M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote.
M. Yves Daudigny. J’avais cosigné avec beaucoup de conviction l’amendement présenté par Mme Meunier. J’ai écouté avec grand intérêt les argumentations présentées par Mmes les ministres, en particulier par Mme la ministre des solidarités et de la santé. Après réflexion, je voterai en faveur de l’amendement de Mme Procaccia, me ralliant à ce que vient de dire Olivier Henno. En effet, dans ces situations, qui ont déjà été décrites dans le détail, il me paraît essentiel de laisser la liberté à la personne concernée de choisir elle-même si elle veut ou pas poursuivre la PMA engagée.
M. le président. La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.
Mme Annick Billon. J’ai écouté tous les arguments, et, comme mon collègue Olivier Henno, j’ai chancelé par moments. Les arguments de Mmes les ministres m’ont pourtant convaincue, même si l’argumentaire de Laurence Cohen était aussi très étayé. Ayant voté hier contre l’élargissement de la PMA, je ne peux que voter contre ces amendements.
M. le président. La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.
M. Jacques Bigot. Je veux remercier Catherine Procaccia d’avoir proposé cet amendement, qui peut être la voie nous permettant de trouver une solution respectueuse de l’éthique. Il n’y a pas de difficulté à cet égard : les époux ont formulé un projet parental ; ils ont commencé les démarches pour recourir à l’assistance médicale, notamment auprès du notaire, et l’un des deux décède, le père en l’occurrence. Est-ce que le projet doit s’arrêter ? La question relève de l’intime et non plus de la bioéthique.
Pour ce qui concerne le problème juridique relatif à la filiation, que vous avez soulevé, madame la garde des sceaux, il n’y a qu’à prévoir une reconnaissance conjointe. Tout est possible ; le droit peut s’adapter. C’est d’ailleurs au nom du droit que l’on applique aux femmes le délai pour établir ou non la présomption de paternité après le veuvage. Nous pouvons régler tous ces points.
La vraie question est la suivante : appartient-il au législateur, au titre de cette double compassion, de dire « non » à ces femmes dont la situation est exceptionnelle ? Pour ma part, je pense qu’il faut laisser la possibilité ouverte. Je ne suis pas sûr que, face à une femme dans cette situation, je ne lui déconseillerais pas d’aller jusqu’au bout de sa démarche, mais, aujourd’hui, en tant que législateur qui débat d’un projet de loi sur la bioéthique, je ne me sens pas le droit de lui dire « non ». C’est la raison pour laquelle, à mon sens, l’amendement de Catherine Procaccia, qui est très précautionneux – consentement du père avant ; autorisation de l’Agence de la biomédecine, même si je ne suis pas sûr qu’elle ait les moyens de le faire et que cela soit utile –, peut être adopté.
Il faut laisser à ces femmes le soin de dire, après discussion avec les médecins et les psychologues, si elles veulent poursuivre le projet parental ou bien si elles ne conçoivent pas porter avec l’enfant le deuil du père décédé. Je le répète, c’est du domaine de l’intime, et je me demande si nous avons bien le droit d’interférer dans cette réflexion. (Applaudissements sur des travées des groupes SOCR et UC.)
M. le président. Le nombre des inscrits augmente…
La parole est à Mme Catherine Deroche, pour explication de vote.
Mme Catherine Deroche. Monsieur le président, je vous le dis amicalement, rien, dans le règlement, n’interdit aux sénateurs de s’exprimer. Je suis désolée que cela vous ennuie, mais je vais m’exprimer.
Je n’ai jamais été favorable à la PMA post mortem – je trouve le terme terrible –, et je partage tout à fait les arguments qu’a développés Mme la ministre des solidarités et de la santé. Beaucoup de collègues qui n’y étaient pas non plus favorables nous disent que le témoignage du professeur Frydman les a fait changer d’avis. J’ai le plus grand respect pour lui, mais j’ai aussi rencontré dans mon département des médecins pratiquant la PMA qui m’ont dit à quel point il était difficile de dire « non », et qui partagent la position de Mme la ministre. J’ai aussi entendu, lorsque j’étais au conseil d’orientation de l’Agence de la biomédecine, des témoignages de médecins qui voyaient des femmes revenir leur dire qu’ils avaient eu raison de leur dire « non ». Je ne voterai pas l’amendement de Catherine Procaccia. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Mizzon, pour explication de vote.
M. Jean-Marie Mizzon. J’ai écouté avec le même plaisir et le même intérêt les arguments de ceux qui sont pour et de ceux qui sont contre l’amendement. Cela m’a d’ailleurs rappelé une citation d’Oscar Wilde : « Je déteste les discussions ; elles vous font parfois changer d’avis. »
Il s’agit d’un domaine éminemment compliqué. Il n’y a pas une vérité : chacun a la sienne et celle de l’un vaut celle de l’autre.
J’observe néanmoins, bien que n’ayant pas voté en faveur de l’extension de la PMA, que l’auteur de l’amendement se limite à proposer une possibilité, sans rien imposer à personne. Ma foi, entre la fermeture totale et la possibilité, je choisis la seconde option. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe SOCR.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Corbisez, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Corbisez. Cette situation, j’ai failli la vivre ! Quand on avale des tonnes de médicaments à l’année et que l’on a envie de fonder une famille, même quand on est sénateur, on peut avoir besoin d’être assisté médicalement, les traitements médicaux ne facilitant pas forcément la procréation. Aussi, je me permets d’interpeller mes collègues de sexe masculin présents dans l’hémicycle : essayez de comprendre un couple hétérosexuel, marié ou non, civilement, religieusement, qui s’engage dans un processus à la fois technico-médical et juridique, avant de lui opposer la protection de l’enfant. Que faites-vous de la volonté du mari qui meurt en cours de processus ? Vous ne respectez pas sa liberté d’être aidé par la science et l’envie de son épouse de mener à bien ce projet de couple, de vie. Je suis convaincu que l’arrivée d’un enfant, c’est aussi respecter la volonté du mari défunt. On doit laisser la veuve, qui n’est pas forcément âgée, aller au bout, avant, peut-être, quelques années plus tard, de refaire sa vie. L’amendement de Catherine Procaccia permet au moins de respecter la liberté d’un couple de citoyens, homme et femme, mariés ou pas, d’aller jusqu’au bout d’un processus. Nous soutiendrons donc cet amendement, mieux rédigé que notre amendement n° 116 rectifié bis.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. Madame la ministre des solidarités et de la santé, j’ai abordé cette question avec les mêmes réflexions que celles auxquelles vous êtes arrivée. J’ai donc fait le chemin inverse. Je peux partager quasiment tous vos propos. Pour bien réfléchir, j’ai essayé de mettre à distance la souffrance et l’affect, car ils ne sont pas de bons guides pour le législateur. J’ai renoncé à répondre à toutes les souffrances dans ma fonction de parlementaire.
À un moment donné, à la recherche d’une boussole, je suis revenue vers un principe, simple : l’autonomie des femmes. Or les préventions que nous avons à leur égard, notre volonté de les protéger en ne faisant pas durer leur deuil, de les mettre à l’abri des pressions remettent en question leur capacité totale et leur autonomie. Mesdames les ministres, mes chers collègues, les femmes peuvent prendre les décisions concernant leurs droits sexuels et reproductifs. Et cela vaut pour la décision d’interrompre une grossesse comme pour celle de mettre en route une grossesse, dès lors que le consentement du conjoint a été explicitement recueilli, sans quoi il y aurait un abus de pouvoir sur une personne décédée.
Enfin, je me garderai de tout jugement aussi subjectif que définitif sur ce qu’est une bonne famille pour un enfant. Je ne sais pas s’il vaut mieux avoir un papa mort, un papa disparu ou évaporé, un papa inconnu, une maman, deux mamans, deux papas, un papa et une maman, avec un beau-père et une belle-mère. Je crois à la résilience et je suis convaincue que la seule chose qui compte, c’est la sécurité que l’on donne à un enfant. Et cette sécurité, on peut la garantir indépendamment des formes de famille auxquelles on se réfère. C’est pourquoi je voterai l’amendement de Catherine Procaccia.
M. le président. Ne vous méprenez pas, mes chers collègues, je trouve ce débat incroyable. Depuis que je suis sénateur, j’ai rarement vu des débats d’une telle qualité. Je ne vous encourage donc pas à raccourcir vos interventions, qui sont toutes bienvenues. Pour une fois que nous ne sommes pas contraints absolument par le temps, profitons-en !
La parole est à Mme Anne Chain-Larché, pour explication de vote.
Mme Anne Chain-Larché. Le Sénat a voté la PMA pour toutes : nous sommes là dans un cas de figure où deux personnes vivantes formulent un projet. Chacun parle avec son expérience personnelle et avec le plus grand respect pour les différentes situations dans lesquelles peuvent se trouver les couples ou les personnes isolées.
Malgré tout, si l’on croit à la vie, on se résout à la mort, qui signe un coup d’arrêt à la vie. C’est la raison pour laquelle, n’ayant pas voté hier l’extension de la PMA, je ne vois pas pourquoi je voterais aujourd’hui pour la PMA post mortem, même si on ne peut que comprendre que ces femmes, dans la souffrance qui est la leur, aient envie de mener à son terme le projet qu’elles avaient élaboré avec leur conjoint.
Hier, dans les arguments que j’ai opposés à la PMA pour toutes, j’ai évoqué un glissement potentiel vers la GPA. C’est mon intime conviction. Qu’adviendra-t-il si, demain, un couple hétérosexuel formule un projet de PMA et que la mère disparaît ? (Eh voilà ! sur des travées du groupe Les Républicains.) Je pense que la réponse est dans la question. (Bravo ! et applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Maryvonne Blondin, pour explication de vote.
Mme Maryvonne Blondin. Je n’ai pas entendu toutes les interventions, mais on me dit que le débat est d’une grande qualité jusque-là. Pour ma part, je soutiens l’amendement de Mme Procaccia.
Dans mon département s’est engagée une course contre la montre pour une femme déterminée, qui a déposé un recours auprès du Conseil d’État pour pouvoir transférer ses embryons de l’hôpital de Brest vers un centre situé en Espagne, où la loi autorise une transplantation d’embryon jusqu’à un an après le décès du mari. Le conjoint de cette femme a écrit une lettre émouvante, pleine d’amour, dans laquelle il a exprimé sa volonté, lorsqu’il s’est su condamné par la leucémie. Il s’adressait en même temps à ses enfants à naître, leur disant qu’il les verrait et les soutiendrait de là où il serait.
Cette femme se bat et nous observe ; elle est véritablement déterminée à avoir un enfant de son mari. Comment pourrait-on, alors que les deux époux sont sur la même ligne, détruire ces embryons ou les donner à un autre couple, à une autre famille ? Cela serait un véritable drame pour cette femme, pour sa famille. Je reprends les mots de Laurence Rossignol, avec qui je suis entièrement d’accord : qu’est-ce qu’une vraie famille ? Une mère, un père et un enfant désiré, aimé, en sécurité, qui saura comment son père a fait en sorte qu’il puisse arriver dans ce monde ? Réfléchissez-y, mes chers collègues, car c’est un cas concret, sur lequel le Conseil d’État doit se prononcer très prochainement.
M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard, pour explication de vote.
Mme Valérie Létard. Ces sujets, forcément extrêmement touchants, interrogent l’intime. Ma position oscille sans cesse au gré des arguments développés. On se met tous à la place de ceux qui vivront ces situations.
En quelques mots, et pour ne pas répéter les arguments déjà présentés, je dois dire que j’ai été touchée par l’intervention de Jacques Bigot. Et Olivier Henno et Jean-Marie Mizzon se rejoignent sur une position que je veux aussi défendre : de quel droit s’autorise-t-on à fermer la porte à la liberté de choix d’une femme ?
Je m’interroge, y compris sur la PMA, puisque je me suis abstenue sur les amendements de suppression de l’article. Cependant, je voterai l’article 1er, donc la PMA, au terme de notre discussion, car nous allons imposer des sécurités à travers un certain nombre d’amendements.
Pour conclure, je rappelle que les femmes auront six mois pour réfléchir avant de prendre leur décision. La commission spéciale a pris un certain nombre de dispositions pour qu’il y ait une évaluation médicale, psychologique, sociale, une réflexion, un accompagnement, et cela vaudra aussi pour des femmes veuves.
Aujourd’hui, devrait-on dire : « PMA pour toutes, mais pas pour les femmes veuves » ? Celles-ci n’auraient même pas le choix, alors qu’elles pourraient bénéficier d’un environnement et d’une sécurisation de leur cheminement, c’est-à-dire de conseils, pour ensuite décider elles-mêmes.
Je m’adresse à mes collègues femmes : je ne sais pas ce que je ferais en pareil cas, mais je n’aimerais pas que l’on m’interdise de trancher en connaissance de cause et de manière éclairée. (Applaudissements sur des travées des groupes UC, RDSE et SOCR.)
M. le président. La parole est à Mme Lana Tetuanui, pour explication de vote.
Mme Lana Tetuanui. J’ai écouté avec beaucoup d’attention les interventions et les arguments de mes collègues, que je respecte. Ce sujet est si délicat ! J’ai grandi dans une société qui repose sur les valeurs de la famille et je me pose la question suivante : quelle est la limite de l’intelligence humaine ?
Nous parlons de procréation : pour moi, qui suis issue de la société polynésienne, cela renvoie à deux êtres vivants.
En tant que législateurs, devons-nous légiférer sur des cas exceptionnels ? Je n’engage personne, mais je me pose la question.
Dans mon territoire, heureusement à 20 000 kilomètres d’ici, nous avons toujours combattu l’« invasion » de ces phénomènes, et le gouvernement met en œuvre beaucoup de moyens pour conforter le modèle traditionnel de la famille : l’homme, la femme, les enfants. Pour ces raisons, je ne peux que voter contre ces amendements. (Applaudissements sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Doineau, pour explication de vote.
Mme Élisabeth Doineau. J’ai un avis divergent de celui de ma collègue du groupe UC, mais je respecte chacune et chacun dans cet hémicycle. Tout le monde chemine à sa façon. En tout cas, ce débat est très serein et j’en remercie tous mes collègues. C’est vraiment intéressant de soupeser les avis des uns et des autres sur des sujets aussi délicats.
Ce problème m’est apparu lors des travaux de la commission spéciale, à la faveur des auditions de ces médecins qui nous ont dit avoir beaucoup de mal à expliquer à ces veuves qu’il faut soit jeter les embryons, soit les donner à une autre femme. J’ai alors été amenée à réfléchir.
Je me suis demandé comment étayer ma réflexion.
J’ai d’abord vu une question de liberté. Il faut laisser les femmes décider. J’ai pu vérifier qu’il y avait très peu de cas, car beaucoup de veuves renoncent à poursuivre ce projet construit à deux. Certaines se raccrochent néanmoins à une décision qui avait été prise à deux « au cas où », à la suite d’une véritable réflexion de couple. Je peux le comprendre, et je pense qu’il faut laisser la liberté à ces femmes. Sinon, on leur impose un double deuil, en d’autres termes une double peine.
Ensuite, c’est une question d’égalité. J’ai voté l’extension de la PMA à toutes les femmes, qu’elles soient en couple ou seules, et je me dis qu’il serait très injuste de dire à une femme qui se trouve dans cette situation de deuil qu’elle peut concevoir, mais avec l’embryon de quelqu’un d’autre.
Après la liberté, l’égalité, j’en viens au troisième concept figurant dans la devise de notre République : la fraternité. En effet, c’est témoigner de la fraternité que d’accompagner la personne au cours de ce projet.
M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue.
Mme Élisabeth Doineau. La personne n’est jamais seule. Elle est accompagnée par des professionnels. Il me semble important qu’elle le soit. On n’a justement pas à préjuger qu’elle soit capable ou non de prolonger un deuil.
M. le président. Il faut vraiment conclure !
Mme Élisabeth Doineau. En tout cas, elle est entourée de façon familiale et collective.
M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour explication de vote.
Mme Françoise Laborde. Je ne serai pas très longue. Je ne suis ni membre de la commission des lois ni juriste – on me l’a parfois reproché dans cet hémicycle…
M. Loïc Hervé. Nous, nous ne vous l’avons jamais reproché !
Mme Françoise Laborde. … mais je continue à être une utopiste.
De nombreuses lois sont des lois d’obligation, de devoir. On dit d’ailleurs que nul n’est censé ignorer la loi. Mais il y a aussi, par bonheur, des lois d’autorisation, de liberté. Merci à Lucien Neuwirth, qui a défendu une loi d’autorisation, merci à Simone Veil, qui a elle aussi défendu une loi d’autorisation. Je ne sais pas comment s’appellera au final la loi qui résultera de nos travaux, mais ce sont de beaux amendements que nous étudions et j’espère qu’ils seront adoptés. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées du groupe SOCR.)
M. le président. La parole est à M. Sébastien Meurant, pour explication de vote.
M. Sébastien Meurant. Mesdames les ministres, mes chers collègues, j’avais voté contre l’extension de la PMA. Par cohérence, je voterai contre ces amendements. Sans reprendre les propos tenus par André Reichardt et Anne Chain-Larché, je veux simplement apporter deux précisions.
Comme le disait la rapporteure Muriel Jourda, la rupture anthropologique que nous avons votée hier se poursuit aujourd’hui. En effet, il s’agit là de donner la vie à un enfant dont le père est mort.
Ce n’est pas la liberté de ce que la science permet de faire que le législateur doit prendre en considération. Notre rôle est de dire jusqu’où on peut aller ; il nous revient de fixer des bornes et des repères. Sinon, demain, on autorisera, au nom de la liberté, une femme de 70 ans, voire de 80 ans, à faire un enfant, qui, nous dit-on, serait choyé, attendu par d’autres membres de la famille.
Dans le cas où c’est non le père qui meurt, mais la mère, il aura la liberté d’aller à l’étranger faire un enfant en recourant à la GPA ! La Cour de justice de l’Union européenne et la Cour de cassation permettront la reconnaissance en droit français de la filiation. On voit évidemment où conduit cette dérive infinie au nom de laquelle « je veux, je peux, j’y ai droit ». Or il me semble que le droit n’est pas l’extension infinie des désirs individuels.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Alain Milon, président de la commission spéciale. Il y a sept ans, au moment de l’examen de la dernière loi de bioéthique dont j’étais le rapporteur, nous avions déjà eu cette discussion importante et très intéressante. Et j’étais déjà favorable, à l’époque, à la PMA post mortem, contrairement à l’Assemblée nationale et au Sénat.
Cela dit, quand je suis arrivé dans l’hémicycle tout à l’heure, j’étais favorable à l’amendement de Catherine Procaccia, que je trouvais très équilibré. J’ai écouté avec beaucoup d’attention, d’abord, les auteurs des différents amendements, ensuite, les ministres. Je l’avoue, j’en ai été perturbé.
Comme vous, madame la ministre de la justice, je considère que le droit est un outil et qu’il doit le rester et pouvoir s’adapter aux évolutions.
Mme Buzyn a très bien parlé de la femme, des maladies et de la situation. Elle en a si bien parlé qu’elle a failli me convaincre ! Mais au bout du compte, après avoir écouté les uns et les autres, je vais en rester à ma première intention et voter l’amendement de Catherine Procaccia. Je le ferai pour deux raisons.
En l’état actuel de la loi, l’AMP s’arrête au décès du conjoint. C’est une obligation, c’est-à-dire que personne n’a le droit d’aller au-delà. Je considère, comme certains intervenants, qu’il faut laisser la liberté de faire. Ce n’est pas une obligation ; c’est une liberté, un choix, une possibilité. Je suis intimement persuadé que cette faculté de poursuivre la procédure engagée ne sera pratiquement jamais saisie. Mais même si elle n’était saisie qu’une fois, pourquoi l’empêcher ? La femme qui choisira cette option aura réfléchi ; elle aura certainement rencontré des psychiatres, des psychothérapeutes, des psychologues ; elle aura sans doute discuté avec son entourage. Bref, sa décision ne sera pas prise par hasard. S’il n’y a qu’une personne qui souhaite prendre cette décision, ne l’empêchons pas de la prendre ! Je le répète, je voterai l’amendement de Catherine Procaccia. (Applaudissements sur des travées des groupes UC et SOCR.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Buzyn, ministre. Je ne reviendrai évidemment pas sur l’argumentaire développé. Peut-être la discussion d’aujourd’hui augure-t-elle des débats que nous allons avoir sur quantité d’autres thèmes.
Il s’agit de faire la balance entre la liberté accordée à quelques-uns, confrontés à des situations dramatiques et que nous souhaitons aider, et la protection des plus vulnérables. Il nous revient de mettre au point une législation permettant d’éviter des glissements ou des dérives qui vont rendre les plus vulnérables dans l’incapacité de résister à un mouvement. Et nous verrons, en examinant différentes mesures, à quel point il faut toujours mettre en balance des situations de vulnérabilité par rapport à un choix individuel et à des choix de société.
Lorsque l’on évoque les cas individuels, on ne peut qu’être en faveur de cette liberté offerte, on ne peut que respecter ce choix, cette autonomie, qui a été relevée, notamment par Mme Rossignol.
D’abord, je ne nie pas l’autonomie des femmes. Mais toutes les femmes n’ont pas le même degré d’autonomie dans notre société. La PMA n’est pas réservée à certains milieux socioculturels où l’autonomie est très élevée. Des femmes en situation de grande précarité peuvent demander la PMA pour des raisons d’infertilité.
Toutefois, je veux souligner la limite de l’autonomie quand la personne est en situation de deuil, qu’elle est vulnérable, subissant ce déséquilibre que provoque le deuil dans les familles. Nous le savons tous pour l’avoir vécu autour de nous, un deuil induit des choses particulières. C’est cela que je vous appelle à prendre en compte quand j’évoque le risque de pression que pourront subir certaines femmes.
Je veux maintenant revenir sur deux arguments.
Pour ce qui concerne l’injustice, que vous avez évoquée, madame Cohen, je le répète, traiter séparément les embryons et les spermatozoïdes signifie traiter différemment des femmes dont l’infertilité a des causes différentes.
Je le constate bien, l’embryon relève de l’intime, d’où l’amendement de Mme Procaccia.
En réalité, l’injustice vise non pas le fait de ne pas avoir le droit d’accéder aux gamètes ou à un embryon, mais la mort de l’un des membres du couple qui désirait un enfant et n’a pas pu mener à bien une PMA et, d’une façon générale, la mort du conjoint qui entraîne la fin du projet parental commun. Je rappelle par ailleurs que la grande majorité des couples français n’ont pas recours à la PMA.
Le second argument est celui de la liberté du consentement. Je m’interroge sur le cadrage de l’amendement de Mme Procaccia, qui est censé être protecteur. On parle d’un consentement librement établi dans un couple qui a élaboré un projet parental, un couple qui s’inscrit dans la vie et dans l’avenir et qui réfléchit à ce qui se passerait en cas de décès. Quel homme au seuil de la mort ne donnerait pas son consentement ?
En contrepartie, quelle est la liberté de la femme qui, six mois après, porte ce poids d’un consentement prétendument librement accordé mais qui est intervenu à un moment de vie, qui était le temps de la projection, celui où le couple se projetait dans l’avenir ? Je pense que cet amendement n’est pas protecteur des femmes, car, pour moi, il induit une obligation.
Je le répète, l’injustice, c’est la mort survenue dans un couple jeune, qui était dans un désir d’enfant, ce qui est le quotidien de nombreux couples.
Au cours de tous les raisonnements que je tiendrai pour défendre ce projet de loi, je me placerai toujours du côté de la vulnérabilité. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM, ainsi que sur des travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Je veux simplement apporter une micro-précision pour être très claire sur les incidences que l’adoption de la PMA post mortem devrait nécessairement entraîner du point de vue juridique.
Il faudra forcément modifier les règles d’établissement de la filiation et les règles de succession.
Sur l’établissement de la filiation, madame de la Gontrie, le code civil prend actuellement en considération les enfants nés ou les enfants qui sont conçus au moment du décès. L’article 725 dudit code dispose : « Pour succéder, il faut exister à l’instant de l’ouverture de la succession ou, ayant déjà été conçu, naître viable. »
Pour la succession, d’une part, il faudra évidemment prendre en compte de nouveaux délais et, d’autre part, il faudra établir un délai pour la répartition des parts pour les cohéritiers.
Bien sûr, le droit est un outil. Mais en l’espèce la complexité induite sera réelle.
M. le président. Je rappelle que l’amendement n° 24 et les sous-amendements nos 324, 325 et 326 ont fait l’objet d’une demande de priorité de vote par la commission spéciale.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 324.
(Le sous-amendement n’est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 24.
(L’amendement n’est pas adopté.) – (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. Je relève 58 contre et 53 pour.
Je mets aux voix l’amendement n° 272 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
M. Jacques Bigot. Dans ces conditions, je retire les amendements nos 224 et 231, monsieur le président !
M. le président. Les amendements nos 224 et 231 sont retirés.
L’amendement n° 102 rectifié bis est-il maintenu ?