M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
Mme Catherine Morin-Desailly. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’évoquerai la partie audiovisuelle de cette large mission.
Avant toute chose, je tiens à féliciter le rapporteur pour avis de notre commission, Jean-Pierre Leleux, pour l’excellence de son travail.
Je concentrerai mon propos sur deux sujets : celui du modèle économique, et donc du financement de l’audiovisuel public, et celui, ô combien stratégique, de l’audiovisuel extérieur que l’on a parfois tendance à oublier en se concentrant sur les grandes masses budgétaires que représentent France Télévisions et Radio France.
Le budget qui nous est aujourd’hui soumis est le dernier avant la grande réforme que nous attendons de longue date, réforme pour laquelle le Sénat a travaillé, considérant l’urgence d’adapter notre audiovisuel à la nouvelle donne numérique qui transforme les supports, les usages, les métiers, les organisations d’entreprise et, bien sûr, les modèles économiques.
Comme le rapporteur, monsieur le ministre, je suis satisfaite que le Gouvernement ait pris en considération certaines préconisations du rapport de Jean-Pierre Leleux et André Gattolin, issu d’une mission de prospective voulue par notre commission, pour son projet de loi.
Je pense notamment à l’amélioration de la gouvernance de l’audiovisuel public, via la constitution d’une holding visant à rapprocher, dans une vision stratégique, les quatre entreprises de l’audiovisuel public.
Mais la gouvernance n’est pas tout. Parmi ces préconisations figurait également l’évolution du modèle économique de l’audiovisuel public reposant sur la modernisation de la CAP, élément essentiel d’une réforme qui ne peut être que systémique pour garantir la prévisibilité des ressources et l’indépendance d’un audiovisuel public libéré des dotations de l’État.
Or, pour l’heure, sur ce chapitre, nous sommes dans l’incertitude, voire dans la confusion. En témoigne le sort réservé à la CAP. Le ministre de l’action et des comptes publics en a récemment proposé la suppression en même temps que celle de la taxe d’habitation (TH) à laquelle elle était adossée.
Monsieur le ministre, vous vous étiez opposé à cette mesure, et nous aussi, car nous considérons que l’audiovisuel public doit être principalement financé par une dotation publique pérenne et dynamique.
Alors que nos voisins européens ont déjà modernisé leur redevance audiovisuelle, nous sommes depuis quelques années dans le yo-yo perpétuel, passant notre temps à la désindexer puis à la réindexer.
Cette année, alors que la réforme de la TH n’est pas aboutie, on nous annonce une baisse de 1 euro de la CAP ! Si l’idée est d’alléger la fiscalité, en effet lourde pour nos concitoyens, attaquez-vous à l’impôt sur le revenu, pas à la CAP, d’autant que cette somme ne veut rien dire : 1 euro sur une année, ce n’est même pas le prix d’un café !
Si l’idée de contraindre les entreprises de l’audiovisuel à faire des économies, il y a des manières plus pédagogiques de le faire que de leur envoyer ce signal désastreux quant à la légitimité de ce qui reste une contribution en échange d’un service identifiable (M. David Assouline applaudit.), équivalente, somme toute, si elle était mensualisée, à un abonnement à une chaîne payante ou à une plateforme de vidéo à la demande.
Pour notre groupe, c’est l’incompréhension, d’autant que même sans cela, notre redevance reste la plus basse d’Europe.
Oui, il faut faire aujourd’hui des gains de productivité – cela est demandé à tous –, mais il faut aussi avoir des marges de manœuvre permettant de moderniser les entreprises, d’organiser la formation aux nouveaux métiers, de disposer d’une masse critique pour développer de nouveaux formats, de développer l’intelligence artificielle. Tout cela coûte cher, mes chers collègues, face aux mastodontes du numérique.
Je conclurai en évoquant l’audiovisuel extérieur. Ce dernier a déjà largement contribué à l’effort d’économies demandé. De ce fait, sa trajectoire est en décalage croissant avec les autres grands médias internationaux qui voient leur financement progresser. Je pense notamment à la Deutsche Welle, dont le directeur général a été auditionné par notre commission, mais aussi à d’autres médias proches de nos valeurs.
Pour France Médias Monde, le projet de loi de finances pour 2020 prévoit une nouvelle baisse d’un million d’euros par rapport à 2019, soit un total de 10 millions d’euros par rapport à ce qui était prévu dans le contrat d’objectifs et de moyens (COM).
Or il s’agit d’un outil de rayonnement et d’influence majeur pour notre pays. Dans cette nouvelle guerre froide de l’information qui se joue en français tout autant que dans les langues étrangères, il remplit une mission plus que nécessaire au service d’une information de référence, y compris pour les Français à travers le monde.
Ainsi, sur ce sujet, nous comprenons la réaction de nos collègues de la commission des affaires étrangères, soucieuse d’abonder les crédits de France Médias Monde – nous y reviendrons.
Monsieur le ministre, nous avons besoin d’un audiovisuel extérieur fort, et par-delà la seule question budgétaire, nous veillerons à ce que sa place dans la future holding de l’audiovisuel public soit préservée, et même renforcée. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi qu’au banc des commissions. – Mme Joëlle Garriaud-Maylam applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Céline Boulay-Espéronnier.
Mme Céline Boulay-Espéronnier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention portera sur l’audiovisuel public et les fonds qui lui sont consacrés.
J’évoquerai d’abord le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique qui vient tout juste d’être présenté en conseil des ministres après de longs mois d’attente. En effet, si nous n’examinons pas aujourd’hui les crédits qui viendront en appui de cette réforme, on ne peut faire abstraction des enjeux qu’elle soulève.
L’essor du numérique, de nouveaux usages, la véritable explosion d’offres venues bouleverser le paysage audiovisuel au niveau mondial nous obligent en effet à définir un nouveau cadre législatif et réglementaire.
Mes chers collègues, j’estime que, au-delà de nos clivages politiques, nous partageons l’envie d’un audiovisuel fort, et au sein de celui-ci, d’un audiovisuel public qui se réinvente pour affirmer sa spécificité. Le Sénat a un rôle majeur à jouer dans cette réflexion.
Certaines pistes avancées dans le rapport d’information de Jean-Pierre Leleux et André Gattolin en septembre 2015 ont d’ailleurs eu les faveurs du Gouvernement. Le projet de loi définit un modèle que notre rapport qualifiait de « BBC à la française », permettant le regroupement des différentes sociétés de l’audiovisuel public et la mutualisation de leurs moyens.
À la lecture des différents chapitres de ce projet de loi, si je retrouve les grandes lignes d’une organisation modernisée, je reste perplexe quant à l’ambition de ses auteurs. Comme l’a souligné notre rapporteur pour avis Jean-Pierre Leleux, le problème semble être pris à l’envers : le Gouvernement définit une gouvernance, des rapprochements, des règles éparses concernant la publicité ou les rapports des acteurs en présence, mais sans déterminer au préalable ce que l’on attend du service public dans le nouveau paysage audiovisuel et ce qui justifie son existence.
Cette absence de réflexion sur les priorités est alarmante et augure mal des choix qui seront faits, notamment en matière de financement.
Car enfin, si ces objectifs ne sont pas fixés, comment les moyens pourraient-ils être définis ? Le projet de loi reste muet, et vous également, monsieur le ministre, quant aux nouvelles sources de financement qui seront mises en place, celles-ci ne devant être définies qu’en 2021 et 2022.
Ces derniers mois, la suppression de la redevance a été évoquée par le ministre des comptes publics, mais, à l’inverse, vous vous êtes prononcé par le passé pour un élargissement de son assiette. Le présent budget précède donc une reconfiguration qui demeure inconnue. Nous appelons de nos vœux de prochains éclaircissements.
Pour en revenir aux crédits consacrés à l’audiovisuel public cette année, nous constatons une baisse de 69,2 millions d’euros, en cohérence avec la ligne définie et suivie par notre Haute Assemblée en 2018. En effet, une économie de 190 millions d’euros est demandée aux entreprises de l’audiovisuel public d’ici à 2022 au titre de la réduction des déficits publics, mais également afin de concentrer les moyens sur certains postes – je pense notamment au développement numérique.
Cette stratégie d’austérité, qui succède à une forte augmentation des moyens de 2009 à 2017, a enclenché une réorganisation des services et la mise en œuvre de diverses réformes.
Certes, on peut s’interroger sur l’opportunité de maintenir cette trajectoire, alors que le fonctionnement de l’audiovisuel public, notamment de France Télévisions, sera prochainement revu par le Gouvernement.
L’année dernière, la taxe Copé sur les télécoms a été définitivement affectée au budget de l’État au détriment de France Télévisions, alors qu’elle avait été créée pour compenser la suppression de la publicité en soirée sur les chaînes de l’opérateur.
Cette année, la contribution à l’audiovisuel public est diminuée de 1 euro, ce qui renforce l’impression de diète, même si la portée de cette décision est surtout symbolique. Je partage le sentiment de notre rapporteur Jean-Pierre Leleux, qui regrette cette baisse des moyens à la veille de la réforme annoncée, mais qui fait toutefois le choix difficile de ne pas s’y opposer.
Les contraintes budgétaires ont en effet permis d’enclencher des mesures nécessaires de réorganisation et d’économie. Les entreprises de l’audiovisuel public ont incontestablement progressé dans la redéfinition de leurs priorités, ce qui n’aurait pas été possible si l’inflation de leurs moyens s’était poursuivie.
L’absence de réforme des sources de financement de l’audiovisuel public nous incite à poursuivre la même trajectoire.
Pour ces raisons, notre groupe suivra l’avis de nos rapporteurs, et outre les crédits de la mission, adoptera ceux du compte spécial dédié à l’audiovisuel public. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier.
M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de budget s’inscrit dans un contexte de réforme auquel le Parlement a pris sa part.
En particulier, grâce au Sénat, la France peut s’enorgueillir d’être le premier État membre à avoir transposé la directive européenne tendant à créer un droit voisin au droit d’auteur pour les agences de presse et les éditeurs de presse.
C’est également dans notre Haute Assemblée que le Gouvernement a choisi d’entamer l’examen du texte relatif à la modernisation de notre système de distribution de la presse, hérité de la fameuse loi Bichet de 1947, texte dont le rapporteur au Sénat était Michel Laugier.
Ce texte a été enrichi par l’adoption d’amendements issus de tous les groupes du Sénat, défendus notamment, pour le RDSE, par notre collègue Françoise Laborde. Cela a permis de faire évoluer un système hérité du Conseil national de la Résistance et sans équivalent, qui permet au lecteur français, depuis l’après-guerre, d’accéder aisément à une grande pluralité de titres.
Mes chers collègues, j’évoquerai tout d’abord les crédits attribués à l’audiovisuel public, plus particulièrement à France Télévisions.
Notre rapporteur évoque à juste titre un « management par le stress » exercé par l’exécutif depuis le début de la législature. La méthode retenue, qui consiste à appliquer de fortes réductions budgétaires – à hauteur de 70 millions d’euros l’an prochain, dont 40 millions pour France Télévisions – avant même de redéfinir les missions des structures visées, nous laisse assez dubitatifs.
Nous continuons en outre de regretter les disparitions prochaines de France 4 dont l’offre jeunesse est précieuse, et de France Ô qui donne aux outre-mer une visibilité qu’il sera difficile de rétablir, alors que ces disparitions n’auront qu’une incidence mineure sur les comptes du groupe.
À ce titre, le bien-fondé de la baisse de la redevance l’an prochain, pour un montant de 1 euro, nous paraît discutable.
Nous souhaitons également rappeler que pour la deuxième année consécutive, l’audiovisuel public se verra intégralement privé des ressources de la taxe Copé, destinée à l’origine à compenser la suppression de la publicité en soirée sur France Télévisions, même s’il faut reconnaître que le parrainage remplace souvent la publicité…
M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial. Bravo !
M. Jean-Claude Requier. Nous saluons enfin les excellents résultats de Radio France, et ce, en dépit des mesures d’économie, ainsi que l’accompagnement de l’État, à hauteur de 6 millions d’euros, apporté à l’Agence France Presse qui conduit actuellement une profonde restructuration. La situation de l’agence s’améliore lentement. Nous nous en félicitons. Ces outils nous sont précieux dans un contexte où la culture de l’immédiateté et la perte d’indépendance de certains médias desservent chaque jour davantage la qualité de l’information.
Les industries culturelles continuent pour leur part de représenter un enjeu économique majeur en France. Livres, jeux vidéo, cinéma, musique : les productions françaises connaissent toujours un rayonnement international significatif, rendu possible par des politiques publiques spécifiques et un cadre protecteur où la régulation, à la demande des acteurs, est toujours forte.
Les crédits d’impôt propres au secteur de la culture demeurent stables : ils s’élèvent à 400 millions d’euros, dont 90 % seront absorbés par la production cinématographique et audiovisuelle.
Après des années difficiles, le marché de la musique poursuit sa mutation et renoue avec la croissance grâce au streaming. Certes, la rémunération des auteurs doit être adaptée à ce nouveau modèle économique. Le projet de loi sur l’audiovisuel nous permettra, je l’espère, de réduire l’écart aujourd’hui observé entre écoute et revenus.
Le Centre national de la musique (CNM) offrira enfin à ce secteur, aujourd’hui encore largement éclaté, un nouvel outil pour faire face à des enjeux qui demeurent considérables. Tout comme vous, monsieur le ministre, nous sommes attachés à la réussite de ce projet qui vient enfin de se concrétiser.
J’évoquerai pour conclure les aides de l’État à la presse. Ce secteur, qui doit faire face au défi de la numérisation, continue de voir chuter ses recettes de vente et ses recettes publicitaires.
En dépit des réformes engagées, le secteur de la distribution demeure dans l’incertitude, avec un opérateur principal, Presstalis, dont l’avenir demeure très obscurci.
Attachés à la proximité, les membres du RDSE se félicitent, dans un contexte morose, que la presse locale résiste plutôt mieux que la presse d’information politique et générale (IPG), car elle demeure à notre sens davantage ancrée dans les territoires.
Mes chers collègues, malgré les quelques réserves que je viens d’évoquer, le groupe du RDSE apportera son soutien au vote de ces crédits. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et UC, ainsi qu’au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à M. Laurent Lafon. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. Laurent Lafon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, Catherine Morin-Desailly ayant déjà évoqué les crédits de l’audiovisuel pour le groupe Union Centriste, je centrerai mon intervention sur ceux de la mission proprement dite.
Je ne m’étendrai pas longuement sur les crédits de la presse, le rapporteur pour avis Michel Laugier, dont je salue l’excellent travail, ayant déjà brossé un tableau d’ensemble du secteur.
De ce panorama, nous voulons retenir les signaux positifs. Les grands opérateurs et les pouvoirs publics ont pris la mesure du choc numérique et ont commencé à s’y adapter. Ainsi avons-nous voté la loi relative à la modernisation de la distribution de la presse et la loi tendant à créer un droit voisin.
Nous regrettons néanmoins qu’il n’ait pas été possible d’adosser Presstalis à un autre opérateur dans la loi. Je m’interroge également sur les conséquences en région de la contraction des aides versées à La Poste.
Quant au droit voisin, la loi votée constitue un signal fort, mais compte tenu de la réaction de Google et de Facebook, l’offensive législative ne fait que marquer le début d’un bras de fer.
Les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » doivent donc être appréciés à l’aune des mutations structurelles en cours. Le soutien public à la presse demeure substantiel, et il ne faiblira globalement pas en 2020.
Les aides directes sont concentrées sur la presse IPG, ce qui est une bonne chose, puisque ce secteur est celui qui a le plus souffert de la baisse des ventes et des recettes publicitaires.
De même, l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) se déclare satisfaite du budget qui lui est alloué pour commencer à remplir sa nouvelle mission de régulation. Presstalis continue d’être soutenu à bout de bras par l’État, qui vient de débloquer un prêt de 90 millions d’euros. Idem pour l’AFP, qui bénéficiera en 2020 d’une aide de 6 millions d’euros.
Je dirai également un mot des crédits alloués aux industries culturelles. Comme le remarque très justement notre rapporteure pour avis Françoise Laborde, que je remercie également pour la qualité de son travail, le programme 334 qui les regroupe embrasse un champ particulièrement large, incluant le livre, la bande dessinée, la production audiovisuelle, dont le cinéma, la musique et le jeu vidéo.
Les crédits du programme augmentent principalement du fait de la dotation d’amorçage du Centre national de la musique (CNM). La loi qui en porte création a été votée il y a déjà quelques mois, mais sa promulgation, intervenue le 30 octobre dernier, a été plutôt tardive.
En effet, le CNM soulève toujours deux questions cruciales : celle de ses moyens et celle de sa gouvernance. Bien que la dotation de 7,5 millions d’euros inscrite au présent projet de loi de finances constitue un premier signal encourageant, nous sommes loin des 20 millions d’euros dont le CNM aura besoin.
Comment ce budget sera-t-il pérennisé ? Nous n’avons toujours pas d’assurance que les collectivités locales qui contribuent à l’animation et au financement de la politique musicale dans les territoires ne soient pas les grandes oubliées dans la gouvernance du CNM.
Par ailleurs, Françoise Laborde nous a alertés sur les incertitudes pesant sur l’avenir du soutien au cinéma. Sur ce sujet également, le présent budget est un budget de transition puisque la fiscalité affectée au soutien du cinéma sera réformée par le prochain projet de loi de finances.
Quoi qu’il en soit, l’inéluctabilité de la baisse des dépenses du CNC conduit à penser que nous arrivons au bout d’un cycle : il faudra trouver un autre modèle de financement privé, ou le CNC devra se résoudre à soutenir moins de projets chaque année.
J’en terminerai en évoquant les crédits alloués à la Bibliothèque nationale de France (BNF), qui représentent à eux seuls 70 % du programme. Les difficultés à boucler le budget du site Richelieu nous rappellent cruellement à quel point le mécénat va être vital pour le monde de la culture dans les années à venir, ce qui incite à ne surtout pas en réduire la voilure fiscale, comme le fait malheureusement le présent projet de loi de finances.
En conclusion, malgré les incertitudes qui pèsent tant sur le secteur des médias que sur celui des industries culturelles, le groupe Union Centriste votera le présent budget, qui a au moins le mérite d’en accompagner les mutations. (Applaudissements sur les travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à Mme Claudine Lepage. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
Mme Claudine Lepage. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans son discours du 20 mars 2018, le Président de la République avait fait part de son ambition pour la francophonie.
Quelques mois plus tard, l’audiovisuel extérieur de la France, vecteur de la francophonie et outil indispensable au rayonnement de notre pays, était considérablement affaibli dans le projet de loi de finances pour 2019.
France Médias Monde, opérateur majeur qui atteint chaque semaine près de 130 millions d’auditeurs et de téléspectateurs, subissait une baisse de crédits de 1,6 million d’euros. Cette année, la dotation allouée est encore en baisse de 1 million d’euros.
Alors que France Médias Monde a déjà réalisé des efforts importants en matière de réduction de coûts – loyer, salaires –, ainsi que dans la recherche de nouveaux financements – Agence française de développement (AFD), financements européens – tentant de compenser la baisse de la redevance, le Gouvernement souhaite que soit menée une réflexion stratégique pour « garantir les meilleures conditions d’accomplissement de ses missions prioritaires ».
Il s’agit donc de faire plus avec toujours moins de moyens, comme à Radio France, comme à l’hôpital et comme dans de nombreux services publics. Malheureusement, le résultat de cette politique est connu et inévitable : une baisse de la qualité des services.
L’affaiblissement de France Médias Monde est d’autant plus inquiétant que de nombreux pays renforcent considérablement leur audiovisuel extérieur. Ainsi, la BBC bénéficie d’un budget de 436 millions d’euros et la Deutsche Welle d’un budget de 350 millions d’euros, quand le budget de France Médias Monde s’élève à 255 millions d’euros.
Alors qu’il leur faut relever de nombreux défis, ce projet de loi de finances pour 2020 ne donne pas les moyens de leurs ambitions aux grands opérateurs qui œuvrent pourtant au rayonnement de notre pays à l’international.
Ils souffrent tous d’une sous-dotation, de même que TV5 Monde, qui a subi une baisse de 1,2 million d’euros l’année dernière, baisse qui n’est pas compensée cette année. Je ne peux que regretter ces incohérences et la dichotomie entre les discours et la réalité des moyens alloués.
Des efforts considérables sont déployés par les équipes de l’audiovisuel extérieur pour développer de nouveaux projets. Pour autant, la dégradation de leurs moyens entache fortement leurs conditions de travail.
Je pense notamment à la question délicate de la protection sociale des journalistes pigistes à l’étranger qui n’est, à ce jour, pas encore réglée, monsieur le ministre. Les journalistes travaillant hors de France sont pourtant eux aussi les garants d’une information libre, pluraliste, et d’une certaine idée de la démocratie.
En conclusion, la trajectoire budgétaire de l’audiovisuel extérieur n’est pas à la hauteur des ambitions de notre pays. Je ne peux que regretter que les discours, au vu des moyens alloués, soient condamnés à rester de vains mots. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Franck Riester, ministre de la culture. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, notre rapport à l’information, à la presse, aux médias et nos pratiques culturelles sont aujourd’hui bouleversés par la révolution numérique ; par la démultiplication des acteurs, des écrans, des formats, des contenus ; par la diversification des moyens de les lire, de les écouter, de les visionner. En même temps qu’il fait émerger des opportunités nouvelles, le numérique remet en cause des pans entiers de l’économie de la culture et des médias.
Notre responsabilité est de faire du numérique une chance, et non une menace ; de le rendre synonyme d’enrichissement, et non d’appauvrissement ; de faire en sorte que notre culture soit consolidée, et non précarisée. C’est en ayant en tête cette idée, cet objectif, cette obsession, que nous avons conçu le budget du ministère de la culture pour l’année 2020.
Sur les 60 millions d’euros de crédits budgétaires supplémentaires dont bénéficiera le ministère, 9 millions d’euros iront à la mission « Médias, livre et industries culturelles », les priorités étant les mêmes que pour la mission « Culture » dont nous venons de débattre.
La première priorité de ce projet de budget est l’émancipation de nos concitoyens, en premier lieu par l’accès à une information indépendante, pluraliste et de qualité, et ce dès le plus jeune âge. Nous poursuivrons notre action en faveur du développement de la lecture, laquelle ne doit pas être cantonnée au seul cadre scolaire.
À l’heure de la diversification des sources d’information et de la prolifération des « infox », il ne faut plus seulement apprendre à lire, il nous faut aussi éduquer à l’image. Tel est l’objectif du plan d’éducation aux médias et à l’information, dans lequel l’audiovisuel public s’engagera afin de lutter contre les infox, grâce, entre autres, à la plateforme de décryptage « vrai ou fake ».
Cette information fiable, pluraliste, de qualité que j’évoquais, l’Agence France Presse en est l’une des garantes. Soutenir l’AFP, c’est soutenir, indirectement, toute la presse. À cet égard, je tiens à remercier David Assouline d’avoir salué le soutien du Gouvernement à l’AFP. Nous soutiendrons son plan de transformation, à hauteur de 4,5 millions d’euros supplémentaires en 2020. C’est un effort considérable. Nous accompagnerons également les missions d’intérêt général de l’AFP, en revalorisant leur financement à hauteur de 1,5 million d’euros.
Cette information fiable, pluraliste, de qualité, nous n’aurons de cesse de la soutenir. Nous n’aurons de cesse de défendre la presse, son indépendance, sa liberté, parce que sans elle, il n’y a pas de démocratie. Les aides à la presse seront confortées en 2020.
Avec mes homologues européens, je mène un combat pour faire respecter le droit voisin. Tel était le sens de mon intervention, le 21 novembre dernier, devant le Conseil des ministres de la culture de l’Union européenne. Un grand nombre de ministres ont d’ailleurs soutenu la France dans sa détermination à défendre le droit voisin et son application, dans son combat pour le partage de la valeur entre les acteurs de l’internet, les agences de presse, les éditeurs de presse et les journalistes.
La France, qui fut le premier État membre à transposer la directive relative aux droits voisins, grâce au Sénat, et aux rapports de David Assouline et du député Patrick Mignola, que je salue, doit rester en première ligne sur ce sujet. Derrière le droit voisin, c’est l’avenir du journalisme qui se joue ; c’est la préservation des moyens des éditeurs et des agences de presse ; c’est la protection de leur indépendance, de leur capacité d’informer, tout simplement, d’une façon professionnelle.
Aujourd’hui, la valeur créée est captée par les géants du numérique : c’est inacceptable, et il faut remédier à ce problème. Vous savez que l’Autorité de la concurrence a été saisie par les éditeurs de presse et qu’elle remettra son avis au tout début de l’année 2020. J’ai également eu l’occasion de rencontrer la commissaire Margrethe Vestager sur cette question. Le Gouvernement, dont la détermination est totale, est prêt à consolider le droit voisin dans le cadre du projet de loi sur l’audiovisuel – j’en ai discuté encore récemment avec Catherine Morin-Desailly et David Assouline – et à se doter d’outils complémentaires afin que la loi soit respectée.
La deuxième priorité de ce projet de budget est le renforcement, par la culture, de la cohésion et de l’attractivité de nos territoires. Tel est notamment l’enjeu de la révision de la loi Bichet. À cet égard, je remercie Michel Laugier de son travail, ainsi que tous les parlementaires qui se sont mobilisés pour cette réforme.