ouvrage Le Fils d’Arthur Kermalvezen, mais je m’étonne des conclusions qu’il en tire, qui sont à l’opposé de celles de l’auteur comme de celles du Gouvernement.
M. Bruno Retailleau. J’évoquais la recherche des origines !
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. La recherche de ses origines est effectivement un puissant besoin, une nécessité, un désir…
M. Bruno Retailleau. Par tous les moyens !
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Je vais y venir, monsieur Retailleau, et j’évoquerai à mon tour une contradiction…
Il s’agit d’un puissant désir de rechercher non un père, mais bien un récit, une histoire. Les personnes qui ignorent être nées de dons le sentent sans le savoir. Une députée a fait un témoignage très émouvant sur ce sujet, expliquant qu’elle avait toujours su qu’il y avait quelque chose. Les psychologues, les pédopsychiatres soulignent l’importance de cette recherche d’une histoire dans la construction de soi. C’est une réalité.
Vous évoquez également, avec Gérard Longuet, la question du progrès technologique. Vous semblez souhaiter que les révélations continuent de se faire de façon sauvage. Ne préférez-vous pas encadrer cette relation entre l’enfant et son donneur ?
M. Bruno Retailleau. Nous préférons l’encadrement de la commission !
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Le donneur saura, en toute conscience, que son identité pourra être révélée. Les conséquences de cette levée d’anonymat lui seront expliquées. L’enfant, âgé de 18 ans, sera accompagné par la commission durant tout le processus. Tout cela me semble préférable à ce que vous proposez, à savoir laisser la technologie conduire irrémédiablement à la révélation de l’identité du donneur, même sans son accord.
M. Bruno Retailleau. C’est n’importe quoi ! Ce n’est absolument pas la proposition de la commission !
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Nous pensons qu’il est préférable d’accompagner les choses.
Au final, l’équilibre du projet de loi pensé par le Gouvernement repose sur le libre choix de tous : choix pour les nouveaux donneurs de donner ou non – s’ils ne veulent pas que leur identité puisse être levée – dans le cadre de la réforme ; choix pour les anciens donneurs de se manifester ou non auprès de la commission, conformément à l’engagement moral que nous avons pris envers eux voilà plusieurs années, au moment du don ; choix pour les personnes nées de dons de demander ou non l’identité de leur donneur.
Mesdames, messieurs les sénateurs, une fois encore, je ne peux que vous encourager à vous mettre à la place de l’enfant au moment d’exprimer votre vote.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Le problème dont nous sommes saisis est extrêmement compliqué. Les propositions qui nous sont soumises comportent des contradictions. Je le reconnais d’autant plus volontiers que, lors de mon intervention sur l’article, j’avais moi-même fait part de mes doutes et interrogations, avant d’indiquer que nous étions en accord avec la commission spéciale, considérant qu’elle était parvenue à un juste équilibre.
Puis, au fil du débat, les propos des différents orateurs ont fait émerger d’autres questionnements. À ce stade – peut-être faudrait-il mettre un terme au débat, sous peine de rebasculer (Sourires.) –, nous sommes plus convaincus par les arguments de M. le secrétaire d’État. Vous en conviendrez, notre groupe a plutôt pour habitude d’affirmer et d’assumer ses positions. Mais, là, nous avons fait ce cheminement, grâce aux précisions que M. le secrétaire d’État a apportées.
Nous soutiendrons donc l’amendement du Gouvernement, plutôt que la solution proposée par la commission spéciale.
Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Après une heure et demie de débat, plus personne ne sait ce qu’il doit voter. Celui qui arrivait sûr de ses convictions voilà une heure et demie ne sait plus où il en est ! (Rires.)
Pour ma part, je n’ai pas lu l’ouvrage essentiel que vous avez évoqué avec Bruno Retailleau, monsieur le secrétaire d’État ; il dépasse sans doute mon entendement. (Sourires.) Je sais que je ne lis malheureusement pas suffisamment. Je lisais beaucoup plus quand j’étais jeune, mais ça fait longtemps… (Rires.)
J’ai participé aux travaux de la commission spéciale, et j’entends les arguments de Gérard Longuet. Soyons honnêtes : nous savons très bien que, du fait de l’explosion des technologies, il faudra revenir dans cinq ou dix ans sur ce que nous allons voter aujourd’hui. Sur de tels sujets, aucune solution n’est éternelle ou définitive. Tout bouge très vite.
Je m’étais rallié à la position de la commission spéciale, et je continue de la soutenir. Nous avons conversé pendant des heures avec l’inestimable Muriel Jourda. Pour ma part, je ne suis pas un savant, et je n’ai pas la vérité révélée. Simplement, j’ai le sentiment que la solution de la commission spéciale est une solution d’équilibre. Elle n’est sans doute pas parfaite, mais elle est applicable et peut être comprise par tout le monde. Sans doute faudra-t-il y revenir dans quelques années – Gérard Longuet a raison – du fait de la rapidité des évolutions technologiques, mais nous avons une solution raisonnable pour l’instant.
Les propositions des auteurs des autres amendements m’inquiètent, car elles créeraient à terme plus de problèmes que la solution retenue par la commission spéciale. Restons-en donc à celle-ci.
Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. La position de la commission spéciale est une position d’équilibre.
Elle protège d’abord l’intérêt de l’enfant né du don. On nous a dit qu’il était plus important pour lui de connaître le secret de sa conception que l’identité du donneur. Les Cécos ont travaillé sur ce point. Nous les avons aidés en introduisant des pédopsychiatres et des psychologues spécialistes de l’enfance dans les équipes pluridisciplinaires. Les Cécos remettent des livrets aux parents pour apporter les explications adaptées aux enfants. L’enfant pourra donc connaître le secret de la conception et, éventuellement, l’identité du donneur ; certains peuvent y être sensibles.
Elle protège ensuite l’intérêt du donneur. Nous avons estimé que l’arrivée dans son univers d’un enfant issu de son don dix-huit ans, vingt ans ou vingt-cinq ans après son geste altruiste pourrait, dans certains cas, troubler sa vie privée. Or le donneur a aussi droit au respect de sa vie privée.
Elle protège enfin l’intérêt de la société. Ce point est important, car il est directement lié à la bioéthique. Nous l’avons souligné, le risque, c’est la pénurie de gamètes. Cela pourrait conduire à la marchandisation. Je le rappelle, une personnalité aussi éminente que le professeur Nisand expliquait voilà quelques semaines dans une tribune qu’il fallait discuter de la marchandisation. La présidente des Cécos a également évoqué ce risque devant nous. Dans d’autres pays, le problème de pénurie a été résolu par des importations de gamètes. Voulons-nous vraiment renoncer à la non-marchandisation des gamètes ?
Nous avons ainsi trouvé une position d’équilibre entre ces différents intérêts. La solution que nous avons retenue respecte les principes de bioéthique ; je le rappelle, il s’agit d’un texte de bioéthique. (Mme Catherine Procaccia et M. Bruno Retailleau applaudissent.)
Mme la présidente. Je suis saisie de sept amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 122 rectifié, présenté par Mme Costes et MM. Arnell, A. Bertrand, Cabanel, Castelli, Collin, Corbisez, Dantec, Gabouty, Labbé et Requier, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 8
Supprimer les mots :
et à l’identité
II. – Alinéa 12
Supprimer cet alinéa
III. – Alinéa 25
Supprimer les mots :
ou à l’identité du tiers donneur
IV. – Alinéa 29
Supprimer cet alinéa.
V. – Alinéa 30
Supprimer les mots :
et de l’identité
VI. – Alinéa 34
Supprimer les mots :
et de leur identité
VII. – Alinéa 63
Supprimer les mots :
ou à l’identité
VIII. – Alinéa 70
1° Première phrase
Supprimer les mots :
et à être recontactés en cas de demande d’accès à leur identité par ces mêmes personnes
2° Deuxième et troisième phrases
Supprimer ces phrases.
IX. – Alinéa 71
1° Deuxième phrase
Supprimer les mots :
et à être recontactés en cas de demande d’accès à leur identité
2° Avant-dernière et dernière phrases
Supprimer ces phrases.
X. – Alinéa 72
Supprimer les mots :
et, le cas échéant, à l’identité de ce tiers donneur
La parole est à M. Jean-Pierre Corbisez.
M. Jean-Pierre Corbisez. Il est possible que la levée de l’anonymat soit, à un moment, plus perturbante que l’ignorance de l’identité du géniteur.
Je suis un peu ennuyé que nous débattions déjà de l’amendement du Gouvernement alors qu’il n’a pas encore été présenté.
Notre amendement vise à maintenir l’anonymat du donneur. C’est la position de plusieurs collègues de mon groupe. Je la soutiens à cet instant. Toutefois, je souhaite entendre les précisions du Gouvernement.
Mme la présidente. L’amendement n° 233 rectifié, présenté par M. Jacques Bigot, Mmes de la Gontrie, Meunier et Blondin, MM. Daudigny, Jomier et Vaugrenard, Mme Rossignol, M. Kanner, Mme Conconne, M. Fichet, Mme Harribey, M. Montaugé, Mme Monier, M. Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline, Bérit-Débat et Joël Bigot, Mme Bonnefoy, MM. Botrel, M. Bourquin, Boutant et Carcenac, Mme Conway-Mouret, MM. Courteau, Dagbert, Daunis, Devinaz, Durain, Duran et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mmes Féret, M. Filleul et Ghali, M. Gillé, Mmes Grelet-Certenais et Guillemot, M. Jacquin, Mme Jasmin, MM. P. Joly, Kerrouche, Lalande et Leconte, Mme Lepage, M. Lozach, Mme Lubin, MM. Magner, Manable, Marie et Mazuir, Mme Perol-Dumont, M. Raynal, Mme S. Robert, MM. Roger, Sueur et Sutour, Mme Taillé-Polian, MM. Temal et Tissot, Mme Tocqueville, MM. Todeschini, Tourenne et Vallini et Mme Van Heghe, est ainsi libellé :
Alinéas 11 à 13
Rédiger ainsi ces alinéas :
« Art. L. 2143-2. – Toute personne conçue par assistance médicale à la procréation avec tiers donneur peut, si elle le souhaite, accéder à sa majorité aux données non identifiantes et à l’identité de ce tiers donneur.
« Le consentement exprès des personnes souhaitant procéder au don de gamètes ou d’embryons à la communication de ces données et de leur identité dans les conditions prévues au premier alinéa est recueilli avant qu’il soit procédé au don. En cas de refus, elles ne peuvent procéder à ce don.
« Ces données peuvent être actualisées par le donneur.
La parole est à M. Yves Daudigny.
M. Yves Daudigny. Par cohérence avec les positions que nous avons exprimées au cours de l’après-midi, cet amendement vise à ne pas distinguer les modalités d’accès aux données non identifiantes et à l’identité du donneur.
Le groupe socialiste et républicain défend le principe d’accès aux origines de l’enfant né d’un don.
Nous souhaitons revenir à la philosophie initiale de l’article 3 tel qu’il a été adopté par l’Assemblée nationale : considérer l’accès aux origines, entendu comme l’accès aux données non identifiantes et à l’identité du tiers donneur, comme un droit universel pour l’ensemble des personnes majeures nées d’un don.
Mme la présidente. L’amendement n° 292, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 11
Après les mots :
à sa majorité
insérer les mots :
à l’identité et
II. – Alinéa 12
Supprimer cet alinéa.
III. – Alinéa 13, première phrase
Remplacer les mots :
leurs données non identifiantes
par les mots :
ces données et de leur identité
IV. – Alinéa 29
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 2° De faire droit aux demandes d’accès à l’identité des tiers donneurs conformes aux modalités définies par le décret en Conseil d’État pris en application du 3° de l’article L. 2143-9 ;
V. – Alinéa 33
Après les mots :
non identifiantes
insérer les mots
et à leur identité
VI. – Alinéa 67
Après les mots :
non identifiantes
insérer les mots :
et à la communication de leur identité
VII. – Alinéa 70, première phrase
Remplacer les mots :
et à être recontactés en cas de demande d’accès à leur identité
par les mots :
ainsi que leur accord à la communication de leur identité en cas de demande
VIII. – Alinéa 71, deuxième phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Ils consentent alors expressément, dans les conditions fixées par décret en Conseil d’État, à la communication de leurs données non identifiantes et de leur identité aux personnes majeures conçues, à partir de cette date, par assistance médicale à la procréation à partir de leurs gamètes ou de leurs embryons qui en feraient la demande.
IX. – Alinéa 73
Après les mots :
non identifiantes
insérer les mots :
et à l’identité
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Cet amendement, qui concerne un sujet qui nous tient évidemment à cœur, mais bien moins qu’aux enfants concernés, vise à rétablir la rédaction initiale du projet de loi : c’est avant le don que le donneur doit consentir une fois pour toutes à l’accès de ses données non identifiantes et à son identité.
Je le rappelle, nous voulons compléter le cadre actuel de l’assistance médicale à la procréation avec tiers donneur en accordant aux seules personnes conçues par don anonyme qui le souhaiteraient un droit d’accès à des informations relatives au donneur, y compris son identité. Encore une fois, madame la rapporteure, rien n’obligera l’enfant à avoir accès à cette identité s’il ne le souhaite pas.
À leur majorité, les enfants qui le souhaiteront pourront solliciter une commission placée auprès du ministre chargé de la santé. Celle-ci s’adressera alors à l’Agence de la biomédecine, qui conservera les données relatives aux donneurs, aux dons et aux enfants nés de dons.
Je le précise, le droit d’accès à l’identité du tiers donneur n’est pas un droit de rencontre ; c’est un droit à la connaissance d’une information. Le Gouvernement n’entend pas ouvrir un droit à contacter le tiers donneur ou à s’immiscer dans la famille de celui-ci. Réciproquement, cela vaut aussi pour le donneur : il n’y a pas de confusion entre la famille et le géniteur.
La commission spéciale a adopté un amendement tendant à prévoir le recueil du consentement du donneur lors de la demande d’accès à son identité par une personne majeure issue de son don. Comme je l’ai déjà indiqué, une telle option, qui n’exclut pas un éventuel refus du donneur, apparaît d’emblée comme inégalitaire.
Je suis souvent en accord avec l’excellent sénateur Julien Bargeton. Mais, en l’occurrence, il s’agit d’une question moins d’évolution de la société ou d’égalité, même si c’est évidemment aussi le cas, que de développement individuel de l’enfant.
Soyez pragmatiques. Mettez-vous à la place d’un enfant auquel on dirait dès le plus jeune qu’il aura peut-être accès à l’identité du donneur, ou peut-être pas. Imaginez son angoisse jusqu’à sa majorité. Songez à la situation dans laquelle vous le mettriez en votant un tel dispositif.
L’option que nous avons retenue présente au contraire l’avantage de placer tous les enfants issus d’un don sur un pied d’égalité. Elle donne acte aux personnes nées d’assistance médicale à la procréation avec tiers donneur de la légitimité de leur demande. Le droit qu’elle ouvre sera effectif en pratique.
Ne créons pas l’illusion d’instituer des droits nouveaux pour les enfants nés de dons si ces derniers ne peuvent pas les exercer en pratique : c’est ce qu’on peut leur faire de pire ! Ce que nous proposons est respectueux des donneurs, qui seront, vous l’avez compris, parfaitement informés du nouveau cadre législatif au moment d’effectuer leur don. Ils auront le choix et pourront décider de donner ou non. Effectivement, leur profil risque de changer par rapport à aujourd’hui.
Nous raisonnons trop dans le cadre actuel. Je pense notamment à M. Longuet, qui évoquait l’irruption dans la famille d’un donneur. Quand tout sera plus transparent, clair, assumé et désacralisé (M. Bruno Retailleau s’esclaffe.), le donneur saura que son identité pourra être levée, et l’enfant issu d’un don ne grandira plus dans cette espèce de secret de famille délétère. L’irruption sera donc beaucoup moins perturbante.
M. Bruno Retailleau. C’est un peu plus compliqué que cela ! Vous êtes bien naïf !
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Nous souhaitons donc que le dispositif que nous avions envisagé – permettre à tous les enfants nés d’un don d’accéder à l’identité de leur donneur – puisse être rétabli. C’est le sens du présent amendement.
Mme la présidente. L’amendement n° 244 rectifié n’est pas soutenu.
L’amendement n° 293, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 34
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. La commission spéciale souhaite que l’on puisse rechercher les donneurs relevant du régime actuel pour obtenir leur consentement dès lors qu’une demande d’accès à leur identité a été formulée par une personne née de leur don.
Comme j’ai eu l’occasion de le dire, nous ne souhaitons pas nous engager dans cette voie. Notre choix est que les anciens donneurs sous le régime actuel soient libres de se manifester ou non auprès de la commission chargée de l’accès aux données et qu’ils ne soient pas recherchés. Certains interpellent déjà l’Agence de la biomédecine pour se manifester. Ce débat est justement l’occasion de faire de la publicité sur la possibilité qui sera bientôt ouverte aux anciens donneurs.
En retenant le dispositif de la commission spéciale, nous serions en porte-à-faux avec le contrat moral que nous avons passé avec eux au moment de leur don sous un régime spécifique de non-consentement pour l’accès aux origines. Pour contourner la difficulté, vous proposez d’agir au cas par cas lors d’une demande spécifique formulée par une personne issue d’un don auprès de la commission chargée de l’accès aux données. Celle-ci contacterait le Cécos, qui se mettrait directement en relation avec le donneur pour lui demander son accord, mais sans aucune garantie pour la suite.
Pour notre part, nous voulons que la demande puisse recevoir une réponse. Nous avons choisi non de partir de la demande des personnes, mais d’organiser une vaste campagne d’information à l’attention du grand public pour proposer à tous ceux qui ont fait des dons dans les Cécos avant la présente loi de se manifester, afin de permettre un accès à leurs données non identifiantes, à leur identité ou aux deux. Nous souhaitons distinguer la démarche volontaire du donneur et une sollicitation intrusive. En outre, nous ne voulons pas d’une forme de rétroactivité pour les lois de bioéthique.
Mme la présidente. L’amendement n° 265 rectifié, présenté par M. Mohamed Soilihi, Mme Schillinger, M. Bargeton, Mme Constant, MM. Buis, Yung et Théophile, Mme Cartron, MM. Patriat, Hassani, Marchand, Patient, Iacovelli, Gattolin, Karam, Lévrier, Rambaud, Haut et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 70, deuxième à dernière phrases
Supprimer ces phrases.
II. – Alinéa 71, troisième à dernière phrases
Supprimer ces phrases.
La parole est à Mme Patricia Schillinger.
Mme Patricia Schillinger. Cet amendement vise à supprimer l’obligation du recueil de consentement de l’autre membre du couple dans le cadre du nouveau droit d’accès aux origines.
D’abord, le don est un acte personnel. Ensuite, il est difficile pour les équipes de savoir si la personne est en couple ou non. Enfin, les échanges au sein même du couple relèvent de la sphère privée.
Nous considérons que l’accès à l’identité du donneur doit être accepté par lui.
Mme la présidente. L’amendement n° 281, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 70, deuxième à dernière phrases
Supprimer ces phrases.
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Il s’agit d’un amendement de cohérence avec celui que j’ai présenté à l’article 2.
Nous souhaitons revenir au texte du Gouvernement, qui ne prévoit pas de recueillir le consentement de l’autre membre du couple lors d’un don de gamètes ni, par conséquent, lors d’une demande d’accès à l’identité du donneur. Comme je l’ai déjà souligné, la France serait le seul pays d’Europe à avoir une telle législation ; même si ce n’est pas un argument en soi, il me semble important de le rappeler.
Le don de gamètes engage chacun personnellement. Le fait que le donneur tienne son conjoint informé – qu’il soit pacsé, marié ou en concubinage – relève de la sphère privée, pas de la loi.
Par ailleurs, il est nécessaire d’adapter le don de gamètes aux évolutions de la société et de le sécuriser en permettant au seul donneur de gamètes de révoquer son consentement.
Vous avez assorti votre dispositif d’une vérification que l’autre membre du couple est toujours en couple avec le donneur au moment de la demande d’accès à l’identité de ce dernier. Rendez-vous compte de la complexité que cela peut représenter en pratique pour les équipes. Comment peuvent-elles vérifier cela vingt ans après ? Imaginez l’injustice que ce serait pour une personne née d’une AMP de ne pas pouvoir accéder à l’identité du donneur quand bien même celui-ci y serait favorable juste parce que son conjoint y serait opposé ! Or c’est ce qui résulterait du système que vous voulez instituer.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Quel est le système le plus juste ? Quel est le système le plus égalitaire ? Quel est le système qui heurte le moins ? Aucun système ne peut prétendre à la justice, à la justesse et à l’égalité parfaites.
Le système voulu par le Gouvernement laisse de côté tous ceux qui militent actuellement pour connaître leurs origines. Ils ne pourront pas être aidés. Le système adopté par la commission spéciale prévoit que les anciens donneurs seront recontactés pour savoir s’ils souhaitent lever leur anonymat, ce qui ne sera vraisemblablement pas possible si on ne fait rien. Le système de la commission spéciale paraît donc plus juste.
Trahissons-nous un contrat moral qui aurait été passé avec les donneurs ? Reprenons l’exemple des femmes ayant accouché sous X avant 2002, qui sont légion. Lors de l’accouchement, on ne leur a jamais dit qu’elles pourraient être recontactées. Pourtant, aujourd’hui, le CNAOP, le Conseil national pour l’accès aux origines personnelles, les recontacte à la demande des enfants concernés alors que le même contrat moral existait peut-être. La loi ne prévoyait rien en la matière. C’est exactement le même système que nous souhaitons mettre en place.
La justice, la justesse, l’égalité, chacun peut y prétendre sur un point et pas sur un autre. Encore une fois, nous avons cherché un point d’équilibre permettant que les principes bioéthiques ne soient pas écornés à terme. C’est, me semble-t-il, la moindre des choses dans une loi de bioéthique.
L’avis est donc défavorable sur l’ensemble des amendements qui viennent d’être présentés.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Avis défavorable sur les amendements nos 122 rectifié, 233 rectifié et 265 rectifié.
Mme la présidente. La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote.
M. Yves Daudigny. Nous retirons l’amendement n° 233 rectifié au profit de l’amendement n° 292 du Gouvernement.
Mme la présidente. L’amendement n° 233 rectifié est retiré.
La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.
Mme Sophie Primas. L’amendement du Gouvernement vise à faire en sorte que le donneur autorise l’accès à ses données, y compris son identité. Faut-il en conclure qu’il ne pourra effectuer de don s’il ne consent pas à cette autorisation ?
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. C’est ça !
Mme Laurence Rossignol. C’est une condition du don !
Mme Sophie Primas. Je ne suis pas certaine que tout le monde ait bien compris cela.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Ceux qui auront donné jusqu’à la promulgation de la présente loi seront soumis à l’ancien régime juridique ; ils ne pourront pas être recontactés. Nous ne voulons pas d’une loi de bioéthique rétroactive. Cela mettrait en péril la confiance des Français envers les futures lois qui seront votées.
À partir d’aujourd’hui, nous demanderons aux nouveaux donneurs s’ils acceptent d’être recontactés. En cas de refus, ils ne pourront plus donner, afin d’éviter d’avoir des stocks différents à gérer. Nous reconstituerons un nouveau stock de gamètes avec les donneurs soumis au nouveau régime législatif. Une fois que le stock sera suffisant, nous détruirons l’ancien stock.
Mme Patricia Schillinger. Bonne pédagogie !
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.
M. Philippe Bas. Plus nous avançons dans la discussion, plus nous comparons les différentes formules qui nous sont proposées et plus j’ai le sentiment que celle de la commission spéciale est vraiment la meilleure. (Mme Marie-Pierre de la Gontrie s’esclaffe.)
Le Gouvernement propose que quelqu’un puisse s’engager sur ce qu’il fera dans vingt ans si on lui pose la question de la révélation de son identité à une personne issue de son don. Une telle idée méconnaît tout ce qui peut se passer pendant ces vingt années !
Vous donnez vos gamètes en étant célibataire. Au cours des vingt années suivantes, vous pouvez vous être marié, avoir divorcé ou avoir constitué une famille recomposée. Si l’on vient vous voir au bout de vingt ans, vous saurez à ce moment-là si votre situation personnelle et familiale vous permet d’assumer la révélation de votre identité. Il est pratiquement impossible de le savoir, donc de prendre un tel engagement, vingt ans plus tôt !
Je trouve que la proposition du Gouvernement méconnaît profondément la réalité de la vie que le donneur va avoir devant lui pendant toutes les années où l’enfant issu du don va grandir. Je recommande vraiment à nos collègues de s’en tenir à la formule de la commission spéciale. (Exclamations sur les travées du groupe SOCR.)
M. Jean-Raymond Hugonet. Très bien !
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Et l’enfant ?
Mme Laurence Rossignol. L’intérêt de l’enfant a manifestement disparu de certains discours…
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Buzyn, ministre. Monsieur le sénateur, pour beaucoup d’entre nous, il est effectivement très difficile de se projeter vingt ans plus tard. Simplement, des pays ont fait ce choix. On observe alors que le profil des donneurs n’est plus du tout le même. Désormais, les donneurs sont clairement des personnes très engagées qui font un geste altruiste, dans une démarche quasi militante ; ils en parlent beaucoup plus facilement à leur conjoint.
Je le rappelle, le donneur a toujours la possibilité de se rétracter tant que les gamètes ne sont pas utilisés, et tous les gamètes ne sont pas utilisés. Aujourd’hui, il y a environ 400 donneurs de gamètes masculins en France, et il y a seulement eu un peu plus de 200 naissances issues de leur don. Il n’est plus possible de se rétracter après l’utilisation des gamètes.
Nous avons fait ce choix en nous plaçant du point de vue de l’enfant. Si nous permettions aux donneurs de revenir sur leur engagement au bout de vingt ans en retirant l’autorisation d’accès à leurs données, les enfants seraient dans l’incertitude la plus totale. Le risque est que très peu d’enfants puissent avoir accès aux données non identifiantes, voire identifiantes.
Je le rappelle, c’est une commission qui évalue les besoins de l’enfant et qui recontacte les donneurs. Il n’y a pas de mise en contact direct. La commission d’experts recueille la demande de l’enfant et communique ensuite les données non identifiantes. Si cela ne suffit pas à la construction de l’enfant, l’étape suivante est éventuellement la communication des données identifiantes, avec la possibilité pour le donneur de gamètes de refuser le contact. L’obligation porte seulement sur les données identifiantes.
Si nous indiquions que l’accès aux origines est autorisé, mais que le donneur peut se rétracter au dernier moment vingt ans plus tard, la loi n’aurait plus aucune effectivité, et nous aurions un double régime : certains enfants auraient accès à leurs origines, et d’autres non
Le choix du Gouvernement a donc été clair. Nous ne proposons aux donneurs de recueillir leurs gamètes que s’ils s’engagent sur le long terme à permettre l’accès aux origines, c’est-à-dire les données non identifiantes dans le premier cas, puis les données identifiantes dans le deuxième cas.
Nos discussions avec des enfants nés de don ont montré que les données non identifiantes suffisaient souvent à la construction de l’enfant. Tous n’ont pas besoin de connaître le nom du donneur. De toute manière, rien n’obligera ce dernier à être mis en contact.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Corbisez, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Corbisez. Pour le don d’organes, il y a aujourd’hui un registre des refus. Autrefois, des individus gardaient dans leur portefeuille un document précisant qu’ils étaient donneurs d’organes ou l’indiquaient à leurs proches dans l’hypothèse où il leur arriverait un accident. Je trouve que c’était un beau geste citoyen, voire supra-citoyen : on s’engageait pour autrui au-delà de la mort.
L’anonymat du don de gamètes permet à des personnes célibataires ou en couple, mariées ou non, de faire un geste citoyen, un geste familial, en permettant à d’autres d’avoir un enfant.
Si je comprends bien ce qui nous est proposé, la personne qui voudrait donner ses gamètes, mais qui ne souhaiterait pas autoriser l’accès à ses données identifiantes ne pourrait plus faire de don. Cela revient donc à empêcher ceux qui veulent rester des donneurs anonymes de continuer à faire un acte citoyen et à aider des couples en difficulté. Le fait qu’une personne refusant de communiquer ses données identifiantes ne puisse plus être considérée comme un donneur potentiel me gêne beaucoup.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Buzyn, ministre. On ne donne pas pour se faire plaisir. Le Gouvernement ne souhaite pas contenter des donneurs qui auraient envie de donner sous un autre régime, mais répondre à une problématique unanimement reconnue aujourd’hui : la nécessité pour un enfant né d’un don de connaître ses origines pour se construire. Je rappelle que ces enfants sont très peu nombreux, et, pour nous, aujourd’hui, la priorité, c’est bien la construction de l’enfant. C’est pourquoi nous ne souhaitons pas un double régime de donneurs anonymes et de donneurs qui accepteraient d’être connus. Nous voulons clarifier les choses.
Le plus souvent, les donneurs connaissent des couples qui ont des difficultés à avoir des enfants, et ils s’engagent dans une démarche de don pour des raisons personnelles très profondes.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.
M. Jacques Bigot. Nous devons replacer l’anonymat dans son contexte historique.
Dans le cadre de l’AMP pour les couples hétérosexuels, on a toujours essayé de faire comme s’il n’y avait pas de don, comme si l’enfant était vraiment né de cette femme et de cet homme. C’est au fur et à mesure qu’on a accepté d’en parler dans les familles. Dès lors, la levée de l’anonymat, comme l’a souligné M. le secrétaire d’État, est une vraie quête de la part des enfants.
Le don est un geste généreux, citoyen, conçu pour permettre à des parents d’avoir un enfant, dans le cadre d’une vérité sociologique, et non biologique. C’est la raison pour laquelle la commission a prévu, à l’article 5 A, une valorisation des donneurs, sous la forme d’un statut honorifique.
Dès lors que le donneur saura, il n’y aura pas de difficulté.
Cela étant, nous ne souscrivons pas à l’amendement n° 293, présenté par le Gouvernement. Pour ce qui concerne le passé, nous nous rangeons plutôt à l’avis de la commission. Comme pour les enfants nés sous X, il s’agit de permettre à un enfant en quête de ses origines, et qui ne se contente pas de ce qu’il peut trouver dans les algorithmes américains, de demander à la commission d’accéder à l’identité du donneur. Dans ce cas, on consultera le donneur, lequel pourra alors accepter ou refuser.
Nous voterons en revanche les amendements nos 292, 265 rectifié et 281.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Buzyn, ministre. Je sais que vos débats ont été nourris sur la possibilité de recontacter les donneurs et, par analogie, sur le rôle du CNAOP, et l’adoption.
D’abord, je pense qu’un enfant né sous X, c’est-à-dire un enfant orphelin, qui n’a pas de famille, n’est pas tout à fait dans la même situation qu’un enfant né d’une PMA avec tiers donneur. Celui-ci a une famille aimante, mais il souhaite contacter une commission pour accéder à des informations qu’il n’a pas, parce qu’il sait qu’il est issu d’un don. Faire l’analogie entre ces deux situations me pose problème.
Ensuite, je vous alerte sur le fait que vous voteriez là, mesdames, messieurs les sénateurs, une disposition qui rendrait la loi rétroactive. Quelle confiance nos concitoyens pourraient-ils avoir en la législation si, brusquement, nous décidions de changer les règles et de revenir vers des donneurs qui – je reprends les arguments de M. Bas – ont construit leur vie en sachant qu’ils ne seraient jamais recontactés ? Un médecin du Cécos pourrait faire irruption dans leur vie vingt ou trente ans après leur don, alors que, à l’époque, l’engagement était parfaitement clair : ils n’auraient plus jamais de nouvelles du Cécos.
À l’inverse, les futurs donneurs sauront que, à tout moment, dans vingt ou trente ans, ils pourront être recontactés, car ils auront donné leur accord.
Je suis donc très prudente sur cette disposition, et je trouve assez choquant, à titre personnel, que l’on puisse ainsi revenir sur une loi précédente et sur un tel engagement moral. Cela fragilise, me semble-t-il, tous les engagements que nous pouvons prendre à l’égard des futurs donneurs.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Je n’ai peut-être rien compris, ce qui n’est pas exclu, madame la ministre, mais il me semble que le texte de la commission ne prévoit qu’un simple droit d’option. La personne contactée pourra dire non.
Autant je suis d’accord avec vous pour dire qu’on ne peut pas changer rétroactivement les règles du jeu, autant, dès lors que la personne contactée pourra refuser, je ne vois pas où est le problème.
Quoi qu’il en soit, je suis favorable à l’amendement du Gouvernement, et non à cette version du texte. Mais ne semez pas la confusion dans l’esprit de nos collègues en soulevant un problème qui, selon moi, n’existe pas.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Combien de pour et de contre ?
M. Philippe Bas. Cela ne vous regarde pas ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. Je vous confirme que l’amendement n’est pas adopté.
Mme Laurence Rossignol. Et le décompte des voix ? Quels sont les chiffres ?
Mme la présidente. Normalement, nous ne donnons pas les chiffres.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Rappel au règlement !
M. Bruno Retailleau. Sur quel article ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie, pour un rappel au règlement.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Je ne mets personne en cause, mais, hier, je note que des présidents de séance ont communiqué les résultats des scrutins à main levée, afin que tout le monde soit apaisé. Je pense que c’est utile pour chacun.
Ne troublez pas la qualité de ces débats en refusant de les donner. Ce serait dommage, madame la présidente.
Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour un rappel au règlement.
M. Roger Karoutchi. Mon rappel au règlement porte sur l’ensemble des articles du règlement relatifs à la séance plénière.
L’autorité et le partage décidés par la présidence ne peuvent être ni précisés ni contestés par les sénateurs. C’est la règle.
M. Bruno Retailleau. Absolument !
M. Roger Karoutchi. Il est vrai que certains présidents communiquent le résultat du vote, mais ils ne devraient pas le faire, selon moi, car cela pourrait inciter certains de nos collègues à interpeller la présidence sur chaque vote pour en obtenir le résultat et, éventuellement, le contester. Tel n’est absolument pas le sens du règlement du Sénat ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. - MM. Daniel Chasseing et Loïc Hervé applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Bas, pour un rappel au règlement.
M. Philippe Bas. Je veux dire ma confiance à l’égard de la présidence de séance, de tous les présidents de séance.
Je souscris entièrement aux propos de Roger Karoutchi. Je défie quiconque de trouver dans notre règlement une disposition qui impose à la présidence de dévoiler le résultat du vote. Tout ce que nous lui demandons, justement parce que nous lui faisons confiance, c’est de nous dire si l’amendement est adopté ou pas. J’ai cru comprendre que vous l’aviez fait, madame la présidente. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour un rappel au règlement.
Mme Laurence Cohen. Pour moi, ce n’est pas une question de confiance. Quelle que soit la personne qui occupe le fauteuil, je ne remets pas en question sa présidence.
Seulement, nous avons eu un assez long débat, au cours duquel les positions des uns et des autres ont pu évoluer. Comme ce fut le cas hier, il aurait été intéressant d’avoir ces précisions. Je ne sais pas si cette possibilité figure dans le règlement, mais, dans le climat de confiance qui nous anime, c’est un élément qu’il ne me paraît pas absurde de communiquer dans une enceinte comme la nôtre.
Mme la présidente. Mes chers collègues, le décompte des voix sur l’amendement n° 292 est le suivant : 25 voix pour et 30 voix contre.
Je mets aux voix l’amendement n° 293.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° 255 n’est pas soutenu.
Je suis saisie de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L’amendement n° 264 rectifié est présenté par M. Mohamed Soilihi, Mme Schillinger, M. Bargeton, Mme Constant, MM. Buis, Yung et Théophile, Mme Cartron, MM. Patriat, Hassani, Marchand, Cazeau, Patient, Iacovelli, Gattolin, Karam, Lévrier, Rambaud, Haut et les membres du groupe La République En Marche.
L’amendement n° 287 est présenté par le Gouvernement.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. - Alinéas 25 et 74
Remplacer les mots :
au conseil mentionné
par les mots :
à la commission mentionnée
II. - Alinéa 27
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 2143-6. – I. - Une commission d’accès aux données non identifiantes et à l’identité du tiers donneur est placée auprès du ministre chargé de la santé. Elle est chargée :
III. - Alinéa 37
Remplacer cet alinéa par onze alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 2143-7. – La commission mentionnée à l’article L. 2143-6 est composée :
« 1° D’un magistrat de l’ordre judiciaire, qui la préside ;
« 2° D’un membre de la juridiction administrative ;
« 3° De quatre représentants du ministère de la justice et des ministères chargés de l’action sociale et de la santé ;
« 4° De quatre personnalités qualifiées choisies en raison de leurs connaissances ou de leur expérience dans le domaine de l’assistance médicale à la procréation ou des sciences humaines et sociales ;
« 5° De six représentants d’associations dont l’objet relève du champ d’intervention de la commission.
« L’écart entre le nombre de femmes et le nombre d’hommes qui la composent ne peut être supérieur à un.
« Chaque membre dispose d’un suppléant.
« En cas de partage égal des voix, celle du président est prépondérante.
« Les membres de la commission sont tenus à une obligation de confidentialité.
« Les manquements des membres de la commission à l’obligation de confidentialité, consistant en la divulgation d’informations sur une personne ou un couple qui a fait un don de gamètes ou a consenti à l’accueil de ses embryons ou sur une personne née à la suite de ces dons, sont passibles des sanctions prévues à l’article 511-10 du code pénal.
IV. - Alinéa 38
Remplacer les mots :
au Conseil national pour l’accès aux origines personnelles, à la demande de ce dernier
par les mots :
à la commission, à la demande de cette dernière
V. - Alinéa 43
Rétablir cet alinéa dans la rédaction suivante :
« 4° La composition et le fonctionnement de la commission prévue à l’article L. 2143-6. »
VI. - Alinéa 45
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 1° L’article L. 147-2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
VII. - Alinéas 46 à 49 et 51 à 58
Supprimer ces alinéas.
VIII. - Alinéas 70, première phrase et 72
Remplacer les mots :
du conseil mentionné
par les mots :
de la commission mentionnée
IX. - Alinéa 73, au début
Remplacer les mots :
Le conseil mentionné
par les mots :
La commission mentionnée
La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour présenter l’amendement n° 264 rectifié.
Mme Patricia Schillinger. Le projet de loi vise à sécuriser les droits des enfants nés d’une AMP avec tiers donneur en leur donnant la possibilité d’accéder à leurs origines. Cela implique nécessairement une réflexion sur les procédures et les modalités concrètes de mise en œuvre de cette faculté, qui, nous le savons tous, ne sont pas neutres.
Le Gouvernement avait fait le choix, dans le texte initial, de recourir à la création d’une commission ad hoc, pour assurer les missions d’accueil et de prise en charge des personnes nées d’une AMP avec don, ainsi que des tiers donneurs. Ce choix nous paraît plus pertinent que celui fait par la commission spéciale d’étendre les missions du CNAOP, aujourd’hui compétent pour l’accès aux origines des personnes nées sous X. Certes, le CNAOP est riche d’une expérience de plus de quinze ans en matière d’accès aux origines. Cependant, comme cela a été réaffirmé à plusieurs reprises au cours des débats, l’existence d’une différence de situation peut utilement justifier une différence de traitement.
Les débats de notre assemblée l’ont également rappelé : le recours à l’AMP avec tiers donneurs, d’une part, et l’adoption, d’autre part, induisent des réalités et des questionnements différents. Les enfants nés d’un don de gamètes et les enfants nés sous le secret n’ont pas un parcours et une histoire personnelle comparables. Réciproquement, l’implication d’un donneur ne peut être mise sur le même plan que celle de parents biologiques dans le cadre d’un accouchement sous X. C’est pourquoi nous proposons, par cet amendement, de revenir au texte initial, qui prévoyait la création d’une commission ad hoc.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État, pour présenter l’amendement n° 287.
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Vous vous en doutez, cette question a également fait l’objet de réflexions au sein du ministère. C’est la raison pour laquelle nous avions imaginé un système différent de celui retenu par la commission spéciale, que je vous propose de rétablir à travers cet amendement.
Il s’agit de confier à une commission ad hoc, et non au CNAOP, les missions d’accueil et de prise en charge des personnes nées d’une assistance médicale à la procréation avec don. La commission spéciale du Sénat a choisi de confier cette mission au CNAOP, qui intervient, je me permets de le rappeler, dans le cadre de l’accouchement dans le secret.
Dans une première approche, le CNAOP pouvait sembler légitime pour remplir ce rôle, dans la mesure où son objectif essentiel est, en effet, de faciliter l’accès aux origines personnelles. Mais il s’est rapidement avéré que le CNAOP intervient dans un contexte qui s’accorde mal, selon nous, avec la spécificité du don de gamètes. En effet, la situation tant juridique que psychologique des enfants issus d’un don de gamètes et de ceux qui ont été abandonnés ou confiés à leur naissance est radicalement différente.
Confier les missions propres au don de gamètes au CNAOP créerait selon nous un parallélisme infondé entre la situation des enfants nés dans le secret et celle des enfants nés d’une AMP avec tiers donneur. De même, le « don » de gamètes, conçu comme un acte solidaire et responsable, ne place en aucun cas le donneur dans une situation de dilemme ou de détresse assimilable à celle qui caractérise l’abandon d’enfant dans la situation particulière de l’accouchement sous le secret.
Des effets délétères pourraient en résulter, tant pour les donneurs, en conférant une portée au don qui n’est pas légitime et qui peut constituer un frein à leur démarche, que pour les enfants nés d’une AMP avec tiers donneur, en suggérant que leur situation serait identique à celle des enfants relevant du CNAOP, avec finalement le risque de générer, par cet amalgame, un sentiment de « manque » et une souffrance inutile. En outre, la procédure de l’accouchement dans le secret pourrait se trouver déstabilisée du fait de ce rapprochement avec les problématiques spécifiques au don de gamètes et à l’assistance médicale à la procréation.
En résumé, la différence des situations commande la mise en place de dispositifs différents et d’une commission d’accès, destinée à assurer l’interface entre les personnes concernées, différente. Cela n’empêchera évidemment pas la commission ad hoc de tirer profit de toute l’expérience développée depuis des années par le CNAOP.
Pour toutes ces raisons, nous vous proposons de rétablir le dispositif initial envisagé par le Gouvernement.
Mme la présidente. L’amendement n° 307, présenté par Mme M. Jourda, au nom de la commission spéciale, est ainsi libellé :
Alinéa 54
Après les mots :
Au premier alinéa,
insérer les mots :
au début, les mots : « Un Conseil national » sont remplacés par les mots : « Le Conseil national pour l’accès aux origines personnelles »,
La parole est à Mme le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis de la commission spéciale sur les amendements identiques nos 264 rectifié et 287.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. L’amendement n° 307 est rédactionnel.
Avec la levée de l’anonymat, qu’elle soit totale ou partielle, un organisme devra faire le lien entre les enfants nés d’un don et les donneurs. Le Gouvernement et l’Assemblée nationale ont choisi de créer une commission ad hoc pour recueillir les éléments détenus par l’Agence de la biomédecine, qui elle-même recueille des informations auprès des Cécos. La commission spéciale a constaté qu’il existait un conseil national pour l’accès aux origines personnelles, dont l’intitulé et les fonctions nous ont semblé suffisamment vastes pour remplir cette tâche.
Ce conseil a actuellement pour mission de retrouver les femmes qui ont accouché sous X, à la demande des enfants nés dans ces conditions. Certes, ce n’est pas en tout point similaire, mais ce n’est pas non plus totalement différent. M. le secrétaire d’État vient d’ailleurs de souligner que la commission ad hoc tirerait profit de l’expérience du CNAOP.
Plutôt que de créer une nouvelle commission, nous proposons plus simplement de tirer profit de l’expérience du CNAOP et de lui adjoindre une formation spécialisée, en partie composée de membres du CNAOP. Je ne vois pas pourquoi le Conseil national pour l’accès aux origines personnelles serait incapable de mener ce travail, à propos duquel le Gouvernement nous dit qu’il bénéficie déjà d’une expérience convenable. L’avis est donc défavorable sur les deux amendements identiques.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 307 ?
Mme Agnès Buzyn, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable.
Il ne nous semble pas judicieux de mêler ces deux missions au sein de la même structure. Nous n’arrêtons pas de dire qu’un donneur de gamètes n’est pas un parent, qu’il se trouve dans une situation différente. Nous procéderions à un mélange des genres en faisant appel à une commission spécialisée ayant pour mission de retrouver des mères qui ont accouché sous X, nécessairement dans une forme de douleur familiale. Ce n’est pas la même expérience, et on ne peut pas tenir à ces personnes le même discours qu’aux donneurs de gamètes, qui se sont engagés dans un don altruiste, et qui ne sont en rien des parents.
Il me semble donc qu’il ne faut ni confondre, ni mélanger, ni associer ces deux missions, car le discours que l’on tiendra aux enfants nés d’un don altruiste et aux donneurs de gamètes ne pourra pas ressembler à celui que délivrent les psychologues et les responsables du CNAOP dans le cas d’un accouchement sous X. C’est pourquoi nous souhaitons deux instances différentes.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.
M. Jacques Bigot. Nous pouvons être sensibles à vos arguments, madame la ministre. Or, pour une fois, nous avons la chance d’avoir un texte qui connaîtra une seconde lecture.
Nous discutons là d’un problème d’organisation administrative. Faire examiner les requêtes par une commission ad hoc plutôt que par le CNAOP va-t-il réellement changer les choses ? Le temps de la navette nous permettra de travailler sur cette question.
Comme je l’ai dit en commission, la solution n’est pas forcément de recourir au CNAOP, ni d’ailleurs de créer une nouvelle commission administrative, à l’heure où le Gouvernement entend plutôt supprimer de nombreuses commissions. C’est pourquoi je préfère que nous nous en tenions à la position de la commission spéciale du Sénat. Cela permettra de voir si, in fine, il n’est pas possible de créer deux structures différentes au sein de la même instance, l’une travaillant avec l’ASE, notamment, au niveau des départements, pour essayer de retrouver les mères, l’autre travaillant avec les Cécos sur les donneurs de gamètes.
Nous ne voterons donc pas les deux amendements identiques, en espérant que la deuxième lecture nous permette d’approfondir cette question. Ce n’est pas simplement un point de détail, même s’il est moins important que nombre de sujets que nous avons examinés depuis deux jours.
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour explication de vote.
Mme Françoise Laborde. Je partage le point de vue de M. Bigot. Si l’instance dont nous parlons est composée de personnes assez fines, elles seront capables d’adapter leur discours et, selon les cas, de s’adresser aux enfants nés sous X ou aux enfants nés d’un don de gamètes.
Il s’agit plus, me semble-t-il, d’un affichage destiné à éviter tout mélange des genres, mais je ne suis pas sûre qu’il soit nécessaire. D’ici à la prochaine lecture, j’aimerais bien connaître le nombre d’enfants concernés dans chacune des deux catégories, pour savoir s’il est vraiment indispensable de créer deux organismes ou si tous les cas peuvent être traités par le même.
Nous avons souvent regretté la volonté de regrouper différentes commissions. En l’occurrence, il y en a déjà une, et l’on propose d’en créer une deuxième…
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Alain Milon, président de la commission spéciale. Depuis des années, les gouvernements successifs créent des commissions de ceci et de cela, des agences de ceci et de cela… Depuis des années, nous essayons de les regrouper, dans un souci d’économies et d’efficacité.
Le CNAOP est un organisme qui permet l’accès aux origines personnelles. Pour les enfants nés sous X, il s’agit de retrouver leur mère. Dans le cadre d’une AMP, il s’agira de retrouver un père ou une mère. C’est sensiblement le même travail, même si, au bout du compte, les résultats ne sont pas identiques.
Plutôt que de créer une commission ad hoc, qui aura besoin d’un secrétariat et de locaux dédiés, regroupons l’ensemble au sein du CNAOP et faisons en sorte que celui-ci puisse travailler sur les deux volets, avec du personnel complémentaire qui aura éventuellement suivi des formations différentes. Essayons de faire des économies. Le résultat sera efficace, car le CNAOP a l’habitude de traiter ces questions.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 264 rectifié et 287.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. L’amendement n° 201, présenté par Mmes Assassi, Cohen, Apourceau-Poly et Benbassa, M. Bocquet, Mmes Brulin et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud, M. Savoldelli et Mme Lienemann, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 67, remplacer les mots :
d’une date fixée par décret
par les mots :
de la cinquième année suivant la promulgation de la présente loi
II. – Alinéa 68
Remplacer les mots :
À la veille de la date fixée par le décret prévu au C du présent VI
par les mots :
Au plus tard le premier jour de la cinquième année suivant la promulgation de la présente loi
III. – Alinéas 69, 70, première phrase et 71, première phrase (deux fois)
Supprimer les mots :
par le décret prévu
La parole est à Mme Michelle Gréaume.
Mme Michelle Gréaume. Cet amendement vise à allonger la période transitoire entre les deux régimes, celui en vigueur actuellement, caractérisé par l’anonymat du don, et celui qui entrera en vigueur si le projet de loi est adopté, fondé sur la levée de l’anonymat. Il est évident que ces deux régimes différents ne peuvent coexister, l’un permettant à des enfants d’avoir accès à leurs origines, l’autre ne leur permettant pas.
La levée de l’anonymat risque toutefois, dans un premier temps, de se traduire par une diminution du nombre de candidats au don, comme l’ont souligné les Cécos. Il est donc important de conserver le stock de gamètes constitué avec le principe de l’anonymat du don, le temps de reconstituer un nouveau stock. C’est ce vous avez dit, me semble-t-il, madame la ministre.
Le délai de treize mois après la promulgation de la loi nous paraît également beaucoup trop court. Nous proposons donc d’attendre cinq ans avant de détruire les stocks existants.
Au-delà des moyens supplémentaires à accorder aux Cécos, nous pensons qu’une des clés pour rendre réellement effective la PMA pour toutes est d’éviter la pénurie de gamètes.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Vous avez bien compris que nous allons passer d’un système d’anonymat à un système qui lèvera, dans les conditions qui prévaudront à l’issue des discussions de ce texte, l’anonymat du donneur. Plusieurs phases sont prévues.
Pendant la première phase, qui durera un an environ, une banque de données sera créée auprès de l’Agence de la biomédecine, à partir des données possédées par les Cécos.
Au cours de la deuxième phase, le stock de gamètes existant, qui a été constitué sous le régime actuel, coexistera avec les dons de nouveaux donneurs, qui seront soumis au régime prévu par le présent texte. La durée de cette phase transitoire, qui verra diminuer le stock existant et augmenter – nous l’espérons tout du moins – le stock à venir, est indéterminée pour l’instant. Elle sera fixée par décret.
Lors de la dernière phase, nous n’utiliserons plus que les gamètes donnés sous le nouveau régime, celui qui sera issu du présent projet de loi.
Cet amendement vise à fixer la durée de la phase transitoire à cinq ans, alors qu’elle est pour l’heure indéterminée. Or personne ne peut savoir de quelle façon va se constituer le nouveau stock. Nous craignons donc que cette durée de cinq ans ne soit trop courte ou trop longue, en tout cas trop rigide pour s’adapter à la réalité du nouveau stock de gamètes constitué sous l’empire de la loi à venir.
Nous faisons confiance au gouvernement, quel qu’il soit, pour apprécier la réalité des stocks et prendre la décision la plus adaptée. En conséquence, la commission sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. Nous vous remercions de faire confiance au gouvernement, quel qu’il soit. J’espère néanmoins que ce sera toujours le même…
Mme Sophie Primas. À chacun ses vœux ! (Sourires.)
M. Adrien Taquet, secrétaire d’État. C’est la période, nous sommes encore en janvier. (Nouveaux sourires.)
Par souci de souplesse, l’avis est défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Madame Gréaume, l’amendement n° 201 est-il maintenu ?
Mme Michelle Gréaume. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 201 est retiré.
Je mets aux voix l’article 3, modifié.
(L’article 3 est adopté.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures, est reprise à dix-sept heures dix.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
Article 4
(Non modifié)
I. – Le code civil est ainsi modifié :
1° Le titre préliminaire est ainsi modifié :
a) À l’article 6-1, le mot : « au » est remplacé par les mots : « aux chapitres Ier à IV du » ;
b) Il est ajouté un article 6-2 ainsi rédigé :
« Art. 6-2. – Tous les enfants dont la filiation est légalement établie ont, dans leurs rapports avec leurs parents, les mêmes droits et les mêmes devoirs, sous réserve des dispositions particulières du chapitre II du titre VIII du livre Ier. La filiation fait entrer l’enfant dans la famille de chacun de ses parents. » ;
2° Les articles 310 et 358 sont abrogés ;
3° Le titre VII du livre Ier est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa de l’article 310-1 est complété par les mots : « ainsi que, dans les conditions prévues au chapitre V du présent titre, par la reconnaissance conjointe » ;
b) La section 3 du chapitre Ier est abrogée ;
c) La section 4 du même chapitre Ier devient la section 3 ;
d) Au troisième alinéa de l’article 311-21, après la référence : « l’article 311-23 », est insérée la référence : « , de l’article 342-12 » ;
e) À l’avant-dernier alinéa de l’article 311-23, après la référence : « du deuxième alinéa du présent article », est insérée la référence : « , de l’article 342-12 » ;
f) Il est ajouté un chapitre V ainsi rédigé :
« CHAPITRE V
« De l’assistance médicale à la procréation avec tiers donneur
« Art. 342-9. – En cas de procréation médicalement assistée avec tiers donneur, aucun lien de filiation ne peut être établi entre l’auteur du don et l’enfant issu de la procréation.
« Aucune action en responsabilité ne peut être exercée à l’encontre du donneur.
« Art. 342-10. – Les couples ou la femme non mariée qui, pour procréer, recourent à une assistance médicale nécessitant l’intervention d’un tiers donneur doivent préalablement donner leur consentement à un notaire qui les informe des conséquences de leur acte au regard de la filiation ainsi que des dispositions du chapitre III du titre IV du livre Ier de la deuxième partie du code de la santé publique.
« Le consentement à une assistance médicale à la procréation interdit toute action aux fins d’établissement ou de contestation de la filiation, à moins qu’il ne soit soutenu que l’enfant n’est pas issu de l’assistance médicale à la procréation ou que le consentement a été privé d’effet.
« Le consentement est privé d’effet en cas de décès, d’introduction d’une demande en divorce ou en séparation de corps, de signature d’une convention de divorce ou de séparation de corps par consentement mutuel selon les modalités de l’article 229-1 du présent code ou de cessation de la communauté de vie, survenant avant la réalisation de l’insémination ou du transfert d’embryon. Il est également privé d’effet lorsque l’un des membres du couple révoque son consentement par écrit et avant la réalisation de l’insémination ou du transfert d’embryon, auprès du médecin chargé de mettre en œuvre cette assistance ou du notaire qui l’a reçu.
« Art. 342-11. – Pour les couples de femmes, la filiation est établie, à l’égard de chacune d’elles, par la reconnaissance qu’elles ont faite conjointement devant le notaire lors du recueil du consentement mentionné à l’article 342-10.
« La reconnaissance conjointe est remise par l’une d’elles ou, le cas échéant, par la personne chargée de déclarer la naissance à l’officier de l’état civil qui l’indique dans l’acte de naissance de l’enfant.
« Tant que la filiation ainsi établie n’a pas été contestée en justice dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 342-10, elle fait obstacle à l’établissement d’une autre filiation dans les conditions du présent titre.
« Art. 342-12. – Lorsque la filiation est établie par reconnaissance conjointe, les femmes qui y sont désignées choisissent le nom de famille qui est dévolu à l’enfant au plus tard au moment de la déclaration de naissance : soit le nom de l’une d’elles, soit leurs deux noms accolés dans l’ordre choisi par elles dans la limite d’un nom de famille pour chacune d’elles. En l’absence de déclaration conjointe à l’officier de l’état civil mentionnant le choix du nom de l’enfant, celui-ci prend leurs deux noms, dans la limite du premier nom de famille pour chacune d’elles, accolés selon l’ordre alphabétique.
« En cas de naissance à l’étranger d’un enfant dont l’un au moins des parents est français, les parents qui n’ont pas usé de la faculté de choix du nom dans les conditions prévues au premier alinéa peuvent effectuer une telle déclaration lors de la demande de transcription de l’acte, au plus tard dans les trois ans suivant la naissance de l’enfant.
« Lorsqu’il a déjà été fait application du présent article, de l’article 311-21, du deuxième alinéa de l’article 311-23 ou de l’article 357 à l’égard d’un enfant commun, le nom précédemment dévolu ou choisi vaut pour les autres enfants communs.
« Lorsque les parents ou l’un d’entre eux portent un double nom de famille, ils peuvent, par une déclaration écrite conjointe, ne transmettre qu’un seul nom à leurs enfants.
« Lorsqu’il est fait application du troisième alinéa de l’article 342-12 et que la filiation de l’enfant s’en trouve modifiée, le procureur de la République modifie le nom de l’enfant par application du présent article.
« Art. 342-13. – L’homme qui, après avoir consenti à l’assistance médicale à la procréation, ne reconnaît pas l’enfant qui en est issu engage sa responsabilité envers la mère et envers l’enfant. En outre, sa paternité est judiciairement déclarée. L’action obéit aux dispositions des articles 328 et 331.
« La femme qui, après avoir consenti à l’assistance médicale à la procréation, fait obstacle à la remise à l’officier de l’état civil de la reconnaissance conjointe mentionnée à l’article 342-10 engage sa responsabilité.
« En cas d’absence de remise de la reconnaissance conjointe mentionnée au même article 342-10, celle-ci peut être communiquée à l’officier de l’état civil par le procureur de la République à la demande de l’enfant majeur, de son représentant légal s’il est mineur ou de toute personne ayant intérêt à agir en justice. La reconnaissance conjointe est portée en marge de l’acte de naissance de l’enfant. Toutefois, la filiation établie par la reconnaissance conjointe ne peut être portée dans l’acte de naissance tant que la filiation déjà établie à l’égard d’un tiers, par présomption, reconnaissance volontaire ou adoption plénière, n’a pas été contestée en justice dans les conditions prévues à la section 3 du chapitre III du présent titre, par une action en tierce opposition dans les conditions prévues à l’article 353-2 ou par un recours en révision dans les conditions prévues au titre XVI du livre Ier du code de procédure civile. » ;
4° Le titre VIII du même livre Ier est ainsi modifié :
a) L’article 353-2 est ainsi modifié :
– le premier alinéa est complété par les mots : « ou au conjoint de l’adoptant » ;
– le second alinéa est complété par les mots : « , ainsi que la dissimulation au tribunal de l’existence d’un consentement à une procédure d’assistance médicale à la procréation avec tiers donneur ou réalisée après le décès de l’un des parents et, le cas échéant, d’une reconnaissance conjointe tels que prévus au chapitre V du titre VII du présent livre » ;
b) Au cinquième alinéa de l’article 357, après la référence : « 311-23 », est insérée la référence : « , de l’article 342-12 » ;
5° L’article 372 est ainsi modifié :
a) La seconde phrase du deuxième alinéa est complétée par les mots : « ou, dans le cas d’un établissement de la filiation dans les conditions prévues au chapitre V du titre VII du présent livre, lorsque la mention de la reconnaissance conjointe est apposée à la demande du procureur de la République » ;
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« L’autorité parentale est exercée conjointement dans le cas prévu à l’article 342-11. »
II. – À l’article 847 bis du code général des impôts, la référence : « 311-20 » est remplacée par la référence : « 342-10 ».
III. – Le 8° du I de l’article 22 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice est abrogé.
Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. L’article 4 du projet de loi organise la filiation des enfants qui naissent à l’issue d’une AMP réalisée par le nouveau public bénéficiaire de ce dispositif, notamment les couples de femmes. C’est un article de droit pur, donc quelque peu aride, mais il est important.
L’avis de la commission spéciale a évolué sur le sujet. Lors de sa dernière réunion, elle a donné un avis favorable à l’amendement n° 67 rectifié ter de Mme Primas, qui diffère du texte que la commission spéciale a adopté. Le vote a été serré. Les arguments avancés ont notamment rappelé que le droit de la filiation est un élément structurant de notre société.
Du droit de la filiation découlent les rapports des enfants avec leurs parents, les droits et obligations de chacun, ainsi que le droit des successions ou encore la prohibition de l’inceste. Ce droit est si important qu’il n’a jamais été laissé aux mains des citoyens, dont la volonté pure ne suffit pas à l’influencer ou à le créer. C’est pourquoi il faut être extrêmement attentif, lorsqu’on entend le modifier, à conserver le contrôle de l’État. C’est ce que fait l’amendement de Mme Primas.
Je souhaitais rappeler ce contexte avant que nous n’entrions plus avant dans la discussion.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, sur l’article.
Mme Laurence Cohen. Le droit à l’AMP pour les couples de femmes ne saurait être pleinement effectif sans une reconnaissance juridique du lien de filiation entre l’enfant et ses deux mères et de la qualité de parents de ces dernières. Dans la suite logique de l’article 1er, l’article 4 du projet de loi consacre cette reconnaissance.
Le mécanisme de la reconnaissance conjointe anticipée constitue, selon nous, la meilleure option parmi celles débattues en commission spéciale et, plus globalement, parmi celles avancées et discutées jusqu’ici dans le débat parlementaire. Cependant, il est regrettable que le projet de loi crée un régime dérogatoire pour les couples lesbiens. En effet, le choix a été fait non pas d’unifier le régime de l’AMP, mais d’ajouter au régime de droit commun applicable aux couples hétérosexuels un régime spécifique pour les couples de femmes, ce qui ne permet pas, à notre sens, d’atteindre l’égalité.
Des discriminations subsistent. Il serait dommage de ne pas les supprimer au moment, que l’on pourrait qualifier d’historique, où nous mettons fin à une grande injustice, en concrétisant le droit pour toutes à l’AMP.
La première discrimination, c’est l’existence de deux modes d’établissement de la filiation distincts, selon qu’il s’agit d’un couple hétérosexuel ou d’un couple lesbien ayant eu recours à l’AMP.
La deuxième discrimination, c’est l’absence de reconnaissance d’un lien de filiation, même en l’absence d’un lien biologique, par le mécanisme de la possession d’état pour les femmes concubines ou en couple ayant un enfant.
La troisième discrimination, c’est l’absence de présomption de parentalité pour les couples lesbiens mariés, mécanisme reconnu pour les couples hétérosexuels mariés.
Outre ces discriminations, nous regrettons que le mécanisme de reconnaissance de filiation conjointe anticipée soit entre les mains du notaire, et non entre celles du juge. Il s’agit d’un pas de plus vers la déjudiciarisation de tous les actes importants qui touchent au droit de la famille, processus que nous avons déjà dénoncé.
Le groupe CRCE présentera des amendements visant à améliorer les dispositions de cet article afin, d’une part, de permettre la reconnaissance pleine et entière du lien de filiation entre l’enfant et ses deux mères sans qu’aucune discrimination subsiste dans la loi entre couples hétérosexuels et couples lesbiens et, d’autre part, de préserver les droits et l’intérêt de l’enfant, dont le mode de conception ne doit constituer ni une discrimination ni un obstacle à l’accès à ses origines.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Bas, sur l’article.
M. Philippe Bas. Nous abordons une question très importante : qu’est-ce que la filiation ? Commençons par rappeler les bases.
La filiation, c’est l’instrument qui permet de déterminer un certain nombre d’obligations légales qu’un adulte a vis-à-vis d’un enfant et que cet enfant aura plus tard vis-à-vis dudit adulte. C’est tellement important qu’il faut que l’établissement et la preuve de la filiation se fassent dans les conditions les plus claires, objectives et factuelles possible. C’est la raison pour laquelle, en droit français et depuis toujours, la mère est la femme qui accouche.
Il est très important que, au moment où nous voulons reconnaître une égalité de droits et de devoirs de deux femmes vis-à-vis d’un enfant qu’elles ont décidé de faire naître, nous n’abandonnions pas cette règle essentielle que je répète : la mère est la femme qui accouche. Par l’accouchement, on détermine un certain nombre d’obligations de cette femme vis-à-vis de l’enfant, puis, plus tard, de cet enfant vis-à-vis de cette femme.
De mon point de vue, il n’est pas acceptable que l’on soit mère lorsque l’on accouche d’un enfant né d’un couple hétérosexuel et qu’on ne le soit pas nécessairement lorsque l’enfant naît d’un couple de femmes. Ce serait une inégalité majeure dans la preuve de la filiation et dans son mode d’établissement.
Nous devons être très attentifs sur ce point. De ce fait, il nous faut traiter le problème de la compagne de la mère, sans laquelle l’enfant n’aurait pas été conçu et ne serait pas né. Je crois que nous pouvons atteindre l’égalité de droits entre les deux femmes en prévoyant que l’épouse ou la compagne de la mère sera autant mère que celle-ci, parce qu’elle aura bénéficié de la possibilité – ce sera même une obligation – d’adopter cet enfant selon une procédure automatique qu’elle ne pourra pas refuser.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Bigot, sur l’article.
M. Jacques Bigot. Je salue la présence de la garde des sceaux. Il est important qu’elle soit là pour l’examen de cet article.
L’ouverture de l’assistance médicale à la procréation aux couples de femmes nous conduit à aborder le droit de la filiation et la situation de l’enfant qui a deux mères, situation qui fera l’objet d’une inscription à l’état civil. Pour autant, la jurisprudence récente de la Cour de cassation admet qu’il peut y avoir transcription d’un acte dans auquel il y a deux pères – nous y reviendrons sans doute au cours de l’examen de l’article 4 bis.
Le présent projet de loi s’inscrit dans le cadre du titre VII du code civil, qui vise la filiation charnelle, celle dans laquelle la femme qui accouche est la mère. Le législateur a ensuite défini d’autres notions : la présomption de paternité du mari, qui disparaît petit à petit, surtout depuis 1972, et la reconnaissance par un homme. Je signale d’ailleurs que cette procédure de reconnaissance ne requiert pas de vérification – on pourrait très bien imaginer que l’on recherche une correspondance ADN ou un autre indice de paternité. Il peut ainsi y avoir une reconnaissance sans véritable paternité ; cela arrive fréquemment, lorsqu’un homme se marie avec une femme qui a déjà un enfant.
C’est de cette procédure de reconnaissance que le projet de loi s’inspire, ce qui explique la notion de reconnaissance conjointe par deux femmes. C’est sans doute la meilleure manière d’inscrire les deux mères à l’état civil.
Le texte n’aborde pas la question de la filiation pour des enfants nés par PMA de couples hétérosexuels, parce que, pour eux, le droit est resté dans le cadre du couple charnel, naturel.
Je me demande d’ailleurs si nous ne devrions pas un jour créer un nouveau titre au sein du code civil après celui consacré à la filiation charnelle, le titre VII, et celui consacré à la filiation adoptive, le titre VIII – dans le cas de l’adoption, l’enfant peut être majeur, mineur, venir de l’étranger, etc. En effet, une notion supplémentaire est apparue, celle de la filiation par décision parentale dans le cadre d’une assistance médicale à la procréation. Faut-il inscrire à l’état civil le fait que l’enfant né d’un don est l’enfant de ses géniteurs d’un point de vue sociologique, même si ce n’est pas le cas d’un point de vue biologique ? Nous n’en sommes pas là.
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.
L’amendement n° 30 rectifié ter est présenté par Mme Deseyne, MM. de Legge et Bonne, Mmes Ramond et Sittler, MM. Danesi et Schmitz, Mme Bruguière, MM. Chaize, Paccaud, Morisset et Panunzi, Mmes Lopez et Lavarde, MM. Vaspart et Retailleau, Mme Lassarade, MM. Cuypers et Chevrollier, Mmes Eustache-Brinio, Deroche et Lamure, MM. Mandelli et Gilles, Mmes Chauvin et Micouleau et MM. H. Leroy, Bignon et Hugonet.
L’amendement n° 54 rectifié bis est présenté par MM. Reichardt, Kennel, Mayet et Piednoir, Mme Noël et M. Duplomb.
L’amendement n° 241 rectifié est présenté par M. L. Hervé, Mme Billon, M. Cigolotti et Mme Morin-Desailly.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Chantal Deseyne, pour présenter l’amendement n° 30 rectifié ter.
Mme Chantal Deseyne. L’article 4 tire les conséquences de l’ouverture de l’AMP aux couples de femmes et crée un nouveau mode de filiation fondé sur la volonté et détaché de toute référence à l’engendrement de l’enfant. Avec cette nouvelle rédaction, la filiation se détache du modèle biologique et n’a plus aucun rapport avec la réalité, puisque l’enfant pourrait, prétendument, avoir deux mères. Le principe selon lequel la femme qui accouche est la mère disparaît donc.
Le présent amendement a pour objet, dans ce contexte, de supprimer cet article. J’ai cependant entendu les prises de parole de Mme la rapporteure et du président Bas. Je retire donc cet amendement au profit de celui que présentera Mme Primas dans quelques instants. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. L’amendement n° 30 rectifié ter est retiré.
L’amendement n° 54 rectifié bis n’est pas soutenu.
La parole est à M. Loïc Hervé, pour présenter l’amendement n° 241 rectifié.
M. Loïc Hervé. L’article 4 est bien loin de la bioéthique, puisque, en tirant les conséquences de l’article 1er, il touche au droit de la filiation.
Après en avoir discuté avec des couples qui vivent ces situations, je considère que le droit actuel est satisfaisant et qu’il n’est pas nécessaire de modifier le code civil. Pour autant, comme ma collègue Chantal Deseyne, je retire cet amendement au profit de celui de Mme Primas, qui me semble apporter toutes les corrections nécessaires. Comme l’a très bien démontré Philippe Bas, nous devons mettre en place une filiation beaucoup plus fidèle à la réalité et non une fiction. L’enfant – il faut penser à lui ! – doit pouvoir se construire par rapport à cette réalité. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. L’amendement n° 241 rectifié est retiré.
L’amendement n° 67 rectifié ter, présenté par Mme Primas, MM. Babary, Bas et Bascher, Mmes Berthet et A.M. Bertrand, M. Bignon, Mme Billon, MM. Bonhomme, Bonne, Bouloux, Brisson, Calvet, Cambon et Cardoux, Mme Chain-Larché, MM. Chaize et Charon, Mme Chauvin, MM. Chevrollier et Cuypers, Mmes L. Darcos, Deroche, Di Folco, Estrosi Sassone et Eustache-Brinio, MM. Forissier et B. Fournier, Mme F. Gerbaud, MM. Gilles, Ginesta et Gremillet, Mme Gruny, MM. Guené, Hugonet et Huré, Mme Imbert, MM. Karoutchi, Kennel et Kern, Mmes Lamure et Lassarade, M. Laugier, Mme Lavarde, MM. de Legge, Leleux et Longuet, Mme Lopez, MM. Magras et Mandelli, Mmes M. Mercier et Micouleau, MM. Morisset, Mouiller et de Nicolaÿ, Mme Noël, MM. Paul, Pellevat, Piednoir et Pierre, Mmes Procaccia, Puissat, Raimond-Pavero et Ramond, MM. Rapin, Regnard, Reichardt, Retailleau, Schmitz, Segouin et Sol, Mmes Thomas et Troendlé et MM. Vaspart et Vial, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – Le code civil est ainsi modifié :
1° Après l’article 310-1, il est inséré un article 310-1-1 ainsi rédigé :
« Art. 310-1-1. – Il ne peut être légalement établi deux filiations maternelles ou deux filiations paternelles à l’égard d’un même enfant. » ;
2° Le chapitre Ier du titre VII du livre Ier est ainsi modifié :
a) La section 3 est abrogée ;
b) La section 4 devient la section 3 ;
3° Après le titre VII du même livre Ier, il est inséré un titre … ainsi rédigé :
« Titre …
« De la filiation en cas d’assistance médicale à la procréation avec tiers donneur
« Art. 342-9. – En cas d’assistance médicale à la procréation nécessitant l’intervention d’un tiers donneur, aucun lien de filiation ne peut être établi entre l’auteur du don et l’enfant issu de l’assistance médicale à la procréation.
« Aucune action en responsabilité ne peut être exercée à l’encontre du donneur.
« Art. 342-10. – Les couples ou la femme non mariée qui, pour procréer, recourent à une assistance médicale nécessitant l’intervention d’un tiers donneur, doivent préalablement donner leur consentement à un notaire, qui les informe des conséquences de leur acte au regard de la filiation ainsi que des conditions dans lesquelles l’enfant pourra, s’il le souhaite, accéder à sa majorité aux données non identifiantes et à l’identité de ce tiers donneur.
« Le consentement donné à une assistance médicale à la procréation interdit toute action aux fins d’établissement ou de contestation de la filiation à moins qu’il ne soit soutenu que l’enfant n’est pas issu de l’assistance médicale à la procréation ou que le consentement a été privé d’effet.
« Le consentement est privé d’effet en cas de décès, d’introduction d’une demande en divorce ou en séparation de corps, de signature d’une convention de divorce ou de séparation de corps par consentement mutuel selon les modalités de l’article 229-1 ou de cessation de la communauté de vie, survenant avant la réalisation de l’assistance médicale à la procréation. Il est également privé d’effet lorsque l’un des membres du couple le révoque, par écrit et avant la réalisation de l’assistance médicale à la procréation, auprès du médecin chargé de mettre en œuvre cette assistance.
« Celui qui, après avoir consenti à l’assistance médicale à la procréation, ne reconnaît pas l’enfant qui en est issu engage sa responsabilité envers la mère et envers l’enfant.
« En outre, sa paternité est judiciairement déclarée. L’action obéit aux dispositions des articles 328 et 331.
« Si les deux membres du couple en font la demande au notaire, le consentement donné à une assistance médicale à la procréation vaut consentement de la mère dont la filiation à l’égard de l’enfant qui en est issu est établie par l’effet de la loi ou par la reconnaissance volontaire, à l’adoption de cet enfant par l’autre membre du couple. Celui-ci s’engage à saisir le tribunal de grande instance d’une requête en adoption de l’enfant.
« Le cas échéant, les effets du consentement à l’adoption cessent en même temps que ceux du consentement à une assistance médicale à la procréation.
« Le membre du couple qui, après s’être engagé à saisir le tribunal de grande instance d’une requête en adoption de l’enfant issu de l’assistance médicale à la procréation, n’y procède pas, engage sa responsabilité envers la mère et envers l’enfant.
« L’adoption de l’enfant peut, dans ce cas, être prononcée par le tribunal de grande instance à la requête de la mère dont la filiation est établie.
« Art. 342-11. – La filiation de l’enfant issu du recours à une assistance médicale à la procréation nécessitant l’intervention d’un tiers donneur est établie dans les conditions du titre VII du présent livre.
« Dans le cas visé à l’article 310-1-1, la seconde filiation ne peut être établie que dans les conditions du titre VIII du même présent livre. » ;
5° L’article 343 est ainsi modifié :
a) Après le mot : « corps, », la fin de la phrase est ainsi rédigée : « deux partenaires liés par un pacte civil de solidarité ou deux concubins. » ;
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Les adoptants doivent être en mesure d’apporter la preuve d’une communauté de vie d’au moins deux ans ou être âgés l’un et l’autre de plus de vingt-huit ans. » ;
6° Le second alinéa de l’article 343-1 est ainsi modifié :
a) Après le mot : « corps, », sont insérés les mots : « lié par un pacte civil de solidarité ou en concubinage, » ;
b) Après le mot : « conjoint, », sont insérés les mots : « de son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou de son concubin » ;
c) La seconde occurrence du mot : « conjoint » est remplacée par les mots : « celui-ci » ;
7° L’article 343-2 est complété par les mots : « , du partenaire d’un pacte civil de solidarité ou du concubin » ;
8° À la seconde phrase du premier alinéa de l’article 344, après le mot : « conjoint », sont insérés les mots : « , partenaire d’un pacte civil de solidarité ou concubin, » ;
9° Après le premier alinéa de l’article 345, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque l’enfant est issu d’une assistance médicale à la procréation nécessitant l’intervention d’un tiers donneur, la condition d’accueil au foyer de l’adoptant prévue au premier alinéa n’est pas exigée. » ;
10° L’article 345-1 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, après le mot : « conjoint », sont insérés les mots : « , du partenaire d’un pacte civil de solidarité ou du concubin » ;
b) Le deuxième alinéa est complété par les mots : « , de ce partenaire d’un pacte civil de solidarité ou de ce concubin » ;
c) Au troisième alinéa, après le mot : « conjoint », sont insérés les mots : « , de ce partenaire d’un pacte civil de solidarité ou de ce concubin » ;
d) Au quatrième alinéa, après le mot : « conjoint », sont insérés les mots : « , le partenaire d’un pacte civil de solidarité ou le concubin » ;
e) Au dernier alinéa, après le mot : « conjoint », sont insérés les mots : « , le partenaire d’un pacte civil de solidarité ou le concubin » ;
11° L’article 346 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est complété par les mots : « , deux partenaires liés par un pacte civil de solidarité ou deux concubins » ;
b) Au second alinéa, après le mot : « conjoint », sont insérés les mots : « , partenaire d’un pacte civil de solidarité ou concubin » ;
12° L’article 353 est ainsi modifié :
a) Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque l’enfant est issu d’une assistance médicale à la procréation nécessitant l’intervention d’un tiers donneur, le délai prévu au premier alinéa est fixé à un mois. » ;
b) Au quatrième alinéa, après le mot : « conjoint », sont insérés les mots : « , partenaire d’un pacte civil de solidarité ou concubin » ;
13° Au premier alinéa de l’article 353-1, après le mot : « conjoint », sont insérés les mots : « , partenaire d’un pacte civil de solidarité ou concubin » ;
14° Le premier alinéa de l’article 353-2 est complété par les mots : « ou au conjoint, partenaire d’un pacte civil de solidarité ou concubin de l’adoptant » ;
15° Le second alinéa de l’article 356 est ainsi modifié :
a) La première phrase est ainsi modifiée :
- après la première occurrence du mot : « conjoint », sont insérés les mots : « , du partenaire d’un pacte civil de solidarité ou du concubin » ;
- après la seconde occurrence du mot : « conjoint », sont insérés les mots : « , partenaire d’un pacte civil de solidarité ou concubin » ;
b) La seconde phrase est complétée par les mots : « , partenaires liés par un pacte civil de solidarité ou concubins » ;
16° L’article 357 est ainsi modifié :
a) Le deuxième alinéa est ainsi modifié :
- après la première occurrence du mot : « conjoint », sont insérés les mots : « , du partenaire d’un pacte civil de solidarité ou du concubin » ;
- après le mot : « époux, », sont insérés les mots : « partenaires liés par un pacte civil de solidarité ou concubins, » ;
- après la seconde occurrence du mot : « conjoint », sont insérés les mots : « , partenaire d’un pacte civil de solidarité ou concubin, » ;
b) Au quatrième alinéa, après le mot : « conjoint », sont insérés les mots : « , partenaire d’un pacte civil de solidarité ou concubin, » ;
17° Au troisième alinéa de l’article 360, après le mot : « conjoint », sont insérés les mots : « , partenaire d’un pacte civil de solidarité ou concubin » ;
18° À l’article 361, la référence : « 350 » est remplacée par la référence : « 349 » ;
19° L’article 363 est ainsi modifié :
a) À la première phrase du troisième alinéa, après les mots : « époux, », sont insérés les mots : « deux partenaires liés par un pacte civil de solidarité ou deux concubins, » ;
b) Le dernier alinéa est ainsi modifié :
- à la première phrase, après les mots : « conjoint, » sont insérés les mots : « du partenaire d’un pacte civil de solidarité ou du concubin, » ;
- à la deuxième phrase, après les mots : « époux, » sont insérés les mots : « deux partenaires liés par un pacte civil de solidarité ou deux concubins, » ;
20° Le premier alinéa de l’article 365 est ainsi modifié :
a) Après la première occurrence du mot : « conjoint », sont insérés les mots : « , le partenaire d’un pacte civil de solidarité ou le concubin » ;
b) Après la seconde occurrence du mot : « conjoint », sont insérés les mots : « son partenaire auquel il est lié par un pacte civil de solidarité ou son concubin, » ;
21° Au quatrième alinéa de l’article 366, après chaque occurrence du mot : « conjoint », sont insérés les mots : « , le partenaire d’un pacte civil de solidarité ou le concubin » ;
22° Le premier alinéa de l’article 370-3 est ainsi modifié :
a) À la première phrase, après le mot : « époux, », sont insérés les mots : « deux partenaires liés par un pacte civil de solidarité ou deux concubins, » ;
b) À la deuxième phrase, après le mot : « époux », sont insérés les mots : « , partenaire d’un pacte civil de solidarité ou concubin ».
II. – À l’article 847 bis du code général des impôts, la référence : « 311-20 » est remplacée par la référence : « 342-10 ».
III. – Le 8° du I et le III de l’article 22 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice sont abrogés.
La parole est à Mme Sophie Primas.
Mme Sophie Primas. Je remercie mes collègues d’avoir retiré leurs amendements de suppression de l’article au profit de celui-ci, qui tend à établir la filiation de la mère d’intention par la voie d’une procédure d’adoption rénovée.
Cet amendement reprend le dispositif proposé par notre rapporteur Muriel Jourda en commission spéciale. Son postulat est simple : une fois que nous avons adopté et acté le principe de l’extension de l’assistance médicale à la procréation à toutes les femmes, notre devoir est d’établir la filiation des enfants qui en sont issus, et cela de manière sécurisée. Or nous pensons qu’il est possible de le faire avec les outils existants de notre droit.
Si le texte de l’Assemblée nationale était adopté, il aboutirait à un bouleversement du système actuel de la filiation, ce qui n’est pas nécessaire. Il permettrait en effet d’établir la filiation, hors adoption, sur un pur critère de volonté de la part des deux mères, ce qui ne correspond pas aux principes fondamentaux du système français de filiation. Dans notre système, la filiation est établie selon le modèle de la procréation charnelle, qui implique qu’on puisse vérifier la réalité d’un lien de filiation, et il n’est pas possible d’utiliser ce modèle pour la femme qui n’a pas participé à la procréation charnelle.
La question que nous devons nous poser est la suivante : souhaitons-nous réformer le système français de la filiation au détour d’un projet de loi relatif à la bioéthique ? Cela ne nous semble pas acceptable. Alors, que faire ? Nous connaissons déjà l’adoption, qui, dans notre droit, est l’unique possibilité d’établir une filiation élective, c’est-à-dire une filiation sur la base de la seule volonté. Telle est la voie que nous proposons avec cet amendement ; il est un peu complexe et long, mais il est en réalité assez simple.
Pour la femme qui accouche, nous ne changeons rien au droit existant ; ce serait toujours le seul accouchement qui entraînerait la maternité. Pour l’autre femme, celle qui ne participe pas à la procréation charnelle, l’amendement tend à instaurer une procédure d’adoption accélérée, dont le fonctionnement serait très simple. L’adoption serait ouverte à tous les couples, qu’ils soient mariés, concubins ou pacsés, comme le proposent d’ailleurs notre collègue Corinne Imbert et la députée Monique Limon. Le consentement à l’AMP chez le notaire vaudrait consentement à l’adoption, et la filiation pourrait être, au final, établie au jour de la naissance de l’enfant.
Selon nous, ce dispositif présente deux mérites : il répond à l’objectif que nous recherchons tous d’établir en toute sécurité juridique la filiation d’un enfant issu de l’AMP, lorsqu’un couple de femmes y a recours ; il utilise le droit existant, sans bouleverser les principes fondamentaux de la filiation. C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous demande d’adopter cet amendement, qui, je le répète, ne bouscule pas le droit existant et prévoit une filiation juridiquement sécurisée pour les enfants nés d’une AMP. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Loïc Hervé et Mme Nadia Sollogoub applaudissent également.)
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. La commission spéciale a émis un avis favorable sur cet amendement, que Mme Primas a excellemment présenté.
Nous ne sommes pas là pour réformer le droit de la filiation. La commission spéciale n’a d’ailleurs pas procédé aux auditions nécessaires pour le faire. Nous ne sommes pas là non plus pour modifier la situation des couples qui ont aujourd’hui recours à l’assistance médicale à la procréation, tout simplement parce que le système mis en place à cet effet dans le code civil fonctionne parfaitement – nous n’avons donc nullement besoin de le modifier. Nous sommes là pour ajouter de nouvelles bénéficiaires à l’AMP, notamment les couples de femmes, et pour trouver un lien de filiation cohérent qui permette à ces femmes d’avoir les mêmes droits et, surtout, les mêmes obligations que n’importe quel parent à l’égard des enfants qu’elles auront dans le cadre de cette AMP.
La proposition qui nous est faite par l’Assemblée nationale ne convient pas à cet égard, puisqu’elle permet à deux femmes qui ont recours à l’AMP de reconnaître les enfants l’une et l’autre. Je ne m’attarderai pas sur le fait que, en droit français, la reconnaissance est l’aveu de la participation à la procréation charnelle, ce qui est rigoureusement impossible pour une des deux femmes, celle qui n’accouche pas.
Cette proposition introduit finalement un critère, celui de la volonté pure, qui ne peut pas fonder un droit d’ordre public comme la filiation – je l’évoquais il y a quelques minutes. La volonté pure appartient au droit contractuel, celui qui est à la disposition des citoyens. Le droit de la filiation n’est pas à la disposition des citoyens, parce que ses conditions sont posées par l’État, et uniquement par lui. Nous ne pouvons pas décider si nous sommes d’accord ou non avec ce droit. Nous ne pouvons pas émettre une volonté en la matière – j’ajoute que cela serait à la fois délicat et dangereux, car ce que la volonté fait, la volonté peut le défaire.
Le grand mérite de l’amendement de Mme Primas est de rejeter le fondement si fragile de la volonté et d’utiliser les outils existants du droit de la filiation. Le président Bas l’a dit, la mère est la femme qui accouche, ce qui me paraît tout de même de bon aloi et ce qui fonctionne pour toutes les femmes. L’autre mère est une mère d’intention, elle n’a pas participé à la procréation.
La maternité d’intention existe depuis toujours, cela s’appelle l’adoption – on choisit d’être parent –, et il y a une procédure pour cela. Je vous rassure, cette procédure est extrêmement simple lorsqu’il s’agit de l’enfant du conjoint. Il est tout à fait possible d’avoir recours à l’adoption, certes en modifiant quelque peu ses conditions, mais sans bouleverser totalement le droit de la filiation comme le prévoit le texte de l’Assemblée nationale.
Ce qui vous est proposé par cet amendement me paraît donc parfaitement cohérent. J’ajoute, je l’ai toujours dit, que le désir d’avoir des enfants est parfaitement légitime, mais que nous légiférons pour une minorité. La majorité des parents continuera à bénéficier du régime du code civil de la procréation charnelle.
Alors, de grâce, ne fragilisons pas un système qui correspond finalement à la quasi-totalité des parents et des enfants en France. Au contraire, utilisons ce même système pour donner aux femmes qui vont dorénavant bénéficier de l’AMP les mêmes droits et obligations que les autres femmes. Le mode d’établissement de la filiation n’est pas important, mais celle-ci doit être solide.
L’avis de la commission spéciale est donc favorable sur l’amendement n° 67 rectifié ter. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. L’avis est défavorable sur cet amendement, même si nous avons un point d’accord : l’ouverture de l’AMP avec tiers donneur aux couples de femmes nécessite de réfléchir à l’établissement d’un lien de filiation. Votre proposition, madame la sénatrice Primas, s’inscrit dans ce cadre.
L’article 4 est indispensable, même si, vous avez raison, madame la rapporteure, madame la sénatrice Primas, l’objectif de cette loi n’est pas de bouleverser le droit de la filiation, en établissant des modalités pour tel ou tel système, selon tel ou tel précepte, mais d’établir un mode de filiation pour les couples de femmes effectuant une AMP avec tiers donneur. Nous sommes d’accord là-dessus.
Vous proposez d’établir un mode de filiation qui est connu, à savoir l’adoption, dans un titre VII bis. Je ne partage pas cette option, non par choix personnel, mais parce que l’ensemble des instances consultées dans le cadre de la préparation de ce projet de loi – qu’il s’agisse du Conseil d’État, de la mission d’information de l’Assemblée nationale ou de la CNCDH – ont toutes pointé que l’adoption n’était pas adaptée à la situation. Pourquoi ? Sans doute, et je partage cette explication, parce qu’il y aurait une forme d’incohérence à reconnaître un projet parental porté par deux femmes – elles ont décidé ensemble de s’engager dans la procréation médicale et de faire une déclaration conjointe – et à créer un décalage au terme du processus, c’est-à-dire à la naissance de l’enfant, entre celle qui accouche, laquelle est bien entendu la mère,…
M. Gérard Longuet. Eh oui !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. … et celle qui a porté le même projet au même moment en s’engageant dans la même démarche.
M. Gérard Longuet. Le père n’accouche pas non plus !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Tel qu’il existe, il me semble que le système de l’adoption, que vous envisagez, ne permet pas d’établir un lien de filiation de manière simultanée. Vous le savez, il y a une démarche supplémentaire à effectuer : l’intervention du juge. Je ne suis pas sûre que cela apporte quelque chose en matière tant de sécurité que d’égalité par rapport au schéma que l’Assemblée nationale a proposé. Voilà la raison pour laquelle il ne me semble pas opportun de recourir à la procédure judiciaire de l’adoption, comme vous l’imaginez.
Je ne considère pas que votre proposition soit dénuée de sens, mais elle ne me semble pas cohérente avec ce que nous avons voulu faire en ouvrant la PMA avec tiers donneur aux couples de femmes. Elle pourrait apparaître un peu discriminatoire pour ces femmes. (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.) Si le mot est un peu trop fort, considérons qu’elle introduit une différenciation avec les autres couples, qui n’est pas forcément utile.
Je voudrais simplement redire ici devant vous qu’avec les choix opérés par l’Assemblée nationale, sur proposition du Gouvernement, nous avons l’ambition de faire reposer l’établissement de la filiation sur quelques principes clairs, que j’ai présentés lors de la discussion générale, mais que je tiens à réaffirmer ici.
En premier lieu, il s’agit pour nous d’offrir aux enfants nés d’une AMP au sein d’un couple de femmes exactement les mêmes droits qu’aux autres enfants.
Mme Sophie Primas. C’est le cas !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Je ne doute pas que vous souscriviez à ce principe, mais nous l’inscrivons clairement dans un article 6-2 du code civil. C’est vraiment la réaffirmation de l’égalité entre les enfants, quel que soit le mode d’établissement de la filiation.
En deuxième lieu, nous apportons une sécurité juridique – pour nous, c’est une exigence forte – à la fois aux deux mères et à leurs enfants. Nous souhaitons sécuriser l’établissement de cette filiation, qui repose non pas sur la vraisemblance biologique, c’est-à-dire l’altérité sexuelle, mais sur un engagement commun.
En troisième lieu, nous voulons mettre en place une procédure simple, qui n’impose aucune démarche ou contrainte supplémentaire aux femmes qui s’engagent dans ce processus.
En quatrième lieu – nous l’avons rappelé à plusieurs reprises –, nous avons fait le choix de ne pas modifier les procédures applicables aux couples hétérosexuels ayant recours à l’AMP avec tiers donneur, considérant que cela n’était pas nécessaire.
Ces quatre principes s’appliquent, me semble-t-il, au mode d’établissement de la filiation que nous avons retenu. Pour autant, je crois que notre solution ne provoque pas un bouleversement du droit de la filiation. Elle va reposer sur un engagement commun, comme Mme la rapporteure le faisait observer, mais il ne s’agit pas de volonté pure ; c’est plutôt un consentement qui s’impose dans des conditions précisément fixées par la loi, selon des modalités très encadrées et avec des effets, eux aussi, précisément déterminés par la loi.
Nous sommes vraiment dans un mode d’établissement de la filiation qui prend en compte la spécificité de cette situation, mais qui ne vient pas bouleverser le droit de la filiation. Telles sont les raisons pour lesquelles je ne souhaite pas émettre un avis favorable sur l’amendement que vous portez, madame Primas.
Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Comme certains de mes collègues à droite, dont Sophie Primas, et au centre, j’ai voté l’extension de la PMA. Cette thématique autour d’un projet parental exprimé relève de la liberté, et nous ne nous sentions pas le droit de l’empêcher.
L’article 4, qui a trait à la filiation est nécessaire, car il faut effectivement trouver une solution.
Madame la garde des sceaux, j’écoute beaucoup tout ce qui se dit, parce que je n’ai pas de vérité révélée, pas plus sur cet article que sur les autres.
Bien sûr qu’il y a un projet commun à deux femmes. Sauf à être sourd, aveugle et totalement inconscient, force est de reconnaître qu’il y a bien une des deux femmes qui porte l’enfant ; il y a bien une des deux femmes qui vit la grossesse ; il y a bien une des deux femmes qui est la « mère biologique ». C’est tout l’esprit de l’amendement de Sophie Primas, que j’ai souhaité cosigner et que je vais voter.
Je suis d’accord pour dire que, dans la vie affective, dans la vie réelle de la famille à venir, deux femmes peuvent parfaitement élever un enfant, et c’est très bien ainsi. En revanche, qu’on invente un statut juridique un peu curieux, dans lequel la mère biologique n’a pas plus, si je puis dire, de validité en tant que mère que la mère d’intention, nous plonge, me semble-t-il, dans une confusion extrême.
Autant je suis pour une avancée sur la liberté et les droits, autant je ne suis pas pour la confusion, qui, de toute manière, à un moment ou à un autre, ne sera pas en faveur de l’enfant à naître. Il aura, certes, deux femmes, deux mères dans sa vie, mais inventer une modification de toutes les règles pour dire qu’il n’y a aucune différence entre la mère biologique et la mère d’intention pénalisera in fine l’enfant.
Restons-en au respect de nos principes : il y a la mère biologique et la mère d’intention, qui, par définition, ne pourra pas être évincée, l’amendement étant très clair sur l’automaticité. Ne nions pas la réalité quand nous voulons faire avancer le droit. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Jacqueline Eustache-Brinio, pour explication de vote.
Mme Jacqueline Eustache-Brinio. Je ne me suis pas exprimée depuis trois jours sur la place des enfants, mais je souhaite le faire maintenant. En effet, depuis le début de nos débats, j’ai l’impression que je suis issue d’une famille complètement déconnectée de la réalité d’aujourd’hui. J’ai entendu des choses sur la famille dans cet hémicycle qui me surprennent.
On remet beaucoup en cause la vieille France et la vieille famille. Je suis d’accord, la société doit évoluer, et nous avec, mais je ne peux que réagir quand je vous entends dire, madame la garde des sceaux, que vous voulez offrir à ces enfants les mêmes droits qu’aux autres enfants, c’est-à-dire à ceux qui ont un père et une mère, et non pas deux pères ou deux mères.
Les enfants issus de l’AMP, que je n’ai pas votée à l’article 1er, auront une seule maman. Comment peut-on être dans le déni à ce point pour refuser de dire à un enfant, qui va vivre dans l’amour porté par ces deux femmes, qu’il n’y en a qu’une qui l’a porté ? Vous parlez de sécuriser juridiquement les deux mères. Mais comment peut-on dire une chose pareille ? Il n’y a qu’une mère, madame la garde des sceaux.
De par mon histoire personnelle, je sais ce que c’est que de chercher son père et sa mère. On les cherche toute sa vie ! N’imposons pas aux enfants ces questionnements sur la façon dont ils sont venus sur Terre. Ils sont venus, parce qu’ils ont eu une maman. Cela ne remet pas en cause la place de la deuxième femme, qui peut l’aimer, l’adorer, mais cessons de vouloir trouver des solutions à un problème que l’on ne mesure pas, que l’on ne maîtrise pas.
Un enfant a toujours besoin de savoir. On ne ment pas à un enfant. On doit lui dire la vérité, même si elle est compliquée. Les adultes qui ont fait le choix d’être à deux mamans pour assurer la vie d’un enfant doivent avoir le courage de lui dire qu’il n’y en a qu’une qui l’a porté. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Loïc Hervé applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Henno, pour explication de vote.
M. Olivier Henno. Sans refaire le débat, je rappelle que j’ai voté pour l’AMP, parce qu’il m’a semblé que des personnes avaient le droit de désirer et d’aimer un enfant et qu’il s’agissait d’une aspiration de la société.
Ici, nous sommes dans un débat sur la filiation. Autant j’étais favorable à l’idée qu’il fallait adapter la filiation à cette réalité nouvelle, autant j’ai le sentiment que ce texte, tel que le Gouvernement le veut, est non pas une adaptation, mais un bouleversement de ce droit. Il y a quand même une remise en cause du principe en vertu duquel la femme qui accouche est la mère. Philippe Bas l’a bien dit en commission.
Pourquoi cette position du Gouvernement ? C’est la quête d’égalité dans l’établissement de la filiation qui le guide, mais, au fond, il n’y arrive pas vraiment.
M. Roger Karoutchi. Exact !
M. Olivier Henno. Faut-il d’ailleurs toujours rechercher l’égalité ? Est-ce que la vraie égalité suppose d’avoir exactement le même mode d’établissement de la filiation que son voisin ? Je ne le pense pas.
J’ajoute même, en faisant attention à bien peser mes mots, que l’adoption est un mode de filiation tout aussi légitime.
M. Philippe Bas. Très bien !
M. Olivier Henno. Je reste très prudent dans mon expression, mais il me semble que, derrière vos propos, madame la garde des sceaux, il y a comme une dévalorisation de la filiation établie par l’adoption. À titre personnel, j’en suis assez touché et je le ressens de manière assez forte, puisque ma femme est une enfant adoptée.
Je trouve que l’amendement de Mme Primas est tout à fait pertinent, car il prend en compte cette réalité de l’AMP sans bouleverser nos principes de filiation, dont nous avons longuement discuté en commission spéciale. En somme, je le trouve équilibré. C’est la raison pour laquelle je le voterai. (Applaudissements sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. Dominique de Legge. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.
Mme Sophie Primas. Madame la garde des sceaux, plusieurs principes dictent votre position à l’égard de cet amendement.
Vous refusez toute discrimination entre les deux femmes. Or vous aurez beau écrire tout ce que vous voulez dans le code civil, il n’en restera pas moins qu’il y aura une femme qui accouche et l’autre pas.
M. Roger Karoutchi. Eh oui !
Mme Sophie Primas. Il y a des règles naturelles intangibles contre lesquelles vous ne pouvez rien. En fait, avec votre dispositif, vous introduisez une discrimination entre les couples. Dans un couple hétérosexuel, il y a une femme qui accouche, comme dans un couple de femmes. En traitant les couples homosexuels et hétérosexuels de la même façon, nous refusons toute discrimination, contrairement à ce que vous dites.
Vous invoquez la sécurité juridique, mais, comme vient de la dire mon collègue, en quoi l’adoption n’est-elle pas juridiquement solide ? Selon moi, le fait de créer un titre VII bis dans le code civil reprenant les éléments de la filiation adoptive est extrêmement solide juridiquement.
Enfin, vous appelez de vos vœux une démarche simple, sans procédure supplémentaire. Je suis désolée de vous le dire, mais il y en aura bien une pour la femme qui accouche. Aujourd’hui, elle n’a pas besoin de faire de déclaration : elle est la mère, et elle n’a rien à faire. Avec votre dispositif, vous lui ajoutez une formalité juridique.
Vos arguments sont donc tout à fait réversibles et je ne les trouve pas convaincants au regard de vos objectifs. Heureusement, il y aura une navette, avec, je le pense, plusieurs allers-retours. Nous aurons tous, y compris le Conseil d’État, le temps de bien faire mûrir notre position sur cette problématique de la filiation. Reste que je suis persuadée qu’avec notre amendement nous répondons à vos exigences de non-discrimination, de sécurité juridique et de simplification des démarches. (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. Philippe Bas. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à Mme Laure Darcos, pour explication de vote.
Mme Laure Darcos. J’ai également cosigné l’amendement de ma collègue Sophie Primas.
Madame la garde des sceaux, je ne sais pas si vous avez interrogé beaucoup de couples de femmes homosexuelles. Moi je l’ai fait, et je puis vous dire qu’elles sont toutes d’accord : celles qui vont porter l’enfant, ou qui sont en train de le porter, veulent être déclarées comme mère. Elles souhaitent simplement que leur conjointe puisse bénéficier d’une adoption plénière et que soit reconnue une deuxième maternité. La plupart des femmes dans ce cas font déjà cette distinction, et heureusement ! Cela n’empêchera pas l’épouse de porter ultérieurement un autre enfant pour être « à égalité ».
Comme l’a bien dit Sophie Primas, la question ne se pose même pas pour un couple hétérosexuel. C’est la mère qui accouche. Pour l’instant, heureusement, rien n’a changé dans le statut.
À mon sens, l’amendement est très équilibré, et je le voterai des deux mains.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.
M. Jacques Bigot. Cet amendement n’est que la reprise de ce que la rapporteure Muriel Jourda nous avait proposé en commission, en vain, puisqu’elle n’a pas été suivie.
À l’article 310-1-1, que vous souhaitez créer avec votre amendement, il serait précisé qu’« il ne peut être légalement établi deux filiations maternelles ou deux filiations paternelles à l’égard d’un même enfant ». Cela veut dire qu’il ne pourrait pas y avoir d’adoption plénière par une autre mère ou un autre père, ce qui est aujourd’hui possible. Il y a lieu de revoir ce point.
Nous sommes tous à peu près d’accord pour dire que l’assistance médicale à la procréation est possible et que cet enfant aura une mère, à savoir la femme qui aura accouché. Nous sommes également plutôt d’accord pour dire qu’il faut que ce soit clairement indiqué et pour définir la nature du lien avec celle qu’on appelle la mère d’intention. Le problème, c’est que votre amendement complexifie les choses, en obligeant à faire une démarche d’adoption après la naissance devant un tribunal. Il faut trouver les voies et moyens de simplifier la procédure.
Mme la garde des sceaux s’est efforcée de trouver une solution pour que, au moment du consentement donné devant notaire, il y ait d’ores et déjà la possibilité d’établir cette filiation à l’égard de la mère d’intention. Qu’importe si on appelle cela une adoption ou autrement. Vous avez fait le choix, madame la garde des sceaux, d’appeler cette procédure reconnaissance conjointe, le terme reconnaissance étant déjà dans le titre VII. Comme je vous l’ai dit en commission, madame Jourda, et vous le savez, la reconnaissance n’est pas la preuve absolue de la paternité de l’homme qui reconnaît, des reconnaissances pouvant se faire alors que l’enfant est né depuis quelques années.
Faut-il appeler cette procédure autrement ? J’ai dit lors de mon intervention préalable que je préférerais que nous introduisions dans le code civil un titre spécifique sur l’enfant né d’une assistance médicale à la procréation pour régler toutes les situations, ce qui permettrait aussi de traiter le problème de l’anonymat, dont nous avons parlé.
J’y insiste, votre amendement tend à complexifier les choses. Il ne peut donc pas répondre à l’attente des femmes. Je veux bien qu’on appelle différemment la mère d’intention, mais, de grâce, faisons en sorte de simplifier la vie de ces deux femmes, à qui nous permettons de réaliser un projet parental grâce à l’AMP. Tel sera le cas si tout est réglé dans l’acte notarié lors de la déclaration préalable conjointe. Ensuite, lorsque la mère aura accouché, une déclaration sera faite à l’officier d’état civil, ce dernier constatant qu’il y a une mère d’intention, comme vous l’avez prévu, madame la garde des sceaux. C’est cette voie simple qu’il faut rechercher, et pas la voie complexe de votre amendement, madame Primas, qui n’est d’ailleurs qu’une reprise de l’amendement de Mme Jourda, qui nous avait tous étonnés.
Mme Sophie Primas. Excusez-moi de ne pas en avoir la seule maternité, monsieur Bigot ! Vos propos sont assez désagréables !
M. Gérard Longuet. Une maternité partagée par deux femmes ! (Sourires.)
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. La vie conjugale, depuis toujours, n’est pas un long fleuve tranquille, comme en témoignent les chiffres de la divortialité tels que l’INED les a présentés récemment. La mère d’intention n’échappera pas aux difficultés qui rencontrent tous les autres couples. La probabilité du divorce, dès lors qu’il y a mariage, ou de la séparation de fait, dès lors qu’il n’y a que concubinage, est relativement élevée. Elle n’est pas plus faible chez les couples homosexuels que chez les couples hétérosexuels. Elle serait même plus forte chez les couples homosexuels féminins d’après les premières statistiques, mais nous n’avons pas encore suffisamment de recul.
Pour ma part, je voterai l’amendement de Mme Primas, car il permettra de créer un lien stable, durable entre l’enfant qui est né et la personne qui a accompagné la mère charnelle au moment de cette naissance. La déclaration d’intention est quelque chose de très sympathique, mais la volonté qu’elle fige à un moment donné n’est pas durable. La probabilité n’est pas nulle – elle est statistiquement de 45 % à 50 % – que ce couple disparaisse, la vie n’étant pas un long fleuve tranquille, comme je l’ai déjà dit. Qui gardera l’enfant ?
Le fait d’avoir une reconnaissance à travers cet acte fort que propose Mme Primas met les deux éléments du couple sur un pied d’égalité. Dans les familles hétérosexuelles, nous le savons, la garde de l’enfant est un problème majeur. Les pères, quelles que soient leurs qualités par ailleurs, en sont en général privés. Vous avez à envisager cette situation.
Si vous voulez la véritable égalité entre les deux personnes qui ont voulu cette naissance dans leurs relations à l’égard de l’enfant à naître, il faut tout simplement accepter la solution solide que propose Mme Primas.
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique de Legge, pour explication de vote.
M. Dominique de Legge. Ce qui me gêne dans cet article 4, madame la garde des sceaux, c’est qu’il y a une totale décorrélation entre le possible et le vraisemblable. La PMA est possible. Pour autant, permet-elle à une femme qui n’a pas accouché de devenir mère ?
J’appartiens à un modèle familial totalement dépassé : je suis marié et j’ai quatre enfants dont je n’ai pas accouché. Pour autant, je ne m’en sens pas moins parent.
Il me semble que l’on confond tout dans cet article 4. Je rejoins ce qu’a dit notre collègue Olivier Henno : pensez-vous un seul instant que des parents adoptifs se sentent moins parents que d’autres ?
Je ne comprends pas pourquoi vous voulez absolument, au travers de cet article, rendre le droit invraisemblable et consacrer quelque chose qui n’existe pas, alors que nous avons tous les outils juridiques pour répondre aux objectifs que vous vous fixez.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Jusqu’à présent, j’étais plutôt favorable au mode d’établissement de la filiation par la déclaration anticipée de volonté devant notaire, censée permettre une filiation indivisible entre l’enfant et les deux membres du couple. C’est parce que nous avons rencontré des femmes ayant fait une PMA à l’étranger qui mettaient beaucoup de temps à pouvoir adopter.
La solution proposée par Mme Primas pourrait être tout à fait adaptée, mais je pose une question : est-ce que l’adoption pourrait être réalisée dès la naissance de l’enfant ?
Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. Je pense aussi qu’il faut absolument voter l’amendement de Sophie Primas, qui reprend une proposition de la rapporteure Muriel Jourda. Il le faut, parce que l’on ne doit pas bouleverser le socle commun de la filiation prévu dans le code civil. C’est fondamental.
Madame la garde des sceaux, vous voulez mettre en place un cadre distinct, quand nous avons plutôt besoin de cadres communs aujourd’hui. L’objectif de la politique est non pas de fournir des réponses spécifiques pour chaque demande, mais d’organiser la société autour de règles qui nous rassemblent véritablement.
À mon sens, le choix que vous faites est non pas juridique, mais idéologique, un choix guidé par une volonté d’égalité mal comprise. En effet, les enfants de couples de femmes seront dans une situation d’inégalité par rapport aux enfants qui connaîtront un père. De même, certains de ces enfants subiront une inégalité dans la mesure où ils n’auront pas accès à leurs origines quand le donneur n’y aura pas consenti.
Nous pouvons mobiliser le régime juridique actuel. La femme qui accouche, selon l’ancien droit romain, devenu notre socle de la filiation, sera la mère. C’est le principe. Pour l’autre mère, il y aura l’adoption.
L’adoption est déjà aujourd’hui la voie empruntée par les couples de femmes qui se procurent des gamètes à l’étranger, selon le régime établi par la jurisprudence. La proposition de Sophie Primas consiste donc simplement à inscrire cette jurisprudence dans la loi. Par ailleurs, l’arrêt de la CEDH (Cour européenne des droits de l’homme) du 12 décembre dernier ne s’oppose absolument pas, au contraire, à cette solution.
Pourquoi le Conseil d’État, dans l’avis qu’il a rendu le 28 juin, a-t-il très nettement déconseillé la solution que le Gouvernement a finalement choisie ? La première raison est qu’elle rompt avec le principe de vraisemblance de la parentalité. Au-delà de l’aspect strictement juridique, il ne faut pas briser ce lien charnel, qui nous unit à la réalité. Il ne faut pas tricher, il ne faut pas mentir ! En outre, en donnant toute puissance à l’intentionnalité, vous dégagez, pour demain, la voie pour la GPA. C’est une évidence ! Si vous voulez conserver un principe de prohibition de la GPA, alors n’ouvrez pas cette voie-là, car elle est très dangereuse ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains – M. Loïc Hervé applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.
M. Bernard Jomier. On le sait, j’approuve l’ouverture de l’AMP aux couples de femmes et aux femmes seules, constatant l’émergence de nouvelles formes de couples et de parentalité.
Il y a un pas entre reconnaître que, dans certaines situations, la parentalité est déliée du biologique et l’effacement total de celui-ci. C’est ce qui me dérange dans la position du Gouvernement. J’entends qu’elle respecte parfaitement le principe d’égalité, qui est aussi une valeur essentielle. Personne ne doit se sentir stigmatisé ou dévalorisé dans cette affaire. Pour autant, l’amendement de Sophie Primas respecte la vérité biologique. Encore une fois, reconnaître de nouveaux modes de parentalité ne doit pas amener à cacher la réalité biologique. Je ne veux pas davantage que l’on cache leurs origines aux enfants : il faut tourner la page du secret, faire preuve d’honnêteté et ne pas mentir avec la réalité dans ces affaires extrêmement sensibles.
Cela étant, l’amendement de Sophie Primas me paraît trop complexe, pas suffisamment maturé. Je me trouve donc très ennuyé à l’heure du vote.
M. Roger Karoutchi. Il y a deux lectures !
M. Bernard Jomier. Je me félicite en effet de ce que la navette se poursuive et qu’il y ait une deuxième lecture.
La position du Gouvernement peut être entendue et je la partage sur beaucoup de points. Il importe de respecter la vérité de la biologie. Disant cela, je ne me projette pas sur d’autres sujets : il n’y a pas d’enchaînement mécanique en la matière.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote.
M. Pierre Laurent. J’écoute avec beaucoup d’attention les arguments échangés. Je reste, pour le moment, convaincu que la proposition du Gouvernement est, en l’état, la meilleure et la plus simple.
La procédure de l’adoption ne me paraît pas adaptée. Il ne s’agit nullement pour moi de dévaloriser les parents qui adoptent : j’en compte, comme beaucoup d’entre nous sans doute, parmi mes proches et dans ma propre famille. Ce n’est donc pas la question, mais je pense que le processus de conception par AMP pour un couple de femmes est d’une nature différente. Certes, la mère d’intention ne porte pas l’enfant, mais elle est partie prenante au projet parental à l’égal de la femme qui accouche, ne serait-ce que parce que les deux membres d’un tel couple doivent décider ensemble qui va porter l’enfant. Il y a donc une situation d’égalité, en matière d’intention, pour le recours à la PMA dans un couple lesbien. De ce point de vue, la place de la mère d’intention est singulière, et la démarche ne peut être assimilée à l’adoption.
J’ajoute qu’il ne sera demandé à aucun homme placé dans des conditions analogues de passer par l’adoption pour être reconnu comme le père. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Loïc Hervé. Ce ne sont pas les mêmes conditions !
M. Pierre Laurent. Je considère que les deux membres d’un couple lesbien qui décident d’adopter ensemble sont à égalité. La procédure de l’adoption ne me paraît donc pas adaptée.
La procédure proposée par le Gouvernement est-elle parfaite ? Faut-il approfondir encore la réflexion ? Peut-être, mais, entre les deux solutions proposées à ce stade, j’opte pour celle du Gouvernement.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Dans ce débat a été affirmé le droit de connaître son histoire, ses origines ; à cet égard, la solution du Gouvernement n’est peut-être pas idéale, mais il faut aussi prendre en compte le couple qui partage un projet parental.
Mme Sophie Primas. Comme des adoptants !
M. Jean-Yves Leconte. Il importe de faire en sorte qu’il y ait égalité absolue, sur le plan juridique, entre les deux membres de ce couple, ce qui n’enlève rien au droit pour chacun d’avoir accès à ses origines, à son histoire. Dans cette perspective, la solution proposée par le Gouvernement semble la plus adéquate.
On peut être interpellé par l’instrumentalisation de la procédure d’adoption que met en œuvre l’amendement de Mme Primas. Dans le cas d’espèce, celle-ci serait détournée pour répondre à la question de la connaissance de ses origines par l’enfant. Cela pourrait poser problème. La solution du Gouvernement me paraît préférable.
Mme la présidente. La parole est à M. Sébastien Meurant, pour explication de vote.
M. Sébastien Meurant. Rien, dans l’intelligence, qui n’ait d’abord été dans les sens ! Là, vous êtes sens dessus dessous, face à la lente dérive vers l’effacement du père et de la mère, remplacés par « parent un » et « parent deux ». La vérité, c’est qu’il y a un père et une mère. À force de vouloir étendre les possibilités de procréation, on suscite inévitablement des confusions sur le plan intellectuel.
Ainsi, à l’Assemblée nationale, le président de la commission est allé jusqu’à affirmer que l’accouchement n’était pas une preuve de filiation ! La femme qui accouche ne serait donc qu’une simple mère d’intention ? C’est tout simplement un mensonge ! La femme qui accouche est forcément la mère, et l’on devrait s’en tenir là. À force de tirer le fil, on en arrivera à des conceptions complètement ubuesques : des pères avec des utérus, que sais-je encore… C’est une négation de la vérité, de l’existence d’hommes et de femmes égaux mais différents !
Je soutiendrai l’amendement de Sophie Primas, car son dispositif est le plus proche du sens commun.
Mme la présidente. La parole est à M. Julien Bargeton, pour explication de vote.
M. Julien Bargeton. Voilà encore un débat extrêmement intéressant !
Certains l’ont dit, on ne peut pas nier le réel. Or faire de la politique, c’est se confronter au réel. Il y a bien une femme qui accouche et l’autre pas. Peut-on nier cette différence biologique ?
Cela étant, j’insiste à nouveau sur les principes de liberté et d’égalité. Deux femmes ayant la volonté d’avoir et d’élever ensemble un enfant sont à égalité dans leur projet parental. Or on voit bien que ce n’est pas le cas avec la procédure de l’adoption, qui ne correspond pas à ces nouvelles formes de familles ayant émergé, qu’on le veuille ou non, dans la société.
Il faudrait peut-être faire confiance aux familles, aux parents pour expliquer à l’enfant ce qu’a été l’histoire de leur couple et de leur projet parental.
Certes, on ne peut pas nier la réalité biologique, mais on ne peut pas non plus tourner le dos au principe d’égalité. Or l’amendement de Mme Primas crée une rupture d’égalité,…
Mme Sophie Primas. Absolument pas !
M. Julien Bargeton. … tandis que la proposition du Gouvernement permet de tenir compte de la réalité du projet parental.
Mme Sophie Primas. Les parents adoptifs seraient-ils des sous-parents !
M. Julien Bargeton. C’est une solution plus satisfaisante que l’adoption. La navette permettra de régler un certain nombre de difficultés.
Mme Sophie Primas. Vous créez une discrimination à l’égard des parents d’enfants adoptés ! C’est insupportable !
Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. J’ai entendu parler d’égalité, de discrimination, de situations discriminatoires… L’égalité, ce n’est pas traiter tout le monde de la même façon.
M. Julien Bargeton. C’est vrai !
Mme Muriel Jourda, rapporteur. La discrimination, c’est traiter différemment des personnes se trouvant dans une situation identique.
Nous avons bien conscience, les uns et les autres, qu’un couple de femmes n’est pas dans une situation identique à celle d’un couple hétérosexuel face à la procréation. Le Conseil d’État, le Conseil constitutionnel et, me semble-t-il, la Cour européenne des droits de l’homme l’ont d’ailleurs dit.
Instaurer l’égalité, en termes de filiation, c’est parvenir à ce que tous les parents aient les mêmes droits et, surtout, les mêmes obligations à l’égard de leurs enfants. Il faut qu’ils se retrouvent in fine tous placés dans la même situation. Au regard de cet objectif, le droit n’est qu’un outil, pour reprendre une expression qui nous est chère, à Mme le garde des sceaux et à moi-même. Mais il importe tout de même que cet outil soit conforme à la réalité. Or tel n’est précisément pas le cas, me semble-t-il, de la solution du Gouvernement, au contraire de l’amendement de Mme Primas. Encore une fois, dans un couple de femmes, celle qui n’a pas accouché sera reconnue en tant que mère d’intention. Voilà comment les choses peuvent se passer.
Monsieur Chasseing, la procédure d’adoption paraît toujours complexe, mais il s’avère que l’adoption de l’enfant du conjoint ne l’est pas, les exigences étant bien moindres ; il n’y a pas d’enquête sociale, par exemple. Le dispositif de l’amendement approuvé par la commission simplifie encore la procédure et permettra que la décision soit rendue plus rapidement. La requête en adoption sera déposée le jour de la naissance de l’enfant. La démarche sera d’autant moins complexe qu’un notaire aura déjà été saisi du dossier. Le jugement interviendra au plus tard un mois après et il sera rétroactif. Cela signifie que la filiation sera établie le jour de la naissance si les diligences nécessaires ont été faites.
J’ajoute que ce mode d’établissement de la filiation n’est pas discriminant, parce qu’il en existe déjà de nombreux. Un père marié n’a aucune démarche à accomplir pour reconnaître son enfant, parce que le simple fait qu’il soit marié avec la mère crée une présomption de paternité. En revanche, un homme qui n’est pas marié à la femme ayant accouché de l’enfant est dans l’obligation de faire une démarche pour reconnaître celui-ci. Parle-t-on de discrimination entre ces deux pères ? Non : les règles applicables sont différentes parce que les situations sont différentes.
Il ne faut pas mentir, disait M. Meurant : ce serait un mensonge institutionnel que de prétendre reconnaître que deux femmes ont pu participer à la procréation d’un enfant. Utilisons les outils qui existent et qui correspondent à la réalité de la filiation. Ne fragilisons pas le droit de la filiation, car si la reconnaissance a l’avantage de la simplicité, elle en présente aussi, s’agissant d’un droit d’ordre public, le danger. Imaginez que les liens de filiation se créent par l’effet de la simple volonté et qu’il suffise d’aller déclarer devant notaire que l’on veut être parent d’un enfant : il me semble que la structure de la société s’en trouverait très largement fragilisée, car ce que la volonté fait, la volonté peut le défaire.
Mme Sophie Primas. Eh oui !
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Il ne manquerait pas d’arriver qu’un plaignant déclare vouloir renoncer à sa parentalité. Cela ne me paraît pas du tout être une vue de l’esprit…
Utilisons les outils existants, qui donnent les mêmes droits aux deux mères d’un enfant conçu par le biais d’une AMP et les placent en situation d’égalité au regard de tous les autres parents ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains – M. Loïc Hervé applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Je ferai plusieurs observations, après vous avoir tous écoutés avec beaucoup d’attention.
Madame la sénatrice Primas, je respecte tout à fait votre proposition, même si celle du Gouvernement me semble préférable.
Au fond, sans même parler de discrimination, madame la rapporteure, quel est l’intérêt d’une procédure d’adoption ? Une procédure d’adoption permet de confier à un juge un pouvoir de contrôle. En effet, pour adopter, il faut détruire un lien de filiation qui existait précédemment et en reconstruire un nouveau.
M. Bruno Retailleau. Pas nécessairement !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Le rôle du juge est donc de vérifier que le lien de filiation antérieur est bien aboli. Il me semble qu’il y a, dans ce processus, un intérêt qui n’est pas pertinent dans le cadre de la PMA avec tiers donneur, où il s’agit non pas de vérifier l’inexistence d’un lien de filiation antérieur, mais de prendre acte, par le mode d’établissement de la filiation, d’une reconnaissance conjointe de volonté, d’un consentement à l’AMP et, bien sûr, de l’accouchement. Le mode d’établissement de la filiation par l’adoption, en l’espèce, ne me semble pas utile. Madame Primas, vous renvoyez les femmes concernées devant un juge, alors que cela ne me paraît pas nécessaire et complexifie la situation. C’est cette complexité qui peut être perçue comme inutile, voire, dans certains cas, dévalorisante.
Je le dis clairement, le Gouvernement a fait le choix du principe d’égalité entre les deux mères ab initio.
M. Bruno Retailleau. C’est un choix idéologique !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Je ne dis pas le contraire. Les deux mères déclareront leur consentement à l’AMP, reconnaîtront conjointement l’enfant, ce qui, de facto, entraînera qu’elles seront mères à égalité dès le moment de la naissance.
La femme qui accouche est mère, c’est évident.
Plusieurs membres du groupe Les Républicains. Quand même !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Personne n’a dit le contraire ici ! Dans le système que nous proposons, c’est la conjonction de l’accouchement et de la reconnaissance conjointe qui permet aux deux femmes d’être mères au même moment. La femme qui accouche est mère en toutes hypothèses, évidemment, mais elle serait mère célibataire, si je puis dire, s’il n’y avait cette reconnaissance conjointe qui bloque tout autre mode d’établissement de la filiation et qui fera que les deux femmes seront mères en même temps. C’est un système extrêmement simple, clair, qui place les deux femmes à égalité. Il est respectueux du projet parental et me semble parfaitement s’inscrire dans la démarche que nous souhaitons promouvoir.
Monsieur Longuet, vous avez fait valoir que l’adoption crée un lien plus stable et plus durable que tout autre mode d’établissement de la filiation. Je ne le crois pas. À partir du moment où la filiation est établie, elle emporte exactement les mêmes conséquences, qu’il s’agisse de l’adoption, du système que nous proposons ou de la filiation biologique.
M. Gérard Longuet. Qui garde l’enfant ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Dans le cas d’une AMP avec tiers donneur, les deux mères sont mères de la même manière, au même moment. Dans le cas d’un couple hétérosexuel, qui garde l’enfant ?
M. Gérard Longuet. La mère !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Ce n’est pas toujours le cas, vous le savez, monsieur le sénateur ! Il revient aux parents de traiter cette question et, s’il y a une difficulté, le juge aux affaires familiales se prononce.
Monsieur Retailleau, vous avez évoqué la vraisemblance biologique. Il est vrai que tout notre droit de la filiation, hors l’adoption, est fondé sur l’altérité sexuelle. Il est également vrai que le schéma que nous proposons ne l’est plus, à partir du moment où deux femmes peuvent devenir mères d’un même enfant. On ne peut nier cette évidence.
Nous créons un mode d’établissement de la filiation pour répondre à cette évolution, à cette nouvelle donne. Pour autant, monsieur le président Retailleau, je ne crois pas que l’on dégage ainsi la voie, pour reprendre l’expression que vous avez utilisée, pour la GPA. En effet, les situations ne sont pas du tout les mêmes : dans le cas d’une AMP, la femme qui accouche n’est pas la seule mère, mais elle est mère, tandis que, dans le cas d’une GPA, la femme qui accouche n’est pas la mère.
Mme Sophie Primas. C’est une filiation par volonté !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Madame la rapporteure, il n’y a aucun mensonge dans le système proposé par le Gouvernement : il s’agit purement et simplement de prendre en compte une réalité et d’instaurer, pour les femmes concernées, un mécanisme d’établissement de la filiation simple, clair et sûr. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
Mme Sophie Primas. Vous ouvrez la voie à la filiation par volonté !
Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Madame le garde des sceaux, sans entrer dans un débat de techniciens qui finirait par lasser tout le monde, je voudrais réagir à la réponse que vous avez faite à M. le président Retailleau. Votre dispositif n’ouvre pas la voie à la GPA, avez-vous affirmé. Or, contrairement à ce que vous avez indiqué, dans celui-ci, la femme qui accouche n’est pas la mère. C’est sans doute ce que vous pensez, mais ce n’est pas ce que vous avez écrit : « Pour les couples de femmes, la filiation est établie à l’égard de chacune d’elles par la reconnaissance qu’elles ont faite conjointement devant le notaire. » Dans votre système, c’est donc la reconnaissance qui établit la filiation.
M. Gérard Longuet. Exactement !
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Dissocier ainsi la maternité de l’accouchement amène immanquablement à évoquer les mères porteuses, dont on ne souhaite pas qu’elles deviennent mères du simple fait qu’elles ont porté l’enfant, car on veut leur substituer des parents d’intention. Je ne crois pas trahir le propos et la pensée de M. Retailleau en disant cela.
M. Bruno Retailleau. C’est mieux exprimé ! (Sourires.)
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Par ailleurs, vous indiquez que, en cas d’adoption, le lien créé entre l’adopté et l’adoptant se substituera au lien de filiation antérieur. Dans le système que nous proposons, le seul lien de filiation est celui qui aura été créé avec la femme ayant accouché. Or précisément, dans ce cas, l’article 356 du code civil prévoit expressément, pour l’adoption de l’enfant du conjoint, que le lien de filiation avec la personne qui est déjà parent de l’enfant adopté demeure. Il n’y a donc aucune substitution, mais l’ajout d’un lien de filiation par adoption au lien de filiation créé par la procréation charnelle. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Gérard Longuet. Très bonne démonstration !
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.
M. Philippe Bas. Je pense que l’on progresse : le Gouvernement ne conteste pas que, du point de vue de l’effet sur les droits et obligations des parents, l’amendement proposé par Mme Primas et la solution du Gouvernement ont exactement la même portée, à savoir que les deux femmes seront pleinement investies des droits et obligations d’une mère. C’est déjà très important, car tel est bien le principal objectif visé par le Gouvernement à travers l’établissement de la filiation pour les enfants nés d’une assistance médicale à la procréation demandée par un couple de femmes.
Madame la garde des sceaux, vous avez invoqué un argument d’égalité. Permettez-moi d’en invoquer un qui me paraît beaucoup plus fort que le vôtre : je considère que l’établissement de la maternité doit être le même pour une femme qui accouche d’un enfant conçu avec un homme et pour une femme qui accouchera au terme d’un projet de naissance conçu avec une autre femme. Que deux femmes placées dans la même situation aient exactement le même traitement juridique du point de vue de l’établissement de la filiation, dont j’ai essayé de rappeler tout à l’heure à quel point il était important qu’il repose sur des bases objectivement constatées, là est l’égalité !
Par conséquent, tout le discours sur l’égalité et la discrimination se retourne complètement en faveur de la solution proposée par Mme Primas.
L’adoption ne serait pas une solution adaptée, nous dit-on. Je pense au contraire qu’elle est parfaitement adaptée. En effet, elle est destinée à permettre une vérification par le juge, mais surtout à établir une filiation maternelle à stricte égalité avec toute autre filiation maternelle.
Par ailleurs, afin de pouvoir tenir le discours de vérité dont nous admettons tous qu’il est indispensable au développement de l’enfant, il faut absolument que les modes d’établissement du lien de filiation entre l’enfant et ses parents reposent sur une réalité, et non sur une invention.
Enfin, un dernier argument me paraît peser fortement en faveur de la solution proposée par Mme Primas : celui de la prudence. Si, chaque fois qu’un problème se pose, on remet en cause des modes d’établissement de la filiation maternelle établis depuis plusieurs siècles, on n’en sortira pas : ce sera la confusion dans l’établissement de la filiation maternelle ! (Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. La reconnaissance conjointe anticipée semble constituer une véritable petite révolution par rapport à notre code civil. J’entends dire que cela fait des siècles que la filiation est établie comme elle l’est aujourd’hui, mais nous venons d’adopter l’ouverture de l’AMP aux femmes seules et aux couples de femmes : cette mesure révolutionne elle aussi la société ! Dès lors que l’on fonde la société sur une pluralité de modèles familiaux, et non plus sur un seul, il n’apparaît pas abracadabrantesque de revoir en profondeur notre code civil ! (Sourires.)
N’étant pas juriste, je reconnais avoir dû m’accrocher pour suivre ce débat d’une grande technicité, mais cet article me paraît de nature à répondre aux questions suscitées par l’extension de l’AMP que nous avons adoptée, quand bien même nous proposerons d’adopter des amendements visant à en améliorer encore le dispositif.
Il existera désormais des familles avec deux mères à égalité par rapport à la filiation de l’enfant, l’une ayant accouché et l’autre ayant effectué la démarche de reconnaissance anticipée, dans un même projet parental conçu ensemble. Certes, ce nouveau schéma nous bouscule, mais il s’agit selon moi d’un pas indispensable à accomplir après notre vote en faveur de l’extension de l’AMP.
Mme Sophie Primas. Je ne le crois pas !
Mme la présidente. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Madame la rapporteure, l’acte d’état civil de l’enfant qui naîtra à la suite d’une AMP au sein d’un couple de femmes sera établi sur la base de la présentation à l’officier d’état civil du certificat d’accouchement – c’est une condition indispensable – et, simultanément, de la reconnaissance conjointe qui aura été signée en amont même de la conception. En effet, au moment où le projet parental est établi, on ne sait pas forcément laquelle des deux femmes portera l’enfant. La filiation de l’enfant avec les deux mères sera alors immédiatement établie.
Cela me semble à la fois plus simple et plus rapide que l’adoption préconisée par Mme Primas, tout en ouvrant les mêmes droits. En outre, cette solution offre plus de sécurité juridique que la procédure de l’adoption, puisque celle-ci dure entre quatre mois et demi et cinq mois au minimum.
Notre solution n’emporte aucune forme de mépris pour l’adoption en tant que mode d’établissement de la filiation, comme j’ai pu l’entendre dire. Bien au contraire, je considère que l’adoption est un mode d’établissement de la filiation absolument nécessaire dans un certain nombre de cas qui impliquent une déconstruction du lien de filiation initial et la reconstruction d’un nouveau lien par l’acte d’adoption. Cette démarche est valable et utile non pas dans tous les cas, mais dans un grand nombre d’hypothèses. Nous prévoyons d’ailleurs d’en simplifier la procédure ; nous travaillons actuellement avec des parlementaires en ce sens, afin de la rendre plus aisément utilisable par les nombreux couples qui ont besoin d’y recourir.
M. Philippe Bas. Cela facilitera l’application de notre amendement ! (Sourires.)
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. J’espère, monsieur le président Bas, que vous reconnaîtrez in fine que la solution proposée par le Gouvernement est préférable à la vôtre !
M. Philippe Bas. N’y comptez pas ! (Nouveaux sourires.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 67 rectifié ter.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l’avis de la commission spéciale est favorable et que celui du Gouvernement est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 72 :
Nombre de votants | 333 |
Nombre de suffrages exprimés | 303 |
Pour l’adoption | 174 |
Contre | 129 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Loïc Hervé applaudit également.)
En conséquence, l’article 4 est ainsi rédigé, et les amendements nos 107 rectifié bis, 108 rectifié, 109 rectifié bis, 112 rectifié, 195, 27 rectifié bis, 111 rectifié, 113 rectifié, 63, 232, 242, 277 rectifié, 110 rectifié, 269 rectifié, 223, 327, 328, 329, 97 rectifié et 330 n’ont plus d’objet.
Articles additionnels après l’article 4
Mme la présidente. L’amendement n° 229 rectifié, présenté par Mme de la Gontrie, M. Jacques Bigot, Mmes Meunier et Blondin, MM. Daudigny, Jomier et Vaugrenard, Mme Rossignol, M. Kanner, Mme Conconne, M. Fichet, Mme Harribey, M. Montaugé, Mme Monier, M. Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline, Bérit-Débat et Joël Bigot, Mme Bonnefoy, MM. Botrel, M. Bourquin, Boutant et Carcenac, Mme Conway-Mouret, MM. Courteau, Dagbert, Daunis, Devinaz, Durain, Duran et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mmes Féret, M. Filleul et Ghali, M. Gillé, Mmes Grelet-Certenais et Guillemot, M. Jacquin, Mme Jasmin, MM. P. Joly, Kerrouche, Lalande et Leconte, Mme Lepage, M. Lozach, Mme Lubin, MM. Lurel, Magner, Manable, Marie et Mazuir, Mme Perol-Dumont, M. Raynal, Mme S. Robert, MM. Roger, Sueur et Sutour, Mme Taillé-Polian, MM. Temal et Tissot, Mme Tocqueville, MM. Todeschini, Tourenne et Vallini et Mme Van Heghe, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code civil est ainsi modifié :
1° L’article 316 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Dans les couples de même sexe, la filiation ne peut être établie par reconnaissance qu’en apportant la preuve que les deux femmes ont eu recours ensemble à une assistance médicale à la procréation. Cette preuve est rapportée par la production du consentement notarié au don mentionné aux articles 342-10 et 342-13. » ;
2° Le chapitre V du titre VII du livre Ier est complété par un article 342-13-… ainsi rédigé :
« Art. 342-13-… – Les femmes qui, pour procréer ont eu recours, alors qu’elles étaient en couple avec une autre femme, à une assistance médicale nécessitant l’intervention d’un tiers donneur peuvent signer ensemble devant le notaire un consentement a posteriori au don, sous réserve de la production de preuves justificatives du recours à une assistance médicale à la procréation en France ou à l’étranger les mentionnant toutes deux. La liste des preuves est fixée par décret.
« Celle qui, après avoir consenti a posteriori au don, ne reconnaît pas l’enfant qui en est issu engage sa responsabilité envers la mère et envers l’enfant.
« En outre, sa filiation est judiciairement établie. L’action obéit aux dispositions des articles 328 et 331. »
La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Cet amendement vise à organiser un mécanisme d’établissement de la filiation que l’on pourrait qualifier de a posteriori pour les enfants nés par AMP d’un couple de femmes avant que la loi que nous sommes en train d’élaborer ne soit entrée en vigueur.
Nous proposons d’instaurer une sorte de régime transitoire, de manière à sécuriser la filiation de ces enfants. Nous avions évoqué ce dispositif en commission spéciale. Je ne voudrais pas anticiper sur les propos de Mme la rapporteure, mais elle conviendra sans doute qu’il importe que ces enfants puissent recevoir un statut équivalent à celui dont bénéficieront les enfants qui naîtront dans les mêmes conditions après la promulgation de ce texte.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Il est défavorable, même s’il est vrai que le sujet de la régularisation de la situation des enfants déjà nés d’un couple de femmes à la suite d’une AMP à l’étranger mérite d’être creusé.
Néanmoins, cet amendement pose plusieurs difficultés.
D’abord, on ne voit pas très bien comment deux femmes pourraient prouver qu’elles ont eu recours à une AMP en France, alors que ce n’est pas encore autorisé. C’est pourtant ce qui est prévu par l’amendement.
Ensuite, concernant les enfants conçus par AMP à l’étranger, le recours à la reconnaissance volontaire suscite les mêmes critiques que celles que nous avons développées pendant une heure et demie ; il ne me paraît pas nécessaire d’y revenir.
Ajoutons à cela la difficulté qui pourrait naître de la création d’une filiation rétroactive dans des conditions qui n’étaient même pas envisagées à l’époque de la naissance de l’enfant.
Pour toutes ces raisons, l’avis de la commission est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Il est également défavorable. Je relève en effet deux difficultés liées à cet amendement.
D’une part, toute rétroactivité de la loi civile sur des situations déjà constituées poserait un problème de constitutionnalité. C’est une question très sensible en matière d’état des personnes.
D’autre part, faire produire des effets à un consentement concernant un événement déjà passé ne relève pas, me semble-t-il, d’un réel consentement, d’autant que votre amendement tend à soumettre ces effets à la présentation d’éléments de preuve de l’existence d’un projet parental au moment de la PMA.
Tout cela me paraît extrêmement compliqué. On peut également se demander qui apprécierait ces éléments de preuve. Serait-ce l’officier d’état civil qui recevrait la reconnaissance, le consentement notarié et les preuves, ou bien le notaire ? Toutes ces interrogations démontrent que le dispositif proposé ne répond pas totalement à l’objectif de sécurisation qui est le nôtre.
Mme la présidente. L’amendement n° 198 rectifié bis, présenté par Mmes Assassi, Cohen, Apourceau-Poly et Benbassa, M. Bocquet, Mme Brulin, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud, M. Savoldelli et Mme Lienemann, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code civil est ainsi modifié :
1° L’article 6-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation au premier alinéa du présent article, les dispositions prévues à la section 3 du chapitre II du titre VII s’appliquent que les parents soient de même sexe ou de sexe différent. » ;
2° L’article 311-2 est complété par deux phrases ainsi rédigées : « Elle peut être constituée à l’égard de parents de même sexe. Pour la constitution de la possession d’état, des faits antérieurs à l’entrée en vigueur de la présente loi peuvent être pris en compte. » ;
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Par le biais de cet amendement, nous souhaitons étendre le mécanisme d’établissement de la filiation par la possession d’état.
Ce mécanisme permet aux couples d’établir l’existence d’un lien de filiation avec leur enfant même en l’absence de lien biologique. Or, à ce jour, les couples de femmes ayant un enfant ne peuvent en bénéficier. Cela constitue une discrimination qui ne trouve aucune justification.
Lors des auditions de la commission spéciale, nous avons pu entendre, notamment, les explications du porte-parole de l’Association des familles homoparentales, qui revendique l’ouverture de l’établissement de la filiation par la possession d’état aux parents de même sexe.
Pour les enfants nés avant l’entrée en vigueur de ce texte, la seule possibilité pour l’établissement de la filiation sera l’adoption. Or, si un couple de femmes ayant eu un enfant par AMP se sépare, la femme qui a accouché peut tout à fait refuser une adoption de l’enfant par la mère sociale – j’insiste sur cette expression, car celle de « mère d’intention » est rattachée à la GPA, à laquelle notre groupe est opposé. La mère sociale n’aura alors aucun moyen juridique de faire établir une filiation, même si elle a participé au projet parental et à l’éducation de l’enfant.
Nous ne pouvons pas laisser perdurer cette situation injuste et assez dramatique alors même que le projet de loi reconnaît aux couples de femmes le droit de construire un projet parental au même titre que les couples hétérosexuels.
Nous proposons donc, par cet amendement de bon sens, de remédier à une injustice pour les enfants nés avant l’entrée en vigueur de ce texte et leurs mères.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Le droit de la filiation fait l’objet de deux titres du code civil : le titre VII, « De la filiation », a pour objet la filiation charnelle ; le titre VIII porte sur l’adoption.
Il se trouve, ma chère collègue, que le mécanisme juridique dont vous souhaitez l’extension – la possession d’état – a trait à la filiation charnelle, ce qui ne peut correspondre, à l’évidence, au cas de deux femmes ayant décidé d’avoir un enfant ensemble.
La possession d’état concerne le cas où une personne traite un enfant avec lequel elle n’a pas de lien biologique comme s’il était le sien et lui donne son nom, tout le monde connaissant cet enfant comme tel : voilà les trois caractéristiques de la possession d’état, qui doit être continue, paisible, publique et non équivoque. Or il me semble que ces conditions sont assez difficiles à réunir en l’espèce, car personne ne pourra croire que l’enfant soit celui de deux femmes. Il y a évidemment une équivoque lorsque deux femmes prétendent être la mère d’un même enfant. Ce système ne fonctionnerait donc vraiment pas. L’avis de la commission sur cet amendement est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Il est également défavorable. Je comprends parfaitement votre objectif, madame la sénatrice, puisque cette question a déjà été soulevée à l’Assemblée nationale, qui s’est interrogée assez longuement sur les moyens de remédier à ce qui apparaît comme une injustice pour des enfants nés avant l’entrée en vigueur de la loi que nous sommes en train d’élaborer.
Pour autant, le présent texte porte sur la bioéthique, et non sur les questions de filiation. Nous y avons simplement fait figurer l’article 4 parce qu’il était impossible d’ouvrir l’AMP à des couples de femmes sans établir de mode de filiation adéquat. Cependant, nous ne revisitons pas l’ensemble de notre droit de la filiation.
Par ailleurs, outre les arguments que Mme la rapporteure a invoqués, j’ajouterai que la possession d’état est un mécanisme conçu pour être employé de manière très exceptionnelle, dans des situations très particulières de succession ou de recherche d’héritier. Actuellement, la possession d’état concerne une dizaine de personnes environ chaque année. C’est donc un mécanisme qui est très rarement utilisé.
Il me semble que le dispositif de votre amendement ne constitue pas forcément la solution que vous recherchez. En revanche, sa mise en œuvre permettrait de lever un obstacle juridique pour des couples qui voudraient avoir recours à la GPA, en ouvrant la possibilité d’invoquer la possession d’état pour un couple d’hommes. Or le Gouvernement s’est engagé à ne pas du tout aller en ce sens.
Pour les raisons évoquées par Mme la rapporteure et celles que je viens de développer, le Gouvernement émet un avis défavorable.
Mme la présidente. Madame Cohen., l’amendement n° 198 rectifié bis est-il maintenu ?
Mme Laurence Cohen. Au vu des explications données, je vais le retirer, dans la mesure où ce mécanisme pourrait constituer un point d’appui pour les partisans de l’autorisation de la GPA, à laquelle mon groupe est majoritairement opposé.
Néanmoins, fallait-il traiter de l’AMP dans un texte de bioéthique ?
MM. Gérard Longuet et Loïc Hervé. Non !
Mme Laurence Cohen. Nous ne le pensons pas non plus. Quoi qu’il en soit, cela nous amène obligatoirement à traiter de la filiation, sans que nous puissions aller jusqu’au bout de la réflexion.
Pour ma part, je partage l’idée que le droit est un outil, que l’on peut transformer pour améliorer la vie en société. Je voulais lancer cet appel à prolonger la réflexion.
Cela étant dit, je retire l’amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L’amendement n° 198 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° 9 rectifié, présenté par MM. Cadic, Cazabonne et Détraigne, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code civil est ainsi modifié :
1° L’article 6-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation au premier alinéa du présent article, les dispositions relatives à la possession d’état contenues dans le présent code sont applicables à l’égard de toute personne, quelle que soit son orientation sexuelle. » ;
2° L’article 311-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Elle est indifférente à la réalité biologique et permet d’établir la filiation d’un enfant à l’égard de parents de même sexe. » ;
3° L’article 320 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation au premier alinéa, une filiation légalement établie ne fait pas obstacle à l’établissement, par la voie de la possession d’état, d’une filiation de même nature. »
La parole est à M. Yves Détraigne.
M. Yves Détraigne. Je devine ce que dira Mme la ministre de cet amendement, qui vise à permettre d’établir la filiation d’un enfant conçu par le biais d’un don par la voie de la possession d’état…
Précisons que la possession d’état permet de faire établir par notaire l’existence d’un lien de filiation, même en l’absence de lien biologique, sur la base de la réalité vécue par un enfant. Toutefois, ce dispositif n’est pas ouvert aux couples de même sexe.
Cet amendement concerne les enfants conçus à l’étranger au sein d’un couple de femmes avant l’entrée en vigueur du présent texte et dont la filiation à l’égard de la mère sociale n’a pu être établie par la voie adoptive.
La mère sociale pourrait, si cet amendement était adopté, faire reconnaître sa filiation à l’égard de l’enfant, nonobstant sa séparation d’avec la mère biologique ou le décès de cette dernière, par la voie de la possession d’état.
Cette faculté lui serait ouverte pendant une période de dix années suivant la date à laquelle cette possession d’état aurait cessé en raison, notamment, de la séparation ou du décès.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Il est défavorable : cet amendement appelle à peu près les mêmes observations que celui que nous venons d’examiner.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Même avis. Je profite de cette occasion pour ajouter que l’une des solutions que nous pourrions proposer, dans un autre texte, pour résoudre la question soulevée au travers de ces amendements pourrait être la simplification de l’adoption. C’est l’une des possibilités sur lesquelles nous travaillons.
Mme la présidente. L’amendement n° 199 rectifié ter, présenté par Mmes Assassi, Cohen, Apourceau-Poly et Benbassa, M. Bocquet, Mme Brulin, MM. Gay, Gontard, P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud, M. Savoldelli et Mme Lienemann, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Le code civil est ainsi modifié :
1° L’article 6-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation au premier alinéa du présent article, les dispositions prévues à l’article 312 sont applicables, que les parents soient de même sexe ou de sexe différent. » ;
2° L’article 312 est ainsi rédigé :
« Art. 312. – L’enfant conçu ou né dans le mariage a pour autre parent que la mère son époux ou son épouse. » ;
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Par cet amendement, nous proposons d’étendre aux couples lesbiens mariés le mécanisme de présomption de paternité, lequel établit automatiquement la filiation paternelle dans les couples hétérosexuels mariés.
Dans la continuité de nos précédents amendements, nous dénonçons le caractère dérogatoire du régime de la filiation applicable actuellement aux couples lesbiens.
En effet, nous ne voyons pas quel argument viendrait s’opposer à ce que les couples lesbiens mariés puissent prétendre au mécanisme de présomption de parentalité, sauf à créer une nouvelle fois une situation discriminatoire.
Il s’agit ici d’une mesure de simplification et d’égalité.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Ma chère collègue, vous proposez d’étendre un mécanisme de droit figurant au titre VII du code civil, relatif à la procréation charnelle.
La caractéristique du titre VII est de fonder la présomption de paternité non pas forcément sur la vérité, mais sur la vraisemblance. Il faut donc à tout le moins que le couple soit hétérosexuel.
La présomption de paternité est fondée sur le fait que, le couple étant marié et s’étant juré fidélité, dans les termes prescrits par le code civil, il est vraisemblable que la femme a fait l’enfant avec son mari. C’est ainsi que fonctionne la présomption de paternité. D’ailleurs, quand on n’est pas marié, cette présomption n’existe pas, car on ne s’est pas juré fidélité : on ne sait donc pas a priori qui est le père.
Dès lors, un couple de femmes ne peut en aucun cas bénéficier d’une telle présomption. Ce mécanisme, dont on peut admettre qu’il s’applique à l’immense majorité des cas de filiation en France, c’est-à-dire à la procréation charnelle, ne peut être étendu à un couple de personnes du même sexe. L’avis de la commission sur cet amendement est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 199 rectifié ter.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Alain Milon, président de la commission spéciale. Madame la présidente, je demande la suspension de la séance, afin que la commission spéciale puisse se réunir pour examiner un amendement à l’article suivant.
Mme la présidente. Je vais donc suspendre la séance.
8
Candidature à une délégation sénatoriale
Mme la présidente. J’informe le Sénat qu’une candidature pour siéger au sein de la délégation sénatoriale à la prospective a été publiée. Cette candidature sera ratifiée si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures, est reprise à vingt et une heures trente-cinq, sous la présidence de M. Vincent Delahaye.)
PRÉSIDENCE DE M. Vincent Delahaye
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
9
Mises au point au sujet de votes
M. le président. La parole est à M. Julien Bargeton.
M. Julien Bargeton. M. Thani Mohamed Soilihi, qui présidait la séance lorsque les scrutins publics nos 66 et 67 sont intervenus et ne pouvait voter, souhaite être comptabilisé comme ayant voté contre.
Lors du scrutin n° 72, M. Martin Lévrier, Mme Noëlle Rauscent et M. Alain Richard se sont abstenus, tandis que M. Michel Amiel n’a pas pris part au vote.
M. le président. La parole est à M. Olivier Henno.
M. Olivier Henno. Lors du scrutin public n° 71 sur l’article 2, Mme Nadia Sollogoub souhaitait voter contre.
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour une mise au point au sujet d’un vote.
M. Roger Karoutchi. Ma collègue Marta de Cidrac souhaitait voter contre lors du scrutin n° 69.
M. le président. Acte vous est donné de vos mises au point, mes chers collègues. Elles seront publiées au Journal officiel et figureront dans l’analyse politique du scrutin.
10
Bioéthique
Suite de la discussion d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. Nous abordons l’examen de l’article 4 bis.
Article 4 bis (nouveau)
Après l’article 47 du code civil, il est inséré un article 47-1 ainsi rédigé :
« Art. 47-1. – Tout acte ou jugement de l’état civil des Français ou des étrangers fait en pays étranger établissant la filiation d’un enfant né à l’issue d’une convention de gestation pour le compte d’autrui ne peut être transcrit sur les registres en ce qu’il mentionne comme mère une femme autre que celle qui a accouché ou lorsqu’il mentionne deux pères.
« Les dispositions du premier alinéa ne font pas obstacle à la transcription partielle de cet acte ou de ce jugement, ni à l’établissement d’un second lien de filiation dans les conditions du titre VIII du présent livre si celles-ci sont réunies. »
M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Alain Milon, président de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à la bioéthique. Ainsi que je l’ai indiqué en commission spéciale, j’ai voté pour l’amendement présenté par Bruno Retailleau qui est devenu l’article 4 bis du texte de la commission. Je souhaitais en effet que le débat puisse avoir lieu en séance publique.
Certains de nos collègues, ainsi que le Gouvernement, ont déposé des amendements visant à récrire l’article 4 bis en proposant des solutions très différentes.
Afin que le débat puisse se tenir quel que soit le sort que connaîtront les amendements de suppression, la commission demande que les amendements nos 8 rectifié, 104, 249 rectifié bis, 250 rectifié, 216 rectifié quater et 301 soient examinés et mis aux voix par priorité.
M. le président. Je suis saisi, par la commission spéciale, d’une demande d’examen et de vote par priorité des amendements nos 8 rectifié, 104, 249 rectifié bis, 250 rectifié, 216 rectifié quater et 301.
Je rappelle que, aux termes de l’article 44, alinéa 6, du règlement du Sénat, la priorité est de droit lorsqu’elle est demandée par la commission saisie au fond, sauf opposition du Gouvernement.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Yves Leconte. L’article 4 bis, introduit dans le texte par la commission spéciale du Sénat à la suite de l’adoption d’un amendement de M. Retailleau et de plusieurs de ses collègues, est extrêmement contestable à plus d’un titre.
Sur la forme, les parlementaires de la majorité sénatoriale n’ont eu de cesse, comme le Gouvernement d’ailleurs, de répéter que l’examen de ce projet de loi ne devait pas être l’occasion de débattre de la GPA. Ils agissent pourtant à l’inverse de cette pétition de principe, afin de revenir sur quatre arrêts de principe rendus à la fin de 2019 par la Cour de cassation, qui ne faisaient que tirer les conséquences juridiques des multiples condamnations de la France par la CEDH, la Cour européenne des droits de l’homme, afin en particulier de prendre en compte dans le droit français les exigences et les précisions issues de l’avis du 10 avril 2019 de celle-ci. Pourquoi une telle incohérence et un tel acharnement à priver des enfants de filiation ?
C’est de l’intérêt supérieur d’enfants français nés hors de France qu’il s’agit, de leur droit à avoir une filiation établie en conformité avec nos exigences conventionnelles et selon la force probante que donne actuellement l’article 47 de notre code civil aux actes de naissance étrangers. On parle ici d’enfants qui ne sont en rien responsables de leur mode de conception et ont le droit, comme les autres, à ce que leur acte de naissance valablement dressé à l’étranger soit intégralement retranscrit par les autorités locales compétentes.
Nous sommes tous d’accord sur ces travées pour combattre la marchandisation du corps humain, mais tel n’est pas sujet de l’article 4 bis, qui fait obstacle à la transcription intégrale des actes de naissance d’enfants français nés à l’étranger et porte atteinte à leur droit à l’établissement de leur filiation complète à l’égard de leurs parents légaux.
Comment cautionner ces atteintes portées aux droits de l’enfant au seul motif d’un désaccord avec des évolutions de la jurisprudence de la Cour de cassation qui, au contraire, devraient être saluées au nom de l’intérêt de l’enfant ? Sans doute s’agit-il de satisfaire un certain électorat et de faire de la politique politicienne, en trouvant un écho parmi les personnes qui, depuis deux jours, manifestent bruyamment devant les portes du Sénat. (Murmures sur des travées du groupe Les Républicains.)
Les enfants n’ont pas à pâtir de préoccupations électoralistes. Leur intérêt supérieur doit prévaloir sur toute autre considération. En tant que législateurs, nous devons respecter les exigences du droit et les engagements conventionnels pris par la France, et saluer les récents arrêts de la Cour de cassation, au lieu de chercher à les contourner ! Cet article 4 bis est inadmissible et indigne de notre assemblée, en ce qu’il s’inscrit en contradiction profonde avec l’intérêt de l’enfant.
M. Bernard Jomier. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, sur l’article.
M. Philippe Bas. Les termes employés par notre collègue Leconte sont excessifs.
Pour ce qui concerne la gestation pour autrui, la filiation qui peut être établie est en général la filiation paternelle, quand le père est l’auteur des gamètes ayant permis la naissance de l’enfant. En revanche, la seule filiation maternelle qui pourrait être reconnue est celle de la femme ayant accouché de l’enfant. Par conséquent, on ne prive pas l’enfant d’une filiation à laquelle il aurait droit en refusant de transcrire dans les actes d’état civil français une filiation maternelle dont la femme qui a accouché de l’enfant ne veut pas et qu’il est impossible de reconnaître pour une autre femme.
Ce que la commission spéciale a souhaité faire, c’est rappeler que la transcription à l’état civil français est bien sûr possible, mais dans la limite où elle correspond à la vérité de la filiation, en l’occurrence paternelle. Elle ne peut s’étendre à d’autres filiations.
Je ne vois pas comment vous pouvez affirmer de manière aussi péremptoire, mon cher collègue, que le texte adopté par la commission spéciale ne respecterait pas la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, jurisprudence qui laisse aux États une marge de manœuvre suffisante pour justifier une telle disposition.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie, sur l’article.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Ce projet de loi n’avait absolument pas vocation à traiter de la gestation pour autrui. Le président Retailleau et plusieurs de ses collègues en ont décidé autrement, et nous allons donc en débattre.
Nous parlons de quelques centaines d’enfants, nés dans le cadre d’un processus aujourd’hui illégal en France et qui doit, à mon avis et à celui de nombre d’entre nous, le rester.
M. Loïc Hervé. Très bien !
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Cela étant, nous nous préoccupons du sort de ces enfants. Telle est d’ailleurs la motivation, me semble-t-il, de l’ensemble des amendements déposés à cet article.
Nous sommes devant une situation juridique nouvelle, puisque l’assemblée plénière de la Cour de cassation puis la première chambre ont toutes deux, voilà seulement quelques semaines, pris la décision d’ouvrir la porte à la transcription à l’état civil français de la filiation de ces enfants nés par GPA à l’étranger, estimant que le fait que l’enfant soit né par un processus non reconnu légalement en France ne peut être, à lui seul, le motif de la non-transcription à l’état civil français de sa filiation.
La CEDH, pour sa part, a considéré que « l’impossibilité générale et absolue » – chaque mot a ici son importance – d’obtenir la reconnaissance du lien entre un enfant né d’une gestation pour autrui pratiquée à l’étranger et la mère d’intention n’est pas conciliable avec l’intérêt supérieur de l’enfant. Nous devrons garder ce point à l’esprit au cours de nos débats.
Le 16 avril 2017, le Président de la République écrivait ceci dans un courrier que je tiens à la disposition de mes collègues : « Je ne suis pas favorable à autoriser la GPA en France, mais je m’engage à ce que les enfants issus de la GPA nés à l’étranger voient leur filiation reconnue par l’état civil français. Comme tous les enfants, nous avons le devoir de les protéger. La circulaire du 25 janvier 2013 permettant de reconnaître les enfants nés d’une gestation pour autrui à l’étranger n’est pas uniformément appliquée sur le territoire français, ni dans tous les consulats. Je souhaite donc la compléter selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme. »
Sur ce point, le Gouvernement n’a pas entendu respecter, me semble-t-il, les annonces de celui qui devait ensuite devenir Président de la République.
M. le président. Je suis saisi de six amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 8 rectifié, présenté par M. Cadic, Mme Doineau et MM. Cazabonne et Détraigne, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Après l’article 47 du code civil, il est inséré un article 47-1 ainsi rédigé :
« Art. 47-1. – I. – Tout jugement étranger, rendu antérieurement ou postérieurement à la naissance d’un enfant né dans le cadre d’une convention de gestation pour le compte d’autrui conclue dans un État où cette pratique n’est pas expressément interdite et par lequel la filiation de cet enfant a été établie, est rendu exécutoire sur le territoire français, sous réserve de sa régularité internationale, mais sans que ne puissent lui être opposés ni le mode de conception de l’enfant, ni le fait qu’il serait antérieur à la naissance de ce dernier, à la diligence du procureur de la République du lieu où est établi le service central d’état civil du ministre des affaires étrangères ou dans les conditions fixées par l’article 509 du code de procédure civile.
« II. – Ce jugement, une fois rendu exécutoire, est de plein droit assimilé à un jugement ayant les mêmes effets, en droit français, qu’un jugement d’adoption plénière à l’égard de l’homme ou des deux hommes auquel l’enfant dont la filiation est établie n’est pas lié biologiquement ou à l’égard de la femme ou des deux femmes qui n’en ont pas accouché.
« III. – Les actions aux fins de reconnaissance des jugements ayant établi la filiation d’enfants nés, à l’étranger, d’une gestation pour le compte d’autrui sont portées devant les tribunaux mentionnés à l’article L. 211-13 du code de l’organisation judiciaire. »
La parole est à M. Yves Détraigne.
M. Yves Détraigne. Cet amendement vise à faciliter la reconnaissance, en droit français, des états civils des enfants nés à l’étranger dans le cadre d’une convention de gestation pour le compte d’autrui.
Si, en droit français, les conventions de GPA sont interdites, cet amendement vise néanmoins à prendre en compte l’intérêt supérieur de l’enfant, qui n’est pas responsable de son mode de procréation.
Il s’agit de garantir le respect du principe d’égalité des enfants devant la loi, en faisant prévaloir la jurisprudence de la Cour de cassation, s’appuyant sur l’avis consultatif de la Cour européenne des droits de l’homme du 10 avril 2019.
En effet, notre haute juridiction vient d’étendre sa jurisprudence Mennesson du 4 octobre 2019 en ordonnant, par une série de quatre arrêts rendus en décembre dernier, la transcription totale dans l’état civil français de l’acte de naissance étranger, indépendamment du mode de conception de l’enfant.
La Cour de cassation a donc contredit la cour d’appel de Rennes, qui avait admis la transcription partielle d’actes de naissance étrangers en ce qu’ils désignaient le père biologique d’une GPA, mais avait refusé cette transcription en ce qu’ils désignaient le « père d’intention ».
La Cour de cassation prend donc ses distances avec une conception purement biologique de la filiation. Les parents de même sexe d’un enfant né à l’étranger par gestation pour autrui ou procréation médicalement assistée peuvent demander la transcription totale de l’acte d’état civil étranger, s’il est conforme au droit local.
Ainsi, en cas de GPA pratiquée légalement à l’étranger, le père d’intention n’a plus à engager une procédure d’adoption pour valider sa filiation en cas de recours à une mère porteuse. Cet amendement offre donc aux enfants nés par GPA et à leurs parents un mécanisme à même de leur permettre d’obtenir simplement la reconnaissance, en droit français, de la filiation telle qu’elle a été établie dans l’État de naissance de ces enfants.
Le dispositif maintient toutefois le contrôle que l’État français est en droit d’exercer sur tout jugement étranger, à savoir la vérification de la compétence internationale du juge étranger, de l’absence de violation, par ce jugement, de l’ordre public international français et de l’absence de fraude.
M. le président. L’amendement n° 104, présenté par Mme Benbassa, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Après l’article 47 du code civil, il est inséré un article 47-1 ainsi rédigé :
« Art. 47-1. – I. – Tout jugement étranger, rendu antérieurement ou postérieurement à la naissance d’un enfant né dans le cadre d’une convention de gestation pour le compte d’autrui conclue dans un État étranger et par lequel la filiation de cet enfant a été établie, est rendu exécutoire sur le territoire français, sans que ne puissent lui être opposés ni le mode de conception de l’enfant, ni le fait qu’il serait antérieur à la naissance de ce dernier. Cette exécution se fait à la diligence du procureur de la République du lieu où est établi le service central d’état civil du ministre des Affaires étrangères ou dans les conditions fixées par l’article 509 du code de procédure civile.
« II. – Ce jugement venant établir la filiation, une fois rendu exécutoire, est de plein droit assimilé à un jugement ayant les mêmes effets, en droit français, qu’un jugement d’adoption plénière à l’égard de l’homme ou des deux hommes auquel l’enfant n’est pas lié biologiquement ou à l’égard de la femme ou des deux femmes qui n’en ont pas accouché.
« III. – Les actions aux fins de reconnaissance des jugements ayant établi la filiation d’enfants nés à l’étranger d’une gestation pour le compte d’autrui sont portées devant les tribunaux mentionnés à l’article L. 211-13 du code de l’organisation judiciaire. »
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Par une circulaire de la garde des sceaux en date du 29 janvier 2013, il est permis d’inscrire aux registres d’état civil français les enfants nés à l’étranger à la suite d’une GPA. Cette circulaire a, depuis, été validée par le Conseil d’État, en 2014, et a ouvert la voie à une jurisprudence solide du tribunal de grande instance de Paris. J’ai bien évidemment toujours été favorable à ces décisions de justice, estimant que les enfants nés de GPA n’avaient pas à être punis pour les actes illégaux de leurs parents.
Je crains cependant qu’une jurisprudence contraire, se fondant sur cet article 4 bis, puisse émerger, mettant en péril l’accès à la nationalité française de ces enfants.
Ainsi, le présent amendement vise à introduire dans notre droit les principes institués par ces décisions de justice, afin de garantir une véritable sécurité juridique pour les nouveau-nés fruits d’un contrat de gestation pour le compte d’autrui conclu à l’étranger.
J’entends évidemment les réticences de nos collègues de tous bords politiques tenant au risque de marchandisation du corps des femmes en situation de précarité si cette pratique n’était pas éthiquement encadrée. Mais la question ici soulevée n’est pas celle de la légalisation de la gestation pour autrui. La seule motivation qui m’anime, c’est l’intérêt supérieur de l’enfant. Je pense qu’elle peut nous rassembler toutes et tous.
M. le président. L’amendement n° 249 rectifié bis, présenté par Mme Laborde, MM. Arnell, A. Bertrand et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin et Corbisez, Mme Costes et MM. Gabouty, Gold, Labbé, Requier et Roux, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – Tout jugement étranger, rendu antérieurement ou postérieurement à la naissance d’un enfant né dans le cadre d’une convention de gestation pour le compte d’autrui conclue dans un État où cette pratique n’est pas expressément interdite et par lequel la filiation de cet enfant a été établie à l’égard d’un ou de deux hommes auquel il n’est pas lié biologiquement ou à l’égard d’une ou de deux femmes qui n’en ont pas accouché, est de plein droit assimilé à un jugement ayant les mêmes effets, en droit français, qu’un jugement d’adoption plénière.
II. – Ce jugement, sous réserve de sa régularité internationale mais sans que ne puissent lui être opposés ni le mode de conception de l’enfant, ni le fait qu’il serait antérieur à la naissance de ce dernier, est rendu exécutoire sur le territoire français à la diligence du procureur de la République du lieu où est établi le service central d’état civil du ministre des affaires étrangères ou dans les conditions prévues à l’article 509 du code de procédure civile.
III. – Les actions aux fins de reconnaissance des jugements ayant établi la filiation d’enfants nés à l’étranger d’une gestation pour le compte d’autrui sont portées devant les tribunaux mentionnés à l’article L. 211-13 du code de l’organisation judiciaire.
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Nous savons désormais que certains de nos ressortissants ont recours à la GPA à l’étranger, quand bien même cette pratique reste interdite en France depuis la loi du 29 juillet 1994. C’est un état de fait que nous devons prendre en compte dans notre travail législatif. Environ 2 000 enfants seraient concernés.
En raison de la rédaction actuelle de l’article 16-7 du code civil, qui est extrêmement laconique, la situation sur le sol français des enfants nés de cette façon est incertaine, même si leurs parents biologiques et d’intention sont français. En effet, si le code civil dispose explicitement que toute convention ayant pour objet une gestation pour autrui est nulle, le législateur de 1994 n’a pas prévu de solution de droit pour les enfants nés à l’étranger en violation de cette interdiction.
Or ces enfants sont aussi vulnérables que les autres, ce qui justifie qu’ils puissent bénéficier de l’établissement d’un lien de filiation avec deux parents, notamment au cas où l’un de ceux-ci serait défaillant. À quoi sert la loi si elle n’a pas pour objet de protéger les personnes vulnérables ?
Anticiper les contournements d’une interdiction n’est pas contradictoire avec un meilleur encadrement de leurs conséquences. C’est d’ailleurs ce que prévoit notre droit en matière d’avoirs criminels.
Faute d’une telle anticipation, la tâche de traiter du cas des enfants nés à l’étranger à la suite d’une GPA est revenue à la Cour de cassation, dialoguant avec la Cour européenne des droits de l’homme.
L’amendement de notre collègue Bruno Retailleau introduit une disposition visant à clarifier cette situation, en prévoyant que, pour le parent d’intention, l’adoption doit rester la seule voie administrative et judiciaire possible pour établir un lien de filiation avec l’enfant. C’est justement ce qu’ont contesté les époux Mennesson, arguant que, dix-huit ans après la naissance de leurs filles, leur appliquer cette règle n’avait aucun sens.
En outre, la question de la nature de l’adoption se pose également : s’agit-il d’une adoption simple ou plénière ? La réponse à cette question a une incidence sur l’établissement de la nationalité des enfants.
Nous proposons donc de modifier le dispositif de l’article, afin de permettre la transcription des actes d’état civil étrangers via un juge, solution plus satisfaisante du point de vue de l’intérêt supérieur des enfants concernés.
M. le président. L’amendement n° 250 rectifié, présenté par Mme Costes, MM. Arnell, A. Bertrand et Cabanel, Mme M. Carrère et MM. Castelli, Collin, Corbisez, Gabouty, Gold, Labbé, Requier et Roux, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Après l’article 336-1 du code civil, il est inséré un article 336-… ainsi rédigé :
« Art. 336-…. – Lorsque l’état civil de l’enfant a été établi par une autorité étrangère en conformité à une décision de justice de ce pays faisant suite à un protocole de gestation pour autrui, cet état civil est transcrit intégralement dans le registre des Français nés à l’étranger sans contestation possible, à condition que la décision de justice soit conforme aux lois locales applicables, que le consentement libre et éclairé de la femme qui a porté l’enfant soit reconnu par cette décision et que les possibilités de recours envers ladite décision soient épuisées. »
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Le présent amendement vise, comme le précédent, à modifier le dispositif tendant à clarifier la situation des enfants nés à l’étranger à la suite d’une GPA.
Il s’agit d’une rédaction plus pragmatique encore, tenant compte de l’engorgement de nos tribunaux. Elle vise ainsi à permettre une transcription administrative de l’état civil, comme cela se fait actuellement dans les consulats, en cas de naissance d’enfants français à l’étranger.
Les auteurs de l’amendement n’entendent pas remettre en cause l’interdiction de la GPA en France, mais ils considèrent que, en matière de procréation et de filiation, il est illusoire de considérer que l’établissement de longs parcours administratifs et judiciaires permettra de lutter contre le recours à cette pratique à l’étranger.
Dans l’intérêt des enfants concernés, il est donc proposé de simplifier ces procédures, tout en prévoyant quelques garanties protectrices pour les mères porteuses et les mineurs.
En conclusion, je voudrais remercier M. le président de la commission spéciale d’avoir permis la tenue de ce débat.
M. le président. L’amendement n° 216 rectifié quater, présenté par Mme de la Gontrie, MM. Jacques Bigot, Jomier, Daudigny, Vaugrenard et Kanner, Mmes Conconne et Préville, MM. Féraud et Vallini, Mme S. Robert, M. Bérit-Débat, Mme Conway-Mouret, M. Gillé, Mme Monier, MM. Sueur, M. Bourquin, Lozach, Sutour, Marie, Dagbert, Duran, Durain, Mazuir et Tissot, Mme Tocqueville, M. Lurel, Mmes Lepage, Jasmin et Taillé-Polian et MM. Temal et Montaugé, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article 47 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La circonstance que la naissance d’un enfant à l’étranger ait pour origine une convention de gestation pour autrui, prohibée par les articles 16-7 et 16-9 du présent code, ne peut, à elle seule, faire obstacle à la transcription de l’acte de naissance établi par les autorités de l’État étranger, en ce qui concerne le père biologique de l’enfant, ni à la reconnaissance du lien de filiation à l’égard du parent d’intention mentionné dans l’acte étranger, laquelle doit intervenir au plus tard lorsque ce lien entre l’enfant et le parent d’intention s’est concrétisé. »
La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Cet amendement a pour objet de reprendre les attendus des arrêts de la Cour de cassation de novembre et de décembre derniers que j’ai évoqués dans mon intervention sur l’article et qui ont vocation à permettre la transcription à l’état civil français de l’acte de naissance d’un enfant né par GPA à l’étranger, en précisant que le recours à ce mode de procréation n’est pas un motif suffisant pour exclure cette possibilité. D’autres collègues l’ont dit, cela n’interdirait pas au juge français de refuser cette transcription : la jurisprudence tend à rendre celle-ci non pas automatique, mais seulement possible. Pensons aux quelques centaines d’enfants concernés et appliquons la jurisprudence de la Cour de cassation !
M. le président. L’amendement n° 301, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L’article 47 du code civil est complété par une phrase ainsi rédigée : « Celle-ci est appréciée au regard de la loi française. »
La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Je voudrais d’abord rappeler la chronologie.
En 2015 puis en 2017, la Cour de cassation a développé une jurisprudence sur la question des GPA réalisées à l’étranger. C’est un sujet très complexe et très sensible, et il faut se garder d’avancer des solutions simplistes, dans la mesure où le devenir d’enfants est en jeu.
La France a fait le choix d’interdire la GPA, au nom de principes éthiques sur lesquels il n’est pas question de céder. Il existe cependant une réalité : nos frontières sont ouvertes et des couples se rendent à l’étranger pour obtenir un enfant par le biais d’une GPA. Nier cette réalité pourrait conduire à pénaliser des enfants en raison de choix effectués par leurs parents. Il convient donc de trouver un équilibre entre l’effectivité de l’interdiction de la GPA et le droit, pour les enfants, à avoir un état civil et une vie familiale normale.
Il résultait de la jurisprudence de la Cour de cassation que, lorsqu’un couple avait eu recours à une GPA à l’étranger, la transcription de l’acte de naissance était possible en ce qui concerne le père biologique. En revanche, s’agissant du parent d’intention, la Cour de cassation renvoyait à une procédure d’adoption.
Le Gouvernement approuvait et approuve toujours cet équilibre, qui permet à la fois un contrôle du juge français sur les GPA réalisées à l’étranger et une protection des intérêts et des droits en présence, notamment, bien sûr, ceux de l’enfant.
Comme je l’ai indiqué à l’Assemblée nationale – je le dis notamment pour répondre aux observations formulées par Mme la sénatrice de la Gontrie –, je comptais adresser aux procureurs, mais aussi aux consulats, une circulaire pour assurer la bonne application de la solution que je viens de développer devant vous. Cela était d’autant plus souhaitable que cette solution avait été validée par la Cour européenne des droits de l’homme par un avis du 10 avril 2019 précisant que la jurisprudence de la Cour de cassation était compatible avec la Convention européenne des droits de l’homme. La CEDH a posé des conditions relatives à l’accès à la procédure d’adoption, mais, en décembre dernier, elle a redit que la procédure d’adoption française permettait de donner aux enfants nés d’une GPA à l’étranger une filiation dans des conditions conformes à la jurisprudence et aux exigences de la Convention européenne des droits de l’homme.
Le 18 décembre dernier, la Cour de cassation est revenue sur sa jurisprudence antérieure, en permettant la transcription de plein droit des actes de naissance établis à l’étranger sans passer par l’adoption.
Techniquement, la Cour de cassation a modifié son interprétation de l’article 47 du code civil sur la régularité des actes de l’état civil étranger. Vous le savez sans doute, cet article dispose que, pour être reconnu en France, un acte de l’état civil étranger doit être « conforme à la réalité ».
Jusque-là, la Cour de cassation considérait que la « conformité à la réalité » s’appréciait au regard de la loi française. Pour la GPA, cela signifie que l’acte de naissance qui désigne la mère d’intention comme mère n’était pas conforme à la réalité, puisque, en droit français, nous l’avons dit, la mère est celle qui accouche.
Ainsi, depuis le 18 décembre dernier, la Cour de cassation juge que la conformité à la réalité d’un acte de l’état civil étranger s’apprécie au regard non plus des critères de la loi française, mais des critères de la loi nationale étrangère. Évidemment, cela change les choses.
Le Gouvernement ne peut se résoudre à ce nouvel état du droit, je le dis clairement. En effet, il supprime notamment tout contrôle juridictionnel sur les GPA réalisées à l’étranger. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement vous propose de revenir à la situation antérieure à cette nouvelle jurisprudence de la Cour de cassation. Le passage par la procédure d’adoption me paraît indispensable en ce cas, car seule l’intervention du juge dans le cadre de la procédure d’adoption permet d’opérer un contrôle dans l’intérêt de l’enfant, notamment de s’assurer de l’absence de trafic d’enfants.
Le Gouvernement présente un amendement visant à préciser, à l’article 47 du code civil, que la conformité de l’acte étranger s’apprécie au regard des critères de la loi française.
Concrètement, cela signifie que l’acte de naissance d’un enfant né d’une GPA à l’étranger qui désigne la mère d’intention comme mère n’est pas conforme à la réalité, puisque, en droit français, la mère est celle qui accouche, hors hypothèse de l’adoption.
M. Philippe Bas. Merci de le rappeler !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Je n’ai cessé de le faire depuis tout à l’heure.
La solution que nous proposons est à la fois suffisamment large et précise ; elle permet de viser d’autres situations que celle des enfants nés à la suite d’une GPA à l’étranger.
La rédaction qui vous est soumise permet en effet de s’opposer à des transcriptions qui seraient contraires aux règles françaises pour d’autres raisons – on peut penser par exemple aux actes de naissance qui incluent plus de deux parents, hors hypothèse de l’adoption.
L’amendement a pour objet de revenir à la solution antérieurement retenue, à savoir transcription de l’acte de naissance dans l’état civil français pour le père biologique, établissement de la filiation du parent d’intention par l’adoption, sous le contrôle du juge, conformément à la jurisprudence antérieure appliquée par les tribunaux et confortée par la Cour européenne des droits de l’homme ; pas plus, pas moins.
Je vous invite donc, mesdames, messieurs les sénateurs, à adopter cet amendement, et j’émets un avis défavorable sur les amendements nos 8 rectifié, 104, 249 rectifié bis, 250 rectifié et 216 rectifié quater. Il me semble en effet que leurs dispositifs ne permettent pas de garantir le contrôle par le juge français.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à la bioéthique. Concernant les amendements nos 8 rectifié, 104 et 249 rectifié bis, dont les auteurs proposent une nouvelle rédaction de l’article 4 bis, je rappellerai d’abord, à la suite de Mme le garde des sceaux, que la GPA est interdite en France, tout simplement. En 2018, le Conseil d’État, dans l’étude réalisée préalablement aux états généraux de la bioéthique et à la révision de la loi relative à la bioéthique, a indiqué clairement que la GPA heurte la substance même du modèle bioéthique français.
Pour autant, l’intérêt des enfants doit être préservé : nous en avons conscience et, si tel n’était pas le cas, la Cour européenne des droits de l’homme ne manquerait pas de nous rappeler ce principe.
Aujourd’hui, il n’existe pas d’enfant né à l’étranger à la suite d’une GPA qui soit totalement privé de filiation, y compris en France. En effet, les actes de naissance sont toujours transcrits dans l’état civil français s’agissant de la filiation biologique qui est constatée, l’autre parent devant recourir à la procédure d’adoption. Cela est conforme aux exigences de la Cour européenne des droits de l’homme.
Les auteurs des amendements nos 8 rectifié, 104 et 249 rectifié bis proposent que les jugements étrangers établissant la filiation d’enfants nés d’une GPA aient en droit français les mêmes effets qu’un jugement d’adoption plénière. Cela heurte, encore une fois, le principe de l’interdiction de la GPA en France.
En outre, selon les dispositions de ces amendements, le procureur de la République serait tenu de procéder à la transcription du jugement sans aucun contrôle de fond sur le respect de l’intérêt de l’enfant, ce qui ne sera pas le cas si la procédure d’adoption est mise en œuvre conformément à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme.
La commission est donc défavorable à ces trois amendements.
Les auteurs de l’amendement n° 250 rectifié proposent eux aussi une nouvelle rédaction de l’article 4 bis visant à la même fin, mais avec une variante : il est exigé que le consentement de la mère porteuse soit mentionné dans le jugement et toute contestation de la transcription, notamment par le procureur de la République, est proscrite.
Cette dernière disposition ne paraît guère constitutionnelle, le droit au recours étant particulièrement bien protégé par nos principes constitutionnels et conventionnels. Il me semble difficile d’admettre un amendement dont l’adoption contraindrait autant notre système juridique.
Pour ces motifs et pour les raisons précédemment évoquées, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
L’amendement n° 216 rectifié quater tend à codifier dans la loi les termes de la jurisprudence de la Cour de cassation, qui reprend elle-même celle de la Cour européenne des droits de l’homme sur la filiation d’un enfant issu d’une gestation pour autrui.
Cependant, les termes de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme ont été établis non pas pour la France, mais pour l’ensemble des États, de sorte qu’ils sont relativement vagues ; ils ne précisent pas quelle serait la procédure qu’il faudrait mettre en œuvre pour que le second lien de filiation, celui qui n’est pas biologique, soit établi par la France. Ces termes sont donc inadaptés et insuffisamment précis pour pouvoir être inscrits dans la loi.
L’avis de la commission est par conséquent défavorable.
Quant à l’amendement n° 301, nous partageons, me semble-t-il, l’objectif du Gouvernement,…
M. Bruno Retailleau. C’est à voir !
Mme Muriel Jourda, rapporteur. … à savoir revenir sur la dernière jurisprudence de la Cour de cassation, qui tend purement et simplement à la transcription directe des actes de naissance des enfants nés à la suite d’une GPA pratiquée à l’étranger. Cependant, j’avoue ne pas voir comment le dispositif de cet amendement peut fonctionner, madame le ministre.
Vous proposez de compléter l’article 47 du code civil par une phrase ainsi rédigée : « Celle-ci est appréciée au regard de la loi française. » De quoi s’agit-il ? Pour la clarté du débat, je rappelle que l’article 47 du code civil dispose qu’un acte de l’état civil des Français établi en pays étranger fait foi, sauf s’il est établi que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Vous souhaitez donc préciser que cette réalité doit être appréciée au regard de la loi française.
J’avoue ne pas comprendre ce que cela signifie. La réalité, ce n’est pas un concept juridique ; c’est un concept de fait.
M. Bruno Retailleau. Bien sûr ! C’est pourquoi l’amendement du Gouvernement est nul et non avenu.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Il s’agit en l’espèce de savoir si l’enfant dont la transcription de l’acte de naissance étranger est demandée est effectivement né de l’un des deux parents mentionnés.
La façon dont l’amendement est rédigé ne me paraît pas permettre d’atteindre l’objectif annoncé, qui est aussi celui que la commission avait à l’esprit en adoptant l’amendement déposé par M. Retailleau.
Je ne vois pas en quoi cet amendement serait plus clair que celui que la commission a adopté.
M. Bruno Retailleau. Il l’est moins !
Mme Muriel Jourda, rapporteur. C’est pourquoi j’émets, au nom de la commission spéciale, un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. Pour ma part, je ne crois pas que deux hommes soient moins aptes à rendre des enfants heureux que deux femmes ou qu’un homme et une femme. Tel n’est pas mon sujet : je n’émets aucun jugement en la matière.
La pratique de la gestation pour autrui, ou des « utérus à louer », comme on dit en espagnol, est séculaire. C’est peut-être la plus vieille méthode employée pour lutter contre la stérilité, en particulier dans les familles bourgeoises qui avaient un patrimoine à transmettre. Ce n’était pas très compliqué : on s’arrangeait avec la bonne, en sollicitant plus ou moins son consentement, et l’enfant était présenté comme l’enfant du couple…
M. Julien Bargeton. Comme dans Maupassant…
M. Bruno Retailleau. C’est une contre-démonstration !
Mme Laurence Rossignol. Historiquement, les femmes ont été assignées à la fonction procréatrice et enfermées dans leur rôle de reproduction, auquel est attachée une valeur variable selon les époques.
Nous sommes bel et bien en difficulté avec la GPA. L’intérêt de l’enfant exige, bien entendu, que l’on sécurise le plus possible sa vie en France, mais l’interdiction de la GPA est absolue. Nous ne sommes pas, par ailleurs, en situation de poursuivre les parents qui ont recours à une GPA à l’étranger. Jamais je n’ai entendu quelqu’un demander que l’on modifie le code pénal afin de pouvoir poursuivre ces parents comme on poursuit les auteurs d’actes de pédocriminalité commis à l’étranger. Nul d’entre nous n’est complètement à l’aise sur ce sujet.
Sur la marchandisation du corps, nous n’avons pas tous le même point de vue. Je suis d’ailleurs heureuse d’entendre aujourd’hui certains collègues dénoncer avec force la marchandisation du corps des femmes, alors qu’elle semblait poser nettement moins problème lors de la discussion de la proposition de loi visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel, en 2015… (Mme Marie-Pierre de la Gontrie applaudit.)
M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.
Mme Laurence Rossignol. La France doit aujourd’hui s’associer aux coalitions internationales qui s’attachent à faire reculer partout la GPA. Nous devons nous préoccuper de l’intérêt de l’enfant, bien sûr, tout en examinant comment la législation française pourrait renforcer l’action de ces coalitions internationales. Je pense, pour ma part, que ce n’est pas en facilitant une transcription totale de l’acte de naissance étranger, mentionnant à la fois le père biologique et le père d’intention, que l’on atteindra cet objectif. Cette solution n’est pas satisfaisante.
En conclusion, je voterai l’amendement du Gouvernement, même si je trouve que, juridiquement, l’on aurait peut-être pu faire mieux.
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. C’est là un point nodal de la discussion sur la GPA.
Sur ces travées et à l’extérieur de notre hémicycle, nous sommes nombreux à partager la crainte que ce texte ne marque une étape vers l’autorisation de la GPA.
Mme Éliane Assassi. C’est vous qui avez introduit cette question dans le texte !
M. Bruno Retailleau. Cette crainte n’est pas illégitime. Notre rapporteur a dit que la GPA était interdite en France, sauf que – je le dis solennellement ce soir et je voudrais que les Français le sachent – le recours à une mère porteuse payée à l’étranger pour abandonner son enfant est aujourd’hui, en France, une pratique légalisée !
Mme Esther Benbassa. Par qui ?
M. Bruno Retailleau. Par les jurisprudences.
Par ailleurs, madame la garde des sceaux, votre amendement a essentiellement pour objet d’écraser celui que j’avais proposé et qui a été adopté par la commission spéciale. Son adoption aurait pour effet de détruire la digue que nous avions construite sans reconstruire aucune vraie barrière.
Votre dispositif consiste simplement à rappeler qu’il faut appliquer la loi française : mes chers collègues, c’est révolutionnaire ! La Cour de cassation n’applique-t-elle pas la loi française ? Serait-elle militante au point d’aller au-delà, obligeant une garde des sceaux à rappeler, par amendement, qu’il faut absolument appliquer la loi française ? Non, bien sûr, la Cour de cassation utilise la liberté que lui laisse l’imprécision de la loi française, ce qui conduit à la jurisprudence qui est la sienne. De ce point de vue, madame la garde des sceaux, votre amendement n’apporte rien !
En outre, vous vous appuyez, une fois de plus, sur la CEDH. Votre raisonnement est faux ! Par son arrêt du 12 décembre dernier, la CEDH a décidé de ne pas condamner la France pour un refus de transcription, estimant que « le refus des autorités françaises de transcrire les actes de naissance étrangers des enfants requérants sur les registres de l’état civil français pour autant qu’ils désignent la mère d’intention comme étant leur mère n’est pas disproportionné par rapport aux buts poursuivis ».
Cela signifie premièrement, comme l’a dit Philippe Bas, que la CEDH nous donne une latitude, une liberté. Arrêtez par conséquent de l’invoquer : cet argument est faux et masque simplement un manque de courage.
Cela signifie, deuxièmement, que l’on ne doit pas confondre ce qui est de l’ordre de la filiation retranscrite et ce qui relève de la filiation reconnue. Ce que nous demande la CEDH, c’est simplement de reconnaître un lien de filiation dans l’intérêt des enfants.
M. le président. Songez à conclure, mon cher collègue.
M. Bruno Retailleau. Si nous voulons vraiment faire obstacle aux jurisprudences de la Cour de cassation, et donc mettre un coup d’arrêt définitif à la GPA, ne votons pas ces amendements, celui du Gouvernement en particulier ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Je rappelle que nous parlons de la transcription en droit français d’actes de naissance étrangers d’enfants français établissant leur filiation avec deux parents.
La situation actuelle a conduit un certain nombre de parents à se tourner vers la CEDH et la Cour de cassation pour qu’elles établissent le droit de leur enfant à avoir un état civil français. Au regard des diverses tentatives de contourner les arrêts rendus fin 2019 par la Cour de cassation, il est essentiel d’adopter les dispositions dont nous sommes en train de discuter, en particulier celles de l’amendement de notre collègue Marie-Pierre de la Gontrie. Il s’agit de codifier les principes juridiques posés par la jurisprudence actuelle, afin de respecter l’avis de la CEDH du 10 avril 2019, en considérant, monsieur Retailleau, que « chaque fois que la situation d’un enfant est en cause, l’intérêt supérieur de celui-ci doit primer ».
M. Bruno Retailleau. Il faut distinguer filiation et reconnaissance !
M. Jean-Yves Leconte. Comment faire confiance à un gouvernement qui a demandé à l’Assemblée nationale une seconde délibération sur un amendement similaire adopté sur l’initiative du député Jean-Louis Touraine, au prétexte d’une circulaire à venir, circulaire dont vous avez indiqué, madame la garde des sceaux, dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale puis à plusieurs reprises dans la presse, qu’elle tirerait les conséquences des jurisprudences, alors « à venir », de la Cour de cassation ? Une telle circulaire aurait dû rappeler le principe de transcription intégrale des actes de naissance étrangers, sans recours à l’artifice fallacieux et chronophage de l’adoption de l’enfant du conjoint, qui ne vaut d’ailleurs pas pour une femme seule ou un couple non marié.
Mais la Cour de cassation, par son arrêt du 4 octobre 2019 et ses trois arrêts du 18 décembre 2019, a tranché dans l’intérêt de l’enfant. En matière de filiation, elle applique, dans un souci d’uniformité, les mêmes modalités du droit à toutes les familles, quel que soit le schéma parental, qu’il s’agisse de couples mariés dont les membres sont de sexe différent ou de même sexe, d’hommes ou de femmes seuls, ou encore de couples non mariés. La Cour de cassation respecte ainsi les critères d’effectivité et de célérité qui ont été délibérés et imposés en grande chambre, à l’unanimité des juges, par la CEDH dans son avis précité.
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Jean-Yves Leconte. On aurait pu se contenter d’appliquer la jurisprudence de la Cour de cassation – c’est la solution qui devrait prévaloir dans notre système juridique –, en permettant désormais la transcription intégrale des actes de naissance des enfants français nés d’une GPA à l’étranger, mais la parole donnée par le Gouvernement à l’Assemblée nationale semble remise en cause. Dans un souci de sécurité juridique, il convient donc d’apporter dans la loi les précisions nécessaires pour que tous les enfants aient les mêmes droits et voient leurs intérêts préservés.
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.
M. Philippe Bas. L’interdiction de la gestation pour autrui dans notre législation devient un chiffon de papier si elle n’emporte plus aucune conséquence sur l’état civil.
M. Roger Karoutchi. Oui ! Ça n’a pas de sens, à la fin !
M. Philippe Bas. La jurisprudence récente de la Cour de cassation, dont il ne faut pas, d’ailleurs, tirer des conséquences excessives – elle portait en effet sur des cas d’espèce –, est inquiétante.
Le mérite de la commission spéciale est d’avoir clairement donné un coup d’arrêt à cette exigence qui semblait grandir d’une transcription intégrale des actes d’état civil rédigés à l’étranger à la suite d’une gestation pour autrui. Qu’on reconnaisse que le père génétique est le père, c’est une chose ; qu’on donne au père d’intention ou à la mère d’intention un statut ou de père ou de mère, c’en est une autre.
Il me semble que les amendements visant en réalité à consolider la jurisprudence de la Cour de cassation, c’est-à-dire tous, sauf l’amendement du Gouvernement, sont extrêmement dangereux, puisque leur adoption reviendrait à priver d’effets utiles l’interdiction de la gestation pour autrui.
Quant à l’amendement du Gouvernement, je le trouve simplement cosmétique. Prévoir que la réalité de la situation reconnue par l’acte d’état civil étranger doit être appréciée au regard de la loi française, cela n’a pas de sens, car une réalité ne saurait être appréciée au regard d’une loi, et je ne vois pas comment la Cour de cassation pourrait s’appuyer sur cette mention pour renoncer à la nouvelle jurisprudence qu’elle vient d’esquisser.
La commission spéciale, elle, a dit les choses nettement : on doit continuer à transcrire partiellement les actes d’état civil, pour la filiation paternelle établie, et pas pour la filiation des parents d’intention. Là est réellement le plus important, car si, demain, ceux qui en ont les moyens vont acheter des enfants dans un grand pays dont la législation permet la gestation pour autrui, et si la juridiction française et la loi française reconnaissent leur état civil, on dénoncera l’injustice subie par ceux n’ayant pas les moyens de se rendre en Californie ! On arguera d’un deux poids, deux mesures, entre ceux qui, en Californie, obtiendront la reconnaissance de la filiation de l’enfant à l’égard du père d’intention ou de la mère d’intention,…
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.
M. Philippe Bas. … et ceux qui, restés en France, n’y auront pas droit. Nous aurons alors à débattre pour rétablir la justice en alignant tout le monde ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.
Mme Éliane Assassi. Je voudrais rappeler avec force que l’ensemble de mon groupe est opposé à la GPA.
À l’origine, il n’était pas question de la GPA dans le texte ! Si celui-ci en traite aujourd’hui, c’est parce que ce sujet y a été intégré via l’amendement déposé par M. Retailleau et adopté par la commission spéciale : que les choses soient claires ! De ce fait, la GPA est maintenant instrumentalisée par les opposants à la PMA. (M. Roger Karoutchi s’étonne.) Dans la rue, tout à l’heure, j’ai ainsi entendu des manifestants affirmer que, derrière la PMA, se profile la légalisation future de la GPA dans notre pays.
En tout cas, pour notre part, nous avons déposé un amendement n° 210 rectifié bis de suppression de l’article, mais nous le retirons au profit de celui que Mme la garde des sceaux a défendu.
M. le président. L’amendement n° 210 rectifié bis est retiré.
La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.
M. Jacques Bigot. Ce qui me paraît clair, mes chers collègues, c’est que nous sommes tous ici convaincus qu’il ne faut pas accepter la GPA. Nous cherchons tous les moyens de faire en sorte qu’elle ne puisse être indirectement régularisée. En même temps, nous sommes préoccupés par la situation et le statut des enfants concernés.
La situation est si peu simple qu’il m’arrive de me dire que, lorsque le législateur ne sait pas comment faire la loi, il est peut-être plus habile, compte tenu du faible nombre de cas, de laisser la jurisprudence trancher au cas par cas.
À cet égard, madame la ministre, votre amendement pose, me semble-t-il, un autre problème : son adoption signifierait une modification substantielle de l’article 47 du code civil. Comment règle-t-on les conflits en droit international privé, dans le domaine de la filiation notamment ? L’article 47 du code civil dispose que « tout acte de l’état civil des Français fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, etc. »
Inscrire dans la loi que l’acte visé audit article doit être conforme à la législation française, ce n’est pas la même chose que de dire qu’il ne faut pas qu’il soit contraire à la législation française ! De ce point de vue, la rédaction de votre amendement pose problème, ce qui justifiera que nous ne le votions pas. L’entrée en vigueur de cette disposition soulèverait des difficultés dans d’autres domaines.
S’agissant de l’article 4 bis tel qu’issu des travaux de la commission, il est trop affirmatif. C’est la raison pour laquelle, d’ailleurs, un amendement d’adaptation est présenté. L’adoption de cet article aurait notamment pour effet d’empêcher, le cas échéant, la reconnaissance de deux pères, alors que la loi française admet la possibilité pour deux pères d’adopter un enfant. Des problèmes difficiles sont donc en vue là aussi.
C’est la raison pour laquelle nous suggérons de reprendre non pas les dispositions de l’amendement présenté par notre collègue Touraine à l’Assemblée nationale, mais la jurisprudence de la Cour de cassation, qui est très prudente. Elle dit simplement que la circonstance que la naissance d’un enfant à l’étranger ait pour origine une convention de gestation pour autrui, prohibée par le code civil, ne peut, à elle seule, faire obstacle à la transcription. Cela n’empêchera pas la jurisprudence de dire ultérieurement, comme l’a fait la Cour européenne des droits de l’homme, qu’il y a d’autres moyens et que les couples concernés peuvent recourir à l’adoption, comme le veut d’ailleurs la logique.
Franchement, si, dans notre folie nous étions capables un instant de faire preuve de sagesse, nous nous en remettrions, pour ces quelques cas peu nombreux, à la Cour de cassation pour trouver la solution, via sa jurisprudence. A contrario, si l’on légifère trop, d’aucuns pourraient penser que l’on ouvre certaines vannes.
Nous soutiendrons plutôt les amendements qui ne vont pas dans le sens du vôtre, monsieur Retailleau, mais, en définitive, je préférerais que nous supprimions purement et simplement cet article.
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Ce que j’entends m’étonne beaucoup. C’est le Parlement qui fait la loi, et c’est le Parlement qui décide dans ce pays !
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Absolument !
Mme Éliane Assassi. Ce n’est pas toujours vrai !
M. Roger Karoutchi. On invoque les jurisprudences de la Cour de cassation, du Conseil d’État, de la CEDH ; je respecte beaucoup les magistrats de ces juridictions, mais la loi, c’est la loi, et il revient à l’Assemblée nationale et au Sénat de la voter. Or, depuis tout à l’heure, on a l’impression que tel arrêt de la Cour de cassation, telle jurisprudence s’impose quoi qu’il advienne au Parlement. Monsieur Bigot, je sais que vous êtes un fervent partisan du parlementarisme, mais vous en arrivez à dire que, les cas étant peu nombreux, mieux vaut laisser les magistrats les régler plutôt que de légiférer.
M. Jacques Bigot. Je le dis pour les seuls cas où nous n’avons pas de certitudes !
M. Roger Karoutchi. Je le redis, j’ai beaucoup de respect pour les magistrats, mais allez expliquer aux Français que si la GPA est strictement interdite en France, les décisions de la Cour de cassation, du Conseil d’État et de la CEDH font que se rendre à l’étranger pour y recourir n’emporte aucune conséquence, sans même parler de poursuites !
M. Bruno Retailleau. Exactement !
M. Roger Karoutchi. Comment, dans le Parlement de la République, peut-on à la fois affirmer que la GPA est interdite et encourager les Français qui souhaitent y avoir recours à se rendre à l’étranger, en leur disant qu’il ne leur arrivera rien, au nom de la préservation tout à fait légitime des droits de l’enfant !
Comment, dans le Parlement de la République, peut-on faire la loi tout en acceptant que certains, pour des raisons probablement tout à fait respectables, la violent sans encourir aucune conséquence ?
Mme Éliane Assassi. Parce qu’il faut procéder autrement !
M. Roger Karoutchi. Comment, dans le Parlement de la République, peut-on nous dire que nous devons nous taire et nous incliner devant la jurisprudence ? Pardon, mais nous sommes le Parlement de la République, et nous faisons la loi ; c’est nous qui décidons ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Loïc Hervé applaudit également.)
Mme Éliane Assassi. S’il faut parler de la GPA, parlons-en, mais dans un texte spécifique !
M. le président. La parole est à M. Julien Bargeton, pour explication de vote.
M. Julien Bargeton. Sur ce sujet, ma conviction, cela ne surprendra personne, s’inscrit dans le droit-fil des propos tenus par le Président de la République le 20 avril 2017.
M. Philippe Bas. Le problème est réglé, alors ! (Sourires.)
M. Julien Bargeton. Il proposait alors de reconnaître l’existence des enfants vivant en France nés à l’étranger à l’issue d’une GPA et de leur donner un statut juridique, car ces enfants ne peuvent pas être victimes d’une situation dont ils ne sont aucunement responsables.
L’arrêt Mennesson de la Cour de cassation est un cas d’espèce. Il appelle le législateur à légiférer pour combler un vide juridique. L’amendement du Gouvernement répond précisément à cette invitation. (M. Bruno Retailleau sourit.) On invoque volontiers l’intérêt de l’enfant, mais j’observe qu’il en est assez peu question en l’occurrence !
Au regard du débat qui a eu lieu, mon groupe votera l’amendement du Gouvernement, bien qu’il ait déposé un amendement de suppression de l’article 4 bis, lequel nous semble, en l’état, inopportun. Si l’amendement du Gouvernement devait être rejeté, nous voterions la suppression de l’article 4 bis.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Alain Milon, président de la commission spéciale. La GPA s’adresse à des couples hétérosexuels et à des couples homosexuels. Il en ira de même pour la PMA si le présent texte est adopté, comme c’est probable.
Jusqu’à présent, la France a choisi de ne pas aider les couples hétérosexuels au titre de la GPA. Dès lors, est arrivé ce qui devait arriver : certains se rendent à l’étranger pour pouvoir bénéficier d’une GPA.
Comme vous, mes chers collègues, je suis profondément opposé à la marchandisation du corps humain, mais, contrairement à vous, je suis favorable à une GPA à la française, reposant sur le don. On pourra très bien – sur ce point, je rejoins Mme Assassi – revenir sur cette question dans le cadre de l’examen d’un texte général relatif à l’infertilité des couples homosexuels et hétérosexuels. J’aurai alors beaucoup à dire…
Actuellement, la PMA est autorisée pour des couples hétérosexuels dans le cas, par exemple, où la femme ne produit pas d’ovules, et ne peut donc donner la vie, mais a un utérus, et peut donc permettre la vie. En revanche, cette possibilité n’est pas ouverte à des couples hétérosexuels dont la femme a des ovules, mais pas d’utérus. Par conséquent, on ne permet pas à cette femme qui peut donner la vie d’avoir un enfant : cette différence de traitement me choque profondément !
C’est pourquoi j’avais déposé il y a une dizaine d’années, avec Michèle André, une proposition de loi visant à permettre une GPA à la française, c’est-à-dire fondée sur un système de don, sans recours à la marchandisation du corps de la femme.
À l’avenir, ce problème se posera de moins en moins pour les couples hétérosexuels, du fait des progrès de la greffe d’utérus réalisés à l’étranger, notamment en Suède, et en France. À l’hôpital Georges-Pompidou, cette technique, qui autoriserait une seule grossesse, est mise en place par le professeur Ayoubi.
Je tenais à faire ce rappel, car je suis choqué que nous n’allions pas plus loin dans la réflexion sur les moyens de faire en sorte que l’ensemble des couples souhaitant un enfant, quels qu’ils soient, puissent en avoir un.
L’amendement de Bruno Retailleau, que j’ai voté en commission, est à mes yeux une solution de secours en attendant mieux. Je ne voterai pas les autres amendements. Celui du Gouvernement va dans le même sens, mais je m’en remets à l’avis de notre rapporteur, n’étant pas juriste. Reconnaître le parent géniteur et renvoyer l’autre parent à la procédure d’adoption n’est pas la solution idéale, loin de là. Ce n’est en tout cas pas la solution que j’appelle de mes vœux, étant favorable à une GPA fondée sur le don.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. J’apprécie l’intervention de M. Milon, qui ne m’étonne pas de sa part.
Je regrette profondément que ce texte relatif à la bioéthique, qui n’aurait pas dû à mon sens traiter de la PMA, aborde de manière encore plus restrictive la GPA. Alors que le débat sur la PMA a duré au moins quatorze heures, nous allons traiter de la GPA en une ou deux heures ! Les questions soulevées par Alain Milon sont extrêmement importantes. Elles mériteraient mieux qu’une discussion au détour d’un amendement.
Par ailleurs, il est hypocrite de dire qu’étendre la PMA à toutes les familles, c’est ouvrir la porte à la GPA. La GPA existe, tout le monde l’a reconnu. Mon groupe et moi-même y sommes fondamentalement opposés. Je fais partie de celles et de ceux qui pensent qu’il n’y a pas de GPA éthique possible, parce que nous vivons dans un monde capitaliste où tout donne lieu à marchandisation. J’ai cru comprendre que, même sur les travées de droite, on était opposé à la marchandisation des corps.
M. Roger Karoutchi. Oui !
Mme Laurence Cohen. C’est un point positif, qui nous permettra peut-être d’avancer sur d’autres sujets !
Contrairement à Alain Milon, je pense donc qu’il n’y a pas de GPA éthique possible. Laissons la science progresser. Le professeur Ayoubi nous a parlé d’une expérience de greffe d’utérus menée à l’hôpital Foch : les perspectives sont peut-être en passe de s’améliorer pour les femmes dépourvues d’utérus.
Quoi qu’il en soit, ne mettons pas sur un pied d’égalité la PMA et la GPA, car recourir à celle-ci revient, dans ce monde capitaliste, à louer le ventre d’une autre femme. C’est, de fait, porter atteinte à la liberté d’une tierce personne, ce qui n’est pas le cas pour la PMA.
Nous avons retiré notre amendement de suppression de l’article au profit de celui du Gouvernement, qui nous semble répondre dans une certaine mesure à la question posée. S’il devait être rejeté, nous voterions la suppression de l’article 4 bis.
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Le président Retailleau a dit tout à l’heure, me semble-t-il, qu’il existait un moyen légalisé de recourir la GPA en France. Ce n’est pas le cas : la loi interdit clairement la GPA en France. (M. Bruno Retailleau fait un geste de dénégation.) Je vous renvoie à l’article 16-7 du code civil, monsieur Retailleau.
Monsieur Karoutchi, des poursuites pénales sont exercées si un acte a été commis en France en vue d’une GPA…
M. Roger Karoutchi. Mais à l’étranger ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. … ou si un intermédiaire est intervenu et peut être pénalement appréhendé. Des sanctions pénales sont prononcées à ce titre.
Enfin, monsieur le président Retailleau, la garde des sceaux ne rappelle rien à la Cour de cassation : l’indépendance de la justice l’interdit ! En revanche, monsieur Karoutchi, le législateur légifère : c’est ce qu’il est ici en train de faire.
Monsieur le président Retailleau, nous avons le même objectif. Je pense avoir été très claire sur ce point en présentant mon amendement. Il me semble toutefois que le texte qui a été adopté par la commission présente quelques difficultés. C’est pourquoi nous proposons une autre rédaction. J’observe d’ailleurs que Mme la rapporteure a déposé un amendement rectificatif n° 333.
M. Bruno Retailleau. Il aurait dû venir en discussion avant.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. En l’état, le texte de la commission me semble trop restrictif, en ce qu’il ne vise que les actes de naissance d’enfants nés à l’issue d’une GPA à l’étranger, en introduisant des dispositions spécifiques réglementant une situation particulière alors qu’il me semble préférable de prévoir une solution plus générale et susceptible d’englober d’autres hypothèses.
Par ailleurs, l’article 47-1 du code civil, dans la rédaction proposée par la commission, produit des effets excessifs. Sa mise en application mettrait la législation française en difficulté par rapport à la Convention européenne des droits de l’homme dans tous les cas où l’adoption par le parent d’intention n’est pas possible. La CEDH a jugé que le lien de filiation doit pouvoir être établi à l’égard du parent d’intention. Or l’assemblée plénière de la Cour de cassation, dans l’arrêt Mennesson du 4 octobre dernier, a estimé que lorsque la filiation n’est plus possible, la transcription de l’acte de naissance étranger à l’égard du parent d’intention est la seule manière de reconnaître à l’état civil français le lien de filiation établi à l’étranger. Dans certains cas, les juges devraient donc écarter cet article 47-1 au motif que son application n’est pas compatible avec la Convention européenne des droits de l’homme.
Enfin, Mme la rapporteure et d’autres ont critiqué l’écriture de l’amendement gouvernemental, pourtant très simple, claire et efficace : « Celle-ci – la réalité – est appréciée au regard de la loi française. » C’est clair parce que la loi française, dans le domaine de la GPA, dispose que la mère porteuse est la mère, tandis que, à l’étranger, il arrive que le droit désigne la mère d’intention comme mère. Il s’agit donc de deux approches différentes. Comment apprécier la conformité à la réalité de l’acte qui désigne la mère d’intention comme mère ? Vous comprenez bien que les choses seront différentes suivant que cette réalité est appréciée au regard de la loi française ou au regard de la loi étrangère ! C’est pourquoi il m’a semblé important, efficace et utile de compléter la rédaction actuelle de l’article 47 par la phrase : « Celle-ci est appréciée au regard de la loi française. » Cela nous donne toute latitude de juger les situations qui se présentent à nous. Nous répondons ainsi précisément à la jurisprudence de la Cour de cassation, ce qui n’est pas, monsieur le président Bas, purement cosmétique !
M. le président. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. Madame le garde des sceaux, effectivement, le texte adopté par la commission ne permet pas de transcrire les jugements d’adoption. Je présenterai tout à l’heure un amendement visant à y remédier.
J’avoue que je ne comprends toujours pas votre amendement. Quand bien même, à l’étranger, la mère d’intention serait reconnue par faveur, la mère est néanmoins la femme qui accouche : telle est la réalité !
De surcroît, la maternité d’intention n’est pas reconnue en droit français, en tout cas pour l’instant. Il n’est pas impossible qu’elle le soit bientôt, si le texte que nous avons adopté n’est pas conservé par l’Assemblée nationale. Votre amendement ne serait alors d’aucun effet, même interprété comme vous le faites, pour faire obstacle à la reconnaissance d’une maternité d’intention à l’étranger. C’est pourquoi je persiste à préférer la rédaction proposée par la commission.
M. le président. La parole est à M. Loïc Hervé.
M. Loïc Hervé. Je demande une suspension de séance de quelques instants, monsieur le président.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt-deux heures quarante-cinq, est reprise à vingt-deux heures cinquante.)
M. le président. La séance est reprise.
Je mets aux voix l’amendement n° 8 rectifié.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l’avis de la commission spéciale est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 73 :
Nombre de votants | 314 |
Nombre de suffrages exprimés | 307 |
Pour l’adoption | 94 |
Contre | 213 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Je mets aux voix l’amendement n° 104.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l’avis de la commission spéciale est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 74 :
Nombre de votants | 317 |
Nombre de suffrages exprimés | 301 |
Pour l’adoption | 103 |
Contre | 198 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Monsieur Requier, l’amendement n° 249 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Jean-Claude Requier. Non, monsieur le président, je le retire, de même que l’amendement n° 250 rectifié.
M. le président. Les amendements nos 249 rectifié bis et 250 rectifié sont retirés.
Je mets aux voix l’amendement n° 216 rectifié quater.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l’avis de la commission spéciale est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, les résultats du scrutin n° 75 :
Nombre de votants | 318 |
Nombre de suffrages exprimés | 315 |
Pour l’adoption | 88 |
Contre | 227 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Je mets aux voix l’amendement n° 301.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l’avis de la commission spéciale est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 76 :
Nombre de votants | 318 |
Nombre de suffrages exprimés | 318 |
Pour l’adoption | 63 |
Contre | 255 |
Le Sénat n’a pas adopté.
11
Mises au point au sujet de votes
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, lors du scrutin n° 75 sur l’amendement n° 216 rectifié quater, Mme Mireille Jouve a été comptabilisée comme ayant voté pour, alors qu’elle ne souhaitait pas prendre part au vote. Il y a eu une petite erreur de manipulation… (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing.
M. Daniel Chasseing. Lors du scrutin n° 76 sur l’amendement n° 301, MM. Alain Fouché et Robert Laufoaulu ont été comptabilisés comme ayant voté contre, alors qu’ils ne souhaitaient pas prendre part au vote.
Par ailleurs, MM. Jérôme Bignon, Jean-Louis Lagourgue, Franck Menonville, Dany Wattebled, Alain Marc, Emmanuel Capus, Joël Guerriau, Claude Malhuret et Jean-Pierre Decool, Mme Colette Mélot et moi-même avons également été comptabilisés comme ayant voté contre, alors que nous souhaitions nous abstenir.
M. le président. Acte vous est donné de ces mises au point, mes chers collègues. Elles seront publiées au Journal officiel et figureront dans l’analyse politique du scrutin.
12
Bioéthique
Suite de la discussion d’un projet de loi dans le texte de la commission
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L’amendement n° 117 rectifié est présenté par Mme Guillotin, MM. Arnell, A. Bertrand et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin et Corbisez, Mme Costes, MM. Dantec, Gabouty, Gold et Labbé, Mme Laborde et MM. Requier et Roux.
L’amendement n° 160 rectifié ter est présenté par M. Yung, Mme Schillinger, MM. Mohamed Soilihi, Hassani, Théophile, Marchand, Haut et Karam, Mme Constant et MM. Bargeton et Patient.
L’amendement n° 210 rectifié bis est présenté par Mmes Cohen, Benbassa, Assassi et Apourceau-Poly, M. Bocquet, Mme Brulin, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud, M. Savoldelli et Mme Lienemann.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour présenter l’amendement n° 117 rectifié.
Mme Véronique Guillotin. Je serai brève, après ces longues discussions juridiques qui m’ont quelque peu dépassée…
L’article 4 bis vise à interdire la transcription totale de l’acte de naissance ou du jugement étranger établissant la filiation d’un enfant français né à l’issue d’une gestation pour autrui sur le registre de l’état civil français lorsqu’il mentionne le parent d’intention.
Il s’agit selon nous, pour les auteurs de l’amendement à l’origine de l’introduction de cet article, de faire obstacle à une inflexion jurisprudentielle de la Cour de cassation qui, dans le cadre de son dialogue avec la Cour européenne des droits de l’homme et en réponse à différents cas, avait admis une transcription totale de l’acte de naissance lorsqu’elle était la solution possible dans l’intérêt de l’enfant ou lorsque l’acte de naissance établi à l’étranger était probant. Environ 2 000 enfants seraient concernés par une filiation partielle du fait de cette interdiction. Cette filiation partielle rendrait la situation de ces enfants plus vulnérable en cas de décès ou de défaillance du seul parent reconnu.
Les auteurs du présent amendement estiment que, dans l’intérêt supérieur de l’enfant, tous les autres amendements précédents ayant été rejetés, une telle interdiction ne peut être inscrite dans la loi. Nous demandons donc la suppression de l’article.
M. le président. La parole est à M. Julien Bargeton, pour présenter l’amendement n° 160 rectifié ter.
M. Julien Bargeton. Cet amendement, dont le premier signataire est M. Yung, a pour objet de supprimer l’article 4 bis, inséré dans le texte à la suite de l’adoption d’un amendement de M. Retailleau par la commission spéciale et visant à interdire la transcription intégrale à l’état civil français de l’acte de naissance d’un enfant né à l’issue d’une GPA à l’étranger.
En supprimant cet article, notre intention n’est pas de reconnaître un quelconque droit à la GPA ; notre droit interne est formel à ce sujet. Il s’agit de donner une identité pleine et entière à l’enfant.
Gardons à l’esprit que l’intérêt supérieur de l’enfant doit primer avant toute autre considération. La première chambre civile de la Cour de cassation ainsi que la cour d’appel de Rennes en sont venues à la même conclusion : la transcription intégrale des actes de naissance est compatible avec le droit à la vie privée des enfants.
Il serait en effet impensable de priver l’enfant de son état civil français et de sa stabilité administrative. Peu importent les choix des parents, l’enfant n’a pas à en subir les conséquences. L’administration française doit lui procurer un statut fixe, stable et juste. Il y va de ses légitimes droits fondamentaux.
Interdire totalement l’établissement du lien de filiation entre un parent et son enfant biologique né d’une GPA à l’étranger est contraire au droit des enfants et au respect de leur vie privée, au sens de l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
À deux reprises, la France a été condamnée par la CEDH pour avoir refusé de transcrire les actes de naissance d’un enfant né par GPA à l’étranger. Les récentes décisions judiciaires vont dans le même sens. Il est temps de suivre la logique de nos juridictions et d’aligner la loi avec la jurisprudence en cours.
M. le président. Je rappelle que l’amendement n° 210 rectifié bis a été retiré.
Quel est l’avis de la commission spéciale ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à la bioéthique. L’article 4 bis, que ces amendements tendent à supprimer, a pour objet d’éviter que ne devienne totalement ineffective l’interdiction, posée de manière formelle dans la loi française, de la GPA, c’est-à-dire de la marchandisation du corps humain. Pour ce faire, il tend à limiter la dernière jurisprudence de la Cour de cassation, qui conduit à transcrire à l’état civil français sans autre forme de procès, si je puis dire, les actes de naissance établis à l’étranger à la suite d’une GPA.
L’avis de la commission spéciale est évidemment défavorable. Si ces amendements étaient adoptés, cela signifierait que nous renonçons à toute bioéthique et à l’interdiction de la GPA par la loi française.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice. Ne souhaitant pas que l’article 4 bis soit supprimé, je suis défavorable à ces amendements.
Il est important que nous puissions réaffirmer un certain nombre de règles, notamment celles qui sont relatives à l’adoption. Il convient donc que ces dispositions figurent dans le projet de loi.
M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.
M. Jean-Yves Leconte. Je voterai ces amendements.
La Cour de cassation et la CEDH ne nous imposent rien et elles n’entravent pas la liberté du législateur : c’est nous qui avons choisi de nous imposer, en matière de droits des personnes, un certain nombre de contrôles externes. La Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, en particulier, exige, dans l’intérêt supérieur des enfants, l’effectivité et la rapidité de la transcription à l’état civil des actes de naissance étrangers. Dès lors, assumons-nous ou pas nos engagements conventionnels ? Il ne s’agit que de cela !
Madame la ministre, les propos que vous venez de tenir m’inquiètent. Vous ne souhaitez pas la suppression de l’article 4 bis : cela signifie donc que, à l’Assemblée nationale, vous présenterez de nouveau votre amendement n° 301. Or c’est profondément dangereux ! En effet, cet amendement vise à modifier profondément le sens de l’article 47 du code civil relatif à la présomption d’authenticité des actes de naissance étrangers et de leur force probante.
En tant que sénateur représentant les Français établis à l’étranger, je sais les difficultés déjà souvent rencontrées par nos compatriotes, selon leur pays de résidence, pour faire transcrire l’acte de naissance étranger de leur enfant. Je n’ose imaginer l’étendue des dégâts si cet amendement gouvernemental était adopté à l’Assemblée nationale ! Il est contraire à nos engagements conventionnels et à notre droit prétorien, en particulier à l’analyse faite de l’article 47 du code civil par le Conseil d’État dans l’arrêt Wallace du 31 juillet 2019.
La réalité des faits déclarés dans l’acte étranger doit s’apprécier selon le droit local, et non selon le droit français. C’est ce qu’a décidé et précisé le Conseil d’État. C’est aussi ce que prévoient nos engagements conventionnels en matière d’actes d’état civil.
Un tel bouleversement des règles relatives à l’état civil aurait dû faire l’objet d’une étude d’impact et de l’avis du Conseil d’État et ne pas être introduit perfidement, par voie d’un amendement, même s’il nous reste un peu le temps avant la présentation de celui-ci à l’Assemblée nationale.
Nos postes consulaires n’ont pas les moyens humains de procéder à des vérifications systématiques de la réalité des faits au regard du droit français. Le Service central d’état civil (SCEC), à Nantes, est déjà débordé et en sous-effectif, de même que nos parquets et nos tribunaux.
M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue !
M. Jean-Yves Leconte. De plus, comment exiger des autres États qu’ils reconnaissent les actes de naissance dressés en France pour leurs ressortissants nés dans notre pays si nous remettons systématiquement en cause les leurs au regard de la loi française ?
Le Gouvernement n’a pas soumis son amendement au Conseil d’État. J’espère qu’il le fera avant la discussion du projet de loi à l’Assemblée nationale.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Nous voterons ces amendements de suppression.
Je souhaite que chacun prenne bien conscience que, ce 23 janvier 2020, la garde des sceaux a officiellement indiqué être en désaccord avec l’engagement du Président de la République, pris par écrit le 16 avril 2017, de trouver une solution pour assurer la reconnaissance par l’état civil français de la filiation des enfants nés à l’issue d’une GPA. Je tiens à la disposition de Mme la ministre le courrier du Président de la République.
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. Je me félicite de cette convergence avec Mme la garde des sceaux. (Rires sur les travées du groupe SOCR.)
M. Vincent Éblé. Tout est dit !
M. Bruno Retailleau. Lorsque nous étions en désaccord, je l’ai dit aussi, et assez fermement.
Mes chers collègues, pourquoi la GPA est-elle apparue dans ce texte ? Parce qu’il y a une situation de fait, renforcée par les évolutions de la jurisprudence de la Cour de cassation et, auparavant, de celle de la cour d’appel de Paris concernant des jugements en matière d’adoption. La GPA est entrée sur le territoire national, c’est un fait !
Lorsqu’une jurisprudence ne nous convient pas et que la CEDH nous laisse une marge de manœuvre, nous assumons notre rôle de législateur. Notre rôle est de faire la loi, et non de nous en remettre à des jurisprudences qui dévient par rapport aux souhaits exprimés souverainement par les Français ! Ne volons pas leur vote à nos compatriotes ! (Exclamations ironiques sur des travées des groupes SOCR et CRCE.)
Mme Esther Benbassa. C’est trop…
M. Bruno Retailleau. Par ailleurs, la GPA ne peut être éthique. J’ai beaucoup apprécié que Sylviane Agacinski écrive, dans son livre L’Homme désincarné, que qualifier d’éthique la GPA, c’est une plaisanterie de mauvais goût. Nous sommes bien sûr tous opposés – du moins je l’espère ! – à la marchandisation du corps humain, mais il s’agit ici de défendre le modèle français de bioéthique, qui s’appuie sur le principe d’indisponibilité du corps humain. Du fait de ce principe, nul ne possède son corps comme une chose. On ne peut le donner, fût-ce par une convention gratuite. On ne peut donner que ce que l’on possède ! Il ne peut donc y avoir de GPA éthique, sans même parler des pressions que peuvent subir les femmes concernées.
Il nous faut préserver le modèle français de bioéthique, au cœur duquel se trouve ce principe d’indisponibilité du corps humain. L’indisponibilité n’est pas la non-patrimonialité : dans certains pays, c’est le principe de non-patrimonialité du corps humain qui prévaut et les conventions gratuites sont admises. Ce n’est pas le cas chez nous !
Nous devons prendre nos responsabilités sur cette question en ne supprimant pas l’article 4 bis. Sur ce point, je suis d’accord avec la garde des sceaux.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Je relève des contradictions importantes dans les interventions de Mme la garde des sceaux.
Depuis le début de l’examen de ce texte, le Gouvernement affirme qu’il ne s’agit pas de légiférer sur la GPA, à laquelle il est hostile, de même que le Président de la République. Tout à l’heure, Mme la garde des sceaux a si brillamment défendu son amendement n° 301 que notre groupe a décidé de retirer son amendement de suppression de l’article 4 bis.
Puis, subitement, après que cet amendement du Gouvernement a été rejeté, Mme la garde des sceaux indique qu’elle ne souhaite pas la suppression de l’article 4 bis, à rebours de ce qu’elle avait déclaré précédemment… Les membres de mon groupe ont la fâcheuse impression de s’être fait berner ! C’est un peu difficile à admettre.
Je tenais à le dire dans cet hémicycle, car, jusqu’à présent, nos rapports étaient plutôt francs. Nous voterons les amendements tendant à supprimer l’article 4 bis.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. Est-ce l’heure tardive ou la durée de nos débats ? Je ne sais, mais je n’y comprends plus rien… (Sourires.)
Partagez-vous, madame la garde des sceaux, notre point de vue sur l’amendement Retailleau, devenu l’article 4 bis ? J’avais cru comprendre que vous y étiez opposée. Vous aviez d’ailleurs déposé un amendement correctif, que j’ai voté tandis que je m’abstenais sur les autres, y compris ceux présentés par les collègues de mon groupe. Or, bien que cet amendement n’ait pas été adopté, voilà que vous émettez un avis défavorable sur les amendements de suppression de l’article 4 bis. Je n’y comprends plus rien et je ne sais plus quoi voter ! Pour une fois que j’étais prête à suivre le Gouvernement… (M. Loïc Hervé rit.)
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Madame la sénatrice Rossignol, je suis en accord avec le principe selon lequel le législateur doit reprendre la main sur cette question. (M. Bruno Retailleau applaudit.)
M. Roger Karoutchi. Bravo !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Par ailleurs, je suis en désaccord – le terme est peut-être excessif – avec la rédaction adoptée par la commission spéciale.
Cependant, en vue de la poursuite de la réflexion sur ce texte et de la navette parlementaire, j’ai besoin d’une accroche législative. C’est la raison pour laquelle je suis défavorable, à la fois, à l’écriture adoptée par la commission spéciale et à l’absence de texte sur ce sujet.
Je ne sais pas si je vous ai convaincue, madame la sénatrice, mais, sur le plan de la procédure, j’ai besoin de cette accroche pour que nous puissions continuer ensemble la réflexion.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 117 rectifié et 160 rectifié ter.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l’avis de la commission spéciale est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 77 :
Nombre de votants | 327 |
Nombre de suffrages exprimés | 305 |
Pour l’adoption | 132 |
Contre | 173 |
Le Sénat n’a pas adopté.
L’amendement n° 333, présenté par Mme M. Jourda, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer les mots :
ou jugement de l’état civil des Français ou des étrangers fait en pays étranger
par les mots :
de l’état civil ou jugement étranger, à l’exception des jugements d’adoption,
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. J’ai déjà présenté le contenu de cet amendement, qui fait suite à une observation judicieuse de Mme la garde des sceaux. La rédaction de l’article adoptée par la commission spéciale exclut la transcription intégrale à l’état civil français des jugements d’adoption étrangers. Le présent amendement vise à rectifier cette erreur.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. À mon grand regret, il me faut là encore émettre un avis défavorable.
La nouvelle rédaction proposée me semble en effet trop restrictive : elle ne vise que les actes de naissance d’enfants nés à l’issue d’une GPA à l’étranger. Or, comme je l’ai dit, d’autres types d’actes pourraient faire l’objet de ces dispositions. Je pense notamment aux actes de naissance mentionnant une pluriparentalité.
Par ailleurs, cette rédaction interdit toute adoption par le parent d’intention lorsque le couple n’est pas marié. Or la CEDH a jugé que la filiation doit pouvoir être établie à l’égard du parent d’intention.
Enfin, comme l’a jugé l’assemblée plénière de la Cour de cassation le 4 octobre 2019, lorsque l’adoption n’est plus possible, la transcription de l’acte de naissance étranger à l’égard du parent d’intention doit pouvoir être effectuée, puisque c’est la seule manière de reconnaître dans l’état civil français le lien de filiation.
Madame la rapporteure, il me semble que, avec la rédaction proposée par la commission spéciale, le juge devra, dans certains cas, écarter cet article au motif que son application ne sera pas compatible avec la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
C’est la raison pour laquelle je souhaite simplement en revenir à l’état de la jurisprudence de la Cour de cassation antérieur aux arrêts du 18 décembre 2019.
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 333.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l’avis du Gouvernement est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 78 :
Nombre de votants | 240 |
Nombre de suffrages exprimés | 229 |
Pour l’adoption | 194 |
Contre | 35 |
Le Sénat a adopté.
Je mets aux voix l’article 4 bis, modifié.
J’ai été saisi de deux demandes de scrutin public, émanant, l’une, du groupe Les Républicains, l’autre, du groupe socialiste et républicain.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater les résultats du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent les résultats du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 79 :
Nombre de votants | 327 |
Nombre de suffrages exprimés | 309 |
Pour l’adoption | 179 |
Contre | 130 |
Le Sénat a adopté. (M. Loïc Hervé applaudit.)
TITRE II
PROMOUVOIR LA SOLIDARITÉ DANS LE RESPECT DE L’AUTONOMIE DE CHACUN
Chapitre Ier
Conforter la solidarité dans le cadre du don d’organes, de tissus et de cellules
Article 5 A (nouveau)
L’article L. 1231-1 A du code de la santé publique est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Dans le respect des dispositions du dernier alinéa de l’article 16-1 du code civil, le statut de donneur d’organes, de tissus ou de cellules, reconnu par la Nation, peut ouvrir droit à une distinction honorifique.
« La neutralité financière du don est garantie pour le donneur. »
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Bernard Jomier, rapporteur de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à la bioéthique. La commission spéciale a souhaité introduire dans le texte cet article relatif aux greffes d’organes.
Dans notre pays, environ 6 000 greffes sont pratiquées chaque année, le nombre des personnes inscrites sur les listes d’attente étant quatre fois supérieur. Cette situation éminemment regrettable entraîne quelque 550 décès par an de personnes n’ayant pu bénéficier d’une greffe à temps.
La greffe à partir de donneurs vivants pose particulièrement difficulté dans notre pays. Le recours à cette possibilité introduite il y a quelques années dans notre législation se développe beaucoup trop lentement : elle représente actuellement environ 15 % du nombre total de greffes réalisées. Il s’agit évidemment surtout de greffes du rein et de rares greffes hépatiques.
L’objectif du plan pour la greffe d’organes et de tissus est ambitieux, puisqu’il est prévu d’atteindre le nombre de 1 000 greffes à partir de donneurs vivants en 2021, ce qui suppose un quasi-doublement par rapport à la situation actuelle. Il faut donc utiliser tous les leviers disponibles pour augmenter le nombre de greffes dans notre pays.
L’introduction de l’article 5 A correspond à la traduction d’une recommandation du Comité consultatif national d’éthique sur la création d’un statut du donneur d’organes. Il prévoit donc la création de ce statut, avec deux dimensions.
Il s’agit d’abord de reconnaître et de valoriser le donneur. Tous les acteurs que nous avons auditionnés, depuis l’Agence de la biomédecine jusqu’aux associations de patients et aux professionnels, nous ont indiqué que c’est un élément important pour favoriser le développement de la greffe dans notre pays.
Ensuite, l’article pose le principe de neutralité financière pour le donneur, qui figure déjà dans un certain nombre de textes de façon éparse et que nous avons souhaité affirmer ici avec force au niveau législatif.
Telles sont les raisons pour lesquelles la commission spéciale a introduit cet article 5 A. Une disposition unique ne nous permettra pas d’atteindre les objectifs du plan Greffe et de sauver davantage de vies – nous en sommes tous conscients –, mais il s’agit de ne négliger aucune mesure, même si elle peut sembler relever du symbole.
M. le président. Je mets aux voix l’article 5 A.
(L’article 5 A est adopté.)
Article 5
Le chapitre Ier du titre III du livre II de la première partie du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° L’article L. 1231-1 est ainsi modifié :
a) Au début du premier alinéa, est ajoutée la mention : « I. – » ;
a bis) À la première phrase du deuxième alinéa, après le mot : « alinéa », est insérée la référence : « du présent I » ;
b) Le troisième alinéa est remplacé par un II ainsi rédigé :
« II. – En cas d’incompatibilité entre une personne ayant exprimé l’intention de don et une personne dans l’intérêt de laquelle le prélèvement peut être opéré en application du I rendant impossible la greffe, le donneur et le receveur potentiels peuvent se voir proposer le recours à un don croisé d’organes. Dans ce cadre, le nombre maximal de paires de donneurs et de receveurs consécutifs est limité à six.
« Le don croisé d’organes consiste pour un receveur potentiel à bénéficier du don d’une autre personne qui a exprimé l’intention de don et également placée dans une situation d’incompatibilité à l’égard de la personne dans l’intérêt de laquelle le prélèvement peut être opéré en application du I, tandis que cette dernière bénéficie du don d’un autre donneur.
« Pour augmenter les possibilités d’appariement entre les donneurs et les receveurs engagés dans un don croisé et en substitution au prélèvement de l’un des donneurs vivants, il peut y avoir recours à un organe prélevé sur une personne décédée, dans les conditions fixées à l’article L. 1232-1.
« En cas d’échec du prélèvement sur un donneur ou de la greffe sur un receveur, l’Agence de la biomédecine est informée sans délai et applique les règles de répartition mentionnées à l’article L. 1231-1 B les plus favorables au receveur compte tenu de sa situation.
« Lors de la mise en œuvre d’un don croisé, l’ensemble des opérations de prélèvement se déroulent dans un délai maximal de vingt-quatre heures. Les opérations de greffe sont réalisées consécutivement à chacun des prélèvements. L’anonymat entre donneur et receveur est garanti. » ;
c) Au début du quatrième alinéa, est ajoutée la mention : « III. – » ;
c bis) À la première phrase du même quatrième alinéa, le mot : « , deuxième » est remplacé par les mots : « et deuxième alinéas du I » et, à la fin, la référence : « troisième alinéas » est remplacée par la référence : « au II » ;
d) Au début du cinquième alinéa, est ajoutée la mention : « IV. – » ;
d bis) Aux cinquième et sixième alinéas, après le mot : « alinéa », est insérée la référence : « du I » ;
e) Au début du dernier alinéa, est ajoutée la mention : « V. – » ;
f) À la fin du même dernier alinéa, les mots : « de son deuxième alinéa » sont remplacés par les mots : « du deuxième alinéa du I » ;
2° Le premier alinéa de l’article L. 1231-3 est ainsi modifié :
a) Au début de la cinquième phrase, les mots : « En cas d’urgence vitale, les » sont remplacés par les mots : « Les cinq » ;
b) Au début de la dernière phrase, les mots : « Dans ce cas d’urgence » sont remplacés par les mots : « En cas d’urgence vitale » ;
c) (nouveau) À la même dernière phrase, la référence : « quatrième alinéa » est remplacée par la référence : « III » ;
3° L’article L. 1231-4 est ainsi rédigé :
« Art. L. 1231-4. – Les modalités d’application du présent chapitre sont déterminées par décret en Conseil d’État, notamment :
« 1° Les dispositions applicables au don croisé d’organes, dont les modalités d’information des donneurs et receveurs engagés dans celui-ci ;
« 2° Les conditions de fonctionnement du comité mentionné à l’article L. 1231-3. »
M. le président. L’amendement n° 308, présenté par M. Jomier, au nom de la commission spéciale, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 12
Remplacer les mots :
deuxième alinéas
par les mots :
second alinéas
II. – Alinéa 14
1° Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
d bis) Au même cinquième alinéa, les mots : « deuxième alinéa » sont remplacés par les mots : « second alinéa du I » ;
d ter) Au sixième alinéa, après le mot : « alinéa », sont insérés les mots : « du I » ;
III. – Alinéa 16
Remplacer les mots :
du deuxième
par les mots :
du second
La parole est à M. le rapporteur.
M. Bernard Jomier, rapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
M. le président. L’amendement n° 221 rectifié ter, présenté par MM. Chasseing, Wattebled, Decool, Lagourgue, Menonville et Guerriau, Mme Mélot, MM. Fouché, Houpert et Pellevat, Mme Guidez, MM. Bonne, Mandelli, Mayet, Perrin, Raison et Gabouty et Mme Billon, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 16
Insérer cinq alinéas ainsi rédigés :
…) Il est ajouté un paragraphe ainsi rédigé :
« …. – L’information et le recueil préalable du consentement éclairé du futur receveur sont des prérequis incontournables au déroulement d’une greffe. L’information du patient ou de sa famille, le cas échéant, doit être réalisée durant la période d’inscription et d’attente du greffon. Elle doit comprendre et intégrer tous les éléments permettant au patient d’orienter son choix en toute connaissance de cause. L’information doit renseigner sur les impacts possibles et attendus de la greffe, en fonction de l’état de santé du patient et des caractéristiques du greffon qui pourra lui être attribué, tant sur les bénéfices attendus et les risques encourus que sur les thérapeutiques qui pourront être proposées et les contraintes liées au suivi spécifique qui sera éventuellement engagé. La décision sur les critères conduisant à accepter ou à refuser des greffons ayant certaines caractéristiques est prise de manière partagée avec le patient. Elle doit être documentée dans le dossier médical du patient.
« Le consentement éclairé du patient est requis avant la greffe, dans les conditions prévues aux articles L. 1111-4 et suivants.
« Le futur receveur a la possibilité de se rétracter à tout moment.
« Les modalités du recueil du consentement sont explicitées dans une lettre d’information établie par l’Agence de la biomédecine. »
II. – Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
…° Après le 5° de l’article L. 1418-1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° De produire une information de référence sur la greffe et les thérapies de suppléance d’organes pour le grand public, les professionnels et les patients et de favoriser son appropriation par les différents publics ; ».
La parole est à M. Daniel Chasseing.
M. Daniel Chasseing. Cet amendement a pour objet de garantir le droit à l’information des personnes en attente de greffe sur la qualité des greffons qui pourront leur être proposés, ainsi que sur leur droit de refus de certaines catégories de greffons, le cas échéant.
Il vise aussi à confier à l’Agence de la biomédecine une mission d’information des publics, en particulier des patients concernés par la greffe.
En effet, avec les progrès de la greffe, des organes qui autrefois pouvaient être exclus du prélèvement sont désormais transplantés. On parle de reins « à critères élargis » venant de donneurs « suboptimaux », par exemple des personnes âgées ou souffrant de certaines pathologies. On estime qu’environ la moitié des reins greffés sont désormais « à critères élargis ».
Dans les faits, les patients sont très peu et mal informés sur la qualité du greffon qu’ils reçoivent.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Bernard Jomier, rapporteur. Je comprends et partage l’intention des auteurs de l’amendement de renforcer l’information des patients en attente de greffe. Il me semble toutefois que cela relève du cadre général applicable aux droits des patients.
Aux termes de l’article L. 1111-2 du code de la santé publique, « toute personne a le droit d’être informée sur son état de santé ». Il est précisé que « cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu’ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus ».
Ce champ extrêmement vaste couvre les situations que vous relevez dans votre amendement, mon cher collègue. Le cheminement vers la décision du patient concernant sa santé est, quant à lui, fixé par l’article L. 1111-4 du même code. Il n’a pas semblé utile à la commission spéciale de fixer, s’agissant de la greffe, un cadre juridique distinct.
Pour cette raison, je demande le retrait de cet amendement ; sinon, l’avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Chasseing, l’amendement n° 221 rectifié ter est-il maintenu ?
M. Daniel Chasseing. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 221 rectifié ter est retiré.
Je mets aux voix l’article 5, modifié.
(L’article 5 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 5
M. le président. L’amendement n° 202, présenté par Mmes Cohen, Assassi, Apourceau-Poly et Benbassa, M. Bocquet, Mmes Brulin et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud, M. Savoldelli et Mme Lienemann, est ainsi libellé :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 511-3 du code pénal est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le fait de mettre en relation, ou de tenter de mettre en relation, dans son propre intérêt ou pour celui d’autrui, des donneurs et des receveurs potentiels, par quelque moyen que ce soit, en dehors du champ fixé par l’article L. 1231-1 du code de la santé publique, est interdit et puni de la même peine que celle mentionnée à l’article 511-2 du présent code. »
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Cet amendement vise à prévenir d’éventuels dévoiements de la pratique du don d’organe, du côté tant des donneurs que des receveurs.
En effet, l’article 5 prévoit d’étendre le don croisé d’organes à quatre paires de donneurs et receveurs tout en autorisant le recours, dans une chaîne de dons croisés, à un organe prélevé sur une personne décédée.
Nous sommes bien évidemment favorables à une telle mesure, qui permettra de sauver des vies. Néanmoins, nous pensons que de telles procédures doivent être encadrées, tant l’enjeu est d’importance. En effet, le développement des réseaux de communication nous fait craindre l’établissement de registres parallèles de donneurs et de receveurs, en dehors de l’encadrement établi pour le don d’organe entre personnes vivantes.
Une telle dérive pourrait favoriser le développement de pressions sur le corps médical et de pratiques illicites au regard des principes de non-commercialisation du corps humain, d’anonymat et de gratuité du don.
L’Agence de la biomédecine a établi, dans son bilan de 2017, que 23 828 personnes ont eu besoin d’une greffe, soit environ mille de plus qu’en 2016. Concernant les greffes à partir de donneurs vivants, le chiffre progresse légèrement : 629 greffes, contre 581 en 2016. La différence est telle que l’on conçoit sans peine pourquoi l’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime à près de 10 000 le nombre de transplantations illicites de rein réalisées chaque année, de 5 % à 10 % des transplantations effectuées dans le monde étant illégales.
Le présent amendement a pour objet de garantir à tous les receveurs et potentiels receveurs, ainsi qu’aux donneurs, l’égalité de traitement qui leur est due, sans que des conditions économiques ou des privilèges induits par l’appartenance à des groupes de sociabilité dédiés prévalent pour l’attribution d’un greffon.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Bernard Jomier, rapporteur. Actuellement, la loi encadre très strictement le don du vivant dans notre pays. Le donneur est informé par un comité d’experts et doit exprimer son consentement au don devant un magistrat, afin d’éviter que sa décision résulte de pressions.
Passer outre cette procédure est déjà réprimé par le code pénal. Les sanctions prévues sont lourdes : elles sont de sept ans d’emprisonnement et de 100 000 euros d’amende pour « le fait d’apporter son entremise pour favoriser l’obtention d’un organe contre le paiement de celui-ci, ou de céder à titre onéreux un tel organe du corps d’autrui ».
Par ailleurs, la loi de bioéthique de 2011 a déjà confié à l’Agence de la biomédecine la mission de dresser, dans son rapport annuel, un état des lieux d’éventuels trafics d’organes ou de gamètes et des mesures de lutte contre ces trafics. L’examen de la situation actuelle n’a pas révélé l’existence de tels trafics dans notre pays.
La commission a donc considéré que l’arsenal de sanctions en la matière était déjà complet. Je demande le retrait de cet amendement ; sinon, l’avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Cohen, l’amendement n° 202 est-il maintenu ?
Mme Laurence Cohen. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 202 est retiré.
L’amendement n° 121 rectifié, présenté par Mme N. Delattre, MM. A. Bertrand et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin et Corbisez, Mme Costes, MM. Dantec, Gabouty et Gold, Mme Guillotin, M. Labbé, Mme Laborde et M. Requier, est ainsi libellé :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le premier alinéa de l’article L. 1111-2 du code de la santé publique, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La personne en attente d’une greffe d’organe doit être informée des risques et des conséquences que peut présenter le recours à une greffe à l’étranger. »
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Cet amendement déposé sur l’initiative de Mme Delattre vise à décourager le tourisme de transplantation, en informant les patients en attente d’une greffe des risques juridiques et médicaux que présente le recours à une greffe d’organe à l’étranger.
Compte tenu de l’augmentation constante du nombre de maladies nécessitant une transplantation et des listes d’attente grandissantes, les Français qui ont besoin d’une greffe trouvent, grâce à la mondialisation et à internet, des solutions rapides et moins onéreuses. Ils peuvent aujourd’hui prendre rendez-vous pour une chirurgie de transplantation dans des hôpitaux étrangers en seulement quelques minutes par internet. Cela ouvre un marché de la transplantation incontrôlé où le prélèvement d’organes pourrait ne pas respecter les normes éthiques et où les citoyens français sont exposés à des risques sanitaires inconnus.
Pour garantir un accès aux soins qui préserve la sécurité des malades et respecte les principes éthiques, il est essentiel que nos concitoyens soient sensibilisés aux risques sanitaires qu’ils encourraient en recourant à une transplantation à l’étranger.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Bernard Jomier, rapporteur. Vous souhaitez, mon cher collègue, compléter les dispositions générales relatives au droit à l’information des patients sur leur état de santé.
La formulation de votre amendement me semble un peu vague. Vous exprimez une intention, celle d’éviter le « tourisme de transplantation ».
Pour autant, différentes raisons peuvent conduire une personne à recourir à une transplantation à l’étranger : il peut s’agir de raisons familiales, de nationalité ou de lieu de vie. On ne peut pas présupposer que tous les cas de figure de transplantation à l’étranger soient suspects.
La formulation me paraît beaucoup trop vague pour répondre de façon satisfaisante à l’objectif fixé. Je demande le retrait de l’amendement ; sinon, l’avis sera défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Claude Requier. L’amendement est retiré !
M. le président. L’amendement n° 121 rectifié est retiré.
L’amendement n° 219 rectifié quinquies, présenté par MM. Chasseing, Wattebled, Decool, Lagourgue, Menonville et Guerriau, Mme Mélot, MM. Fouché, Houpert et Pellevat, Mmes Guidez, Vermeillet et Bories, MM. Bonne, Mandelli, Mayet, Perrin, Bonhomme et Gabouty et Mme Billon, est ainsi libellé :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de la santé publique est ainsi modifié :
1° À l’article L. 1231-1 A, les mots : « constituent une priorité nationale » sont remplacés par les mots : « ainsi que la lutte contre les inégalités d’accès à la liste mentionnée à l’article L. 1251-1 et à la greffe constituent des priorités nationales » ;
2° L’article L. 1231-1 B est complété par les mots et une phrase ainsi rédigée : « au niveau national. Elles doivent être élaborées de façon transparente et collective, dans le respect des principes de la démocratie sanitaire. » ;
3° L’article L. 1418-1 est ainsi modifié :
a) Le 3° est ainsi rédigé :
« 3° De veiller au respect des bonnes pratiques et de promouvoir la qualité et la sécurité sanitaires, ainsi que la recherche médicale et scientifique, pour les activités relevant de sa compétence ; »
b) Après le même 3°, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° De lutter contre les inégalités des pratiques et géographiques pour les activités relevant de sa compétence ; »
c) Le 7° est ainsi modifié :
- après le mot : « gestion », il est inséré le mot : « équitable » ;
- après les mots : « d’attributions des greffons », la fin est ainsi rédigée : « approuvées par arrêté du ministre chargé de la santé. Ces règles équitables au niveau national doivent tenir compte du caractère d’urgence que peuvent revêtir certaines indications ; ».
La parole est à M. Daniel Chasseing.
M. Daniel Chasseing. Cet amendement prévoit des mesures de lutte contre les inégalités d’accès à la liste nationale d’attente et à la greffe.
En France, la durée médiane d’attente, pour une greffe de rein, varie fortement selon l’établissement où les patients sont inscrits : un peu plus d’un an à Caen et plus de cinq ans à Paris en 2017.
Il est proposé d’élever la lutte contre ces inégalités au rang de priorité nationale et de garantir que la répartition équitable des greffons s’entend à l’échelle nationale, de formaliser le processus d’élaboration et de modification permanente des règles de répartition, qui manque actuellement de transparence, et de transposer ces modifications dans les missions de l’Agence de la biomédecine, qui serait ainsi chargée de veiller au respect des bonnes pratiques.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Bernard Jomier, rapporteur. Monsieur Chasseing, votre amendement traduit des préoccupations que j’ai entendu exprimer par des associations de patients que nous avons auditionnées, notamment s’agissant des inégalités territoriales en matière d’accès à la greffe.
La loi affirme déjà depuis 2004 un principe d’équité dans les règles de répartition et d’attribution des greffons. Les échanges à ce sujet ont été nombreux. Je voudrais souligner que la composition du conseil d’orientation de l’Agence de la biomédecine, qui comprend notamment des représentants d’associations, permet de répondre à votre souhait que ces règles de répartition soient élaborées dans un cadre collectif et transparent.
Je dois dire que je partage votre constat sur les marges de progrès dans la mise en œuvre de ces principes par l’Agence de la biomédecine. Vous proposez, avec votre amendement, de réaffirmer à différents endroits de la loi ces mêmes principes. La commission spéciale doute de l’efficacité de levier. C’est la raison pour laquelle elle a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Chasseing, l’amendement n° 219 rectifié quinquies est-il maintenu ?
M. Daniel Chasseing. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 219 rectifié quinquies est retiré.
L’amendement n° 119 rectifié, présenté par Mme N. Delattre, MM. A. Bertrand, Cabanel, Castelli, Collin et Corbisez, Mme Costes, MM. Dantec, Gabouty, Gold et Labbé, Mme Laborde et MM. Requier et Roux, est ainsi libellé :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 1235-5 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 1235-5-… ainsi rédigé :
« Art. L. 1235-5-…. – Toute greffe réalisée à l’étranger sur un citoyen français ou étranger résidant habituellement sur le territoire français doit être inscrite dans le registre national de patients transplantés à l’étranger, géré par l’Agence de la biomédecine. Les conditions de fonctionnement et de gestion du registre sont déterminées par décret en Conseil d’État. »
La parole est à M. Joël Labbé.
M. Joël Labbé. Cet amendement déposé sur l’initiative de notre collègue Nathalie Delattre vise à lutter contre le trafic d’organes.
Il est en effet essentiel de se prémunir contre le développement d’un marché de la transplantation, de protéger nos concitoyens des risques sanitaires qu’ils encourent en recourant à une transplantation à l’étranger.
La mise en place d’un registre national de patients transplantés à l’étranger constituerait le moyen le plus efficace pour connaître la situation réelle du trafic d’organes impliquant des ressortissants français.
Ce registre permettrait de recenser les informations relatives aux greffes d’organes réalisées à l’étranger, de mieux appréhender le phénomène du tourisme de transplantation, qui existe bel et bien, et d’améliorer la connaissance des profils des couples donneur-receveur.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Bernard Jomier, rapporteur. J’entends les craintes que suscite un tourisme de transplantation.
Je l’ai rappelé, la loi de bioéthique de 2011 a déjà confié à l’Agence de la biomédecine le soin de rendre compte de la situation à cet égard dans son rapport annuel, qui ne conclut pas à l’émergence de tels trafics dans notre pays.
Dans ce cadre, l’Agence de la biomédecine procède à une enquête tous les deux ans, sur la base d’un questionnaire adressé aux équipes médicales de dialyse et de greffe rénale afin de recueillir des informations sur d’éventuels cas de greffes pratiquées à l’étranger. Les derniers résultats publiés sur le site de l’Agence de la biomédecine font état de vingt-quatre greffes réalisées à l’étranger, dont dix dans un pays de l’Union européenne.
Le cadre juridique actuel semble donc suffisant pour assurer le suivi des greffes réalisées à l’étranger.
Par ailleurs, la France a ratifié à la fin de l’année dernière la convention de Saint-Jacques-de-Compostelle contre le trafic d’organes humains, qui permet de renforcer les moyens de lutte contre les prélèvements illicites d’organes et la traçabilité en ce domaine.
La commission spéciale a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Buzyn, ministre. Je ne peux qu’abonder dans le sens de M. le rapporteur. La France a réellement pris toutes les précautions pour être en mesure de connaître les personnes se faisant greffer à l’étranger. L’Agence de la biomédecine a la mission de rendre compte ; elle le fait avec célérité. Nous savons exactement, par les équipes médicales de greffe, qui s’est rendu à l’étranger pour bénéficier d’une greffe. C’est souvent pour de bonnes raisons d’ordre familial : par exemple, un donneur intrafamilial habite à l’étranger. Les receveurs sont souvent des binationaux.
En réalité, la France est très bien préparée et veille à prévenir le développement d’un tourisme médical. Il nous semble que créer un tel registre serait une mesure disproportionnée aujourd’hui et pratiquement impossible à mettre en œuvre, alors que l’Agence de la biomédecine a pris toutes les précautions nécessaires pour être en mesure de rendre compte régulièrement et de vérifier qu’il n’y a pas de dérives dans notre système de santé.
Comme M. le rapporteur, le Gouvernement estime que cet amendement est d’une certaine façon satisfait par les pratiques actuelles et les conventions internationales signées par la France.
Je demande le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.
M. le président. Monsieur Labbé, l’amendement n° 119 rectifié est-il maintenu ?
M. Joël Labbé. Les arguments de M. le rapporteur et de Mme la ministre m’ont convaincu. J’en ferai part à ma collègue Nathalie Delattre. Je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 119 rectifié est retiré.
L’amendement n° 220 rectifié ter, présenté par MM. Chasseing, Wattebled, Decool, Lagourgue, Menonville et Guerriau, Mme Mélot, MM. Fouché, Houpert et Pellevat, Mme Guidez, MM. Bonne, Mandelli et Mayet, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Perrin, Raison et Gabouty et Mme Billon, est ainsi libellé :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le livre VII de la troisième partie du code de la santé publique, il est inséré un livre VII … ainsi rédigé :
« Livre VII …
« Prise en charge de l’insuffisance rénale chronique
« Titre unique
« Chapitre unique
« Art. L. 3721-…. – Toute personne atteinte d’insuffisance rénale chronique déjà traitée par dialyse ou dont l’évolution prévisible vers la nécessité d’un traitement de suppléance par greffe ou dialyse se situe dans un délai de douze à dix-huit mois est informée de façon exhaustive et loyale sur l’ensemble des modalités possibles de traitement. Toute décision de soin doit être prise avec le patient, dans le cadre d’une décision médicale partagée et d’un choix libre et éclairé de son traitement et de son parcours.
« Art. L. 3721-…. – Toute personne atteinte d’insuffisance rénale chronique, déjà traitée par dialyse ou dont l’évolution prévisible vers la nécessité d’un traitement de suppléance par greffe ou dialyse se situe dans un délai de douze à dix-huit mois a le droit, si elle ne présente pas de contre-indication à la greffe, d’être inscrite sans délai sur la liste nationale prévue à l’article L. 1251-1. »
La parole est à M. Daniel Chasseing.
M. Daniel Chasseing. Les maladies rénales entraînent une mortalité élevée et dégradent considérablement les conditions de vie des patients, ainsi que celles de leur entourage.
Le présent amendement vise à garantir le droit à l’information, en prévoyant de formaliser dans le code de la santé publique l’obligation, pour les professionnels de santé chargés de patients dont l’évolution de la maladie rénale pourrait nécessiter, dans un délai de deux ans, le recours à un traitement de suppléance, de les informer de manière complète, objective et adaptée, sur toutes les possibilités de greffe et de dialyse, leurs avantages et leurs inconvénients, ainsi que leurs conséquences.
Il tend aussi à assurer la liberté de choix des personnes atteintes d’insuffisance rénale en formalisant l’obligation de réaliser un bilan pré-greffe et de procéder à l’inscription préemptive sur la liste nationale d’attente, dès lors que les patients le souhaitent, dans les conditions définies par les recommandations de la Haute Autorité de santé.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Bernard Jomier, rapporteur. M. Chasseing soulève une question importante, celle de l’insuffisance rénale chronique et de sa prise en charge dans notre pays. L’insuffisance rénale chronique est le stade préalable à l’insuffisance rénale terminale, qui impose une greffe ou à défaut une mise sous dialyse.
L’amendement met l’accent sur la nécessaire information sur la greffe des patients atteints d’insuffisance rénale, afin d’assurer une plus grande équité dans l’accès à la liste nationale des personnes en attente de greffe. Les auditions nous ont permis de noter que les pratiques en la matière étaient encore diverses selon les médecins qui accueillent des patients atteints d’insuffisance rénale. Il est donc nécessaire que la Haute Autorité de santé affine les recommandations de bonnes pratiques et veille à ce que celles-ci soient mieux appliquées.
Néanmoins, sur le fond, le sujet me semble déjà couvert par les dispositions générales du code de la santé publique sur l’information des usagers du système de santé.
Mon cher collègue, la réponse au problème posé se trouve non pas dans la disposition que prévoit votre amendement, mais dans la mise en œuvre des recommandations de bonnes pratiques de la Haute Autorité de santé et dans une plus grande égalité territoriale en matière d’inscription des patients en attente de greffe.
Pour ces raisons, la commission vous demande de retirer votre amendement ; sinon, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Chasseing, l’amendement n° 220 rectifié ter est-il maintenu ?
M. Daniel Chasseing. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 220 rectifié ter est retiré.
L’amendement n° 203 rectifié, présenté par Mmes Cohen, Assassi, Apourceau-Poly et Benbassa, M. Bocquet, Mmes Brulin et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud, M. Savoldelli, Mme Lienemann et M. Collombat, est ainsi libellé :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le II de l’article L. 161-31 du code de la sécurité sociale est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ce volet peut également contenir l’expression de la volonté de son titulaire en matière de don d’organes à fins de greffe. »
La parole est à Mme Michelle Gréaume.
Mme Michelle Gréaume. Malgré le rang de « priorité nationale » accordé au prélèvement et à la greffe d’organes depuis la loi de bioéthique de 2004, le Comité consultatif national d’éthique, dans son avis préparatoire à l’examen du présent texte, dresse un bilan mitigé de la situation : « Le nombre de malades en attente d’un organe est près de quatre fois supérieur aux greffes réalisées et, dans le même temps, en moyenne 550 d’entre eux décèdent chaque année, depuis plusieurs années. »
Cet amendement vise à remédier à cet état de fait. Nous proposons d’ouvrir la possibilité, pour chaque assuré social, de faire figurer sur sa carte Vitale son accord au prélèvement d’organes à des fins de greffe en cas de décès.
Pratique et d’emploi généralisé, la carte Vitale nous semble être le support le plus adapté pour un « testament de vie ». En cas de décès de l’assuré, les équipes médicales chargées du prélèvement de l’organe gagneraient un temps considérable et les chances de réussite de la transplantation se trouveraient accrues.
Le rapport précise que les « dispositions trop peu connues, y compris des établissements de santé, induisent des démarches souvent complexes pour les donneurs ». Par ailleurs, l’une des conclusions de la mission sur le prélèvement d’organes du député Jean-Louis Touraine présentées le 20 décembre 2017 soulignait que le taux de refus important peut s’expliquer notamment par des « contextes défavorables » qui mettent un coup d’arrêt à un prélèvement possible, le choc émotionnel subi par les familles l’emportant souvent sur la volonté du défunt.
La médiation prévue dans notre amendement permettrait de respecter le choix de l’assuré tout en évitant de douloureux questionnements aux proches endeuillés.
De plus, dans le cas où cette mesure serait adoptée, sa publicité permettrait une communication d’ampleur en direction du grand public, encore trop peu informé aujourd’hui.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Bernard Jomier, rapporteur. Ma chère collègue, je vous remercie de cet amendement, qui vise évidemment à maximiser le don d’organes. Tel a été exactement le sens de notre réflexion, comme je l’ai expliqué en introduction à ce débat.
Nous avons souhaité être volontaristes en matière de dons provenant de donneurs vivants, en portant notamment à six, contre deux actuellement, le nombre de paires de donneurs constituant une chaîne. Cela permettra d’augmenter le nombre de greffes réalisées. Six est un maximum, la plupart des chaînes compteront probablement moins de paires – plutôt trois ou quatre au vu des expériences étrangères.
En ce qui concerne la façon dont s’exprime le consentement au don d’organes, la loi de 2011 a prévu que les professionnels de santé peuvent inscrire sur la carte Vitale, avec le consentement de la personne, une mention précisant que celle-ci a été informée des dispositions en la matière.
Cependant, cela ne renseigne pas sur la position de la personne sur le don d’organes, parce que, depuis la loi du 22 décembre 1976 relative aux prélèvements d’organes, dite « Caillavet », confirmée par la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, toute personne est présumée consentir au don d’organes. C’est principalement l’inscription sur le registre national des refus de don d’organes, tenu par l’Agence de la biomédecine et accessible en ligne, qui permet aux équipes médicales de savoir qu’une personne décédée était opposée à un prélèvement d’organes. Cela dit, les inscriptions sur ce registre ne recouvrent pas à elles seules les refus dans l’ensemble de la population, pour des raisons multiples, notamment parce que la connaissance de cette possibilité est encore trop faible dans la population, même si elle progresse de façon régulière.
Toutefois, inscrire sur la carte Vitale l’expression du consentement de la personne reviendrait à renverser à nouveau le mode de consentement et induirait une confusion. Nous sommes dans la construction d’un mode de consentement ; celui-ci est imparfait, il doit progresser, nous en avons tous conscience, les professionnels et les associations de patients au premier chef, mais renverser le mode d’expression du consentement par l’inscription sur la carte Vitale d’un accord, donc revenir à une situation antérieure, serait difficilement compris par la population.
Il vaut mieux, me semble-t-il, développer les plans de sensibilisation à la greffe et la connaissance du registre national des refus de don d’organes qu’introduire cette mesure.
La commission spéciale a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Buzyn, ministre. Cet article permet de rappeler à nos concitoyens que la loi a changé, que, aujourd’hui, tout le monde est effectivement présumé donneur, sauf inscription du refus sur le registre des refus de l’Agence de la biomédecine. Il est important de le souligner afin que nos concitoyens puissent se poser cette question en leur âme et conscience et savoir qu’ils ont la possibilité de refuser, de leur vivant, d’être donneur. Des campagnes sont régulièrement réalisées par l’Agence de la biomédecine à ce sujet.
Je suis du même avis que M. le rapporteur ; toute inscription positive de la volonté de donner inverserait complètement la logique choisie au travers de la précédente loi et créerait une forme de confusion.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Madame Gréaume, l’amendement n° 203 rectifié est-il maintenu ?
Mme Michelle Gréaume. Non, je le retire, monsieur le président, mais j’espère que le système pourra être amélioré.
M. le président. L’amendement n° 203 rectifié est retiré.
Mes chers collègues, il est minuit. Je vous propose de prolonger notre séance jusqu’à l’examen de l’article 7 du projet de loi.
Il n’y a pas d’observation ?…
Il en est ainsi décidé.
Article 5 bis
(Non modifié)
Au dernier alinéa de l’article L. 1211-3 du code de la santé publique, les mots : « de seize à vingt-cinq » sont remplacés par les mots : « d’au moins seize ». – (Adopté.)
Article 6
I. – Le chapitre Ier du titre IV du livre II de la première partie du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° L’article L.1241-3 est ainsi modifié :
a) Au deuxième alinéa, après le mot : « bénéfice », sont insérés les mots : « de l’un de ses parents, » ;
b) Le troisième alinéa est remplacé par quatre alinéas ainsi rédigés :
« Le prélèvement au bénéfice d’un membre de la famille autre que les parents ne peut être pratiqué que sous réserve du consentement de chacune des personnes investies de l’exercice de l’autorité parentale ou, le cas échéant, du tuteur du mineur informés des risques encourus par le mineur et des conséquences éventuelles du prélèvement par le praticien qui a posé l’indication de greffe ou par tout autre praticien de leur choix. Le consentement est exprimé devant le président du tribunal judiciaire ou le magistrat désigné par lui, qui s’assure au préalable que ce consentement est libre et éclairé. En cas d’urgence vitale, le consentement est recueilli, par tout moyen, par le procureur de la République. Le consentement est révocable sans forme et à tout moment. Le prélèvement est subordonné à l’autorisation du comité d’experts mentionné à l’article L. 1231-3.
« Dans le cas du prélèvement réalisé à titre exceptionnel sur un mineur au bénéfice de l’un de ses parents, investi de l’exercice de l’autorité parentale, le président du tribunal judiciaire désigne sans délai un administrateur ad hoc, qui ne peut être un ascendant ou un collatéral des parents et du mineur, pour représenter ce dernier dans les conditions prévues à l’article 388-2 du code civil, en lieu et place de ses parents. Le praticien qui a posé l’indication de greffe ou tout autre praticien au choix des parents informe l’administrateur ad hoc, dans les mêmes conditions que ces derniers, des risques encourus par le mineur et des conséquences éventuelles du prélèvement.
« Le président du tribunal judiciaire autorise le prélèvement après avoir entendu le mineur, s’il est capable de discernement, les parents ainsi que l’administrateur ad hoc et après avoir recueilli l’avis du comité d’experts mentionné à l’article L. 1231-3 du présent code.
« Par dérogation aux trois alinéas précédents, dès l’âge de seize ans, le mineur exprime lui-même son consentement devant le président du tribunal judiciaire ou le magistrat désigné par lui, qui s’assure au préalable que le consentement est libre et éclairé. En cas d’urgence vitale, le consentement est recueilli, par tout moyen, par le procureur de la République. Le consentement est révocable sans forme et à tout moment. Le prélèvement est subordonné à l’autorisation du comité d’experts mentionné à l’article L. 1231-3. » ;
c) Le début de la première phrase du dernier alinéa est ainsi rédigé : « Avant de délivrer l’autorisation ou de formuler l’avis prévus au présent article, le comité d’experts mentionné à l’article L. 1231-3 s’assure que, notamment… (le reste sans changement). » ;
2° L’article L. 1241-4 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, le mot : « légale » est remplacé par les mots : « juridique avec représentation à la personne » ;
b) Les deuxième à avant-dernier alinéas sont ainsi rédigés :
« En l’absence d’autre solution thérapeutique appropriée, le prélèvement de cellules hématopoïétiques issues de la moelle osseuse ou du sang périphérique peut, à titre exceptionnel, être effectué sur une personne vivante majeure faisant l’objet d’une mesure de protection juridique avec représentation à la personne au bénéfice de l’un de ses parents, de son cousin germain ou de sa cousine germaine, de son oncle ou de sa tante, de son neveu ou de sa nièce.
« Lorsque le receveur est l’un de ses parents ou la personne chargée de la mesure de protection, ou lorsque la personne chargée de la mesure de protection est un ascendant ou un collatéral du receveur, le juge des tutelles désigne sans délai un administrateur ad hoc, qui ne peut être un ascendant ou un collatéral des parents ou du majeur protégé, pour représenter ce dernier et recevoir l’information par le praticien qui a posé l’indication de greffe ou tout autre praticien, des risques encourus par le majeur protégé et des conséquences éventuelles du prélèvement.
« Pour l’application des trois premiers alinéas du présent article, si le juge des tutelles compétent estime, après l’avoir entendue, que la personne protégée a la faculté de consentir au prélèvement, il reçoit ce consentement au prélèvement, lequel ne peut être réalisé qu’après avoir été autorisé par le comité d’experts mentionné à l’article L. 1231-3. Dans le cas contraire, le juge des tutelles autorise le prélèvement après avoir recueilli l’avis de la personne concernée, lorsque cela est possible, de la personne chargée de la mesure de protection, lorsque celle-ci n’est ni le receveur, ni un descendant, ni un collatéral du receveur, du comité d’experts et, le cas échéant, de l’administrateur ad hoc.
« Avant de formuler son avis ou de délivrer l’autorisation prévus au quatrième alinéa du présent article, le comité d’experts mentionné à l’article L. 1231-3 s’assure que tous les moyens ont été mis en œuvre pour trouver un donneur majeur suffisamment compatible avec le receveur. »
II. – (Non modifié) Au dernier alinéa de l’article L. 1272-4 du code de la santé publique, le mot : « légale » est remplacé par les mots : « juridique avec représentation à la personne ».
III. – (Non modifié) Au second alinéa de l’article 511-5 du code pénal, le mot : « légale » est remplacé par les mots : « juridique avec représentation à la personne ».
M. le président. L’amendement n° 309, présenté par M. Jomier, au nom de la commission spéciale, est ainsi libellé :
Alinéa 13
Après le mot :
parents,
insérer les mots :
de l’un de ses enfants,
La parole est à M. le rapporteur.
M. Bernard Jomier, rapporteur. Aux termes de la rédaction actuelle, une personne vivante majeure faisant l’objet d’une mesure de protection juridique avec représentation à la personne pourrait faire un don de cellules souches hématopoïétiques à l’un de ses parents, à un cousin germain, à ses oncles et tantes et à ses neveux, mais pas à ses enfants, qui font pourtant partie du cercle familial le plus proche.
Cet amendement vise donc simplement à ajouter les enfants à la liste des bénéficiaires potentiels d’un tel don.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Buzyn, ministre. M. le rapporteur a tout à fait raison, il s’agit d’un oubli. Avis extrêmement favorable !
M. le président. Je mets aux voix l’article 6, modifié.
(L’article 6 est adopté.)
Article additionnel après l’article 6
M. le président. L’amendement n° 106, présenté par Mme Benbassa, est ainsi libellé :
Après l’article 6
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Toutes les occurrences des mots : « de son père ou de sa mère », sont remplacées par les mots : « l’un de ses parents » ;
2° Toutes les occurrences des mots : « le père ou la mère », sont remplacées par les mots : « les parents » ;
3° Toutes les occurrences des mots : « de son père et de sa mère », sont remplacées par les mots : « de ses parents » ;
4° Toutes les occurrences des mots : « le père, la mère », sont remplacées par les mots : « l’un de ses parents ».
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. « De son père ou de sa mère », « de son père et de sa mère » : autant d’occurrences présentes dans le code de la santé publique qui ne correspondent plus à ce qu’est maintenant notre société !
Mes chers collègues, le modèle de la famille constituée d’un père et d’une mère a longtemps été la norme et est certes toujours fortement majoritaire, mais les familles se diversifient et le droit ne saurait exclure certaines d’entre elles.
Les familles monoparentales et homoparentales existent également ; elles ne sont pas moins légales ni moins légitimes et leur existence mérite d’être validée dans nos textes juridiques. En effet, quand ces familles ne sont admises que dans les jurisprudences et restent ignorées par la plupart de nos textes de loi, nous perpétuons un environnement législatif discriminatoire à leur égard. Il est temps que le législateur se saisisse de cette question.
Ainsi, dans un souci d’équité et d’uniformité, le présent amendement tend à remplacer toutes les occurrences, dans le code de la santé publique, des termes « père et mère » par le mot plus neutre de « parents ». Cette modification permettrait d’englober tous les types de familles qui existent dans notre société, afin de leur donner non seulement une existence juridique tangible, mais également une légitimité sociale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Bernard Jomier, rapporteur. Mme Benbassa l’aura certainement remarqué, je suis sensible à cette thématique, puisque j’ai déposé, à l’article 6, un amendement similaire, qui a été adopté en commission spéciale.
Par ailleurs, je relève que la loi du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe comportait un article « balai » instaurant l’article 6-1 du code civil, sans que cela pose de difficulté.
Toutefois, il serait dangereux de procéder à de telles substitutions de manière automatique, sans étudier chaque article pour vérifier, par exemple, que la mention « le père ou la mère », qui semble alternative, peut être effectivement remplacée par la mention « les parents », qui semble cumulative. Ainsi, en matière d’aide sociale accordée aux étudiants et élèves sous forme de bourse d’études, il est accordé une majoration de points si « le père ou la mère » élève seul son enfant. La formulation n’a plus de sens si l’on remplace cette mention par « les parents ».
En adoptant un tel amendement sans en vérifier, article par article, les conséquences, nous risquerions donc d’adopter des modifications de fond sans nous en apercevoir.
Par ailleurs, le « nettoyage » ainsi opéré ne serait que partiel, puisque votre amendement ne vise pas les mentions « les père et mère », « au père ou à la mère » ou encore « le père et la mère », dont on trouve notamment des occurrences dans le code de la santé publique.
Pour toutes ces raisons, la commission spéciale demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Benbassa, l’amendement n° 106 est-il maintenu ?
Mme Esther Benbassa. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 106 est retiré.
Article 7
I. – (Non modifié) À la fin de l’article L. 1231-2 du code de la santé publique, le mot : « légale » est remplacé par les mots : « juridique avec représentation à la personne ».
II. – L’article L. 1232-2 du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « ou un majeur sous tutelle » sont supprimés et les mots : « chacun des titulaires de l’autorité parentale ou le tuteur » sont remplacés par les mots : « chacune des personnes investies de l’exercice de l’autorité parentale » ;
2° Au second alinéa, les mots : « l’un des titulaires de l’autorité parentale » sont remplacés par les mots : « l’une des personnes investies de l’exercice de l’autorité parentale » et les mots : « l’autre titulaire » sont remplacés par les mots : « l’autre personne investie de l’exercice de l’autorité parentale » ;
3° (nouveau) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Si la personne décédée était un majeur faisant l’objet d’une protection juridique avec représentation à la personne, aucun prélèvement ne peut avoir lieu. »
III. – (Non modifié) Le deuxième alinéa de l’article L. 1235-2 du code de la santé publique est ainsi rédigé :
« Lorsque cette personne est un mineur ou un majeur faisant l’objet d’une mesure de protection juridique avec représentation à la personne, l’utilisation ultérieure des organes ainsi prélevés est en outre subordonnée à l’absence d’opposition des personnes investies de l’exercice de l’autorité parentale ou de la personne chargée de la mesure de protection, dûment informées de l’objet de cette utilisation. Le refus du mineur ou du majeur protégé fait obstacle à cette utilisation. »
IV. – (Non modifié) À la fin de l’article L. 1241-2 du code de la santé publique, le mot : « légale » est remplacé par les mots : « juridique avec représentation à la personne ».
V. – L’article L. 1272-2 du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° (nouveau) Au deuxième alinéa, la référence : « quatrième alinéa » est remplacée par la référence : « III » et les références : « aux deuxième et sixième alinéas du même article » sont remplacées par les références : « au second alinéa du I et au deuxième alinéa du IV du même article L. 1231-1 » ;
2° Au même deuxième alinéa, le mot : « légale » est remplacé par les mots : « juridique avec représentation à la personne ».
VI. – L’article 511-3 du code pénal est ainsi modifié :
1° (nouveau) Au premier alinéa, la référence : « quatrième alinéa » est remplacée par la référence : « III » et les références : « aux deuxième et sixième alinéas du même article » sont remplacées par les références : « au second alinéa du I et au deuxième alinéa du IV du même article L. 1231-1 » ;
2° Au second alinéa, le mot : « légale » est remplacé par les mots : « juridique avec représentation à la personne ».
M. le président. L’amendement n° 310, présenté par M. Jomier, au nom de la commission spéciale, est ainsi libellé :
Alinéa 12
Remplacer les mots :
même deuxième
par les mots :
dernier
La parole est à M. le rapporteur.
M. Bernard Jomier, rapporteur. Il s’agit de la correction d’une erreur matérielle.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame la ministre, mes chers collègues, nous avons examiné 87 amendements au cours de la journée ; il en reste 123.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
13
Mise au point au sujet de votes
M. le président. La parole est à M. Daniel Chasseing.
M. Daniel Chasseing. Monsieur le président, lors du scrutin n° 74, l’ensemble des membres du groupe Les Indépendants se sont abstenus. Or MM. Emmanuel Capus, Jérôme Bignon et Joël Guerriau souhaitaient voter contre, et Mme Colette Mélot pour.
Lors du scrutin n° 73, MM. Emmanuel Capus, Joël Guerriau et Jérôme Bignon ont été comptabilisés comme ayant voté pour, alors qu’ils souhaitaient voter contre, Mme Colette Mélot a été comptée comme s’abstenant, alors qu’elle souhaitait voter pour, et MM. Jean-Pierre Decool, Dany Wattebled et moi-même avons été comptabilisés comme ayant voté pour, alors que nous souhaitions nous abstenir.
M. le président. Acte vous est donné de ces mises au point, mon cher collègue. Elles seront publiées au Journal officiel et figureront dans l’analyse politique du scrutin.
14
Ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 28 janvier 2020 :
À quatorze heures trente et le soir :
Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à la bioéthique (texte de la commission n° 238, 2019-2020).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
(La séance est levée le vendredi 24 janvier 2020, à zéro heure dix.)
nominations de membres de délégations sénatoriales
Le groupe Les Républicains a présenté une candidature pour la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation.
Aucune opposition ne s’étant manifestée dans le délai d’une heure prévu par l’article 8 du règlement, cette candidature est ratifiée : M. Philippe Pemezec est membre de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, en remplacement de M. Bruno Gilles, démissionnaire.
Le groupe Les Républicains a présenté une candidature pour la délégation sénatoriale à la prospective.
Aucune opposition ne s’étant manifestée dans le délai d’une heure prévu par l’article 8 du règlement, cette candidature est ratifiée : M Bruno Gilles est membre de la délégation sénatoriale à la prospective en remplacement de M. Philippe Pemezec, démissionnaire.
Pour la Directrice des comptes rendus du Sénat,
ÉTIENNE BOULENGER
Chef de publication