Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier, auteure de la question n° 1045, adressée à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Mme Anne-Catherine Loisier. Madame la secrétaire d’État, je souhaite attirer votre attention sur l’inégalité de traitement entre la ville et l’hôpital concernant le financement des consultations externes.
Dans un contexte de désertification médicale grandissante, nombreux sont les hôpitaux de proximité qui proposent des consultations réalisées par les praticiens exerçant au sein de ces établissements, ou bien par des médecins retraités qui acceptent de redevenir salariés des hôpitaux. Ils assurent ainsi l’offre de soins dans des secteurs en grande carence.
Certes, l’activité externe n’est pas le cœur de métier de l’hôpital public, mais, si l’on s’en tient à la conception de l’hôpital de proximité telle que la développe votre gouvernement, ces établissements ont plus que jamais vocation à combler les manques existants, tout en favorisant bien sûr un partenariat et une dynamique avec les médecins libéraux locaux.
Ces activités diversifiées, consultations auprès de spécialistes, de généralistes, actes de biologie, sont de même nature que celles que réalisent les praticiens libéraux en cabinet de ville. Les tarifs de ces actes et consultations externes à l’hôpital sont déterminés de façon exogène par les conventions liant l’assurance maladie aux professionnels de santé libéraux.
Pourtant, à ce jour, les majorations tarifaires issues de ces conventions ne sont pas appliquées aux établissements de santé. En effet, un dispositif réglementaire limite nominativement les majorations transposables à l’activité d’actes et consultations externes des établissements de santé.
Cette discrimination de traitement entre la ville et l’hôpital pour des soins pourtant similaires est injuste et préjudiciable, non seulement aux populations locales déjà dépourvues de médecins libéraux, mais également au budget de ces établissements de santé, souvent de petits hôpitaux en grande difficulté financière du fait de la tarification à l’activité (T2A) toujours pratiquée à ce jour.
Cette discrimination entraîne la remise en cause de ces activités par ces petits hôpitaux largement sous-rémunérés selon l’inspection générale des affaires sociales.
À l’heure où le financement au parcours est un élément constitutif de la stratégie nationale de santé, madame la secrétaire d’État, pensez-vous accorder aux établissements de santé un financement équitable de leurs actes et consultations externes, de manière à permettre cet ultime recours aux populations souvent rurales, qui n’ont d’autre solution que leurs hôpitaux de proximité ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice, votre question porte sur le financement des consultations de spécialités dans les hôpitaux de proximité.
Nous sommes, tout comme vous, attachés à ce que l’accès à un spécialiste soit garanti à tous, et ce sur tous les territoires. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement a souhaité, dans la loi relative à l’organisation et à la transformation du système de santé votée l’été dernier, confier obligatoirement aux hôpitaux de proximité la mission de proposer des consultations de spécialités.
Ces consultations pourront être assurées par des praticiens hospitaliers d’autres établissements dans le cadre de consultations avancées, ou par des praticiens libéraux du territoire via des coopérations avec les cabinets de ville. Celles-ci pourront également être réalisées par télémédecine, notamment dans les territoires isolés.
La loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 a permis de poser un modèle de financement adapté aux missions de ces hôpitaux, qui rompt avec la logique de la T2A. En effet, le financement de leur activité de médecine fera désormais l’objet d’une garantie pluriannuelle, qui assure à l’établissement de ne pas perdre de recettes sur la durée d’un cycle de trois ans, même si son activité venait à baisser.
Ces hôpitaux bénéficieront aussi de crédits supplémentaires : la dotation de responsabilité territoriale leur permettra d’exercer les missions d’appui au premier recours, de prévention, de prise en charge globale des personnes âgées qu’ils assurent en coopération avec l’ensemble des acteurs de leurs territoires.
Vous avez raison de noter que l’offre de consultations externes, du fait de ses modalités techniques de financement, est parfois déficitaire pour des établissements de petite taille. Aussi l’article 33 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 précise-t-il explicitement que cette dotation de responsabilité territoriale vise à soutenir l’offre de consultations de spécialités.
Enfin, vous soulignez à juste titre l’asymétrie qui prévaut actuellement entre la ville et l’hôpital concernant l’application des majorations des conventions médicales. Ces dernières ne s’appliquent en effet aux établissements de santé que dès lors qu’elles ont été expressément prévues par un arrêté.
À la suite de la publication de la convention médicale du mois d’août 2016, une réflexion sur l’ouverture progressive aux établissements de santé de l’ensemble des majorations tarifaires applicables aux actes et consultations externes a été lancée.
Les travaux de transposition des majorations se poursuivent. Nous continuerons à mieux valoriser cette activité de prise en charge externe, notamment dans les territoires isolés et ruraux, où l’on en mesure bien toute la nécessité.
Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier, pour la réplique.
Mme Anne-Catherine Loisier. Nous allons suivre de près les évolutions que vous évoquez, madame la secrétaire d’État. J’attire simplement votre attention sur le fait qu’il s’agit souvent de consultations non pas de spécialistes, mais de généralistes.
En effet, il n’y a plus de généralistes de proximité et les hôpitaux ne peuvent plus assumer les dépassements de forfait kilométrique pour se rendre au domicile de personnes âgées, qui ne disposent pas d’autre moyen de transport.
pénurie de médicaments
Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Micouleau, auteure de la question n° 1046, adressée à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Mme Brigitte Micouleau. Madame la secrétaire d’État, la situation est dramatique.
Alors que, le 8 juillet 2019, le Gouvernement a présenté vingt-huit mesures pour lutter contre les pénuries et améliorer la disponibilité des médicaments en France, s’inspirant des conclusions du rapport présenté le 27 septembre 2018 par la mission d’information du Sénat sur les pénuries de médicaments et de vaccins, la situation ne s’améliore pas. Elle s’est même encore aggravée depuis la fin de l’été.
Membre de cette mission d’information, je peux témoigner qu’un constat alarmant avait été dressé. Il y a plus d’un an, nous dénoncions déjà une mise en danger préoccupante de certains patients. Ceux-ci sont à présent confrontés, tout comme les pharmaciens, à une grave pénurie de médicaments.
Corticoïdes, antibiotiques, vaccins, la liste des médicaments en rupture de stock est longue. En mars 2018, j’alertais le Gouvernement sur le risque d’une rupture d’approvisionnement du BCG intravésical, utilisé dans le traitement du cancer de la vessie. Aujourd’hui, la rupture de stock du BCG-medac est effective. En France, les patients ne peuvent plus suivre leur traitement. Les urologues leur répondent qu’il faut patienter sans leur donner plus de précisions.
Devant une telle situation d’urgence, madame la secrétaire d’État, je vous interroge sur les actions efficaces que le Gouvernement entend prendre pour garantir à ces patients la légitime continuité de leurs soins et pour remédier à ce grave enjeu de santé publique.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice, vous l’avez rappelé et vous le savez, les ruptures de stock de médicaments sont une préoccupation majeure des pouvoirs publics. C’est un phénomène ancien qui ne date pas d’aujourd’hui.
Selon l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, les signalements de tensions d’approvisionnement de médicaments ont été multipliés par vingt en dix ans.
Face à ce constat et afin d’améliorer rapidement la situation, la ministre des solidarités et de la santé a présenté, le 8 juillet 2019, une feuille de route « lutter contre les pénuries et améliorer la disponibilité des médicaments en France », construite autour de quatre axes et de vingt-huit actions opérationnelles.
Le comité de pilotage chargé de la stratégie de prévention et de lutte contre les pénuries de médicaments a été installé au mois de septembre. Il rassemble les associations de patients, tous les acteurs de la chaîne d’approvisionnement, les médecins, les pharmaciens et les autorités nationales compétentes. Cette instance suivra l’évolution des travaux de la feuille de route menés dans le cadre des différents groupes de travail mis en place, et se réunira trois fois par an.
En parallèle, compte tenu de l’impact des ruptures de stock dont vous avez rappelé l’effet pour certains médicaments, des mesures de prévention et de régulation ont été introduites à l’article 48 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020.
D’une part, ces mesures visent à imposer, pour tout industriel, l’obligation de constituer un stock de sécurité qui ne peut excéder quatre mois pour tout médicament. D’autre part, le texte prévoit une obligation d’importation, aux frais de l’industriel, en cas de rupture d’un médicament d’intérêt thérapeutique majeur pour lequel une rupture ou un risque de rupture de stock présente pour les patients un risque grave ou immédiat, ou en cas de rupture de stock d’un vaccin.
J’ajoute que les sanctions concernant les manquements des industriels en cas de rupture de stock sont renforcées.
Pour simplifier le parcours du patient, nous avons rendu possible le remplacement de médicaments par le pharmacien d’officine en cas de rupture de stock d’un médicament d’intérêt thérapeutique majeur.
Par ailleurs, le Premier ministre a confié à M. Jacques Biot une mission visant à procéder à l’analyse des causes profondes de cette situation en matière de choix industriels. Il doit analyser les processus de production et logistiques en vue d’en identifier les points de faiblesse et de proposer des solutions qui viendront s’ajouter à la feuille de route.
La difficulté n’est donc pas ignorée. Le Gouvernement, dans la loi de financement de la sécurité sociale, a prévu des mesures de financement qui sont en train de se mettre en place.
Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Micouleau, pour la réplique.
Mme Brigitte Micouleau. Madame la secrétaire d’État, j’entends bien votre réponse et vos arguments, mais je doute qu’ils satisfassent les patients, notamment ceux qui sont atteints d’une tumeur à la vessie.
Les informations communiquées par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé sont effrayantes : après les conseils de limiter la rétrocession de médicaments, de distribuer les unités par deux et non plus par six, la rupture de stock au 7 janvier 2020 est effective. Elle perdure depuis le 2 décembre 2019 et la remise à disposition n’interviendrait qu’à la fin du mois de février 2020. Il est urgent d’agir !
augmentation du prix des médicaments
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Procaccia, auteur de la question n° 554, adressée à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Mme Catherine Procaccia. Madame la secrétaire d’État, j’ai posé cette question par écrit il y a un an. Faute de réponse, je l’ai reposée sous la forme d’une question orale. J’espère que la difficulté dont je faisais état est aujourd’hui en partie résolue.
Depuis janvier 2019, les honoraires de dispensation des pharmaciens sont de 50 centimes par ordonnance. Cette somme est augmentée de 2 euros pour des médicaments spécifiques – anxiolytiques et hypnotiques, par exemple – et de 50 centimes selon l’âge du malade – moins de 3 ans et plus de 70 ans.
Tout cela, reconnaissez-le, est déjà bien compliqué. Comment font les patients dont les complémentaires ne prennent pas en charge les médicaments remboursés à 15 % ou à 30 % par la sécurité sociale ? Les 33 % d’honoraires de dispensation ne seront donc pas payés par les mutuelles, mais ils seront acquittés par les malades.
Comme la prise en charge de la mutuelle n’est déclenchée qu’en cas de demande de remboursement à la sécurité sociale, certains patients n’ont-ils pas intérêt à régler intégralement le prix du médicament pour éviter de payer un prix plus élevé en raison de l’honoraire du pharmacien, lequel ne sera pas pris en compte ? Sans compter que les sur-honoraires pour les médicaments prescrits aux enfants et aux personnes âgées sont passés à 3,5 euros et à 1,55 euro pour les anxiolytiques.
Il y a un an, je demandais déjà si l’information des patients sur cette situation pour le moins compliquée était prévue. Depuis un an, je suis allée un certain nombre de fois chez le pharmacien : je n’ai jamais eu aucun éclaircissement. Par conséquent, lorsque je paie un médicament, je ne sais pas quelle est la part du médicament, d’autant qu’il n’y a pas d’étiquette, et quelle est celle des honoraires du pharmacien. Pourrions-nous obtenir des éléments de réponse ?
J’aimerais également que le patient puisse choisir chez le pharmacien de ne pas demander le remboursement à la sécurité sociale d’un seul des médicaments mentionnés sur l’ordonnance.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice, permettez-moi tout d’abord de rappeler brièvement le contexte de mise en place de ces nouveaux honoraires.
Une réforme du mode de rémunération des pharmaciens a été engagée avec la mise en place, en 2015, d’un honoraire au conditionnement et d’un honoraire pour ordonnance dite « complexe », facturé dès lors que les pharmaciens exécutent une prescription comportant au moins cinq lignes de médicaments différents remboursables, facturés à l’assurance maladie.
Une seconde étape a été engagée avec l’avenant n° 11 en 2017, qui prévoit la mise en place de trois nouveaux honoraires de dispensation en plus de ceux qui sont en vigueur depuis le 1er janvier 2015.
S’agissant des conditions de prise en charge de ces honoraires par l’assurance maladie obligatoire, elles diffèrent selon le type d’honoraire. Pour l’honoraire au conditionnement, le taux de prise en charge est le même que celui du médicament dispensé, lequel dépend du niveau de service médical rendu (SMR). Pour les médicaments à SMR important, le taux est fixé à 65 % ; pour ceux à SMR modéré, le taux est de 30 % ; pour ceux à SMR faible, le taux est de 15 %.
Pour l’honoraire pour ordonnance dite « complexe », la participation de l’assuré est supprimée.
Pour les trois nouveaux honoraires de dispensation, le taux de prise en charge par l’assurance maladie est de 70 %, soit une participation de l’assuré de 30 %.
Pour ce qui concerne les modalités d’information sur les prix des médicaments et les honoraires de dispensation dans les officines de pharmacie, elles sont fixées par un arrêté du ministère de l’économie, de l’industrie et du numérique, datant du 28 novembre 2014 et publié le 4 février 2015. Ce texte sera mis à jour en 2020 pour, notamment, intégrer les nouveaux honoraires de dispensation mis en place depuis le 1er janvier 2019.
Enfin, la liste des médicaments dit « spécifiques » faisant l’objet d’un honoraire de dispensation particulière figure en annexe II.4 de l’avenant n° 11 de la convention nationale organisant les rapports entre les pharmaciens titulaires d’officine et l’assurance maladie.
La Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM) est chargée de la mise à jour hebdomadaire de cette liste.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour la réplique.
Mme Catherine Procaccia. Je n’ai rien compris à votre réponse, madame la secrétaire d’État. Je présume que mes collègues ici présents se seront rendu compte que le sujet était horriblement complexe. Nul ne sait ce qui est à la charge du patient. Publier en 2020 un texte pour des mesures qui s’appliquent depuis 2019 prouve bien qu’il n’y a aucune transparence !
refonte des minima sociaux et inquiétudes des représentants du monde du handicap
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Françoise Perol-Dumont, auteure de la question n° 1068, adressée à Mme la secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées.
Mme Marie-Françoise Perol-Dumont. Madame la secrétaire d’État, la grande majorité des associations représentatives des personnes handicapées est très défavorable à l’intégration de l’allocation aux adultes handicapés (AAH) dans le revenu universel d’activité (RUA) annoncée par le Gouvernement.
Ces associations estiment à bon droit que l’AAH est non pas un minimum social, mais une prestation sociale liée à la reconnaissance d’une incapacité spécifique souvent, hélas, pérenne.
Intégrer l’AAH dans le RUA serait non seulement une remise en cause fondamentale des droits des handicapés et du cadre législatif acté en 1975 et en 2005, mais entraînerait de surcroît très vraisemblablement une dégradation des droits des bénéficiaires de cette prestation, alors même que, dans le cas d’une politique réellement inclusive, le montant actuel de l’AAH mériterait grandement d’être réévalué au regard des besoins des personnes handicapées.
Entendez-vous prendre en compte ces inquiétudes et renoncer à l’intégration de l’AAH dans le RUA ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice, je vous remercie de me donner l’occasion de m’exprimer sur cette question importante du revenu universel d’activité et de l’inscription de l’allocation aux adultes handicapés au sein des concertations ouvertes en juin dernier sur le revenu universel d’activité.
Ce minimum social, témoin de la solidarité nationale, a été très fortement revalorisé par le Gouvernement. Comme vous le savez, la hausse s’élève à plus de 11 %.
L’AAH étant un minimum social, elle fait logiquement partie de la réflexion sur le revenu universel d’activité, qui vise à simplifier le système de prestations sociales afin de renforcer sa cohérence, son accessibilité, son équité et sa lisibilité. Il a également pour objet de procurer systématiquement un gain lors de la reprise d’un emploi pour encourager le retour à l’activité.
Cette réforme fait l’objet d’une concertation institutionnelle et citoyenne afin de permettre une large consultation de l’ensemble des personnes intéressées. La concertation institutionnelle s’appuie sur différents collèges. Le 4 juillet dernier, Sophie Cluzel a lancé les travaux du collège thématique dédié aux personnes en situation de handicap. Ce n’est qu’à l’issue de cette concertation que le périmètre de la réforme sera arrêté. Aucune décision n’est donc prise concernant l’AAH.
L’objectif du revenu universel d’activité étant de lutter contre la pauvreté et de la faire reculer, le Gouvernement ne portera en conséquence aucune réforme qui pénaliserait les plus vulnérables.
Cependant, exclure de cette réflexion transversale à l’ensemble des bénéficiaires des minima sociaux le champ du handicap fermerait a priori le dialogue sur les questions de la pauvreté et de l’accompagnement des personnes en situation de handicap, privant notamment les jeunes d’un accompagnement vers l’activité.
Je rappelle que le revenu universel d’activité vise deux objectifs très clairs : l’accompagnement vers l’activité et l’assurance qu’une reprise d’activité se traduira par un gain. Il n’a pas vocation à précariser davantage ceux qui sont les plus fragiles et qui se trouveraient temporairement ou durablement très éloignés de l’emploi.
À cet égard, Sophie Cluzel et moi-même avons pris des engagements, notamment dans le cadre des concertations. Les allocataires de l’AAH ne s’inscrivent pas dans une conditionnalité de reprise d’activité. Le bénéfice du revenu universel d’activité ne sera donc pas attaché à une obligation de recherche et de reprise d’activité pour les personnes en situation de handicap.
Concernant l’accompagnement vers l’activité, un groupe de travail complémentaire est en cours depuis le début de l’année. Cette réforme tiendra compte évidemment de ces travaux. Je me suis également engagée à ce que l’ensemble de l’enveloppe allouée au handicap demeure consacré aux personnes en situation de handicap.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Françoise Perol-Dumont, pour la réplique.
Mme Marie-Françoise Perol-Dumont. Madame la secrétaire d’État, j’aimerais savoir chanter pour vous faire des gammes !
Non, l’AAH n’est pas un minimum social, c’est une prestation spécifique définie dans la loi de 1975 et dans celle de 2005, que je vous invite à relire !
Les bénéficiaires de l’AAH perçoivent cette allocation au regard de critères médicaux objectifs, qui établissent un taux d’incapacité les éloignant durablement de l’emploi, voire, hélas, très durablement pour beaucoup d’entre eux.
Vous n’ignorez pas que 20 % seulement des bénéficiaires de l’AAH travaillent, majoritairement dans des établissements et services d’aide par le travail, car ils ont besoin de ces structures.
La société inclusive dont le Gouvernement parle très souvent, madame la secrétaire d’État, ce n’est pas seulement une belle formule pour des effets de tribune. Une société inclusive, c’est une société qui s’adapte aux besoins spécifiques des personnes en situation de handicap que la vie n’a pas épargnées. Elle met en place pour chacune et pour chacun les mesures adaptées pour tendre vers l’équité. Telle n’est pas, à l’évidence, la philosophie du RUA. On verra d’ailleurs bien ce qu’il en adviendra.
Quoi qu’il en soit, je vous en conjure : l’AAH ne peut pas et ne doit pas disparaître au profit du RUA, car – je le répète – l’AAH n’est pas un minimum social !
poursuite et extension du dispositif « territoires zéro chômeur de longue durée »
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Mouiller, auteur de la question n° 985, adressée à Mme la ministre du travail.
M. Philippe Mouiller. Ma question s’adresse à Mme la ministre du travail.
Le dispositif « Territoires zéro chômeur de longue durée », créé par la loi du 29 février 2016 d’expérimentation territoriale visant à résorber le chômage de longue durée, a d’ores et déjà fait la preuve de son efficacité. Il s’inscrit dans le préambule de notre Constitution, qui dispose que « chacun a le devoir de travailler et le droit d’obtenir un emploi ».
Ainsi, sur les 1 849 volontaires retenus pour expérimenter ce nouveau dispositif, plus de 850 personnes durablement privées d’emploi ont été embauchées dans le cadre d’un contrat de travail classique ou ont retrouvé un emploi. Plus de 20 % d’entre elles avaient un handicap qui rendait leur insertion professionnelle encore plus difficile.
De plus, cette expérimentation a un effet d’émulation sur chacun des territoires concernés, comme j’ai pu le constater à Mauléon, dans mon département des Deux-Sèvres.
Madame la secrétaire d’État, je suis étonné que le projet de loi d’extension de ce dispositif ne soit toujours pas inscrit à l’ordre du jour du Parlement.
Le Président de la République avait annoncé en septembre 2018, lors de la présentation de la stratégie de lutte contre la pauvreté, l’extension de l’expérimentation à 50 nouveaux territoires. Il a également insisté le 1er mars 2019, à Bordeaux, lors d’un grand débat, sur l’urgence d’étendre le dispositif.
Plus d’une centaine de territoires se sont déjà déclarés volontaires et sont dans l’attente de l’adoption de ce texte. Par ailleurs, 200 parlementaires soutiennent cette initiative et la Belgique s’apprête à expérimenter le projet.
Le président du Sénat lui-même vient de saisir le CESE (Conseil économique, social et environnemental) d’une demande d’avis sur la prévention et la réduction du chômage de longue durée, faisant référence à cette expérience.
L’extension du dispositif restait suspendue aux conclusions de rapports qui, aujourd’hui, sont connues. Ma question est simple : dans quel délai la deuxième loi d’expérimentation tant attendue sera-t-elle présentée au Parlement ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Christelle Dubos, secrétaire d’État auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de Muriel Pénicaud, retenue dans le cadre des concertations sur les retraites.
L’essaimage, ainsi que l’ouverture du dispositif « Territoires zéro chômeur de longue durée », est une mesure de la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté.
Lutter contre le chômage de longue durée constitue l’une des priorités du Gouvernement et des réformes qu’il mène depuis deux ans.
S’agissant de l’expérimentation territoriale visant à résorber le chômage de longue durée prévue par la loi du 29 février 2016, elle a été lancée de manière opérationnelle en janvier 2017. Nous en sommes donc à trois années tout juste de mise en œuvre.
Depuis 2017, douze entreprises à but d’emploi (EBE) ont été créées sur les dix territoires qui ont été retenus après appel à projets. Ce sont 900 personnes privées d’emploi qui ont pu être recrutées, dont 750 sont actuellement salariées. Je puis vous assurer à ce titre que le ministère du travail apporte son plein soutien à cette démarche expérimentale.
Ainsi, 1 000 équivalents temps plein supplémentaires seront financés en 2020, en cohérence avec la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté.
La contribution totale de l’État s’élève à 28,5 millions d’euros dans le cadre de la loi de finances initiale pour 2020, soit une progression de 6,13 millions d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2019.
Cette expérimentation est intéressante, car elle permet de tester des modalités innovantes de lutte contre le chômage de longue durée. Comme toute expérimentation, il est désormais important de prendre du recul pour l’évaluer et partager avec tous les acteurs un diagnostic.
C’est dans ce sens que Muriel Pénicaud a réuni lundi 25 novembre dernier Laurent Grandguillaume, l’association qui porte l’expérimentation, le comité scientifique qui a remis son évaluation intermédiaire et les inspecteurs de l’IGAS (inspection générale des affaires sociales) et de l’IGF (inspection générale des finances) qui ont conduit une évaluation économique. Les rapports, comme vous l’avez rappelé, sont maintenant publics. Lors de cette réunion, chacun a pu partager ses conclusions. Elles convergent pour une grande part, qu’il s’agisse des fragilités comme des points positifs.
C’est pourquoi Muriel Pénicaud a demandé à l’association qui porte l’expérimentation et à ses services de poursuivre le travail de diagnostic – une réunion a eu lieu en décembre – pour permettre, dans les prochaines semaines, de faire des annonces sur les suites à donner à cette expérimentation.