M. le président. La parole est à Mme Laure Darcos, sur l’article.
Mme Laure Darcos. Madame la secrétaire d’État, nos départements assument des compétences sociales représentant entre 50 et 60 % de leur budget de fonctionnement. Ils financent, parfois avec beaucoup de difficulté, les allocations individuelles de solidarité, comme l’allocation personnalisée d’autonomie (APA), le revenu de solidarité active (RSA) et la prestation de compensation du handicap (PCH), comme nous l’avons vu lors de l’examen d’amendements précédents.
Nos départements sont également soumis à une péréquation financière au titre de la solidarité interdépartementale, afin de corriger l’inégale répartition de richesse fiscale et de charges. Malgré cela, ils ont dernièrement décidé, sans intervention du législateur et de l’État, de créer un fonds de solidarité et d’investissement interdépartemental, dans l’objectif de pratiquer une politique d’investissement permettant de renforcer la solidarité entre les territoires.
Souvenez-vous également que nos départements doivent prendre en charge les dépenses extraordinairement lourdes pour accueillir les jeunes migrants, alors que la politique migratoire relève de l’État.
Aussi, quand le Gouvernement dépose subrepticement à l’Assemblée nationale un amendement sur le projet de loi de finances pour 2020 visant à ponctionner les ressources des départements franciliens au profit de la Société du Grand Paris (SGP), permettez-nous d’être surpris, voire furieux ! Ce seront en fait 75 millions d’euros en 2020, puis 60 millions d’euros les années suivantes qui serviront à financer les engagements de l’État dans le domaine des transports inscrits dans le contrat de plan État-région 2020-2022.
Je soutiendrai donc sans réserve les amendements tendant à supprimer l’article 72 sexies. Mais permettez-moi cependant d’émettre un regret, celui que la commission des finances du Sénat ait jugé irrecevable mon amendement relatif aux ressources de la SGP.
Je n’ignore pas que le Grand Paris Express est un projet structurant, par conséquent coûteux, financé par l’emprunt. C’est pourquoi je proposais de porter de 15 % à 30 % le taux de la taxe additionnelle à la taxe de séjour, créée l’an dernier sur l’initiative du rapporteur général de l’Assemblée nationale, Joël Giraud, et du député Gilles Carrez. Cette mesure constituait une alternative au prélèvement sur ressources des départements que vous nous imposez et aurait permis de faire supporter une charge relativement modeste aux touristes, qui bénéficient indiscutablement des infrastructures des transports franciliens.
Madame la secrétaire d’État, je vous demanderai un geste, un seul : demandez à vos ministres de tutelle de retirer cette mesure injuste lors de la commission mixte paritaire et renouez le dialogue avec les élus d’Île-de-France pour trouver ensemble les solutions pertinentes.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je veux vous faire un aveu : je suis parfois un peu devin, et je vous annonce que l’article 72 sexies va être supprimé ! (Rires sur les travées du groupe Les Républicains.) Madame la secrétaire d’État, regardez les noms des signataires des amendements qui s’affichent sur l’écran : ils siègent sur toutes les travées ! La méthode dénoncée à l’instant par Laure Darcos, c’est-à-dire déposer, sans évaluation préalable et subrepticement, un amendement pour prélever 75 millions d’euros cette année puis 60 millions d’euros l’année prochaine sur les droits de mutation à titre onéreux (DMTO) des départements afin de financer la SGP, pose évidemment un certain nombre de difficultés.
Vous expliquez en effet que la Seine-Saint-Denis est riche,…
M. Philippe Dallier. Une ponction de 6 millions d’euros !
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. … que le Val-de-Marne est riche, que le Val-d’Oise est riche, que tous ces départements sont tellement riches qu’ils pourraient contribuer, dans un geste généreux, à la SGP !
Nous avons eu le débat lors de l’examen de la première partie sur les différentes taxes, et nous avions également débattu de la question l’année dernière. J’appelle à la vérité des prix ! À un moment donné, il faudra se dire les choses, connaître le coût de ce projet et le montant des ressources que vous allez y consacrer.
Je répète ce que j’ai déjà dit lors du débat sur la première partie, des poids lourds traversent la France sans verser un centime de contribution au budget de l’État, ayant fait le plein au Luxembourg, en Espagne, en Belgique où ils paient 10 euros de moins par hectolitre. Puisque le Gouvernement a choisi de taxer les poids lourds français 2 centimes de plus, il faudra trouver une voie de financement pérenne, notamment pour les camions qui traversent l’Île-de-France. Alors que là on nous en rajoute chaque année : les jours précédents, c’étaient les bureaux et les parkings ; aujourd’hui, les touristes, et maintenant les départements… À votre bon cœur ! La situation financière des départements ne leur permet malheureusement pas une telle générosité.
La commission des finances a elle aussi déposé un amendement de suppression de l’article 72 sexies. Il faut se remettre sérieusement autour de la table plutôt que de monter de tels systèmes.
Le dispositif est assez fou : d’un côté, on crée un fonds de soutien aux départements doté de 150 millions d’euros, de l’autre on leur prend 75 millions d’euros. Personne n’y comprend plus rien !
Mes chers collègues, si vous voulez vous rendre compte de ce qui se passe, allez à l’angle du boulevard Saint-Germain voir l’homme qui fait des tours de bonneteau à toute vitesse : personne n’y trouve son compte… C’est à peu près ce que fait le Gouvernement avec cet article !
M. Vincent Éblé, président de la commission des finances. C’est fait exprès !
M. le président. Je suis effectivement saisi de dix amendements identiques, c’est-à-dire davantage que de groupes politiques, ce qui est assez rare…
L’amendement n° II-41 rectifié est présenté par M. Bazin, Mmes L. Darcos, Eustache-Brinio, Lavarde et Primas, MM. Cuypers, Meurant, Schmitz, Hugonet, Charon et Cambon, Mmes Chain-Larché, Thomas et Boulay-Espéronnier, MM. Morisset, D. Laurent, Kennel, Grosdidier, Courtial et Laménie, Mme Chauvin, MM. Pierre, Gremillet, Bonhomme, Bonne et Bascher, Mme Gruny et MM. Dufaut, Mouiller, Mandelli et Saury.
L’amendement n° II-48 rectifié bis est présenté par MM. Karoutchi et Daubresse, Mme Deromedi, MM. Pemezec et Regnard, Mme Sittler, M. Mayet, Mme Troendlé, MM. Brisson, Longuet et Lefèvre, Mme Imbert et MM. Nougein, Allizard, Milon et Bizet.
L’amendement n° II-104 rectifié bis est présenté par MM. Dallier, Babary, Calvet et de Nicolaÿ, Mmes Delmont-Koropoulis, Deroche et Lanfranchi Dorgal, M. H. Leroy, Mme M. Mercier et MM. Pellevat, Piednoir et Savary.
L’amendement n° II-306 rectifié est présenté par M. Marseille et les membres du groupe Union Centriste.
L’amendement n° II-728 est présenté par M. de Belenet et Mme Mélot.
L’amendement n° II-890 est présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission des finances.
L’amendement n° II-930 rectifié est présenté par MM. Léonhardt, A. Bertrand, Castelli et Collin, Mme Costes, MM. Gabouty, Jeansannetas et Labbé, Mme Laborde et MM. Requier, Roux et Vall.
L’amendement n° II-997 est présenté par MM. Raynal, Féraud, Temal, Éblé, Kanner et Assouline, Mme de la Gontrie, MM. Jomier, Botrel et Carcenac, Mme Espagnac, MM. P. Joly, Lalande et Lurel, Mmes Taillé-Polian et Artigalas, MM. Bérit-Débat et Joël Bigot, Mmes Blondin, Bonnefoy et Conconne, MM. Daudigny, Devinaz, Durain, Duran, Fichet et Gillé, Mme Grelet-Certenais, M. Kerrouche, Mmes Harribey et G. Jourda, M. Leconte, Mme Lubin, M. Marie, Mme Monier, M. Montaugé, Mmes Perol-Dumont, Préville et S. Robert, M. Sueur et les membres du groupe socialiste et républicain.
L’amendement n° II-1020 rectifié quater est présenté par MM. Capus, Malhuret, Lagourgue, Wattebled, Fouché, Decool, Canevet, Menonville et L. Hervé.
L’amendement n° II-1119 est présenté par MM. Savoldelli, Bocquet et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces dix amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Arnaud Bazin, pour présenter l’amendement n° II-41 rectifié.
M. Arnaud Bazin. Même si le suspense n’est pas énorme, je présenterai rapidement cet amendement, en situant le cadre dans lequel il s’inscrit pour nos collègues qui ne connaissent pas dans le détail les affaires de l’Île-de-France.
En 2011, nous sommes tombés d’accord – Gouvernement, départements d’Île-de-France et région – sur un projet avec un réseau et des gares, qui ne satisfaisait pas tout le monde, mais qui était un compromis, ainsi que sur son financement.
Le financement est assuré par les contribuables des huit départements de la région d’Île-de-France, particuliers et entreprises, avec une taxe spéciale d’équipement et une taxe sur les bureaux, auxquels ont été ajoutés récemment les parkings. À aucun moment, il n’a été question de solliciter le budget des départements : cela faisait partie du deal de départ.
À la même époque d’ailleurs, trois ans après les difficultés de 2008, le nombre de personnes au RSA explosait, l’APA continuait à augmenter sans que le reste à charge ait été le moins du monde atténué et le coût de la PCH faisait de même. Aujourd’hui, les départements ont en plus la charge des mineurs non accompagnés, qui est tout à fait considérable.
M. Bruno Sido. Eh oui !
M. Alain Fouché. C’est vrai !
M. Arnaud Bazin. Au prétexte – c’est la réponse faite par M. Dussopt à Mme Darcos lorsqu’elle l’a interpellé ici même lors des questions d’actualité – que les DMTO ont rapporté un peu plus d’argent aux départements que ce qui était envisagé, on vient puiser dans la caisse !
D’autant que cela ne servira pas seulement à augmenter le budget de la SGP ! On prendra 75 millions d’euros, mais la SGP devra immédiatement redonner 50 millions d’euros pour financer la part de l’État dans le contrat de plan État-région pour les transports en Île-de-France. Idem pour les deux années suivantes : sur 60 millions d’euros, 50 millions sont repris ! Tout cela s’ajoute aux 4 milliards d’euros de dotation initiale qui n’ont jamais été versés au budget de la SGP par aucun gouvernement – il faut être honnête – depuis 2011, et au milliard d’euros, devenu 1,5 milliard, pris au budget de la SGP, au moment où elle n’avait pas encore beaucoup de dépenses d’investissement, pour financer aussi les transports en Île-de-France. Au total, il manque 5,5 milliards d’euros !
Maintenant, on vient nous dire que l’on va en plus faire les poches des départements ! Il ne faut pas s’étonner qu’il y ait des collègues sur toutes les travées pour s’opposer à cet article. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. Alain Fouché, Rachid Temal et Mme Éliane Assassi applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour présenter l’amendement n° II-48 rectifié bis.
M. Roger Karoutchi. Que vaut la parole de l’État ?
M. Philippe Dallier. On se le demande !
M. Roger Karoutchi. C’est le véritable sujet.
Prendre de l’argent pour la SGP est inadmissible. Je le rappelle, ce projet initialement évalué à 18 milliards d’euros est passé en l’espace de quelques années à 35 milliards et finira à 50 milliards… Et si l’on arrête à ce montant, nous aurons déjà de la chance !
Comme le Gouvernement ne veut pas mettre un centime, on demande à la SGP de se débrouiller pour trouver des ressources : elle fait ce qu’elle peut et augmente la taxe sur les habitants et les entreprises. Nous en sommes à cinquante ans d’endettement des Franciliens et des entreprises franciliennes, et nous n’en voyons pas le bout !
Le système est fou, et le Gouvernement s’obsède à refuser de modifier la structure, le tracé, le nombre de gares… Quand on lui demande comment financer, il répond qu’il s’en fiche, car ce n’est pas lui qui paye ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.) C’est une réponse un peu facile…
J’étais président de la commission des finances de la région lorsqu’a été envisagé le contrat de plan État-région. Que le Gouvernement paye sa part du contrat de plan avec les DMTO repris aux départements est strictement inadmissible ! S’il avait pris l’argent pour financer de nouveaux projets d’investissement qui intéressent tout le monde, nous nous serions récriés, mais nous aurions examiné la proposition. Mais, là, l’État, qui avait déjà réduit sa participation dans les transports publics, veut faire acquitter sa part par les départements !
Madame la secrétaire d’État, on attend le coup d’après : l’année prochaine, le Gouvernement nous dira peut-être qu’il ne paie plus du tout sa part du contrat de plan, et que les départements, les collectivités, les intercommunalités d’Île-de-France n’ont qu’à se débrouiller. S’il faut faire une taxe supplémentaire sur l’Île-de-France, allons-y ! Un tel désengagement de l’État dans un secteur clé, les transports publics, relève de l’irresponsabilité. Un jour comme aujourd’hui, cela prend une coloration particulière… Je le redis, c’est strictement inadmissible ! Le Gouvernement doit revenir à la réalité des choses. (Mme Laure Darcos applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, pour présenter l’amendement n° II-104 rectifié bis.
M. Philippe Dallier. Sur le financement de la SGP, j’espère, madame la secrétaire d’État, que le Gouvernement aura la sagesse de différer toute décision, afin que l’on puisse prendre le temps de réactualiser le chiffrage et de voir ce dont on a besoin pour l’avenir. Je ne peux pas croire qu’il soit tellement urgent de décider quelque chose qu’il faille en passer par un moyen comme celui-là.
Ensuite, il y a la question du financement de la part de l’État du contrat de plan État-région, qui est presque encore plus scandaleuse ! Je commencerai par rappeler que les départements – en tous les cas, telle est la situation en Île-de-France – sont appelés à contribuer aux contrats de plan en matière de transports, alors qu’il ne s’agit pas – c’est le moins qu’on puisse dire – de leur compétence principale. Cette participation des départements s’élève à 30 %. En Seine-Saint-Denis, où les projets de transports connaissaient déjà un certain retard, nous sommes contents de voir les projets se multiplier, mais on nous demande, alors que nous n’avons pas beaucoup de moyens, d’apporter notre part, qui est considérable, de 30 %, ce que nous avons du mal à faire.
Cerise sur le gâteau, on vient ponctionner les DMTO pour remplacer la part de l’État ! Madame la secrétaire d’État, comme je ne veux pas employer certains termes pour ne pas paraître trop méchant, je me contenterai de dire qu’il n’est pas possible d’agir ainsi.
Pour terminer, je regrette que notre collègue Alain Richard ne soit pas là : lorsque nous avons évoqué ce sujet lors de l’examen de la première partie du budget, il m’avait répondu que les sommes en question n’étaient pas bien importantes. Je m’en suis entretenu avec le président du conseil départemental de Seine-Saint-Denis : pour le département, cela représente 6 millions d’euros…
La voie de la sagesse, c’est de supprimer cet article, ce que nous allons faire, pour que le Gouvernement prenne le temps de la réflexion. De toute manière, il n’y a pas lieu de décider en décembre 2019 pour la suite : nous avons largement du temps devant nous.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Fournier, pour présenter l’amendement n° II-306 rectifié.
Mme Catherine Fournier. Je suis du Nord, des Hauts-de-France plus précisément, mais je m’associe complètement aux propos de mes collègues. J’ajouterai simplement qu’en 2015 les départements avaient déjà été ponctionnés pour financer la SGP au travers de la cotisation sur la valeur ajoutée (CVAE). Il est plus que regrettable et, d’une certaine façon, dangereux d’envoyer un tel message. Il ne revient pas aux départements de participer au financement du contrat de plan État-région. Nous avons beaucoup parlé du millefeuille administratif et du millefeuille des collectivités locales, mais là tout est en train de s’affaisser et de se mélanger. Chacun doit garder ses compétences, qu’il est important de préserver.
M. le président. La parole est à M. Arnaud de Belenet, pour présenter l’amendement n° II-728.
M. Arnaud de Belenet. La tonalité de mon intervention sera quelque peu différente de celle des autres orateurs.
Je le rappelle, il y a deux ans, le projet même de métro du Grand Paris faisait l’objet de fortes interrogations, car son financement n’était absolument pas sécurisé. Certes, le montant des travaux, qui avait été sous-estimé, avait été revu à la hausse de manière déraisonnable, mais, j’y insiste, le projet n’était pas financé.
Une concertation, qui se tenait avenue de Ségur, avait été lancée par le Premier ministre, et nous étions de nombreux élus franciliens – parlementaires et élus locaux – à avoir été sollicités sur les solutions à apporter : fallait-il supprimer certains éléments du projet ou fournir des financements supplémentaires ? J’ai le souvenir de qui a contribué à quoi à l’époque. Nous avions tous été invités à cette grande concertation – l’honnêteté nous oblige à le dire.
Je constate que Gilles Carrez a fait un certain nombre de propositions pour financer le métro du Grand Paris. Par ailleurs, tous les projets de gare et d’infrastructures exigés dans nos territoires franciliens ont été présentés comme absolument nécessaires.
Néanmoins, il me semble assez pertinent et logique que, comme l’a suggéré Gilles Carrez, une partie des droits de mutation supplémentaires créés par les investissements de la SGP permette le financement des travaux du Grand Paris. Il faut peut-être réaliser un petit travail d’affinage pour que cela soit possible. On ne vole pas les départements, on diminue pendant un certain temps leur part de recettes supplémentaires.
Je veux insister sur deux points.
D’une part, il existe une iniquité en Île-de-France puisqu’un certain nombre de territoires ne bénéficient pas d’investissements, mais font déjà l’objet d’un prélèvement via la taxe sur le Grand Paris, s’agissant des entreprises, et les DMTO. Il faut veiller à la justice territoriale.
D’autre part, il faut être précis sur les chiffres. Le montant de 6 millions d’euros a été évoqué pour la Seine-Saint-Denis ; pour la Seine-et-Marne, ce serait 5 millions d’euros. L’an dernier, ici même, la majorité sénatoriale a refusé un amendement visant à entériner la péréquation interdépartementale en Île-de-France à l’exception de Paris, alors même que tous les présidents de conseil départemental étaient d’accord. L’enjeu à l’époque pour la Seine-et-Marne, c’était non pas 5 millions d’euros, mais 20 millions ; pour la Seine-Saint-Denis, non pas 6 millions d’euros, mais 25 millions. Il faut placer notre indignation à la hauteur des enjeux. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général, pour présenter l’amendement n° II-890.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Défendu, monsieur le président !
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour présenter l’amendement n° II-930 rectifié.
M. Jean-Claude Requier. Cet amendement est dû à Olivier Léonhardt, un élu de la périphérie de l’Île-de-France.
M. Rachid Temal. La grande couronne !
M. Jean-Claude Requier. Je ne reprendrai pas ce qui a été dit, mais j’avancerai en son nom deux ou trois arguments.
M. Léonhardt se demande comment justifier la contribution de l’ensemble des départements franciliens, alors même que le Grand Paris Express concerne quasi exclusivement les territoires de petite couronne et que ces investissements pharaoniques, évalués selon lui à 42 milliards d’euros, vont amputer durablement la modernisation du réseau existant.
Pour que l’ensemble des Franciliens puissent bénéficier de cette nouvelle infrastructure, il sera indispensable que les usagers de la grande couronne puissent rejoindre ce nouveau réseau en RER dans des conditions normales, ce qui n’est absolument pas pris en compte actuellement.
Le réseau RER, quand il fonctionne, est au bord de l’implosion, et les reports d’usagers de la route vers le RER qui découleront de la mise en place de la zone à faibles émissions d’ici à 2030 sont extrêmement préoccupants par la suite.
Il convient donc, d’après M. Léonhardt, de revoir le projet du Grand Paris Express et de rééquilibrer les investissements en Île-de-France entre Paris, la petite couronne et les départements de la grande couronne. C’est une urgence !
M. le président. La parole est à M. Rachid Temal, pour présenter l’amendement n° II-997.
M. Rachid Temal. Je commencerai par dire à mon ami et collègue Arnaud de Belenet que parler d’un « petit travail d’affinage » s’agissant de 75 millions d’euros la première année et de 65 millions ensuite, ce n’est pas très sérieux ! Je sais bien qu’il faut défendre le Gouvernement, mais cela vire à l’irresponsabilité !
Plus sérieusement, chacun l’a dit et je ne veux pas être trop long, instaurer un prélèvement par le biais d’un amendement déposé discrètement est vraiment irresponsable ! Le Gouvernement doit revoir sa copie et retirer cette mesure. Je prendrai un exemple pour illustrer mon propos. Le Val-d’Oise doit verser 5 millions d’euros, mais il y a un petit problème : sur les 68 gares prévues dans le projet, une seule est située sur son territoire. Cela fait cher la gare ! D’autant que celle-ci est aujourd’hui menacée, puisque le Gouvernement a pris une décision sur le triangle de Gonesse. Les Valdoisiens devront payer pour voir passer un train qui ne s’arrêtera jamais dans leur département. Convenez que la situation est saugrenue !
Il faut être sérieux ! Le Gouvernement doit retravailler sa copie. S’il veut discuter avec les départements et les parlementaires, nous sommes ouverts à la discussion. Mon collègue Arnaud Bazin et moi-même aimerions d’abord qu’on nous garantisse que la ligne 17 comprendra bien un arrêt dans le Val-d’Oise, avant d’étudier le schéma, le financement et le calendrier.
M. le président. La parole est à M. Alain Fouché, pour présenter l’amendement n° II-1020 rectifié quater.
M. Alain Fouché. Naturellement, nous demandons également la suppression de cet article, qui prévoit de ponctionner jusqu’en 2022 une fraction des recettes perçues par les départements franciliens au titre des DMTO pour financer le développement du Grand Paris Express. Il n’y a pas que Paris qui compte pour la France !
Alors que le Gouvernement a lancé cette année une vaste réforme de la fiscalité locale qui affecte notamment les recettes des départements, il semble peu judicieux d’opérer un prélèvement additionnel sur les DMTO des départements franciliens.
En outre, cela constituerait un précédent malvenu, alors que les départements ont besoin de temps pour s’adapter au nouveau schéma plus centralisé de leur financement.
Comme un certain nombre d’élus dans cette enceinte, j’ai présidé un département. À une époque, les moyens de ces collectivités étaient très importants grâce aux lois de décentralisation. Il faut le dire, ce furent de bonnes lois qui ont permis de faire beaucoup de choses, comme des collèges ou, chez nous, le Futuroscope, lesquelles n’auraient autrement pas pu être réalisées parce que l’État gérait tout.
Au fur et à mesure, les différents gouvernements qui se sont succédé se sont désengagés à l’égard des départements, lesquels ont progressivement perdu des moyens. Certains départements connaissent aujourd’hui des difficultés importantes et sont au bord du dépôt de bilan – les causes ont été précédemment évoquées : le RSA, les mineurs non accompagnés qui arrivent chaque jour, etc.
Il faut supprimer cet article. À la suite des échanges que nous avons eus sur cette disposition avec l’Assemblée des départements de France (ADF) et d’autres, je peux vous assurer que tous les élus départementaux sont d’accord avec nous. Je connais votre sagesse, madame la secrétaire d’État : prenez garde, car il est important que le Gouvernement soit attentif aux départements, et s’assure de leur développement.
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l’amendement n° II-1119.
Mme Éliane Assassi. Mon intervention sera rapide, car la suppression de cet article a été très bien défendue par les orateurs précédents. J’ajouterai deux précisions.
D’abord, madame la secrétaire d’État, il me semble que le Gouvernement témoigne d’un manque de respect envers le Parlement et les élus locaux en introduisant des mesures à la dernière minute relatives aux finances des collectivités, sans aucune concertation ni débat.
Ensuite, je veux dire mon incompréhension s’agissant de la Seine-Saint-Denis : d’un côté, le Gouvernement fait mine d’amadouer les élus locaux ; de l’autre, il ponctionne le département de 6 millions d’euros. Je ne comprends pas, et je trouve cette mesure vraiment inacceptable !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Un beau geste !
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. … défavorable.
J’entends vos commentaires et comprends votre appréciation, mesdames, messieurs les sénateurs. Je veux tout de même rappeler quelques éléments factuels. Ce prélèvement s’inscrit dans les suites du rapport Carrez, qui aboutissait à deux conclusions.
D’abord, s’agissant de la SGP, l’objectif est de fournir des infrastructures qui bénéficieront à l’ensemble de la région du Grand Paris,…
M. Rachid Temal. Non, pas au Val-d’Oise !
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. … y compris aux territoires qui auront peut-être moins de stations, parce que l’effet de masse est source d’attractivité, comme on le constate dans les régions étrangères qui investissent massivement dans leurs infrastructures.
Ensuite, ce rapport relevait qu’il manquait 200 millions d’euros de ressources à la SGP entre 2018 et 2020 si l’on veut limiter sa dette à 35 milliards d’euros, comme le prévoit la loi. C’est l’objet non seulement de cet article, mais aussi des évolutions de la taxe sur les bureaux dans la loi de finances pour 2019 et dans le projet de loi de finances pour 2020.
Encore une fois, il s’agit de financer des infrastructures qui vont bénéficier à tous. On peut discuter de la manière de faire, mais ne perdons pas de vue l’objectif de la SGP, qui n’a d’ailleurs pas été mise en place par ce gouvernement : il s’agit d’un projet de densification des infrastructures dans la région d’Île-de-France, en particulier en petite couronne, qui a vocation à apporter des services additionnels aux entreprises et aux habitants.
Ces infrastructures vont faire évoluer la valeur des biens. Nous le savons tous, à partir du moment où l’on est à proximité d’une station de métro directement reliée au centre de Paris, on constate une appréciation des biens.