M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Leleux, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Leleux. Nous ne sous-estimons pas la nécessité d’assurer de façon particulièrement attentive la sécurité des manifestations et des festivals.

Cependant, ma chère collègue Françoise Laborde, en général, il y a deux vases communicants ; ici, on en mobilise un troisième et on pourrait même en ajouter un quatrième.

Restant dans la logique que j’avais adoptée à l’égard de l’amendement de la commission des finances présenté par Vincent Éblé, je ne peux évidemment pas soutenir cet amendement, qui priverait le programme « Patrimoines » des financements que nous venons de lui accorder.

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure pour avis.

Mme Sylvie Robert, rapporteure pour avis. Le gage est toujours un vrai sujet. Il est vrai que nous venons de voter des crédits en faveur du patrimoine. Toutefois, je voudrais dire combien l’objet de cet amendement est important et alerter le ministre sur la sécurité et la sûreté des salles et des festivals.

Tout s’est bien passé cette année, mais l’on sait que la circulaire Collomb est une épée de Damoclès qui plane sur les festivals, notamment pour l’année 2020. Il est important qu’un véritable arbitrage intervienne entre les ministères de l’intérieur et de la culture, afin que les salles, comme les festivals, sachent à quelle sauce ils seront mangés l’an prochain. Cela commence dès mars.

Les préfets ont appliqué les instructions avec discernement, ce qui explique que tout se soit bien passé cette année, mais nous devons rester attentifs.

Vous devriez lever le gage, monsieur le ministre, à défaut, cette somme étant prise au programme « Patrimoines », nous ne pourrons pas voter cet amendement, au risque de nous trouver en contradiction avec ce que nous avons adopté précédemment.

M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour explication de vote.

Mme Françoise Laborde. Si M. le ministre levait le gage, ce serait le bonheur ! (Sourires.)

Ma collègue Nathalie Delattre a déposé cet amendement, que je soutenais pleinement, et opère un prélèvement sur les crédits du patrimoine, en contradiction, en effet, avec ce que j’ai moi-même voté. Les vases communicants sont toujours contradictoires ! Nous aurions pu évoquer le pass culture, sur lequel il y aurait beaucoup à dire.

Cela étant, cette période frisquette m’a conduite à anticiper gel et dégel, mais une levée de gage serait en effet préférable !

M. le président. Dois-je conclure que vous maintenez cet amendement ?

Mme Françoise Laborde. Je vais le maintenir en attendant que M. le ministre lève le gage.

M. le président. Je crains que nous n’attendions longtemps.

M. Franck Riester, ministre. En effet : je ne le ferai pas !

Mme Françoise Laborde. S’il est en ainsi, je retire mon amendement.

M. le président. L’amendement n° II-892 rectifié est retiré.

L’amendement n° II-751, présenté par M. Leconte, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations dengagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Patrimoines

 

 

 

 

Création

 

500 000

 

500 000

Transmission des savoirs et démocratisation de la culture

dont titre 2

 500 000

 

 500 000

 

TOTAL

500 000

500 000

500 000

500 000 

SOLDE

0

0

La parole est à M. Jean-Yves Leconte.

M. Jean-Yves Leconte. L’activité des cirques et des forains a été très touchée par les attentats de 2015, qui ont fortement affecté leur trésorerie et ont imposé la mise en œuvre de nouvelles dispositions de sécurité pour accueillir le public.

Il en résulte des situations difficiles, voire dramatiques, avec des faillites de cirques familiaux.

Certains de ces cirques, qui ont des animaux, lesquels, la plupart du temps, vivent dans des conditions absolument dignes, sont victimes de harcèlement, d’injures, parfois de violences ou d’appels à la haine de la part des animalistes, sans que les pouvoirs publics réagissent.

L’itinérance est une des composantes des cirques et des forains, qui a structuré l’identité européenne. Elle relève à la fois de la culture populaire et du patrimoine et, à ce titre, mérite d’être préservée, même si elle doit évoluer.

Le cirque, c’est 13 millions de spectateurs par an, sans aucune subvention publique.

Compte tenu de la situation difficile des cirques familiaux dans notre pays, cet amendement vise à assurer, monsieur le ministre, que vous disposiez des moyens pour leur verser un minimum de subventions, afin qu’ils puissent à la fois survivre et évoluer.

Un certain nombre d’organisations représentatives ont déposé une telle requête cette année auprès du Président de la République, lequel l’a soutenue et a demandé à votre ministère d’y répondre.

Pour le moment, rien n’a été fait. Compte tenu de cette situation, et alors que cette demande correspond au plan Culture près de chez vous présenté en mars 2018 par Mme Françoise Nyssen, cet amendement tend à permettre la mise en place de moyens pour accompagner les cirques familiaux dans leur besoin de soutien et de développement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Julien Bargeton, rapporteur spécial. Même si le montant visé est plus faible, le principe de cet amendement est le même que celui du précédent : un prélèvement sur le programme « Patrimoines », que le Sénat a souhaité augmenter.

Comme il entre, de ce fait, en contradiction avec le vote du Sénat, l’avis de la commission est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Franck Riester, ministre. Comme les autres activités du spectacle vivant, le cirque traditionnel est éligible à l’ensemble des aides de droit commun du ministère : aide au projet des DRAC, aide à la création ou Fonpeps.

Mon ministère porte une attention toute particulière aux difficultés actuelles du cirque traditionnel et le soutient spécifiquement, au titre de la structuration de la profession, avec des aides aux associations représentatives, par exemple, ou au titre de l’itinérance des cirques de famille, à hauteur de 100 000 euros.

En outre, une aide exceptionnelle de 900 000 euros a été octroyée en 2018 aux trois grandes compagnies de cirque traditionnel, un geste fort pour leur permettre d’entamer une transition vers un modèle de tournées plus soutenable.

Je rappelle, de surcroît, que le cirque bénéficie d’un taux réduit de TVA de 5,5 %, qui lui permet de pratiquer des prix contenus sur l’ensemble du territoire, ainsi que d’une exonération de la taxe à l’essieu depuis 2018.

Enfin, le ministère de la culture accompagne également le cirque de création. Des pôles nationaux du cirque sont chargés d’accompagner le secteur en termes de diffusion, de production et d’action culturelle.

J’étais encore, il y a quelques mois, au Centre national des arts du cirque de Châlons-en-Champagne, qui assure la formation et l’insertion dans l’emploi des professionnels des arts du cirque.

Mon ministère mène donc une politique ambitieuse d’accompagnement du cirque dans sa diversité. C’est la raison pour laquelle j’émets un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Monsieur Leconte, l’amendement n° II-751 est-il maintenu ?

M. Jean-Yves Leconte. Non, je le retire, monsieur le président, même s’il ne touche pas au budget du patrimoine.

Monsieur le ministre, les crédits tels qu’ils seront votés vous donneront les moyens de répondre aux besoins de ces cirques qui connaissent encore aujourd’hui de grandes difficultés et qui attendent une aide complémentaire. Ils l’espéraient cette année, mais ils ne l’ont pas reçue.

M. le président. L’amendement n° II-751 est retiré.

Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Culture », figurant à l’état B.

Je n’ai été saisi d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix ces crédits, modifiés.

(Les crédits sont adoptés.)

M. le président. Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Culture ».

Organisation des travaux

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Vincent Éblé, président de la commission des finances. Avant que nous n’engagions l’examen de la mission « Médias, livre et industries culturelles », je rappelle aux membres de la commission des finances que nous nous réunirons à l’issue de cet examen, c’est-à-dire durant la suspension du dîner.

Nous devons étudier les quelque 600 amendements sur les articles non rattachés de la seconde partie du projet de loi de finances.

Médias, livre et industries culturelles

Compte de concours financiers : Avances à l’audiovisuel public

État B
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2020
Médias, livre et industries culturelles - État B

M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » (et article 76 quaterdecies) et du compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public ».

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vais aller à l’essentiel ; si vous voulez prendre connaissance de tous les chiffres, vous pouvez consulter le rapport très intéressant dans lequel ils figurent !

Que peut-on retenir de ce budget, qui concerne en réalité deux secteurs, le premier comprenant le livre, les industries culturelles, le cinéma et la presse et le second, qui pèse le plus lourd, l’audiovisuel public ?

S’agissant du premier secteur, il n’y a pas grand-chose à critiquer, monsieur le ministre, vous avez de la chance.

M. Franck Riester, ministre. On dirait que cela vous attriste !

M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial. En effet, cela me chagrine, parce qu’un peu d’émotion de temps en temps contribue à l’intérêt.

Pas de gros problèmes, donc : il est bon de consacrer 6 millions d’euros supplémentaires à l’Agence France Presse (AFP), alors qu’elle fait face à la concurrence d’un certain nombre d’agences internationales et qu’elle doit encore faire un effort de modernisation et de développement de la vidéo. L’AFP va dans le bon sens.

S’agissant de la presse, nous avons toujours la même inquiétude. Le principal problème est simple : la vente de journaux papier diminue sans cesse. La baisse des crédits relatifs au transport que certains critiquent répond donc à une logique qui ne peut être discutée.

La question des aides à la presse est un peu plus compliquée : faut-il conserver les mêmes critères existant depuis des décennies en matière d’aides à la diversité ? Ne faudra-t-il pas un jour revenir sur ce point ?

Des critiques émanent notamment de la presse professionnelle comme de la presse spécialisée, mais le sujet n’est guère d’ampleur. En revanche, il faut aider à la numérisation et à la modernisation de la presse.

En ce qui concerne le cinéma, le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) va bien ; ses recettes vont dans le bon sens. Certes, quand nous recevons ses représentants, ceux-ci se plaignent, mais c’est normal : ils craignent que nous ne leur prenions leur argent.

La mise en place d’un taux moyen entre les différentes taxes permet de trouver un équilibre entre les contributions des télévisions et celles des géants que sont Netflix et compères. Toutefois, monsieur le ministre, il faudra un jour remettre tout sur la table.

Le CNC ne se plaint pas, il joue son rôle, il aide à la production en France, ce qui est essentiel, alors qu’au cours des vingt dernières années régnait une sorte d’émulation pour aller tourner en Europe de l’Est. Mais les choses peuvent encore progresser.

Je défendrai un amendement lors de l’examen des articles non rattachés. En effet, pourquoi les chaînes d’information en continu sont-elles parfois taxées comme si elles produisaient des reportages filmés, ce qui ne correspond pas à la réalité de leurs activités ? Nous devrons trouver un accord à ce sujet.

Concernant le livre, il s’agit essentiellement de crédits pour la Bibliothèque nationale de France (BNF).

Tout à l’heure, nous discuterons d’un amendement de l’excellent Pierre Ouzoulias, qu’il retirera naturellement après mes explications convaincantes, visant à créer une mission spécifique dédiée au livre.

Je n’en vois pas l’intérêt : cela n’ajoutera pas de crédits au secteur et la politique du livre du Gouvernement n’est pas entièrement contenue dans la mission « Médias, livre et industries culturelles ». Il ne me semble donc pas qu’une telle évolution permettrait aux libraires de bénéficier de plus de soutien.

Je traiterai maintenant, dans le peu de temps qui m’est imparti, l’audiovisuel public.

Monsieur le ministre, j’étais favorable à la redéfinition du périmètre du service public avant d’étudier le financement de celui-ci et de décider quels moyens lui consacrer. Vous avez choisi une autre stratégie, qui consiste à baisser de un euro la redevance. Je ne suis pas certain qu’avec 0,8 % en moins, les ménages français aient le sentiment de bénéficier d’une baisse d’impôt.

Fallait-il prendre une telle décision avant même l’examen du projet de loi sur l’audiovisuel que vous allez présenter au printemps ? Nous aurions pu bénéficier d’une période de réflexion quant au périmètre de l’audiovisuel public avant de discuter des moyens de financement.

Aujourd’hui, nous craignons – je suis certain que vous aurez à cœur de nous rassurer – que la future loi n’ajoute une strate, sans pour autant réduire les dépenses, que l’audiovisuel public extérieur ne soit le parent pauvre de cette réforme, et, enfin, que toutes ces réformes de gouvernance et de financement ne conduisent à ne pas évoquer le périmètre.

Qu’est-ce que le service public ? Tel responsable de chaîne m’explique que, même dans l’audiovisuel public, il faut acheter à prix d’or des films américains pour faire de l’audience… Selon moi, ce n’est pas le rôle du service public de l’audiovisuel, qui doit être plus centré sur la culture, la transmission et la formation, bref, sur des sujets qui, sans être champions de l’audimat, peuvent conduire tous les Français à penser qu’il existe un service public de l’audiovisuel de qualité. Et cela signifie non pas qu’il doit être ennuyeux ou rébarbatif, mais qu’il est centré sur ses missions premières.

J’ai déposé un amendement à ce sujet, mais je suis certain que vous allez me rassurer, monsieur le ministre, et que, à l’instar de ce que fera l’excellent Pierre Ouzoulias, je serai amené à le retirer.

Cela étant, nous voterons les crédits de cette mission, mais nous avons besoin d’être rassurés. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, RDSE et LaREM.)

M. le président. La parole est à Mme le rapporteur pour avis.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’interviens ici en mon nom propre, mais aussi au nom de mon collègue rapporteur pour avis Raymond Vall.

L’année 2020 ressemble, hélas !, à 2019. Nous restons dans la même logique d’application du programme d’économies imposé aux entreprises du secteur public de l’audiovisuel.

Pourtant, rien ne justifie que les opérateurs de l’audiovisuel extérieur soient taxés parce que les autres le sont. Ce serait en effet nier leurs spécificités et leur importance, dont on se gratifie plus facilement dans les discours que dans les actes.

Chacun s’alarme du regain des luttes d’influence sur les ondes et dans l’espace numérique ; chacun déplore la multiplication des actions de désinformation et de déstabilisation ; chacun s’émeut du développement des médias extérieurs par les États puissances, des restrictions portées à la liberté d’information et du maintien de la propagande des groupes terroristes sur internet et sur les réseaux sociaux ; chacun reconnaît qu’il est essentiel et de bon sens que la France puisse être présente et ne laisse pas à la merci de la propagande de nos adversaires des populations pour lesquelles elle engage, parfois, la vie de ses soldats – nous ne le savons que trop cruellement !

Chacun s’agite, mais personne n’agit ! De cela découle notre agacement, voire notre vraie colère.

Où est donc la cohérence entre les belles paroles au sommet de l’État, dans lesquelles nous nous reconnaissons, et les moyens comptés de nos opérateurs ?

TV5 Monde est confrontée à la même réalité qu’en 2018, quand ses crédits avaient baissé de 1 million d’euros, et qu’en 2019, quand ils avaient perdu 1,2 million d’euros. Son allocation stagne à 76,2 millions d’euros, alors que le plan stratégique appelait des financements plus importants. Ses objectifs de transformation numérique et de déploiement en Afrique auront été anticipés, mais ne pourront être entièrement réalisés.

Sa distribution sera réduite de 370 à 364 millions de foyers, avec l’abandon de la diffusion en Grande-Bretagne et en Irlande. En 2020, elle abandonnera le Brésil et l’Europe continentale, soit 32 millions de foyers en moins, ce qui aura une incidence sur son audience et sur ses ressources propres.

Elle aura beaucoup de difficultés à financer la plateforme numérique de fictions francophones, initiée par le Canada, qui met au pot 9,5 millions d’euros, et à renouveler son outil de production et de diffusion. Ainsi, 12 millions d’euros sur quatre ans sont nécessaires. Il faudra encore restreindre la distribution et couper dans les programmes.

La France est le seul pays à avoir réduit sa contribution depuis la création de TV5 Monde et ne respecte plus ses engagements. Cela ne la place pas dans une bonne situation au moment où un nouveau plan stratégique est en préparation.

Les perspectives de France Médias Monde ne sont pas meilleures, hélas ! Ses crédits baissent de 1 million d’euros, alors qu’elle continue d’afficher de bons résultats d’audience en linéaire comme en numérique.

Elle réalise les objectifs de son contrat : enrichissement des grilles de programme, ouverture d’un service en espagnol, adaptation aux évolutions des modes de diffusion ; elle produit, depuis cette année, un très important programme diffusé sur Radio France internationale (RFI) en langues peule et mandingue, indispensable dans une zone où nos armées sont engagées.

Pour financer les impasses budgétaires, après avoir raclé les fonds de tiroir, elle est toutefois contrainte d’allonger la programmation à l’antenne des grilles d’été, moins coûteuses, mais de moindre qualité, et de rogner sur les coûts de distribution en abandonnant les États-Unis, la Scandinavie et l’Europe centrale, en gelant les passages en haute définition ou en TNT payante en Afrique, en supprimant la diffusion en onde moyenne vers le Moyen-Orient, sur la TNT outre-mer et, peut-être, en Île-de-France en 2020.

Le groupe fonde quelques espoirs sur la participation de l’AFD pour de nouveaux programmes en langue africaine et de l’Union européenne pour des programmes numériques avec Deutsche Welle, mais ces développements ont un coût et cela ne répond que de façon adjacente au besoin de financement du socle des activités.

Nous avions fondé des espoirs, l’année dernière, en imaginant rééquilibrer les allocations de la contribution à l’audiovisuel public, en imaginant que l’on pourrait créer une ligne budgétaire pour financer un certain nombre de programmes, comme le font les Allemands et les Britanniques : la Deutsche Welle reçoit 350 millions d’euros et BBC World, un quart de son budget, soit 430 millions d’euros, du Foreign Office. En vain !

Nous sommes en colère et découragés, car nous avons le sentiment que plus personne au sommet de l’État ne porte cette ambition autrement que par de belles paroles. Cela ne coûte rien, effectivement, mais c’est en train de saper progressivement les capacités de nos opérateurs, comme la confiance générale.

Pourtant, nous continuerons à soutenir cette ambition parce que nous la croyons juste et parce que nous respectons les dirigeants et les personnels de ces médias, qui travaillent avec dévouement, talent et honnêteté, à promouvoir l’image et les valeurs de notre pays hors de ses frontières.

Au-delà pèse évidemment une grande incertitude liée au projet de réforme de l’audiovisuel. Il est prévu dans le projet de loi de faire chapeauter France Télévisions, Radio France et France Médias Monde par une holding chargée de superviser et de coordonner les filiales, mais aussi de répartir le montant de la contribution à l’audiovisuel public qui lui sera désormais attribué, privant au passage le Parlement d’une partie du pouvoir de décision, que, mes chers collègues, nous exerçons ce soir même, ce qui n’est tout de même pas rien.

M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam, rapporteur pour avis. Le risque est double : voir la spécificité de France Médias Monde diluée et voir cette holding absorber de plus en plus de compétences. La commission des affaires étrangères sera vigilante à cet égard.

M. le président. Veuillez conclure maintenant, ma chère collègue.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam, rapporteur pour avis. Monsieur le ministre, nous connaissons votre intérêt pour ces enjeux : alors, aidez-nous dans cette mission !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Michel Laugier, rapporteur pour avis, applaudit également.)

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de léducation et de la communication. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission de la culture et de la communication a émis favorable sur les crédits du compte de concours financiers « Avances à l’audiovisuel public ».

Cette décision n’alla pas sans un débat assez partagé, ni sans interrogations. Elle ne vaut pas soutien à tous les aspects du budget de l’audiovisuel public.

En particulier, nous regrettons la baisse des moyens, lorsqu’elle a pour conséquence de remettre en question certaines missions de service public, qu’il s’agisse de l’existence d’une chaîne consacrée à la jeunesse, d’une autre tournée vers l’outre-mer, ou de l’arrêt de la diffusion de TV5 Monde dans les îles britanniques et en Europe et de France 24 en Amérique. En choisissant de manier de nouveau le rabot budgétaire sans discernement, le Gouvernement se prive d’une vision de long terme et contribue à la dégradation du climat social dans ces entreprises.

Il n’est pas aisé, nous le savons, de faire évoluer le secteur des médias publics, surtout quand le ministère du budget essaie régulièrement de remettre en cause le principe de la redevance. À cet égard, nous n’avons pas reçu le rapport sur la contribution à l’audiovisuel public (CAP) demandé dans la loi de finances pour 2019.

Notre commission se mobilisera pour qu’une réforme du financement accompagne celle des structures. La holding publique France Médias Monde, née au Sénat, n’aura de sens que si une stratégie innovante peut s’appuyer sur des moyens identifiés et garantis dans le temps.

Cette stratégie ne pourra se bâtir que sur la différenciation. C’est pourquoi je regrette que France Télévisions, Radio France et même France Médias Monde soient incitées par leurs tutelles à augmenter leurs ressources publicitaires pour boucler leur budget. Selon moi, une décroissance de la publicité devra constituer une des clés du futur modèle économique de l’audiovisuel public.

Le management par le stress budgétaire que vous avez mis en place, monsieur le ministre, aura eu pour mérite d’obliger France Télévisions et Radio France à engager véritablement la transformation de leur modèle de production et à développer le numérique à tous les étages.

L’enjeu pour les entreprises de l’audiovisuel public est, d’une part, de se conformer à la trajectoire budgétaire définie jusqu’en 2022, qui ne leur laisse que peu de marges de manœuvre et, d’autre part, de participer à la définition des priorités stratégiques que France Médias sera chargée de mettre en œuvre, souvent dans le cadre de partenariats avec d’autres acteurs.

Ces entreprises et leurs salariés ont besoin de se mobiliser autour d’objectifs ambitieux : s’adresser à la jeunesse, défendre la francophonie, protéger la création et notre patrimoine audiovisuel et cinématographique.

Le budget pour 2020 peut être considéré comme une potion amère, peu digeste ; je préfère l’envisager comme une diète salutaire, avant une remise à plat des missions, des outils et des moyens, dans le cadre du projet de loi sur l’audiovisuel qui nous sera soumis au printemps prochain ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi quau banc des commissions.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Michel Laugier, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de léducation et de la communication. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le secteur de la presse traverse deux crises existentielles : une crise financière, avec des revenus en chute libre, conséquence d’une transition numérique à laquelle les journaux n’ont, pour la plupart, pas su se préparer ; une crise morale, avec la remise en cause systématique, notamment sur les réseaux sociaux, d’une information traitée de manière professionnelle par des journalistes attachés aux faits.

Ces crises, monsieur le ministre, il fallait les traiter. Force est de reconnaître que, en 2019, le Sénat et vous-même avez été à la manœuvre, en menant à bien deux grandes réformes.

D’abord, celle des droits voisins, transposition de l’article 17 de la directive européenne. De cette réforme, le secteur de la presse attend légitimement beaucoup, mais l’attitude de Google est, pour l’instant, extrêmement frustrante ; elle appelle probablement une action européenne encore plus large.

Ensuite, la modernisation de la distribution, sur laquelle, monsieur le ministre, vous avez apprécié, je crois, la contribution du Sénat à l’enrichissement d’un texte qui semble maintenant emporter l’adhésion du plus grand nombre. Il ne résout cependant pas la situation toujours critique de Presstalis, dont on peine aujourd’hui encore, près de deux ans après la dernière alerte sur ses comptes, à percevoir le futur. Il en ira ainsi tant qu’on n’apportera pas une réponse industrielle à la question du périmètre de la société et une réponse financière à celle, jamais traitée, de ses fonds propres négatifs.

Sur ces deux sujets, que vous avez eu le courage d’aborder de front, nous vous invitons, monsieur le ministre, à ne pas laisser la situation se dégrader, tant l’hésitation et l’ambiguïté pourraient s’avérer mortelles. Nous sommes très désireux de savoir où en sont les négociations avec vos homologues européens sur les droits voisins, et si une solution claire apparaît enfin pour le futur de Presstalis.

Pour en revenir au sujet de cet après-midi, le budget que vous nous présentez est stable par rapport à l’année précédente, mais ne représente que 20 % d’un soutien public à la presse qui se maintient à un niveau élevé, d’environ 540 millions d’euros.

Il serait donc faux d’affirmer que la solidarité nationale ne s’exerce pas au bénéfice de la presse, même s’il pourrait être temps de réfléchir à une meilleure répartition des aides, pour mieux prendre en compte le numérique. Je note, par ailleurs, des inquiétudes sur la question de la publicité ciblée, dont nous aurons à reparler dans le cadre de la discussion de la future loi audiovisuelle : vos annonces d’ouverture ont inquiété la presse régionale, mais sont jugées encore insuffisantes par les chaînes de télévision, ce qui montre bien la complexité des équilibres en jeu…

Je conclurai sur une note positive, en évoquant la situation de l’Agence France Presse (AFP). L’année dernière, je m’étais inquiété d’un effet ciseaux mortifère, avec des dépenses en hausse et des revenus en baisse. L’impulsion donnée par le nouveau président de l’agence semble toutefois commencer à produire des résultats, comme en témoigne l’accompagnement de 17 millions d’euros que l’État a accepté d’accorder, dont 6 millions d’euros cette année.

Compte tenu de ces observations, la commission de la culture, de l’éducation et de la communication a émis un avis favorable sur les crédits du programme 180, « Presse et médias ».