M. Yvon Collin. Eh oui !
M. Jean-Claude Requier. S’agissant des aspects les plus positifs, je note, pour ma part, le doublement des crédits alloués à l’Agence nationale de la cohésion des territoires, dont la création est due à une initiative de notre groupe, ainsi que la revalorisation à 10 millions d’euros de la prime d’aménagement du territoire.
Sur d’autres missions, nous avons également rencontré quelque succès, comme la revalorisation de 2 points de la retraite des anciens combattants, défendue par Nathalie Delattre, ou encore le déplafonnement de la dotation aux bourgs-centres, défendu par Maryse Carrère.
La défense des intérêts des départements est également un axe de notre politique, avec la préservation de leurs ressources propres, comme les produits des droits de mutation, en particulier dans les départements ruraux, mais aussi dans la grande couronne de la région parisienne.
Je salue enfin la prorogation du prêt à taux zéro en zone rurale, dans les conditions fixées par l’article 50 bis, dont la possible suppression avait suscité de nombreuses inquiétudes.
Toutefois, ces éléments ne peuvent faire oublier le rejet d’autres propositions, comme l’élargissement de l’assiette de l’impôt sur le revenu, la TVA réduite sur des produits de première nécessité, ou encore une nouvelle répartition du produit de l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseau.
Plus largement, comment se prononcer sur un budget amputé de cinq missions – et non des moindres, puisque sont concernés la justice, l’intérieur ou encore l’agriculture ? Les raisons du rejet de ces crédits sont parfois légitimes, parfois plus simplement partisanes…
Aussi, la majorité des membres du groupe du RDSE s’abstiendra sur le vote de l’ensemble de ce projet de loi de finances, modifié par le Sénat ; certains d’entre nous voteront contre ; un votera pour. La diversité du vote est le symbole de notre liberté ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Julien Bargeton, pour le groupe La République En Marche. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
M. Julien Bargeton. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur général, monsieur le président de la commission, que je tiens à mon tour à remercier, mes chers collègues, je commencerai mon propos en rappelant l’axe principal de ce projet de loi de finances : la baisse des prélèvements obligatoires.
Ce texte tend effectivement à réduire les impôts et les taxes, dont le niveau est encore trop élevé dans notre pays. L’objectif de réduction d’un point de PIB sera atteint, voire dépassé sur la durée du quinquennat, tant pour les entreprises que pour les particuliers. Nous obtiendrons en effet un niveau de prélèvements obligatoires de 44,3 % du PIB à l’horizon de 2020.
M. Philippe Dallier. On n’en sait rien !
M. Julien Bargeton. C’est là l’objectif fondamental !
Je vous rappelle que, pour les ménages, les prélèvements obligatoires diminueront de 9,3 milliards d’euros en 2020, avec la baisse de l’impôt sur le revenu des classes moyennes de 5 milliards d’euros – c’est important –, la suppression de la taxe d’habitation pour 80 % des ménages et la défiscalisation des heures supplémentaires.
Ce dernier point figurait dans de nombreux programmes des candidats aux primaires, de la gauche comme de la droite, pour les élections présidentielles. Je pense donc que nous pourrions converger sur ce point.
Les prélèvements obligatoires sur les entreprises baisseront, quant à eux, de 1 milliard d’euros l’an prochain.
Au total, nous nous sommes engagés sur une trajectoire de 40 milliards d’euros de réduction d’impôts sur la durée du quinquennat : 27 milliards d’euros en moins pour les ménages, 13 milliards d’euros en moins pour les entreprises. C’est inédit !
C’est pourquoi, me semble-t-il, nous pourrions aussi nous rassembler autour de cette perspective.
Les autres axes stratégiques du présent projet de loi de finances vont, d’ailleurs, dans le même sens.
Je pense à la nouvelle vague de suppression d’impôts et de taxes à faible rendement, ainsi qu’aux mesures de lutte contre la fraude, notamment sur les plateformes électroniques.
M. Loïc Hervé. Il ne faut pas s’en vanter !
M. Julien Bargeton. À cela s’ajoute l’investissement dans les secteurs prioritaires : 1 milliard d’euros pour le dédoublement des classes de CP et de CE1, 1,7 milliard d’euros pour les armées, 4 milliards d’euros de plus pour la prime d’activité entre 2018 et 2022, ce qui représente une revalorisation de 100 euros au niveau du SMIC.
Il y a les orientations du texte, et il y a ce qui ressort du débat parlementaire.
De ce point de vue, nos débats ont été de grande qualité, souvent techniques : je pense à la discussion sur les transmissions à titre gratuit, sur le réajustement du taux de la taxe sur les excédents de provisions, sur ce que l’on appelle le carried interest, sur le fonds de compensation pour la TVA, sur le split payment, sur le crédit d’impôt recherche, etc.
Oui, nous avons eu une série de débats techniques, intéressants et, souvent, pertinents, mais force est de constater que, à l’issue de ces débats, les grands équilibres du texte n’ont pas été modifiés.
L’article 2 relatif à la baisse d’impôt sur le revenu n’a pas été supprimé. L’article 5 portant réforme de la taxe d’habitation a été maintenu. L’article 11 tendant à réduire l’impôt sur les sociétés n’a pas été rejeté. L’article 16 visant à supprimer le taux réduit de TICPE sur le gazole non routier a été voté. La refonte des taxes sur les véhicules à moteur de l’article 18 ou la réforme du CITE ont été adoptées. L’article 57, enfin, sur l’exploitation des données publiques des réseaux sociaux par le fisc a été conservé, certes avec des modifications.
M. Loïc Hervé. Le Conseil constitutionnel se chargera de le supprimer !
M. Julien Bargeton. Taxe d’habitation, impôt sur le revenu, impôt sur les sociétés, fiscalité écologique, lutte contre la fraude fiscale, aucune grande orientation de ce texte n’a été supprimée par la majorité sénatoriale. Malgré vos efforts, monsieur Dallier, pour nous démontrer tous vos apports, vous n’avez pas substantiellement modifié le PLF,… (M. Martin Lévrier applaudit.)
M. Philippe Dallier. Soyons sérieux !
M. Julien Bargeton. … à tel point que même vos amendements structurants ont été rejetés !
L’amendement de MM. Bruno Retailleau et Philippe Dominati tendant à réduire l’impôt sur les sociétés a été rejeté, tout comme l’amendement de M. Vincent Delahaye proposant une refonte de l’impôt sur le revenu. Telle est la réalité !
Nous avons également rejeté certains amendements émanant de la gauche de l’hémicycle, notamment la proposition d’une hausse de l’impôt sur le revenu de 2 milliards d’euros, qui aurait pesé sur les ménages, donc sur les classes moyennes.
Mme Éliane Assassi. Et les yachts ?
M. Éric Bocquet. Et l’impôt de solidarité sur la fortune ?
M. Julien Bargeton. En réalité, mes chers collègues de la droite sénatoriale, vous n’avez nullement modifié l’équilibre du texte ! (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Élisabeth Lamure. Arrêtez !
M. Julien Bargeton. Pourtant nous allons nous abstenir. Pourquoi ? Parce que vous avez tout de même fait quelque chose, vous avez rejeté le budget de cinq missions ! Certes, il en découle des économies… Mais qui peut imaginer que l’on se passe de politique agricole, de politique de sécurité ou de politique de la justice ?
Et vous appelez cela une réduction du déficit ? (Exclamations sur les mêmes travées.) C’est une réduction factice, un équilibre factice ! On ne peut pas réduire à néant cinq politiques publiques, et vous le savez très bien ! Cela ne correspond à aucun retour réel à l’équilibre budgétaire !
D’ailleurs, vous avez lâché la bride sur la fonction publique : il y a eu le glissement-vieillesse-technicité, les jours de carence et le temps de travail…
Nous sommes d’accord, évidemment, sur la nécessité de réformer et transformer la fonction publique. (Exclamations sur les mêmes travées.)
Mme Catherine Troendlé. Alors ?
M. Julien Bargeton. Mais, au moment où le Sénat se fait le porte-voix des corps intermédiaires, qu’il appelle à leur respect, vous allez d’un trait de plume, sans même engager une négociation avec les organisations syndicales (Exclamations sur les mêmes travées.), remettre en cause les conditions de travail et la rémunération des agents. C’est avec eux qu’il faut réformer la fonction publique ! (Exclamations.)
On ne peut pas, à la fois, dire qu’il faut respecter les organisations syndicales et procéder de la sorte. Ce n’est pas une méthode réaliste !
Ce que l’on constate, c’est une certaine dichotomie : dans une partie du débat, on prétend, de manière générale, faire des économies et, dans une autre, on peine à en trouver de manière à la fois précise et réaliste. C’est de ce travers que vous avez été victimes, une fois de plus, pendant cette discussion budgétaire.
C’est pour ces raisons que notre groupe s’abstiendra. Nous saluons les décisions structurantes contenues dans ce projet de loi de finances, qui va dans le sens d’un allégement des impôts pour les classes moyennes. Nous soutenons aussi tout ce qui est entrepris en matière de maîtrise de la dépense publique (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM. – Vives exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.), mais cela ne consiste pas à inventer des économies en supprimant d’un seul coup cinq missions ! Il faut être sérieux, mes chers collègues ! (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM et sur des travées du groupe RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Stéphane Ravier, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
M. Stéphane Ravier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les conséquences dévastatrices de l’entêtement du Gouvernement semblent ne pas vraiment lui sauter aux yeux !
Un avertissement électoral sévère en mai, des grèves et un mouvement des « gilets jaunes » qui persistent, des manifestations de pompiers, d’avocats, de paysans et de policiers, dont le nombre de suicides est toujours plus important.
Une insécurité qui grandit, des Français qui travaillent, mais qui n’arrivent plus à boucler leurs fins de mois ou à survivre avec leur maigre allocation de retraite.
Mais rien de toute cette misère, de toute cette France de la souffrance ne vous fait changer d’avis, monsieur le secrétaire d’État. Enfermé dans votre bunker de Bercy, vous imposez l’austérité, à la recherche du moindre sou qui resterait au fond de la dernière poche des travailleurs, des familles et des retraités.
L’Élysée, de son côté, refuse de recevoir notre collègue rapporteur de la mission « Pouvoirs publics » pour le Sénat…
Mme Catherine Troendlé. C’est un scandale !
M. Stéphane Ravier. Un rapport sur les agapes d’un Emmanuel Macron et de ses apôtres ne serait sans doute pas le bienvenu en ces temps d’hyper-austérité, quand on sait, déjà, que les frais de fonctionnement du « château présidentiel » sont en hausse de 4 millions d’euros pour 2020.
En outre, dans quel état sont nos comptes publics ? Leur redressement n’est vraiment plus d’actualité ! D’ici à 2022, la réduction de l’endettement sera de 0,7 point de PIB, alors qu’il était prévu qu’elle atteigne 7,8 points, soit dix fois plus ! Votre trajectoire budgétaire est désastreuse.
Dans le même temps où vous exigez des Français qu’ils se serrent la ceinture – quand elle a encore des trous pour ce faire ! –, vous prévoyez d’accroître les dépenses des ministères de 6,6 milliards d’euros. C’est de l’auto-engraissement étatique, au détriment du muscle économique dont nos compatriotes ont pourtant besoin !
Par ailleurs, les belles promesses printanières
Par ces engagements venus des ministères
Et qui étaient autant de bourgeons exemplaires
Laissent la place à un automne lapidaire
Où les fruits pourris des promesses non tenues
Accablent les Français aujourd’hui dans la rue.
Sur le plan de la justice, une loi printanière promettait des crédits en augmentation. Il manque aujourd’hui 150 millions d’euros à la trajectoire votée.
Sur le plan de la sécurité, nous ne voyons aucune augmentation de crédits qui aurait permis la création de nombreux postes dont nous avons besoin pour reconquérir ces fameux territoires perdus de la France, de la France française ! (Protestations sur les travées des groupes SOCR et LaREM.)
Sur le plan migratoire, c’est toujours le même paradigme : les autres avant les nôtres !
Cumulant ce qui se fait de pire à droite, avec la déréglementation tous azimuts, dans une concurrence mondiale, donc déloyale, avec ce qui se fait de pire à gauche, avec l’hyper-fiscalité qui ruine les ménages et plombe nos entreprises, triste et surtout inquiétante est l’image d’un corps étatique impuissant, impotent et même schizophrène !
Mais, cette année encore, Noël ne vous offrira pas le miracle que vous attendez… Vous souhaitiez une France « en marche », monsieur le secrétaire d’État ; elle l’est ! Elle marche dans les rues de France et de Navarre pour vous faire savoir qu’elle en a assez de votre politique, de votre stratégie, qui consiste à facturer, à fracturer, à mépriser, à diviser.
Je voterai, par conséquent, contre ce projet de loi de finances, qui n’est que la énième traduction de la position d’un gouvernement refusant toute alternative à sa ligne d’austérité généralisée.
M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
M. Éric Bocquet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, quel singulier télescopage entre ce jour de vote du projet de loi de finances au Sénat et les innombrables rassemblements et manifestations qui se déroulent, en ce moment même, dans notre pays pour la défense de notre système de retraites par répartition !
Ces journées de mobilisations font suite à l’année ininterrompue de manifestations au cours desquelles nos concitoyens réclamaient plus de justice sociale, plus de justice fiscale. En un mot : les moyens de mener une vie décente dans cette société.
Ce mouvement, monsieur le secrétaire d’État, vous l’avez souvent méprisé et vous avez beaucoup manœuvré pour tenter de contenir cette colère légitime. Il est temps de changer votre logiciel.
Durant ces dizaines d’heures de débat, la phrase que nous avons entendue le plus est la suivante : « Il faut réduire la dépense publique. » La formule a été répétée à l’envi par les uns et les autres dans cet hémicycle.
Certes, ce gouvernement a su faire assaut de communication pour vendre à l’opinion que ce budget était celui du pouvoir d’achat rendu à nos concitoyens.
L’année 2018 restera l’année durant laquelle 400 000 de nos concitoyens auront basculé dans la pauvreté. L’Insee indiquait dans son rapport annuel que le taux de pauvreté atteignait désormais 14,7 % de la population française. Quel incroyable paradoxe de compter dans ce pays, sixième puissance économique mondiale, 9 millions de gens vivant sous le seuil de pauvreté !
À vrai dire, la stratégie de communication du Gouvernement, axée sur la hausse du pouvoir d’achat et la protection de l’environnement, ne trompe personne. L’écart entre vos discours et la réalité n’a jamais été aussi prononcé !
Même vos alliés centristes du Modem à l’Assemblée nationale s’inquiètent, dans une tribune récente, de l’aggravation de la situation.
Je vais me permettre de les citer : « Il y a consensus sur les origines du mal : dans une mondialisation désordonnée et surtout dérégulée, le capitalisme provoque plus que jamais des inégalités grandissantes. Chaque Français sent bien que la croissance générale profite principalement à quelques-uns. »
Et plus loin : « Force […] est de constater que, durant l’année des gilets jaunes, les distributions de dividendes ont battu leur record historique et que les émoluments des patrons du CAC 40 ont crû de 14 %. Qu’on soit de droite, du centre ou de gauche, cette seule énonciation provoque l’indignation, explique la révolte. »
Franchement, mes chers collègues, nous n’avons rien à modifier à ce propos ; un éditorial du quotidien l’Humanité n’aurait pu mieux dire ! (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
Monsieur le secrétaire d’État, vous demandez toujours plus d’efforts à nos administrations, aux collectivités et aux Français, mais, dans le même temps, vous confirmez les cadeaux aux plus fortunés.
Pendant le quinquennat, vous aurez procédé à plus de 197 milliards d’euros d’allégements fiscaux en faveur des plus aisés et des grands groupes.
Le constat tiré de ce projet de loi de finances est, lui, sans appel : pratiquement toutes les missions budgétaires sont victimes de coups de rabot.
L’un des grands perdants n’est autre que Bercy. Les annonces de suppressions de postes n’ont cessé de pleuvoir, à tel point qu’entre 2020 et 2022 pas moins de 5 775 d’entre eux auront disparu. Pendant ce quinquennat, 10 500 postes de fonctionnaires d’État, tous départements confondus, auront été supprimés. C’est sans précédent ! Franchement, au moment où la Cour des comptes rend un rapport cinglant sur l’efficacité de votre lutte contre l’évasion fiscale, vous feriez bien d’y réfléchir à deux fois !
Les débats au Sénat n’auront pas permis de modifier la nature profonde de ce budget. Ce n’est pas le sympathique amendement de notre rapporteur général visant à créer l’impôt sur la fortune improductive, nouvelle mouture de l’IFI,…
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Une bonne idée !
M. Éric Bocquet. … qui instillera, dans notre système fiscal, un peu plus de la justice fiscale tant attendue par nos concitoyens.
Notre groupe avait proposé en première partie le rétablissement de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), la suppression de la flat tax à l’heure où les dividendes s’envolent, la mise en place d’un barème de l’impôt à 11 tranches avec un taux maximal de 65 %. Toutes ces mesures concrètes ont été balayées sans sourciller.
Les transferts de crédits décidés ici ou là, à enveloppes fermées, n’apporteront pas non plus de mieux-être à nos concitoyens. Quelques millions en plus pour les maisons de l’emploi ou ceux accordés aux collectivités pour la restauration du patrimoine ne pourront apporter plus d’efficacité aux missions budgétaires.
Une dizaine de millions d’euros seront consacrés à l’entretien des ponts, alors que le rapport du Sénat de juin 2019 demandait de créer un fonds d’aide aux collectivités territoriales d’un montant de 1,3 milliard d’euros d’ici à 2030. Constatez, mes chers collègues, que nous sommes très loin d’un « plan Marshall pour les ponts » sur dix ans !
D’ailleurs, nous avons noté que la majorité sénatoriale, jamais en reste sur de nombreux sujets fondamentaux, profite de ce projet de loi de finances pour faire voter une série d’amendements très rudes pour les fonctionnaires, en imposant, par exemple, trois jours de carence et en allongeant au passage le temps de travail. Nul doute que les agents de la fonction publique hospitalière sauront apprécier à sa juste mesure le message fort que cette majorité souhaite leur envoyer…
Au fond, les différences entre le Gouvernement et la majorité sénatoriale sont de l’ordre de la nuance.
Parmi les fondamentaux qui vous ressemblent, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues de la majorité, il y a ce fameux « redressement des comptes publics ».
Vous avez aussi voté le report d’un an de la suppression de la taxe d’habitation. Cette proposition aurait dû faire l’objet d’un rejet global, tant elle est un mauvais coup supplémentaire porté à l’autonomie financière des collectivités et au principe de libre administration ! Nous aurions ainsi pleinement joué notre rôle d’assemblée des collectivités territoriales.
L’aspiration à vivre mieux s’exprime avec force dans notre pays depuis plusieurs mois – elle s’exprime encore aujourd’hui… Vous ne voulez pas l’entendre ! Ce budget n’améliorera en rien la situation économique et sociale !
Pour terminer mon propos, mes chers collègues, je souhaitais soumettre à votre réflexion deux citations.
Voici la première : « Le capitalisme du XXe siècle n’est plus viable. La croissance ne peut plus se faire au prix d’une destruction de la planète et de l’explosion des inégalités au sein d’un même pays. » Ces mots sont ceux de M. Bruno Le Maire, dans un entretien au journal La Croix datant du 5 septembre dernier.
M. Jean Bizet. Surprenant !
M. Éric Bocquet. Voici la seconde : « Je n’ai jamais séparé la République des idées de justice sociale sans lesquelles elle n’est qu’un mot. » Il s’agit d’une citation de Jean Jaurès.
Votre budget ne porte pas la justice sociale, monsieur le secrétaire d’État. Notre groupe le rejettera à l’unanimité. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées du groupe SOCR.)
M. le président. La parole est à M. Emmanuel Capus, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants.)
M. Emmanuel Capus. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, « C’est […] dans la commune que réside la force des peuples libres. »
M. Bruno Retailleau. Tocqueville !
M. Emmanuel Capus. « Les institutions communales sont à la liberté ce que les écoles primaires sont à la science ; elles la mettent à la portée du peuple ; elles lui en font goûter l’usage paisible et l’habituent à s’en servir. Sans institutions communales, une nation peut se donner un gouvernement libre, mais elle n’a pas l’esprit de la liberté. »
Ces mots d’Alexis de Tocqueville n’ont rien perdu de leur pertinence. Ils trouvent dans cet hémicycle, au sein de la chambre des territoires, un écho plus puissant qu’ailleurs. En effet, si le Sénat s’attache à défendre les institutions communales, et leur autonomie financière, c’est d’abord par la conviction qu’elles se trouvent au fondement de notre démocratie.
Alors que nous nous apprêtons à nous prononcer sur l’ensemble du projet de loi de finances pour 2020, cette conviction nous oblige tout particulièrement.
Elle nous oblige parce que ce budget, qui doit lancer l’acte II du quinquennat, redéfinit assez largement les contours de la fiscalité locale. Sous l’allégorie de la prudence, qui veille sur les travées de notre assemblée, nous devons faire preuve de la plus grande vigilance et de la plus grande exigence.
Prudence, vigilance, exigence : je crois que ces trois mots ont guidé notre action tout au long de l’examen de ce budget et, singulièrement, lorsqu’il s’est agi de veiller à l’autonomie financière et à l’attractivité économique de nos territoires.
Sur certains sujets, mes chers collègues, nous avons su afficher une opposition constructive, et ce pratiquement à l’unanimité du Sénat. C’est notamment le cas pour la rationalisation du mécénat d’entreprise : l’approche comptable proposée par l’article 50 n’a pas convaincu sur ces travées.
Nous savons ici que le mécénat permet bien souvent de faire émerger, au niveau local, des synergies entre collectivités territoriales, entreprises et associations. Comme cela a été rappelé lors du débat organisé par notre groupe, ici même, en mai dernier, le mécénat de proximité s’avère trop précieux à nombre de nos territoires pour que le Sénat se risque à en rationaliser le dispositif. Cette rationalisation rimerait avec complexification et désaffection. La simplicité constitue, en l’occurrence, un gage d’efficacité !
Il ne faut pas se tromper de combat : on ne réduira pas notre déficit public en rabotant à la marge des dispositifs qui structurent l’économie de nos territoires. Nous avons su en apporter la preuve en défendant certaines politiques qui participent à la cohésion de nos territoires, sans dégrader l’équilibre budgétaire du projet de loi initial.
Ainsi, l’amendement que j’ai défendu avec ma collègue Sophie Taillé-Polian au nom de la commission des finances, amendement visant à augmenter de 5 millions d’euros les crédits alloués aux maisons de l’emploi, va dans le sens d’un maillage plus solidaire de nos politiques en faveur de l’emploi.
Sur d’autres sujets, nous nous sommes montrés plus conciliants, en amendant les articles votés à l’Assemblée nationale. C’est notamment le cas pour l’article 51, qui instaure une taxe forfaitaire sur les CDD d’usage.
Nous sommes nombreux sur ces travées à avoir rappelé qu’on ne lutte pas contre la précarité en taxant davantage l’emploi. La solution que nous soutenions, et qui a été retenue par la commission, visant à repousser d’un an l’entrée en vigueur de cette taxe paraît ainsi raisonnable. Nous espérons qu’elle sera conservée dans la loi de finances et qu’elle permettra une négociation au sein des branches.
Mais ce n’est pas toujours faire preuve de sagesse que de repousser d’un an la mise en œuvre des réformes. Je pense ici à l’article 5… En modifiant en profondeur le financement des collectivités locales, il a fait l’objet de longs débats et cristallisé les oppositions politiques. Nous avons su y apporter des améliorations très importantes, comme la revalorisation des valeurs locatives au niveau de l’inflation. Mais, au final, une majorité d’entre nous cherchent à gagner du temps dans l’application de cette réforme.
Or il ne s’agit plus de nous prononcer sur le principe de la suppression de la taxe d’habitation. Cette décision a été validée par les urnes. Elle est attendue par nos concitoyens. Je crois, pour ma part, qu’il ne faut plus en retarder la mise en œuvre.
Mme Éliane Assassi. Allons donc !
M. Emmanuel Capus. J’entends que ce report se fera sans incidence pour le contribuable et qu’il s’agit simplement de garantir le financement des collectivités territoriales. Bien évidemment, mon groupe partage cet objectif.
Cependant, c’est aussi ignorer les chantiers qui sont devant nous en matière de fiscalité locale, notamment pour ce qui concerne les impôts de production. En effet, même si ce projet de loi de finances allège globalement la pression fiscale sur les ménages et sur les entreprises, le chemin qui reste à parcourir est encore long. Nous accusons encore, notamment vis-à-vis de notre voisin allemand, un manque de compétitivité flagrant, et les impôts de production pèsent lourdement dans la balance. Je pense ici à la contribution économique territoriale, à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, au versement transport. Tous ces impôts se trouvent aujourd’hui au fondement de l’autonomie financière des collectivités territoriales, mais ils grèvent notre économie.
Pour donner suite à l’engagement pris par le Président de la République de réduire cette pression fiscale qui freine l’investissement dans les territoires, pour répondre aux attentes des entrepreneurs qui s’obstinent à vouloir produire en France, en Anjou, dans les Mauges, et ce sans diminuer les ressources des collectivités territoriales, le Sénat doit proposer plus que temporiser.
Il faut même accélérer sur certains sujets, notamment pour réduire le déficit public et résorber notre dette. En ces temps de relative accalmie, il est clair que nous n’allons pas aussi vite que nous le devrions, compte tenu du retard que nous avons accumulé pendant des décennies.
Certes, l’objectif d’un déficit contenu sous la barre des 3 % semble désormais acquis, et on a tôt fait d’oublier les efforts consentis pour cela. Mais il faut maintenant redoubler d’ambition et viser le déficit zéro !
Cette ambition ne se fonde pas sur une vision morose d’un État rabougri. Bien au contraire ! Il s’agit de trouver les voies et moyens de renforcer l’État dans ses fonctions régaliennes, de le doter d’une armée, de forces de l’ordre et d’une justice à la hauteur des défis de ce siècle. Mais cette ambition, sous la contrainte de la rigueur budgétaire, suppose que nous puissions collectivement redoubler d’efforts dans les prochaines années.
Pour conclure, mes chers collègues, ce budget, tel que l’a amendé le Sénat, poursuit la baisse des prélèvements obligatoires, tout en respectant l’autonomie financière des collectivités locales et la maîtrise du déficit public. Je crois qu’il va donc dans la bonne direction.
Mais nous le privons d’ambition en cherchant à gagner du temps. Nous l’avons aussi privé d’ambition, monsieur le président, en rejetant un certain nombre d’amendements au titre de l’article 40 de la Constitution et des règles relatives aux cavaliers législatifs. C’est pourquoi le groupe Les Indépendants s’abstiendra. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants.)