Mme la présidente. Je vous invite à conclure, madame la ministre !
Mme Élisabeth Borne, ministre. Enfin, sur ce sujet, la Commission européenne aura également l’occasion de faire des avancées.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Husson, pour la réplique.
M. Jean-François Husson. Nous partageons la volonté de décarboner notre économie, madame la ministre. Pour ce faire, il faut d’abord changer de modèle, ce qui suppose de mener un travail collectif avec tous les acteurs sous l’autorité de l’État, mais pas seulement.
Vous venez d’évoquer les obligations vertes, mais il faut aller beaucoup plus loin. Le Gouvernement doit commencer par baisser la fiscalité, dont le niveau est aujourd’hui insupportable. Notre pays étant lourdement endetté, nous devons faire confiance aux entreprises en leur montrant le chemin, en les aidant et en les accompagnant. Seules de nouvelles pratiques nous permettront de verdir notre économie tout en baissant la fiscalité.
C’est le chemin que je vous invite, que je nous invite à emprunter pour réussir demain à financer la décarbonation de notre économie. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La parole est à M. Franck Montaugé.
M. Franck Montaugé. EDF a trois défis majeurs à relever : le défi de la transition énergétique dans le cadre de la stratégie nationale bas-carbone et des objectifs de développement des énergies renouvelables ; le défi financier posé par sa dette, les besoins de financement des investissements et le maintien injustifié de l’Arenh ; le défi de la souveraineté énergétique nationale, l’État et les collectivités territoriales devant garder la totale maîtrise de la gestion de ce bien premier et stratégique qu’est l’électricité.
Pour répondre à ces objectifs dans l’intérêt général de la Nation, deux conceptions s’opposent : celle du Gouvernement, exprimée dès mars 2016 à l’Assemblée nationale par le Président de la République, qui était alors ministre de l’économie, à savoir la scission des composantes du groupe, du démantèlement – c’est le mot qu’il a employé lui-même ce jour-là –, à l’instar de ce qui s’est passé et se passe encore pour Engie, ex-Gaz de France ; l’autre conception est celle de ceux qui pensent comme moi que l’intégration actuelle du groupe EDF est un atout majeur et qu’elle doit être confortée, non par dogme, mais par souci d’efficacité à long terme pour une industrie de réseaux par nature très capitalistique, dans l’intérêt premier des clients et des collectivités locales, qui doutent et craignent la remise en question du régime des concessions et des principes qui ont fait preuve de leur efficience, comme celui de la péréquation tarifaire.
Madame la ministre, dans ce contexte flou, anxiogène pour les personnels concernés, attisé en particulier par l’hypothèse que vous avez exprimée d’un mix électrique à 100 % de ressources renouvelables, pouvez-vous préciser l’épure et la justification par le Gouvernement du projet Hercule que vous avez soumis au président d’EDF ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre de la transition écologique et solidaire. N’inversons pas les rôles : ce n’est pas le Gouvernement qui propose des projets de réorganisation d’EDF. Le Gouvernement pose un cadre pour la politique énergétique – il me semble que c’est son rôle –, et il souhaite qu’EDF trouve la meilleure organisation, dans le cadre d’une entreprise intégrée, pour relever les défis de la transition énergétique, qui sont au cœur de la transition écologique que nous devons mener.
M. Roland Courteau. Ce n’est pas ce que nous a dit M. Lévy !
M. Fabien Gay. Et l’État actionnaire ?
Mme Élisabeth Borne, ministre. Permettez-moi de réaffirmer l’attachement fort du Gouvernement au rôle central d’EDF dans ce défi de la transition énergétique. C’est la raison pour laquelle, dans le cadre de la programmation pluriannuelle de l’énergie, il est demandé à EDF à la fois de poursuivre l’exploitation du parc nucléaire existant jusqu’à cinquante ans et de participer à un développement massif des énergies renouvelables.
Je pense qu’EDF répond bien à ces différents défis, notamment en étant présent dans quatre des sept parcs éoliens offshore qui ont été attribués jusqu’à présent.
EDF est aussi l’acteur central de la transition énergétique au travers des réseaux électriques Enedis et RTE, qui auront un rôle de plus en plus important à jouer dans ce cadre.
Notre préoccupation est qu’EDF ait bien les moyens de participer à ces investissements sans précédent pour la transition énergétique et que l’on trouve la meilleure organisation tout en maintenant une régulation des prix du nucléaire historique, parce qu’une telle régulation apporte de la sécurité à l’entreprise comme aux consommateurs français.
L’organisation qui sera proposée devra répondre à tous ces défis.
Mme la présidente. La parole est à M. Franck Montaugé, pour la réplique.
M. Franck Montaugé. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre. Toutefois, lors de son audition, M. Lévy a tenu des propos sensiblement différents des vôtres.
M. Roland Courteau. C’est vrai !
M. Franck Montaugé. Permettez-moi de souligner l’enjeu majeur que constitue pour nous la maîtrise totale des réseaux. Après vous avoir entendue, on ne sait toujours pas comment Enedis pourrait rester totalement publique, par exemple en étant intégrée dans l’entité EDF Vert, dont le capital sera ou serait privatisé.
Le regroupement d’Enedis et de RTE dans une entité réseau 100 % publique me paraîtrait pertinent. L’énergie est un bien commun. À ce titre, elle devrait être soustraite à toute logique de spéculation financière.
Mme la présidente. Il faut conclure, cher collègue !
M. Franck Montaugé. Or il me semble que tel n’est pas le sens du projet Hercule.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Gremillet.
M. Daniel Gremillet. Depuis sa création en 1946, EDF occupe une place singulière dans notre paysage industriel. Elle constitue un pan incommensurable de notre patrimoine, auquel les Français sont très attachés.
Sur le plan énergétique, elle est garante de notre indépendance et le fer de lance de notre transition. Sans l’engagement résolu de notre grand énergéticien, l’objectif de neutralité carbone découlant de la loi Énergie-climat ne pourrait être atteint.
Or EDF est actuellement confrontée à de lourdes difficultés. Le groupe fait face au mur de l’investissement : grevé d’une dette de 33,4 milliards d’euros, il doit parvenir à financer le grand carénage, les EPR de Flamanville et d’Hinkley Point, les plans solaire et stockage, sans compter les six nouveaux projets d’EPR à l’étude.
Madame la ministre, sur ces derniers projets, on ne comprend pas la position du Gouvernement, qui étudie en parallèle un scénario 100 % renouvelable.
Les surcoûts du chantier de Flamanville, dont le budget de 12,4 milliards d’euros dépassera de huit fois le budget initial, sont symptomatiques de ces difficultés. Sans l’appui de l’État, le plan d’action que doit présenter EDF sur ce dossier sera bien impuissant pour sortir de l’ornière.
Le projet de réorganisation Hercule est présenté comme le moyen de dégager des capacités d’investissement supplémentaires, mais ce serait au prix de l’ouverture du capital d’un tiers des activités du groupe, dont la distribution moyenne et basse tension. Cette éventualité suscite l’inquiétude des élus, en particulier des élus locaux, et des salariés.
Dans le même temps, EDF doit faire face à la concurrence, notamment dans la perspective du relèvement du plafond de l’Arenh et du renouvellement des concessions hydroélectriques.
En cette période d’incertitude, comment le Gouvernement entend-il accompagner EDF ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre de la transition écologique et solidaire. Je partage tout à fait votre constat : EDF a des défis très importants à relever.
L’accompagnement de la transition énergétique que vous avez mentionné suppose d’investir dans les énergies renouvelables. Nous souhaitons qu’EDF soit un acteur central de la production d’énergies renouvelables ; c’est d’ailleurs ce que prévoit la programmation pluriannuelle de l’énergie. Cet accompagnement suppose également de financer le grand carénage du parc existant.
Par ailleurs, les réseaux nécessitent des investissements. À titre d’exemple, le déploiement du compteur Linky représente un investissement très important.
Dans ce contexte où EDF doit assumer des investissements considérables, soyez assuré que le Gouvernement est attentif à la situation financière de l’entreprise. C’est notamment ce qui a conduit l’État à apporter au cours des dernières années un concours substantiel, notamment pour la recapitalisation de l’entreprise en mars 2017. C’est également ce qui conduit l’État, en tant qu’actionnaire d’EDF, à privilégier depuis plusieurs années la perception des dividendes sous forme d’actions pour laisser des marges de manœuvre financières à l’entreprise.
Notre objectif est bien de sécuriser la trajectoire financière de l’entreprise. Je suis d’ailleurs surprise de vous entendre critiquer la régulation du nucléaire historique, car celle-ci me paraît constituer un élément très important pour sécuriser la trajectoire financière d’EDF.
Tel est le sens des discussions qui sont conduites.
Pour EDF comme pour les autres acteurs, le positionnement sur les énergies renouvelables peut se faire au travers des différents soutiens, notamment les tarifs de rachat, qui permettent d’investir en toute sécurité dans ce secteur.
Nos attentes vis-à-vis d’EDF sont nombreuses,…
Mme la présidente. Il faut conclure !
Mme Élisabeth Borne, ministre. … mais je pense que notre entreprise dispose de tous les moyens pour se positionner au cœur de la transition énergétique de notre pays.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Gremillet, pour la réplique.
M. Daniel Gremillet. EDF est un dossier très particulier, parce que cette entreprise fait partie des réussites de notre pays. Si l’aménagement numérique des territoires est un échec, leur desserte énergétique est un succès pour les ménages comme pour les entreprises. C’est pourquoi ce sujet est capital.
Il est également capital pour la reconquête industrielle de notre pays, car la compétitivité de notre économie dépendra de la stratégie choisie par le Gouvernement en matière d’énergie et de coût de l’énergie.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Michel Houllegatte.
M. Jean-Michel Houllegatte. Parmi les principes qui ont présidé à l’élaboration de la programmation pluriannuelle de l’énergie figure la nécessité de disposer d’une énergie, certes décarbonée, mais aussi compétitive et surtout disponible, notamment pour faire face aux heures de pointe et aux variations saisonnières. De même, la nécessité d’assurer la souveraineté énergétique de notre pays a été régulièrement soulignée comme un élément stratégique.
Le séisme qui a frappé l’Ardèche en novembre dernier a entraîné l’arrêt par précaution de trois réacteurs nucléaires. La puissance nucléaire française est ainsi tombée à 40 gigawatts du fait de l’arrêt pour maintenance d’autres réacteurs. Aussi nous sommes-nous retrouvés dans la configuration prévue à l’horizon de 2035 en termes de puissance nucléaire disponible.
Durant cette période, les vents étaient faibles et l’ensoleillement limité. Pour faire face à la demande énergétique, les centrales fonctionnant au charbon, au gaz ou au fioul ont donc tourné à plein régime. La France, qui était quelques jours auparavant exportatrice d’électricité, est devenue importatrice, essentiellement depuis l’Allemagne et l’Espagne.
Mes questions sont donc les suivantes : n’y a-t-il pas un risque pour la France de voir croître sa dépendance aux importations dans un contexte où beaucoup de pays européens prévoient eux aussi de fermer des centrales au fioul ou au charbon produisant à la demande – on comprend pourquoi sur le plan environnemental –, cela en espérant qu’un pays voisin puisse, en cas d’absolue nécessité, leur fournir l’électricité dont ils ont besoin ? La souveraineté de notre pays a-t-elle été appréhendée dans la PPE sur le moyen terme ? N’y a-t-il pas nécessité de se doter d’une véritable stratégie européenne coordonnée pour anticiper les situations de crise ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre de la transition écologique et solidaire. Le début de la période hivernale 2019-2020 est en effet marqué par une forte indisponibilité de notre parc nucléaire : plusieurs réacteurs ont été mis à l’arrêt par précaution et d’autres étaient encore en cours de maintenance, ce qui a porté notre capacité nucléaire à 40 gigawatts sur les 63 gigawatts installés.
Alors que la France est habituellement exportatrice d’électricité, cette situation a entraîné un niveau d’importation important, principalement en provenance d’Allemagne et d’Espagne, pour assurer la sécurité d’approvisionnement pendant ces quelques jours.
Cet épisode interroge indéniablement notre souveraineté énergétique et notre dépendance aux pays voisins. Il met aussi en lumière la nécessité de diversifier le mix électrique français pour le rendre plus résilient à des événements exogènes et, donc, moins dépendant de la production d’origine nucléaire.
Le projet de programmation pluriannuelle de l’énergie prévoit un développement extrêmement volontariste des capacités de production d’énergies renouvelables, mais également des dispositifs permettant d’accroître la flexibilité de notre système électrique, notamment ses capacités d’effacement ou de stockage, par exemple sous forme de STEP. Il s’agit notamment de disposer d’une capacité de production de 74 gigawatts, soit une augmentation de 50 % par rapport à la capacité actuelle, et entre 102 et 103 gigawatts en 2028, soit un doublement. Il s’agit aussi d’augmenter nos capacités d’effacement pour les porter à 6,5 gigawatts.
Le projet de programmation pluriannuelle prévoit également d’engager, d’ici à 2023, des projets de stockage sous forme de STEP afin de porter de 1 à 2 gigawatts les capacités entre 2025 et 2030.
Au travers de la programmation pluriannuelle de l’énergie, nous nous donnons donc tous les moyens pour assurer notre souveraineté énergétique avec de l’énergie décarbonée.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Michel Houllegatte, pour la réplique.
M. Jean-Michel Houllegatte. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre. Je partage les éléments d’analyse que vous nous avez communiqués, à une différence près.
S’il me paraît nécessaire d’améliorer nos capacités de stockage de l’énergie et, ainsi, de rendre nos systèmes plus résilients, j’estime qu’il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain : il faut être extrêmement vigilant en matière de seuil nucléaire à ne pas dépasser.
On parle beaucoup des énergies renouvelables. C’est très bien, mais il faut savoir que le rendement du solaire se situe autour de 14 %, et que 30 gigawatts installés ne produisent que 4,2 gigawatts à pleine puissance. Le rendement de l’éolien est de 25 %, et on espère que celui de l’éolien offshore se situera autour de 40 %, quand le rendement du nucléaire est de 70 %.
Mme la présidente. La parole est à M. Cyril Pellevat.
M. Cyril Pellevat. Ma question se rapproche de celle de mon collègue Gremillet, mais elle vous permettra peut-être de donner des éléments complémentaires, madame la ministre.
EDF est le premier producteur européen d’électricité, mais cette entreprise doit gérer à l’heure actuelle une montagne de dettes récemment estimées à 37 milliards d’euros.
Les inquiétudes se multiplient au regard des 46 milliards d’euros que représente le coût de construction de six nouveaux réacteurs nucléaires. Le coût de construction d’un réacteur, d’environ 7 milliards d’euros, est certes moins élevé que dans les autres pays européens où l’on constate un coût moyen de 12 milliards d’euros par réacteur, mais cela ne suffit pas à rassurer.
Une fois la mise en service de Flamanville effective, le Gouvernement devra se prononcer sur la construction ou non de six nouveaux réacteurs pour remplacer une partie du parc actuel, dont près de la moitié se rapproche de la fin de vie.
De plus, EDF construit deux réacteurs de la même génération pour la centrale d’Hinkley Point en Angleterre. Or les délais et les coûts ont déjà dérapé : la facture, qui devrait être à la charge d’EDF, approche les 12 milliards d’euros.
Notre électricien public est structurellement pénalisé par des règles qui visent à faire émerger un secteur concurrentiel en France, mais qui, selon Jean-Bernard Lévy, se retournent contre le contribuable.
Les dernières annonces du Président Emmanuel Macron sur l’éolien offshore ne semblent pas compatibles avec la construction de nouveaux EPR envisagée par EDF. Le scénario 100 % énergies renouvelables est en train de s’écrire aux dépens de l’électricien national surendetté, dont les choix stratégiques semblent de plus en plus soumis aux aléas de la politique.
La dette d’EDF pèse, à tous égards et à court ou moyen terme, directement sur les Français. C’est pourquoi le Gouvernement a demandé à Jean-Bernard Lévy de remettre un projet de réorganisation de l’entreprise nommé Hercule.
Ce projet d’envergure semble susciter un mécontentement général au sein de l’entreprise, que ce soit des salariés, des syndicats ou de la direction. En effet, cette réorganisation de l’entreprise vise à diviser la société en deux entités, en séparant les activités de production d’électricité et celles de vente et de distribution. Deux entreprises distinctes seraient alors créées : d’un côté, un « EDF Bleu », nationalisé, regroupant le nucléaire et l’hydraulique, lourdement endetté et à la charge exclusive de la collectivité ; de l’autre, un « EDF Vert », qui chapeauterait les énergies renouvelables, le commerce, Enedis et le réseau des petites lignes électriques et serait ouvert aux investisseurs privés.
Un projet de réorganisation d’EDF semble inévitable pour sauver l’entreprise,…
Mme la présidente. Il faut conclure, cher collègue !
M. Cyril Pellevat. … mais il est à la peine.
Madame la ministre, pourriez-vous nous éclairer sur les actions du Gouvernement pour sauver cette entreprise publique et les avancées de ce projet ?
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre de la transition écologique et solidaire. La dette d’EDF a effectivement augmenté ces dernières années, du fait en particulier d’investissements très importants, notamment le grand carénage et la mise en place des compteurs Linky.
EDF a mené des actions structurantes depuis plusieurs années pour assurer la maîtrise de sa trajectoire financière. De son côté, l’État a apporté un concours substantiel au groupe EDF au cours des dernières années, notamment au travers de la recapitalisation menée en mars 2017. Il a également fait le choix de percevoir les dividendes sous forme d’actions.
J’en viens aux actions menées pour qu’EDF prenne toute sa place dans la transition énergétique. Au travers de la programmation pluriannuelle de l’énergie, le Gouvernement demande à EDF de jouer un rôle central, d’une part, par la poursuite de l’exploitation du parc nucléaire existant jusqu’à cinquante ans et, d’autre part, par le développement massif des énergies renouvelables, du stockage et des réseaux intelligents.
Je note avec satisfaction qu’EDF prend toute sa place dans le développement de nos énergies renouvelables. Par exemple, quatre des sept parcs éoliens offshore ont été attribués à EDF.
C’est dans ce contexte que le Gouvernement a demandé au président d’EDF de réfléchir à l’évolution de l’organisation du groupe, afin de lui permettre de disposer de capacités d’investissement accrues et de participer pleinement à la transition énergétique.
S’agissant du nucléaire, une discussion est engagée avec la Commission européenne sur la sécurisation de la régulation du nucléaire historique. Une telle régulation est nécessaire pour donner de la visibilité à l’entreprise et permettre son positionnement sur le marché des énergies renouvelables. De plus, ce positionnement se fera de façon équitable vis-à-vis des autres acteurs, puisque les tarifs de rachat sécurisent les investissements et permettent de garantir des conditions de financement avantageuses pour n’importe quel opérateur, a fortiori pour EDF.
Mme la présidente. Il faut conclure, madame la ministre !
Mme Élisabeth Borne, ministre. Le Gouvernement compte sur EDF pour être l’acteur central de notre transition énergétique.
Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Chaize.
M. Patrick Chaize. Permettez-moi d’associer à ce propos ma collègue sénatrice du Jura, Marie-Christine Chauvin, qui devait intervenir cet après-midi, mais qui n’a pu être parmi nous, faute de transports.
Ma question porte sur les projets de réacteurs nucléaires Astrid et EPR 2.
Je m’interroge sur la décision d’arrêter les études préalables à la réalisation du prototype Astrid, réacteur à neutrons rapides de quatrième génération. La mise au placard de ce projet a en effet suscité beaucoup de réactions négatives, notamment au sein de la filière nucléaire française.
La France a longtemps été aux avant-postes du développement de cette filière de surgénérateurs. Les caractéristiques de ces réacteurs apparaissent particulièrement adaptées à la situation énergétique et environnementale, qui se dessine à la fois pour notre pays et pour la planète. Ceux-ci ont un rendement infiniment plus élevé que les réacteurs actuels : avec la même quantité d’uranium, ils produisent de soixante à cent fois plus d’électricité. De plus, tout comme les réacteurs nucléaires actuels, ces réacteurs de quatrième génération produiraient de l’électricité sans émettre de gaz à effet de serre. Ils permettraient également le recyclage complet des matières énergétiques et la transmutation de certains types de déchets nucléaires à longue durée de vie. C’est une forme d’économie circulaire tant souhaitée par nos concitoyens et une partie de la réponse à la problématique du stockage des déchets.
Je voudrais que vous puissiez également m’éclairer sur le calendrier de réalisation des projets EPR 2.
L’expérimentation en cours à Flamanville a certes démontré la complexité d’un tel programme, qui n’a malheureusement sûrement pas été suffisamment anticipée, mais elle ne doit pas nous immobiliser au milieu du gué. L’électricité nucléaire est nécessaire au mix énergétique. Ne nous voilons pas la face, la France a un rôle prépondérant à jouer.
À quand une décision courageuse concernant le lancement de ces projets et le choix des sites retenus ? Le département de l’Ain est prêt à accueillir une telle installation sur son site de Saint-Vulbas. Les infrastructures sont présentes, les surfaces sont disponibles, et le besoin en énergie prépondérant. (M. Daniel Gremillet applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Élisabeth Borne, ministre de la transition écologique et solidaire. La programmation pluriannuelle de l’énergie a confirmé la détermination de la France à poursuivre l’étude des options technologiques qui pourraient assurer la fermeture complète du cycle sur le long terme. Jusqu’à présent, les efforts de recherche se sont concentrés sur le déploiement de la filière des réacteurs à neutrons rapides de quatrième génération refroidis au sodium.
Pour autant, le constat partagé par le Gouvernement et la filière est que les ressources en uranium sont abondantes et disponibles à bas prix au moins jusqu’à la deuxième moitié du XXIe siècle. Dans ces conditions, le déploiement de réacteurs à neutrons rapides n’apparaît pas nécessaire avant cet horizon. C’est ce qui a conduit le Gouvernement à réorienter les efforts de R&D vers un programme visant à renforcer et à maintenir les compétences sur la connaissance de la physique des réacteurs à neutrons rapides et des procédés du cycle associés.
S’agissant des programmes EPR, il est prévu d’étudier tous les scénarios dans le cadre de la programmation pluriannuelle de l’énergie, depuis la construction de nouveaux réacteurs nucléaires jusqu’au projet d’atteindre un mix 100 % renouvelable. Le Gouvernement s’est fixé un jalon mi-2020 pour examiner un premier bilan des réflexions menées, étant entendu qu’aucune décision n’interviendra avant la mise en service de l’EPR de Flamanville, aujourd’hui prévue fin 2022.
Parmi les nombreux sujets à l’étude, la question de la démonstration par la filière de sa capacité à relever, sur le plan de la qualité industrielle et de la maîtrise des délais et des coûts, le défi que représenterait la construction de réacteurs est bien sûr primordiale.
Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Chaize, pour la réplique.
M. Patrick Chaize. Madame la ministre, j’ai bien entendu que l’uranium était disponible en quantité suffisante. Néanmoins, le fait de pouvoir travailler avec ce type d’équipement permettrait de régler un autre problème important, celui des déchets. De plus, cela permettrait à la filière d’acquérir et de conserver une compétence spécifique et de rester compétitive au niveau mondial. Il serait dommageable que, dans les années à venir, on soit obligé d’acheter des surgénérateurs à l’étranger.
Mme la présidente. La parole est à Mme Martine Berthet.
Mme Martine Berthet. Il y a maintenant plus de soixante-quinze ans, la France décidait de canaliser la puissance de l’eau par la construction de barrages, afin d’en prendre le meilleur et de créer de l’énergie. Aujourd’hui, d’aucuns verraient bien ces chefs-d’œuvre nationaux concédés à des puissances économiques étrangères.
Dès 2007, la France a entièrement ouvert son marché à la concurrence. Pourtant, en 2015, la Commission européenne exhortait notre pays à aller plus loin en incluant dans le champ de la concurrence nos moyens de production électrique, dont les barrages hydroélectriques. En mars 2019, elle a même engagé une procédure d’infraction. Notre pays serait donc le premier à ouvrir ce secteur à la concurrence.
En 2016, lors de la transposition de la directive européenne qui prévoit l’ouverture des concessions de service public à la concurrence mondiale, la France n’a pas prévu d’exempter ses barrages, à l’inverse d’autres pays européens. La gestion de nos installations hydroélectriques est ainsi à la merci des intérêts de puissances étrangères et d’acteurs privés. Les bénéfices estimés à environ 1,25 milliard d’euros viennent logiquement attiser la convoitise des investisseurs privés.
Par ailleurs, comme le pointe un rapport de 2013, une hausse mécanique du prix de l’électricité pour les consommateurs serait inéluctable. N’avons-nous pas déjà vécu cela lors de la privatisation des autoroutes ? N’est-ce pas suffisant ?
Les Alpes comprennent pas moins de 132 barrages, dont 26 en Savoie. Un large consensus se dessine dans la population, comme chez les élus locaux et nationaux, pour rejeter cette mise en concurrence jugée dangereuse et irrationnelle.
Comment pourrait-on sacrifier un tel patrimoine, source d’emplois qualifiés, directs, indirects et induits pour des femmes et des hommes dotés d’un haut niveau d’expertise ? Comment pourrait-on sacrifier un patrimoine respectueux de l’écologie, puisque l’énergie hydroélectrique représente environ 13 % de la production d’électricité française et 70 % de la production d’énergies renouvelables ? Comment pourrait-on sacrifier un patrimoine qui assure une telle sécurité d’approvisionnement, car il s’agit du premier moyen de stockage de l’électricité – on voit les STEP se développer ? Comment, enfin, pourrait-on sacrifier un patrimoine qui assure une telle sécurité en matière de gestion des crues, qui constitue une source froide pour les installations nucléaires, une source d’irrigation agricole et d’eau potable ?