M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Mesdames, messieurs les sénateurs, je saisis cette occasion pour rappeler le cadre dans lequel nous agissons face à ces différents enjeux.
Nous avons fait le choix d’une revalorisation différenciée des prestations et d’efforts spécifiques à destination des Français les plus modestes, en cohérence avec les dispositions prévues pour 2020 au titre du présent projet de loi de finances.
Les minima sociaux sont indexés sur l’inflation. Les retraites en deçà de 2 000 euros ne seront pas concernées par cette mesure de revalorisation maîtrisée, dont vous avez débattu en examinant le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020. L’allocation supplémentaire d’invalidité, l’ASI, fera l’objet d’une revalorisation exceptionnelle en vertu du présent texte.
L’AAH et le minimum vieillesse ont connu des revalorisations importantes, et même exceptionnelles, en 2018 et en 2019. Au titre de ces deux années, l’AAH a augmenté de 80 euros…
M. Rachid Temal. C’est sûr que ça change la vie !
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. … et, pour le minimum vieillesse, la revalorisation s’élèvera à 100 euros pour la période courant de janvier 2018 à janvier 2020.
Ainsi, au cours de la période, ces prestations ont été beaucoup mieux revalorisées que pendant les exercices antérieurs. (M. Rachid Temal manifeste sa circonspection.) Ce sont des données factuelles !
Après la revalorisation de son montant forfaitaire en 2018, la prime d’activité a bénéficié d’une forte hausse : son bonus a été rehaussé de 90 euros, parallèlement à l’augmentation du SMIC.
Bien distinguer les rémunérations des personnes qui travaillent et les prestations de celles qui n’accèdent pas au marché de l’emploi : c’est là tout l’objectif. Lors de l’entrée dans le travail, l’on observe un effet de trappe à pauvreté. Le phénomène est connu : il est largement documenté, que ce soit par les économistes ou par les organisations syndicales.
Au total, le montant moyen de la prime d’activité est passé de 159 euros en 2017 à 190 euros en 2020. Le coût de la mesure a été porté de 4,4 à 9,5 milliards d’euros.
D’une part, nous concentrons nos forces, notamment pour garantir un filet de sécurité aux plus fragiles – ainsi, le montant de l’AAH est passé de 705 à 768 euros : son coût global a été porté de 9 à 10,6 milliards d’euros. D’autre part, nous construisons un dispositif grâce auquel les personnes revenant dans l’emploi auront intérêt à y rester le plus longtemps possible. Ce faisant, on confortera leur activité professionnelle en leur ouvrant des perspectives d’évolution salariale.
Cette politique porte déjà des fruits : à preuve, la baisse du chômage et l’augmentation du taux d’emploi que connaît notre économie. Bien sûr, les progrès ne seront jamais suffisants, mais ils se mesurent très concrètement.
Pour ces raisons, j’émets un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Arnaud Bazin, pour explication de vote.
M. Arnaud Bazin. Mes chers collègues, en tant que rapporteur spécial de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », permettez-moi de formuler un bref rappel.
Dans notre rapport, Éric Bocquet et moi-même n’avons cessé de regretter les coups de rabot régulièrement pratiqués par le Gouvernement,…
Mme Sophie Taillé-Polian. Exact !
M. Pierre Ouzoulias. Tout à fait !
M. Arnaud Bazin. … après de grands effets d’annonces sur l’augmentation de prestations sociales.
En effet, la désindexation n’est qu’un de ces coups de rabot ! Ainsi, pour l’AAH, les ressources du couple sont désormais alignées sur celle d’un couple au RSA, ce qui n’était pas du tout le cas auparavant. Pour la prime d’activité, la prise en compte des revenus est désormais minorée, etc.
Madame la secrétaire d’État, il faut un minimum de cohérence. Le Gouvernement annonce de grandes mesures d’amélioration de certaines prestations et, aussitôt après, il passe le rabot pour en diminuer l’effet. Franchement, ce n’est pas de bonne politique : cela ne fait qu’agacer les gens. Demandez aux personnes handicapées ce qu’elles pensent de la non-indexation de l’AAH et, surtout, de la nouvelle manière de prendre en compte les revenus du couple : vous obtiendrez des réponses édifiantes.
Tous ces effets de communication aussitôt niés en pratique sont assez fatigants : reprendre d’une main ce que l’on a très bruyamment donné de l’autre, ce n’est pas une bonne politique ! Je voterai ces amendements.
M. Vincent Éblé, président de la commission des finances. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Monsieur le sénateur, l’AAH a augmenté bien au-delà de l’indexation…
M. Vincent Éblé, président de la commission des finances. Pour ceux qui ne sont pas sortis du dispositif !
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Cette allocation, de l’ordre de 800 euros, a augmenté de 40 euros : la progression est de 5 %…
M. Rachid Temal. Ne déformez pas ce qu’a dit M. Bazin !
M. Julien Bargeton. C’est bien ce qu’il a dit !
M. le président. Mes chers collègues, je vous prie de respecter l’ensemble des orateurs : tous ceux qui souhaitent s’exprimer auront la parole.
Veuillez poursuivre, madame la secrétaire d’État.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Merci, monsieur le président.
Face au handicap, l’action du Gouvernement se distingue assez singulièrement des politiques conduites jusqu’à présent. (M. Rachid Temal s’exclame.)
Mme Marie-Noëlle Lienemann. C’est n’importe quoi !
M. Pierre Ouzoulias. Vous êtes la seule à le croire !
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Il faut le souligner. D’ailleurs, je veux rendre hommage à Sophie Cluzel, qui mène cette politique avec beaucoup de force. Nous assurons l’accélération d’un certain nombre de dispositifs, qu’ils soient à destination des enfants, des jeunes ou des adultes ; et – nous l’avons montré à plusieurs reprises – nous entendons faire progresser l’insertion par le travail.
Il ne faut pas caricaturer cette politique,…
M. Pierre Ouzoulias. C’est votre politique qui est caricaturale !
M. le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour explication de vote.
Mme Sophie Taillé-Polian. Madame la secrétaire d’État, l’AAH a effectivement connu une augmentation,…
M. Julien Bargeton. Eh oui !
Mme Sophie Taillé-Polian. … mais le Gouvernement a mené des réformes annexes dont vous omettez toujours de parler. Or elles ont fait des perdants parmi les bénéficiaires.
M. Philippe Dallier. C’est vrai !
Mme Sophie Taillé-Polian. Il faut que le Gouvernement l’assume, tout simplement ! (Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour explication de vote.
M. Jérôme Bascher. Madame la secrétaire d’État, il faut savoir raison garder. Avec la sagesse qui caractérise cette maison, avec la mémoire qui est la nôtre, nous pouvons le souligner : pour l’instant, en matière de handicap, le Gouvernement a surtout beaucoup dit, beaucoup promis. Mais les grandes lois sur le handicap ne sont pas de votre fait…
M. René-Paul Savary. Exact !
M. Jérôme Bascher. … et pour cause, elles ont été adoptées avant vous – car, avant vous, il y a eu un monde ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
Ces grandes lois, ce sont celles de Jacques Chirac,…
M. Rachid Temal. C’est vrai !
M. Jérôme Bascher. … et elles ont été poursuivies par Nicolas Sarkozy, qui a augmenté l’AAH, contrairement à vous ! Vous le savez, cette mesure était liée à la revalorisation du minimum vieillesse, sur lequel l’AAH était entièrement indexée. Il s’agissait de promesses de campagne qui, elles aussi, ont été tenues.
Vous rabotez les allocations : il faut l’assumer, il faut le dire ! Ce sont des économies faites au fil de l’eau, sur des allocations dont les bénéficiaires ont, hélas ! besoin pour survivre. Je dis bien « hélas », car ils aimeraient bien mieux être dans une autre situation.
Ce choix est regrettable – c’est le moins que l’on puisse dire. En tout cas, quand vous invoquez l’histoire, assurez-vous que vous la connaissez bien.
M. Julien Bargeton. Alors, auparavant, tout était parfait…
M. Jérôme Bascher. Chirac a été réélu que je sache !
M. Julien Bargeton. Mais pas Sarkozy !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Vincent Éblé, président de la commission des finances. Mes chers collègues, je lis à l’instant, sur mon compte Messenger, le message d’une Seine-et-Marnaise : « Coucou Vincent, dis-moi, tu peux m’éclairer pourquoi on enlève comme ça du jour au lendemain l’allocation aux adultes handicapés ? C’est notamment le cas pour Séverine, que tu connais », etc.
M. Pierre Ouzoulias. Très bien !
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Ce n’est pas ainsi qu’on analyse une politique publique !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Mes chers collègues, pour avoir présidé un conseil général pendant un certain nombre d’années, j’ai eu à gérer un grand nombre de prestations sociales. La désindexation représente évidemment une perte de pouvoir d’achat pour les bénéficiaires de ces allocations. Mais adopter ces dispositions, c’est augmenter les charges de l’État de près d’un demi-milliard d’euros : il faut aussi en avoir conscience.
La commission s’est prononcée contre ces amendements par cohérence avec sa position de l’année dernière. J’y insiste : nous devons également faire preuve de responsabilité, compte tenu de notre taux d’endettement et de notre déficit public.
M. Julien Bargeton. Au moins un discours cohérent !
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Mes chers collègues, au cours de ce débat budgétaire, j’ai déjà eu l’occasion de relever ce que j’appelle la propagande gouvernementale. Par-devant, on nous explique que l’on a fortement augmenté l’AAH ; mais, en fait – nous l’avons déjà dénoncé en examinant le précédent budget –, on s’efforce de réduire le nombre de bénéficiaires. Pour la prime destinée aux parents élevant seuls leurs enfants, le Gouvernement fait de même. Or les désindexations s’accumulent année après année et nos concitoyens perdent de plus en plus de pouvoir d’achat.
Monsieur le rapporteur général, fidèle à sa logique, la commission des finances nous avait expliqué, l’an dernier, qu’il fallait faire un effort à cet égard. Mais le problème, c’est l’effet cumulatif ! Nous avions déjà voté contre ces mesures l’an dernier. Désormais, la situation devient dramatique, car l’écart ne fait que s’accroître !
Dans cet hémicycle, nos collègues en ont conscience. J’espère qu’ils voteront ces amendements pour dire non aux désindexations cumulatives, qui mettent à mal le pouvoir d’achat.
M. le président. La parole est à M. Rachid Temal, pour explication de vote.
M. Rachid Temal. Monsieur le rapporteur général, je peux comprendre votre souci de rigueur : je peux même y souscrire. D’ailleurs, sur l’ensemble de ces travées, nous sommes soucieux de la bonne gestion des deniers publics. Mais, en l’occurrence, qui doit payer ?
Nous sommes face à un choix politique. Selon nous, ce n’est pas aux bénéficiaires des allocations sociales, APL ou AAH, de payer pour garantir l’équilibre du budget général. Ces personnes sont d’ores et déjà dans des situations extrêmement compliquées : elles ne peuvent pas perdre encore davantage de pouvoir d’achat ! Voilà pourquoi nous proposons de supprimer l’article 67.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos II-976 et II-1127.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l’article 67 est supprimé,…
M. Jérôme Bascher. Très bien !
M. le président. … et les amendements nos II-952, II-1129, II-64 rectifié bis, II-1113 et II-145 rectifié bis n’ont plus d’objet.
Article 68
I. – L’article L. 432-1 du code des assurances est complété par trois alinéas ainsi rédigés :
« La garantie de l’État prévue au présent article ne peut être accordée pour des opérations ayant pour objet la recherche, l’exploitation et la production de charbon ainsi que la production d’énergie à partir de charbon, sans préjudice des opérations ayant pour effet de réduire l’impact environnemental négatif d’installations de production d’énergie existantes.
« La garantie de l’État prévue au présent article ne peut être accordée pour couvrir des prêts octroyés à des acheteurs étrangers en vue d’exporter des biens et services dans le cadre des opérations ayant pour objet la recherche, l’exploitation et la production d’hydrocarbures liquides ou gazeux par fracturation hydraulique ou par toute autre méthode non conventionnelle, telles que définies à l’article L. 111-13 du code minier.
« La garantie de l’État prévue au présent article ne peut être accordée pour couvrir des prêts octroyés à des acheteurs étrangers en vue d’exporter des biens et services dans le cadre des projets de production d’hydrocarbures liquides prévoyant un torchage de routine du gaz émis lors de l’exploitation du gisement. »
II (nouveau). – Le second alinéa de l’article 15 de la loi n° 49-874 du 5 juillet 1949 relative à diverses dispositions d’ordre économique et financier est complété par une phrase ainsi rédigée : « Lorsque les opérations concernées présentent des effets environnementaux et sociaux potentiellement négatifs de niveau élevé ou moyen soutenus, la commission consultative comprend un représentant du ministère chargé de l’environnement et de l’énergie qui y siège avec voix délibérative. »
III (nouveau). – L’article L. 432-4-2 du code des assurances est ainsi modifié :
1° Après le mot : « sur », sont insérés les mots : « l’état de l’ensemble des garanties octroyées dans le domaine de l’énergie et » ;
2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Ce rapport comprend la liste détaillée des opérations ayant bénéficié de la garantie de l’État dans le domaine de l’énergie, réparties par type d’opérations mentionnées au même article L. 432-2 et par type de ressources. Il précise les volumes financiers engagés et la durée des garanties octroyées, les entreprises directement ou indirectement bénéficiaires, les pays dans lesquels ont lieu les opérations et leurs principaux impacts sociaux et environnementaux ainsi que, le cas échéant, les mesures visant à réduire au minimum, à atténuer ou à corriger ces impacts. »
IV (nouveau). – L’article L. 432-3 du code des assurances est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L’organisme mentionné au même premier alinéa met à la disposition du public la liste détaillée des opérations ayant bénéficié de garanties publiques prévues aux articles L. 432-1 et L. 432-2, sans préjudice du secret de la défense nationale mentionné à l’article 413-9 du code pénal et du secret des affaires mentionné à l’article L. 151-1 du code de commerce, présentant des effets environnementaux et sociaux potentiellement négatifs de niveau élevé ou moyen soutenus selon des modalités définies par décret. »
V (nouveau). – Au premier alinéa du B du I de l’article 47 de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017, le mot : « dernier » est remplacé par le mot : « deuxième ».
VI (nouveau). – Avant le 30 septembre 2020, le Gouvernement remet un rapport au Parlement sur le soutien à l’export des énergies renouvelables via l’octroi de garanties de l’État. Ce rapport précise notamment la part des énergies renouvelables dans le portefeuille des garanties de l’État, les freins éventuels au soutien et les pistes, notamment les incitations à mettre en place, pour soutenir davantage les énergies renouvelables à l’export.
VII (nouveau). – Avant le 30 septembre 2020, le Gouvernement remet un rapport au Parlement sur :
1° La définition d’une méthode d’élaboration de normes de performance environnementale ayant pour finalité de conditionner l’octroi de garanties publiques pour le commerce extérieur aux opérations présentant directement des effets environnementaux et sociaux potentiellement négatifs de niveau élevé ou moyen soutenus. Ce rapport dresse un état des avancées technologiques présentes sur le marché permettant de respecter ces normes de performance ainsi que leur accessibilité économique pour les entreprises françaises ;
2° Des scénarios de cessation d’octroi des garanties publiques au commerce extérieur pour des projets de recherche et d’exploitation de nouveaux gisements pétroliers et gaziers. Ce rapport précise ainsi les impacts de cette mesure en matière de transition énergétique des marchés mondiaux, sur le développement des pays producteurs et sur le secteur industriel français.
M. le président. L’amendement n° II-980, présenté par MM. Raynal, Kanner, Éblé, Botrel et Carcenac, Mme Espagnac, MM. Féraud, P. Joly, Lalande et Lurel, Mmes Taillé-Polian et Artigalas, MM. Bérit-Débat et Joël Bigot, Mmes Blondin, Bonnefoy et Conconne, MM. Daudigny, Devinaz, Durain, Duran, Fichet et Gillé, Mme Grelet-Certenais, M. Kerrouche, Mme Harribey, M. Jomier, Mme G. Jourda, M. Leconte, Mme Lubin, M. Marie, Mme Monier, M. Montaugé, Mmes Perol-Dumont, Préville et S. Robert, MM. Sueur, Temal et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Après les deux occurrences du mot :
charbon
insérer les mots :
, de pétrole et de gaz de schiste
La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian.
Mme Sophie Taillé-Polian. Aux termes de l’article L. 432-1 du code des assurances, « le ministre chargé de l’économie est autorisé à accorder la garantie de l’État, pour les opérations concourant au développement du commerce extérieur de la France ».
Le présent article précise que la garantie de l’État ne peut être accordée pour des opérations ayant pour objet la recherche, l’extraction et la production de charbon : nous proposons d’étendre ce dispositif à l’extraction et à la production de pétrole et de gaz de schiste.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. L’Assemblée nationale a supprimé la possibilité d’octroyer une garantie, sous forme d’assurance-crédit, pour des projets de recherche, d’exploitation ou de production d’hydrocarbures liquides ou gazeux par fracturation hydraulique ou toute méthode non conventionnelle.
Aussi, cet amendement est satisfait et nous en demandons le retrait.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Mes chers collègues, je tiens à être tout à fait complet pour dissiper toute ambiguïté. Cet amendement est satisfait pour ce qui concerne les gaz de schiste ; pour le pétrole, l’analyse est un peu différente.
Nous sommes face à une question de fond : si toute recherche dédiée à l’extraction pétrolière cessait du jour au lendemain, nous serions placés dans une situation délicate. En effet, l’on ne dispose pas, aujourd’hui, de substituts en quantité suffisante – voyez notamment le marché de l’énergie électrique.
Un consensus peut se dégager contre l’emploi des gaz de schiste. En revanche, chacun peut admettre que l’on a encore besoin d’extraire du pétrole. Pensons aux entreprises françaises !
Certes, il faut poursuivre la transition énergétique, réduire l’usage des énergies fossiles et demain, peut-être, leur substituer intégralement les énergies renouvelables, mais ce n’est pas encore possible : ainsi, l’on ne peut absolument pas disposer d’un parc automobile fonctionnant grâce à la seule énergie électrique. Il faut un peu de temps.
M. le président. Madame Taillé-Polian, l’amendement n° II-980 est-il maintenu ?
Mme Sophie Taillé-Polian. Oui, je le maintiens, monsieur le président.
Face à la gravité de la crise écologique que nous connaissons, et en l’absence de toute réaction véritable, il faut prendre des mesures fortes, il faut pousser les acteurs à chercher d’autres solutions. D’ailleurs, plus on avance, plus les gisements de pétrole sont difficiles d’accès : cette énergie est d’autant plus nocive pour l’environnement !
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Madame la sénatrice, avec de telles mesures, vous faites la courte échelle à de grands groupes pétroliers internationaux…
M. Julien Bargeton. Eh oui !
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Ces dispositions ne répondent en aucune façon à l’enjeu climatique que vous mentionnez : elles vont même dans le sens contraire ! C’est un fait établi : qu’il s’agisse de l’empreinte sociale ou de l’empreinte environnementale, les entreprises françaises sont meilleures que bon nombre d’autres sociétés à l’échelle mondiale.
C’est précisément ce que l’on appelle le carbone leakage : par une accumulation de normes appliquées au seul marché français, l’on réduit artificiellement nos émissions de gaz à effet de serre, mais, en fait, on les augmente massivement via des importations !
Ces dispositions vont à l’encontre de l’économie et de l’écologie. À l’inverse, nous défendons une approche pragmatique.
Enfin, en associant le pétrole et le gaz de schiste, cet amendement est rédigé de manière ambiguë.
M. René-Paul Savary. Tout à fait !
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. S’agit-il du pétrole de schiste ou bien, d’une part, du pétrole stricto sensu et, de l’autre, du gaz de schiste ?
S’il s’agit du pétrole de schiste et du gaz de schiste, cet amendement est déjà satisfait. Mais s’il s’agit du secteur pétrolier tout entier, voter cet amendement reviendrait à se tirer une balle dans le pied !
Ce n’est pas une telle mesure qui permettra de réduire la production de CO2 à travers le monde. Je rappelle que la France représente 1,2 % des émissions de CO2 mondiales : sur de tels sujets, sachons adopter une approche internationale, notamment européenne.
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.
M. René-Paul Savary. Pour une fois, je soutiens le Gouvernement – ce n’est pas si fréquent… (Sourires.)
Mme Françoise Laborde. Cela mérite d’être souligné ! (Nouveaux sourires.)
M. René-Paul Savary. Certaines mesures peuvent effectivement se révéler contre-productives. Tout le monde est d’accord pour que nous améliorions notre empreinte carbone, pour que nous fassions moins appel aux énergies fossiles. Mais souvenons-nous qu’il existe, en France, des entreprises d’exploration pétrolière ! Certaines d’entre elles se trouvent sur mon territoire – elles travaillent même à quelques centaines de mètres de mon habitation. Depuis plus de vingt ans, elles assurent l’exploitation de la ressource dans des conditions tout à fait correctes.
La Brie, notamment la Brie champenoise, assure trois jours de production pétrolière française ! Si nous mettions un coup d’arrêt à cette exploitation, nous achèterions encore davantage de pétrole à l’étranger : l’écologie n’aurait rien à y gagner.
La montée en puissance des nouvelles énergies demandera encore du temps : dans l’attente, mieux vaut poursuivre l’exploitation de ces puits, qui est étroitement surveillée par les services compétents.
Bien entendu, je m’oppose à cet amendement.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L’amendement n° II-1029 rectifié est présenté par M. Dantec, Mme N. Delattre, MM. A. Bertrand, Collin, Jeansannetas et Labbé, Mme Laborde et M. Gontard.
L’amendement n° II-1041 rectifié est présenté par MM. Longeot et Guerriau, Mme Férat, MM. Menonville, Henno, Le Nay et Janssens, Mme Perrot, MM. Pellevat, de Nicolaÿ, Kern et Canevet, Mmes Doineau et Billon et MM. A. Marc et Louault.
L’amendement n° II-1155 rectifié est présenté par Mmes Taillé-Polian et Préville.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par les mots :
sans augmenter la durée de vie ou la capacité de production
La parole est à M. Éric Jeansannetas, pour présenter l’amendement n° II-1029 rectifié.
M. Éric Jeansannetas. L’article 68 vise à mettre fin aux subventions publiques en faveur des énergies fossiles sous forme de garanties à l’export.
Entre 2015 et 2018, Bpifrance Assurance Export a pris en garantie plusieurs projets d’énergie fossile à hauteur d’au moins 1 462 millions d’euros : ainsi, les énergies fossiles telles que définies par l’OCDE ont reçu presque 1,5 milliard d’euros de subventions publiques.
Cet article pose un nouveau jalon pour davantage d’ambition et de cohérence avec l’accord de Paris sur le climat et l’engagement de l’Union européenne de supprimer les subventions aux énergies fossiles d’ici à 2020.
Le Gouvernement ouvre la porte pour supprimer des subventions aux énergies fossiles : c’est une bonne nouvelle, mais nous attendons qu’il envoie également le bon signal à l’international.
Sur l’initiative de M. Dantec, nous avons donc déposé cet amendement, qui vise à préciser la disposition introduite dans le code des assurances par l’article 68 : il faut s’assurer qu’aucun projet permettant d’augmenter la durée de vie ou la capacité de production d’installations existantes, au nom de la « réduction de l’impact environnemental » d’une centrale à charbon, ne puisse être soutenu par la puissance publique via des garanties à l’exportation.
Si cette disposition est déjà mise en œuvre depuis 2015, elle ne saurait suffire face à l’urgence climatique. La France doit envoyer le bon signal à l’international. Or de nombreux industriels du secteur du charbon se cachent derrière cet argument de réduction de l’impact environnemental de centrales à charbon pour entreprendre des travaux permettant, en fait, de prolonger la durée de vie de celles-ci ou d’augmenter leur capacité de production. En adoptant cet amendement, nous pourrons y remédier.