M. Antoine Lefèvre. L’amendement est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Cet amendement vise à revenir sur la baisse des frais de fonctionnement pris en compte pour le calcul du crédit d’impôt recherche (CIR) et sur les nouvelles obligations déclaratives introduites par l’Assemblée nationale.
La majorité sénatoriale est très défavorable à toute modification du dispositif du crédit d’impôt recherche. Pour une fois qu’un dispositif permet à la France de préserver sa recherche, soyons prudents et n’y touchons pas !
Toutefois, les ajustements concernant la prise en compte des frais de fonctionnement introduits à l’Assemblée nationale nous paraissent assez légitimes et ils ne remettent pas en cause fondamentalement le CIR. Restons-en à cette position d’équilibre : la commission demande le retrait de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Le Gouvernement est très attaché au dispositif du crédit impôt recherche, qui a prouvé son efficacité. C’est sans doute la raison pour laquelle il a traversé les mandatures.
Grâce à lui, la France est la première destination des investissements étrangers en recherche et développement, avec autant de projets que l’Allemagne et le Royaume-Uni cumulés. Nous souhaitons maintenir cet élément d’attractivité du territoire.
À l’Assemblée nationale, nous avons procédé à des ajustements à la marge des modalités de calcul du forfait des dépenses de fonctionnement, conformément aux préconisations de la Cour des comptes. Dans son rapport, celle-ci recommandait de retenir un pourcentage compris entre 40 % et 46 % ; nous avons retenu le pourcentage médian de 43 %.
Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président. Monsieur Lefèvre, l’amendement n° II-1180 est-il maintenu ?
M. Antoine Lefèvre. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° II-1180 est retiré.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° II-385, présenté par MM. Bocquet et Savoldelli, Mme Brulin, M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – Les articles 199 ter B, 220 B et 244 quater B du code général des impôts sont abrogés.
I. – Le présent article entre en vigueur le 1er janvier 2021.
La parole est à M. Pierre Ouzoulias.
M. Pierre Ouzoulias. Cet amendement vise à supprimer le CIR, qui représentera 6,5 milliards d’euros de dépenses fiscales en 2020, soit la principale dépense fiscale du budget, après celle liée à l’extinction du crédit d’impôt pour la compétitivité et pour l’emploi, le CICE. C’est aussi le dispositif fiscal le plus généreux de l’OCDE.
Cela n’a cependant pas empêché la part de la recherche et développement dans notre PIB de baisser de 2,22 % à 2,21 % en 2017.
M. Philippe Dallier. Cela aurait été encore pire sans le CIR !
M. Pierre Ouzoulias. Par ailleurs, l’investissement privé en matière de recherche et développement est bien inférieur chez nous à ce qu’il est chez nos voisins : il est de 1,7 % en France, contre 8,7 % en Suède et 7,8 % en Allemagne.
Je m’inscris donc en faux contre l’idée que le CIR favoriserait la recherche. Les chiffres démontrent exactement le contraire. Une récente étude de France Stratégie évalue l’effet de levier de ce dispositif entre 0,9 et 1,1 : s’il est de 0,9, le dispositif coûte plus cher à l’État qu’il ne rapporte en investissements et s’il est de 1,1, son efficacité est très limitée…
Il existe une raison structurelle à cette situation, liée à l’organisation de la recherche privée dans notre pays. Ainsi, selon l’Insee, « si la France avait la même structure économique que l’Allemagne avec une industrie plus présente, tout en conservant ses intensités de recherche sectorielles, l’effort de recherche des entreprises y serait de 2,7 %, contre 1,4 % actuellement ».
Il faut donc, à mon sens, aller directement au fait structurel et modifier la capacité productive de la France si l’on veut que le CIR devienne efficace. Aujourd’hui, il est impuissant à remédier à nos handicaps structuraux.
M. le président. L’amendement n° II-384 rectifié, présenté par MM. Bocquet et Savoldelli, Mme Brulin, M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – La deuxième phrase du premier alinéa du I de l’article 244 quater B est ainsi remplacée par deux phrases ainsi rédigées : « Le taux du crédit d’impôt est de 30 % pour la fraction des dépenses de recherche inférieure ou égale à 5 millions d’euros. Entre 5 et 10 millions d’euros, le taux du crédit d’impôt passe progressivement et linéairement de 30 à 0 %. »
II. – Le I s’applique aux exercices ouverts à compter du 1er janvier 2020.
La parole est à M. Pierre Ouzoulias.
M. Pierre Ouzoulias. L’Allemagne se lance aussi dans la mise en œuvre d’une forme de CIR. Le Gouvernement allemand a compris quelles étaient les difficultés du système français et s’en est inspiré pour concevoir un dispositif tout autre, avec un plafonnement et une dépense fiscale mesurée de 5 milliards d’euros sur cinq ans.
Cet amendement de repli vise à reprendre les bonnes idées de l’Allemagne, qui semblent lui réussir, puisqu’elle a un taux de croissance supérieur au nôtre en matière de dépenses de recherche et développement.
Par ailleurs, la future directive européenne sur l’assiette commune consolidée de l’impôt sur les sociétés comporte un dispositif fiscal d’aide à la recherche et développement. Un jour ou l’autre, chers collègues, nous serons obligés de choisir entre l’application de la directive d’harmonisation des législations sur l’impôt sur les sociétés, qui va dans le bon sens en ce qu’elle permet de lutter contre l’évasion fiscale, et le maintien de notre CIR.
De toute façon, nous serons donc obligés d’évaluer de façon sereine et transparente l’utilité du CIR pour développer la recherche et développement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. C’est un débat récurrent, sans doute légitime. Mais les statistiques sont incontestables : la France souffre non seulement d’un taux de prélèvements obligatoires très élevé, mais aussi d’une instabilité fiscale chronique.
Le dispositif du CIR fonctionne, avec un effet multiplicateur plutôt proche de 1,2 – je n’ai pas les mêmes chiffres que vous, monsieur Ouzoulias. La commission des finances avait travaillé sur la question voilà quelques années. Nous nous étions rendus à Toulouse pour rencontrer des responsables de filiales de sociétés allemandes, qui nous avaient clairement indiqué avoir décidé d’installer des services de recherche en France pour pouvoir bénéficier du CIR.
L’adoption de l’amendement qui vise à supprimer purement et simplement ce dispositif aurait un effet déstabilisateur immédiat et celle de l’amendement qui tend à le plafonner provoquerait des dommages collatéraux très importants : la commission est donc défavorable à ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. La recherche et développement privée française, c’est 2,2 %, et non 1,2 %, contre 2,8 % en Allemagne. L’écart n’est donc pas tout à fait celui que vous avez mentionné, monsieur Ouzoulias… Si nous reprenions la structure industrielle allemande, qui est plutôt haut de gamme, notre taux de recherche privée serait légèrement supérieur à celui de l’Allemagne.
Par ailleurs, vous omettez de dire que les cotisations sociales des chercheurs sont plafonnées en Allemagne. On peut considérer que le CIR n’est jamais qu’un dispositif nous permettant de compenser l’écart de cotisations sociales existant entre la France et certains autres pays comparables et de remettre la concurrence à un juste niveau pour les entreprises françaises.
Je ne suis pas sûre qu’il s’agisse de notre plus grosse dépense fiscale ; c’est plutôt notre plus gros effort de rééquilibrage fiscalo-social par rapport à la majorité des autres pays européens.
Le Gouvernement est défavorable à ces deux amendements.
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. Madame la secrétaire d’État, les chiffres que j’ai donnés sont non pas les miens, mais ceux de votre collègue la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Je note que vous les défendez souvent mieux qu’elle ne le fait…
Selon des économistes de l’Insee, les études entreprises montrent que le CIR, depuis 2000, a un effet d’aubaine pour les très petites entreprises. La très forte augmentation des aides reçues, notamment depuis 2008, n’a eu pour conséquence aucune augmentation de l’emploi scientifique dans ces entreprises.
Selon une autre étude tout à fait passionnante réalisée par l’Edhec, la forte croissance du CIR, depuis 2008, est essentiellement liée à son usage par les très petites entreprises de moins de dix salariés, dont la recherche et développement est subventionnée à 100 % par l’État : cela signifie qu’il n’y a aucun effet de levier. Ces TPE financent leurs activités de recherche et développement uniquement par les crédits de l’État. On nous parle très souvent ici de l’addiction à la dépense publique : en voilà un cas tout à fait exemplaire !
En outre, aujourd’hui, 53 % des entreprises françaises qui pourraient bénéficier du CIR ne recourent pas à ce dispositif. Le CIR coûte déjà 6,5 milliards d’euros : où ira-t-on si toutes les entreprises qui peuvent y prétendre demandaient à en bénéficier ? Par ailleurs, s’il s’agit d’un dispositif aussi exemplaire que vous nous le dites, pourquoi plus de la moitié des entreprises potentiellement éligibles ne l’utilisent-elles pas ?
Vous devez répondre à ces questions de fond dans un débat transparent. Je regrette que toutes les demandes que j’adresse au ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche pour connaître la nature des recherches financées par le CIR se heurtent systématiquement au secret fiscal.
M. le président. L’amendement n° II-341 rectifié ter n’est pas soutenu.
Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° II-832, présenté par M. de Montgolfier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Alinéas 5 à 11
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
2° À la première phrase du III bis, le montant : « 2 millions » est remplacé par le montant : « 100 millions ».
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2019, j’avais souligné combien il était excessif de baisser de 100 millions d’euros à 2 millions d’euros le seuil de dépenses pour l’application de nouvelles obligations déclaratives. Nous n’avions pas été suivis, et 1 390 entreprises ont eu à remplir des obligations déclaratives supplémentaires. Depuis, le Gouvernement a fait amende honorable et a adopté une position de bon sens en revenant sur ces dispositions. Mais, en parallèle, l’Assemblée nationale, contre l’avis du Gouvernement, a créé une nouvelle obligation déclarative pour les dépenses comprises entre 10 millions d’euros et 100 millions d’euros. Dans un souci de simplification et de clarification, nous proposons d’en rester au seuil de 100 millions d’euros.
M. le président. L’amendement n° II-386, présenté par MM. Bocquet et Savoldelli, Mme Brulin, M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Remplacer le nombre :
100
par le chiffre :
4
La parole est à M. Pierre Ouzoulias.
M. Pierre Ouzoulias. Mme de Montchalin, alors qu’elle était encore députée, a fait voter par l’Assemblée nationale, avec l’accord du Gouvernement, un élargissement du champ de la demande du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche relative aux états de recherches réalisées dans le cadre du CIR. Cette disposition avait été adoptée à l’unanimité.
Peu de temps après, le 15 avril 2019, la direction générale des finances publiques a considéré qu’il était préférable de revenir à l’ancien système. Le vote du Parlement a donc été considéré par Bercy comme nul et non avenu. On se demande parfois à quoi l’on sert…
Fort de cette demande de rapport d’Amélie de Montchalin, que je soutenais, j’ai demandé à la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche de pouvoir disposer de ces états de recherches, pour comprendre quelles recherches fantastiques étaient menées grâce au CIR. Las, on m’a une nouvelle fois opposé le secret fiscal…
Je suis chercheur au CNRS. Sachez que mes collègues vivent très mal qu’on leur demande sans cesse, pour des sommes misérables, des évaluations et des rapports, alors que les 6,5 milliards d’euros sont dépensés au titre du CIR sans aucune vérification, sans aucune évaluation scientifique. Ils le vivent comme une injustice majeure ! Soit vous supprimez toutes les évaluations dans le domaine de la recherche publique – je serais d’accord –, soit vous soumettez les recherches financées par le CIR aux mêmes critères d’évaluation que la recherche publique.
M. le président. L’amendement n° II-387, présenté par MM. Bocquet et Savoldelli, Mme Brulin, M. Ouzoulias et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Rédiger ainsi cet alinéa :
b) La seconde phrase est ainsi rédigée : « Sur la base de ces informations, le ministre chargé de la recherche publie, au moment du dépôt du projet de loi de finances de l’année suivante au Parlement, un rapport synthétique sur l’utilisation du crédit d’impôt recherche par ses bénéficiaires pour l’exercice budgétaire précédent. » ;
La parole est à M. Pierre Ouzoulias.
M. Pierre Ouzoulias. La loi dispose que le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche doit remettre au Parlement, à l’occasion de la discussion budgétaire, un rapport synthétique l’utilisation du crédit d’impôt recherche. Nous ne l’avons pas eu. Cet amendement vise donc à demander un rapport sur ce rapport. Je n’ai pas trouvé d’autre solution…
M. le président. L’amendement n° II-1015 rectifié ter, présenté par MM. Capus et Chasseing, Mme Mélot et MM. Lagourgue, Wattebled, Fouché, Decool, Malhuret, Canevet, Menonville et L. Hervé, est ainsi libellé :
Alinéas 8 à 10
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Emmanuel Capus.
M. Emmanuel Capus. Cet amendement va dans le même sens que celui de la commission.
Les obligations déclaratives ajoutées à l’Assemblée nationale compliquent le recours au CIR pour les entreprises. Je ne pense pas que ce soit une bonne idée.
J’entends notre collègue communiste se plaindre d’une inégalité de traitement entre recherche privée et recherche publique. Mais la recherche publique ne suffit pas dans ce pays : il faut aussi une recherche privée. Seule l’innovation nous permet de faire face à la concurrence des États-Unis, de la Chine et de tous les autres pays du monde. Je ne pense pas, mon cher collègue, que vous puissiez prétendre que la recherche publique suffise à affronter la concurrence mondiale.
Pourquoi vouloir monter une recherche contre l’autre ? C’est un discours récurrent, que l’on retrouve même dans des émissions grand public. Un lobbying assez fort s’exerce contre le crédit d’impôt recherche.
Il faut arrêter de taper sur ce qui fonctionne ! Les chiffres inquiétants que vous citez montrent notre retard en matière de recherche sur les autres grands pays européens, malgré le CIR. Supprimer le CIR nous ferait prendre encore plus de retard. Je n’aime pas que l’on cherche à opposer recherche publique et recherche privée.
M. Roger Karoutchi. Il n’a pas dit ça !
M. Pierre Ouzoulias. Non !
M. Emmanuel Capus. Mais si, c’est exactement ce qu’il a dit ! Il a dit que les chercheurs publics ne comprenaient pas l’absence d’évaluation de la recherche privée. (Protestations sur les travées des groupes Les Républicains.)
M. Vincent Éblé, président de la commission des finances. Vous trouvez normal qu’il y ait deux poids, deux mesures ?
M. Emmanuel Capus. Il me semble tout à fait normal de soutenir la recherche privée.
Vous dites également qu’il ne faudrait pas soutenir les petites entreprises. Bien au contraire, elles aussi peuvent faire de la recherche.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Les amendements nos II-386 et II-387 sont incompatibles avec celui de la commission ; j’émets donc un avis défavorable.
Toutefois, je partage assez l’analyse de notre collègue Ouzoulias. Je pense que MM. Adnot et Rapin, rapporteurs spéciaux de la mission « Recherche et enseignement supérieur », pourraient nous dire que les chercheurs du public supportent de lourdes charges déclaratives. Peut-être faudrait-il mener un travail sur ce sujet, et leur permettre de se concentrer sur leurs travaux de recherche, plutôt que de devoir remplir des rapports.
Par ailleurs, deux nouvelles demandes de rapport sur le CIR figurent déjà dans le projet de loi de finances. Ces rapports porteraient sur les éventuels abus constatés dans le calcul de l’assiette, sur la nécessité de revoir la prise en compte des dépenses de personnel dans celle-ci et sur la sous-traitance. Le premier rapport sur le CIR portait sur l’exercice 2017. Nous attendons les suivants avec impatience !
Enfin, la commission émet un avis favorable sur l’amendement n° II-1015 rectifié ter, qui va dans le sens de celui de la commission des finances.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Je formulerai la même réponse qu’à Assemblée nationale s’agissant de la mise en place de ce rapport.
Je m’en étais remise alors à la sagesse des députés, en indiquant que les données demandées sont très difficiles à constituer par les entreprises, ce qui peut aller à l’encontre d’un objectif de simplification. La nature descriptive des informations demandées les rendra, en tout état de cause, difficiles à exploiter statistiquement. J’avais recommandé une approche par sondage, plus exploitable.
C’est en ce sens que le ministère de l’enseignement supérieur de la recherche et de l’innovation produit chaque année une large enquête statistique, qui est disponible, sur la R&D des entreprises.
Cela étant, on ne peut refuser à des élus de la République d’avoir une vision complète d’un dispositif fiscal dont le montant est important, puisqu’il représente, vous l’avez rappelé, 6 milliards d’euros.
L’Assemblée nationale a tranché. Vous avez une vision différente, puisque vous penchez plutôt du côté de la simplification. J’émettrai donc un avis de sagesse sur les amendements nos II-832 et II-1015 rectifié ter.
S’agissant des amendements nos II-386 et II-387, un tel abaissement du seuil me paraît aller trop loin.
Effectivement, il ne faut pas opposer recherche publique et recherche privée. Au sein du CIR, un dispositif vise à faciliter les partenariats entre recherche publique et recherche privée, grâce à une incitation complémentaire.
C’est exactement ce que nous voulons faire : un continuum de recherche, de la recherche fondamentale jusqu’à la recherche appliquée, avec des circulations beaucoup plus fluides entre chercheurs publics et équipes privées. En effet, cela permet d’avoir une « cross-fertilisation », pour parler en bon français, tout en se positionnant sur des objets de recherche créateurs d’emploi en France.
En réalité, la recherche financée par le CIR bénéficie d’une évaluation, puisque les entreprises la financent. Or ces dernières disposent d’un compte de résultat qui est la traduction de l’efficacité de cette recherche. Ce n’est donc pas de l’argent employé à ne rien faire, il faut en être conscient.
Le Gouvernement est donc défavorable à l’amendement n° II-386.
En ce qui concerne l’amendement n° II-387, j’entends la demande de précision qui est faite pour le rapport. Je vous renvoie aux éléments statistiques publiés par le ministère de la recherche.
Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. Madame la ministre, vous m’enfermez un dogmatisme qui n’a été jamais été le mien dans cet hémicycle.
Je m’exprimais en tant que sénateur communiste, je l’assume, mais aussi en tant que chercheur et au nom d’une communauté très large, qui ne comprend plus ce dispositif.
S’agissant du lobbying, j’ai reçu, comme vous, des myriades de courriels en faveur du CIR… En revanche, vous avez dû recevoir peu de courriels de chercheurs du CNRS vous interrogeant sur la réalité des dépenses !
Je suis parlementaire. À ce titre, j’ai une mission, qui m’est imposée par l’article 24 de la Constitution, et que j’assumerai jusqu’au bout : contrôler la façon dont l’argent public est dépensé. Aujourd’hui, je suis dans l’impossibilité de mener à bien cette mission.
Je demande donc simplement, sans opposer recherche privée et recherche publique, qui sont complémentaires – j’insiste sur ce point –, à disposer des données me permettant de vérifier à quoi servent les 6,5 milliards d’euros du CIR. Je ne comprends pas que l’on me les cache, si ce dispositif est aussi important et aussi utile. Vous le savez, quand c’est flou, c’est qu’il y a un loup ! (Sourires.) Je veux examiner en toute transparence, avec mes collègues scientifiques, à quoi sert ce CIR.
Par ailleurs, vous le savez, on demande aujourd’hui sans cesse aux chercheurs des publications, dont ils fournissent systématiquement la liste. Donnez-moi donc la liste des publications financées par ces 6,5 milliards d’euros ! Pour l’instant, je ne l’ai pas.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. J’entends les propos tenus par notre collègue et je prends en compte le montant en question.
On l’a dit et répété, il n’est pas question d’opposer la recherche privée à la recherche publique. Toutefois, il s’agit tout de même de 6,5 milliards d’euros ! On peut opposer le secret fiscal, le secret industriel et tout un tas d’autres secrets, mais notre collègue a quelque peu raison : il faut aussi rendre des comptes aux contribuables.
Par ailleurs, il y a une distorsion entre la recherche publique et la recherche privée pour ce qui concerne les obligations de rendre des travaux.
Vous répondez, madame la secrétaire d’État, que l’on peut évaluer cette recherche. Pour ma part, je ne suis pas compétente pour évaluer la qualité d’une recherche. Faut-il comptabiliser le nombre d’emplois induits ? Le nombre de brevets déposés ?
Selon moi, nous pourrions, dans le cadre de la commission des finances, faire un contrôle sur pièces et sur place de quelques entreprises choisies de façon aléatoire et compléter le rapport de notre collègue rapporteur de la commission des finances, de façon à avoir un peu plus d’éléments. Et si cela doit passer par la délégation aux renseignements pour que ce soit encore plus confidentiel, soit !
Il y a là une somme d’argent extrêmement importante, pour laquelle nous disposons de très peu d’éléments. Je voterai bien évidemment l’amendement de la commission. Mais je pense que le Gouvernement doit rendre des comptes s’agissant de ces 6,5 milliards d’euros d’argent public. C’est un minimum !
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État. Je n’ai manifestement pas été suffisamment précise.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous renvoie aux réponses très complètes données par les enquêtes sur les chercheurs dans les entreprises menées par le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation (MESRI), qui sont disponibles directement sur internet. Elles apportent des éléments statistiques, avec une granularité relativement macro. L’une des évaluations publiées par la Commission nationale d’évaluation des politiques d’évaluation (Cnépi) indique notamment l’impact du CIR sur l’embauche des docteurs.
Que telle ou telle entreprise mette sur la table sa recherche, c’est une autre affaire ! C’est dans ce cadre que l’on a évoqué le secret fiscal. Par ailleurs, et vous connaissez cela mieux que moi, des moyens d’investigations sont réservés au Sénat sur ces sujets.
M. le président. La parole est à M. Jean-François Rapin, pour explication de vote.
M. Jean-François Rapin. En tant que rapporteur spécial de la mission « Recherche et enseignement supérieur » pour la commission des finances, j’ai entendu Pierre Ouzoulias, qui défend régulièrement, avec cœur, ce type d’arguments.
Selon moi, il y a effectivement le terrain des chercheurs, mais il y a aussi le terrain des entreprises. Pour ma part, je n’ai jamais entendu une seule entreprise me dire que le CIR constituait pour elle un effet d’aubaine. Énormément d’entreprises sont aidées, qu’il s’agisse de grandes entreprises, d’entreprises plus petites ou de start-ups. J’en ai visité une en Corse, voilà peu de temps. Si elle n’avait pas eu le CIR, elle n’aurait pas pu développer son produit.
Par ailleurs, je suis tout à fait d’accord pour produire un rapport plus précis, comme le proposait notre collègue Nathalie Goulet, sur l’utilisation du CIR. Il faut simplement trouver le temps d’organiser ce travail, qui rassurerait tout le monde. J’ai en effet la conviction profonde que le CIR constitue un outil important de la recherche en France.
M. le président. En conséquence, les amendements nos II-386, II-387 et II-1015 rectifié ter n’ont plus d’objet.
L’amendement n° II-106 rectifié bis, présenté par Mmes Estrosi Sassone et Deromedi, M. Pellevat, Mme Micouleau, M. Perrin, Mme Bruguière, MM. Lefèvre, Savin, Mayet, Daubresse et Cambon, Mmes Thomas et Chain-Larché, M. B. Fournier, Mmes L. Darcos et Dumas, MM. Kennel et Milon, Mme Imbert, M. Pierre, Mme Puissat, M. Regnard, Mme Morhet-Richaud, MM. Mouiller, Savary, Pemezec, Cuypers, Laménie et Vaspart, Mme Ramond, MM. Piednoir et Saury, Mme Gruny, MM. Babary et Poniatowski, Mme Lopez, MM. Bonne et Brisson, Mmes Lanfranchi Dorgal et Renaud-Garabedian, MM. Gremillet et Magras, Mme Lamure, M. Mandelli, Mme de Cidrac, MM. Morisset et Husson, Mme Bonfanti-Dossat et MM. Grosperrin et Rapin, est ainsi libellé :
Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
…. – Après le III bis du même article 244 quater B du code général des impôts, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :
« …. – Les entreprises qui ferment un ou plusieurs établissements remboursent la moitié du montant perçu au titre du crédit d’impôt recherche au cours des deux années précédant cette fermeture et après la publication de la loi n° … du … de finances pour 2020 sauf en cas de cessation de l’activité de l’entreprise. »
…. – Le paragraphe précédent s’applique aux dépenses exposées à compter du 1er janvier 2020.
La parole est à M. Antoine Lefèvre.