compte rendu intégral
Présidence de M. Thani Mohamed Soilihi
vice-président
Secrétaires :
Mme Jacky Deromedi,
Mme Annie Guillemot.
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Procès-verbal
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
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Loi de finances pour 2020
Suite de la discussion d’un projet de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2020, adopté par l’Assemblée nationale (projet n° 139, rapport général n° 140, avis nos 141 à 146).
Nous poursuivons l’examen, au sein de la seconde partie du projet de loi de finances, des différentes missions.
Mes chers collègues, je vous propose de poursuivre nos débats autant que possible ce matin avant que nous nous rendions à la cérémonie d’hommage aux Invalides, qui aura lieu cet après-midi.
SECONDE PARTIE (SUITE)
MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES
Économie
Compte de concours financiers : Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés
M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Économie » (et articles 76 sexies) et du compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés » (et article 85).
La parole est à Mme la rapporteure spéciale.
Mme Frédérique Espagnac, rapporteure spéciale de la commission des finances. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la mission « Économie » porte un ensemble de dispositifs en faveur des entreprises, et notamment des PME dans les secteurs de l’artisanat, du commerce et de l’industrie. La mission porte aussi sur les crédits des administrations, autorités administratives indépendantes et opérateurs chargés de la mise en œuvre de ces politiques, ainsi que ceux de l’Insee et des services économiques du Trésor à l’étranger.
Si les crédits demandés pour la mission « Économie » au titre de 2020 – hors programme 343, « Plan France Très haut débit » – affichent une hausse de 5,58 % en autorisations d’engagement (AE) et de 6,14 % en crédits de paiement (CP) par rapport à la loi de finances initiale pour 2019, cette augmentation résulte principalement de la très nette croissance des crédits consacrés au dispositif de compensation carbone des sites électro-intensifs, à savoir 173 millions d’euros, soit une hausse de 160 %.
En dehors de cette mesure, les moyens des trois programmes « permanents » de la mission sont globalement en baisse.
La plus grande partie de l’effort de baisse repose sur les différents dispositifs de soutien à l’activité des entreprises. Entre 2014 et 2020, le montant total de ces dispositifs a été considérablement réduit, passant de 234 millions d’euros en 2014 à 68 millions d’euros en 2020, soit une baisse de 71 %.
La « rationalisation » des dispositifs de soutien se résume trop souvent une logique de « rabot », année après année. Or cette érosion ne fait pas une politique. En fin de compte, les réductions proposées ne donnent pas vraiment de sens à la politique et aux choix qui sont faits.
La dernière victime de cette politique de rabot a été le fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce (Fisac), placé en « gestion extinctive » depuis le 1er janvier dernier.
Après avoir vu sa dotation passer de 78 millions d’euros en 2010 à seulement 16 millions d’euros en 2018, le Fisac a été placé en gestion extinctive à partir de cette année. En clair, il a été supprimé, avec seulement 2,8 millions d’euros de crédits de paiement pour 2020 destinés à couvrir les opérations décidées avant 2019.
Je présenterai tout à l’heure un amendement visant à réabonder le fonds en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, afin de permettre de mobiliser de nouveau cet outil en direction des territoires les plus fragiles.
La possibilité d’exonération des commerces en fiscalité locale offerte aux collectivités ne suffira pas, à elle seule, à pallier la disparition de cet effet de levier indispensable pour les territoires.
Plus globalement, la logique sous-jacente à l’évolution de la mission « Économie » est celle d’un désengagement progressif de l’État en matière de soutien aux petites entreprises, aux commerçants, aux artisans. Le message est le suivant : c’est le rôle des collectivités locales, et surtout celui des régions depuis la loi NOTRe de 2015.
Je voudrais néanmoins, madame la secrétaire d’État, dire ici qu’à titre exceptionnel vous avez su être présente, notamment à l’occasion du G7, pour accompagner les commerçants qui se sont vu indemniser. Je dois souligner la réactivité et l’efficacité qui a été la vôtre sur ce dossier.
J’en viens maintenant aux administrations de la mission. Là aussi, l’effort est important, puisque 267 postes seront supprimés en 2020 sur le périmètre de la mission, dans le cadre d’un « recentrage » sur certaines actions prioritaires.
La direction générale des entreprises (DGE) est la direction la plus touchée en matière de suppression d’emplois, avec 123 équivalents temps plein (ETP) en moins en 2020, soit 9 % des effectifs. Il s’agit d’un effort considérable, qui mettra principalement à contribution le réseau des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (Direccte), ô combien important sur nos territoires.
La direction générale du Trésor poursuivra quant à elle la rationalisation de son réseau à l’étranger, avec la suppression de 40 ETP en 2020.
Entre 2009 et 2018, l’effectif des services à l’étranger est ainsi passé de 1 339 à 622 agents, soit une baisse de 54 %.
Je terminerai par quelques mots sur le plan France Très haut débit. Le programme 343, qui lui est consacré, porte la participation de l’État, soit au total 3,3 milliards d’euros, afin d’assurer la couverture de 100 % du territoire d’ici à 2022.
Sur le plan budgétaire, les crédits annoncés sont là, l’échéancier suit son cours et 440 millions d’euros de crédits de paiement sont prévus pour 2020.
Sur le terrain, en revanche les choses sont plus complexes. Seuls 36 % des locaux situés dans les zones les moins denses sont à ce jour éligibles à la fibre optique, contre 85 % des locaux dans les zones très denses, donc plus rentables. Les causes de ces retards ne sont pas nouvelles et peuvent se trouver à toutes les phases des projets.
À mon sens, la priorité doit être accordée à la couverture d’un maximum de locaux, plutôt qu’au déploiement de la technologie la plus performante. Pour cette raison, je tiens à saluer comme une avancée la création, en 2019, d’un « guichet cohésion numérique » doté de 150 millions d’euros pour financer des technologies alternatives – 4G fixe, satellite – dans les zones où la fibre optique ne peut être déployée.
L’annonce de la réouverture du guichet d’initiative publique, à hauteur de 140 millions d’euros en autorisations d’engagement, va également dans le bon sens en permettant aux collectivités de cofinancer de nouveaux projets de raccordement au réseau.
Il conviendra toutefois d’être très vigilant : cette solution transitoire est louable dans l’immédiat, mais ne doit pas non plus compromettre l’objectif de raccordement à la fibre optique de l’ensemble du territoire au-delà de 2022. L’objectif de rendre accessible la fibre à l’ensemble du territoire en 2025 est un objectif réaliste.
Reste à savoir si cet objectif sera maintenu par le Gouvernement, qui doit maintenant s’intéresser à l’après-2022.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Bernard Lalande, rapporteur spécial de la commission des finances. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, il est bien plus facile d’être procureur qu’avocat de la défense quand on s’exprime depuis cette tribune. Cela fait maintenant cinq ans que je rapporte ce budget et je dois constater que la politique des gouvernements successifs pour maintenir l’activité des PME et des TPE sur les territoires mérite quand même de ne pas être soulignée.
Je vous invite à garder à l’esprit que, lorsqu’il disparaît 30 emplois dans une commune de 3 000 habitants, l’impact est bien plus important que lorsqu’il disparaît 300 emplois dans une ville de 30 000 habitants. Pourquoi ? Parce qu’il n’y a pas de régénérescence possible. La disparition d’une TPE ou d’une petite PME dans un territoire déjà désertifié va entraîner une amplification de cette désertification.
C’est pour cela que nous sommes extrêmement surpris de constater que les fonds attribués aux chambres de commerce continuent de diminuer, que la ligne budgétaire qui permettait à Bpifrance d’accorder des garanties d’emprunt aux entreprises a disparu, garanties qui, dans la présentation budgétaire, seront financées par recyclage de dividendes. Les crédits de Bpifrance diminuent, alors qu’une telle politique mériterait au contraire d’être amplifiée.
Je suis aussi très surpris que, malgré les fort nombreux rapports qui ont été produits sur ce sujet, notamment par nos collègues Rémy Pointereau, Martial Bourquin, Frédérique Espagnac et Bernard Delcros, et qui montrent à l’évidence qu’il nous faut changer notre vision des territoires au regard de leurs besoins, le Gouvernement ne développe pas davantage une stratégie en faveur des TPE et des PME comme il a été capable de développer une telle stratégie dans le cadre des investissements d’avenir.
Je souligne une nouvelle fois notre inquiétude de voir disparaître, pour des raisons que nous ignorons, les fonds attribués aux chambres de commerce et d’industrie (CCI). Soit elles ne sont plus utiles à notre paysage économique et, auquel cas, il faut le dire très clairement ; soit elles ont encore une fonction à jouer – ce que nous croyons –, mais encore faut-il peut-être redéfinir les politiques qu’elles doivent mener, et, avec elles, les chambres de métiers et de l’artisanat et les chambres d’agriculture, pour leur permettre d’avoir véritablement une vision économique des territoires.
Rappelons la phrase de Jacques Delors : « La concurrence stimule, la coopération renforce et la solidarité unit. »
On pourrait permettre à notre pays d’avoir une vision beaucoup plus globale et beaucoup plus spatiale du développement des TPE et des PME.
Enfin, nous avons été alertés par un référé de la Cour des comptes sur la situation de l’Institut national de la propriété industrielle (INPI), qui nous a effectivement surpris. Le Gouvernement a remanié la direction de l’INPI. Nous souhaiterions que les entreprises qui bénéficient du crédit d’impôt recherche dans notre pays déposent à tout le moins leurs brevets à l’INPI – ce n’est pas toujours le cas actuellement, et cela nous a également surpris –, de façon que celui-ci devienne une véritable agence de niveau européen.
S’agissant du compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés », le Gouvernement a présenté un amendement à l’Assemblée nationale créant un nouveau programme destiné aux prêts octroyés dans le cadre du programme d’investissements d’avenir (PIA), doté de 200 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 100 millions d’euros en crédits de paiement.
En 2020, cette opération permettra d’octroyer un prêt de 200 millions d’euros à la société Soitec, dont 100 millions d’euros seront débloqués dès 2020. Ce prêt permettra à l’entreprise de maintenir en France son activité de production de semi-conducteurs. L’intervention de l’État était nécessaire, car il s’agit d’une question de souveraineté. De plus, la création d’un programme au sein de ce compte de concours financiers est neutre d’un point de vue budgétaire.
Si le Gouvernement veut véritablement être stratège pour maintenir des activités sur notre territoire, il devrait faire preuve de la même volonté pour nous proposer une politique en direction des TPE et des PME.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Serge Babary, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, mon propos sera essentiellement centré sur les dispositions de ce budget qui concernent le volet commerce et artisanat.
Les crédits consacrés à ces secteurs sont malheureusement de moins en moins importants et de plus en plus dispersés. La politique menée par le Gouvernement en faveur de ces secteurs perd en lisibilité. Alors qu’il existait jusqu’en 2018, au sein du programme 134, « Développement des entreprises et régulation », une action spécifique « commerce, artisanat et services », celle-ci a été rassemblée dans l’action n° 23, Industrie et services, ce qui complique le suivi de cette politique publique.
En outre, deux changements sont intervenus au détriment du commerce et de l’artisanat entre 2019 et 2020.
Le fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce, qui est en gestion extinctive depuis 2019, devrait disparaître définitivement à partir de 2020. Alors qu’il intervenait à hauteur de 70 millions d’euros il y a dix ans, seuls 2,8 millions d’euros de crédits de paiement sont demandés au titre de 2020. Nos territoires vont donc se voir amputer d’un dispositif très utile, qui a fait ses preuves, et qui a longtemps financé jusqu’à mille projets par an de soutien et de revitalisation du commerce et de l’artisanat.
Le Gouvernement soutient que le programme Action cœur de ville et les régions prendront désormais le relais du Fisac. Or « Action cœur de ville » ne concernera que 222 villes, essentiellement des villes moyennes et non pas des bourgs en zone rurale.
Si les régions bénéficient certes de la compétence économique, elles disposent de moyens limités pour cela. L’abandon sans concertation d’un outil qui a fait ses preuves et dont le Sénat avait souhaité, en outre, faire l’un des éléments de la reconquête commerciale des centres-villes, dans le cadre du pacte national de revitalisation des centres-villes et centres-bourgs, ne peut recevoir notre assentiment. Je vous proposerai donc un amendement afin d’ouvrir des crédits pour 2020 dotant le Fisac de 30 millions d’euros.
Par ailleurs, le Gouvernement a décidé de revoir les modalités de son soutien en faveur des métiers d’art et du patrimoine vivant et de l’artisanat. Il est ainsi prévu que l’Institut national des métiers d’art (INMA) reprenne certaines des missions de l’Institut supérieur des métiers (ISM). La direction générale des entreprises nous indique viser un autofinancement total de la structure d’ici à 2022. Dans ce cas, pourquoi tarir ce financement dès 2020 ? Ces métiers contribuent pourtant au maintien et au rayonnement d’un savoir-faire rare, ainsi qu’à la promotion de l’excellence française.
Je vous proposerai donc d’ouvrir des crédits afin de pérenniser en 2020 l’action de l’Institut national des métiers d’art en le dotant, comme l’an dernier, de 2,25 millions d’euros.
La commission des affaires économiques émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission, sous réserve du vote des amendements qui vont vous être proposés. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure pour avis. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains. – M. Franck Menonville applaudit également.)
Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, peu de changements s’agissant du volet numérique et postes de la mission « Économie », sur laquelle la commission a émis un avis favorable, mais un acte majeur : la réouverture du guichet France Très haut débit, pour lequel notre commission propose un ajustement.
Je dirai quelques mots rapides sur les avancées en matière d’infrastructures numériques.
L’objectif du « bon haut débit » pour tous, soit 8 mégabits par seconde, promis par le Président pour 2020, se met seulement en marche. Ce guichet « cohésion numérique », permettant de recourir aux technologies dites « alternatives », devrait verser en effet les premières aides en cette fin d’année, soit deux ans après son annonce.
Aucun suivi n’est précisé quant au déploiement de ces solutions alternatives. Ce qui pose question sur l’opérationnalité !
Concernant le très haut débit pour tous en 2022, soit 30 mégabits par seconde, de gros efforts sont fournis par les opérateurs. Ainsi, de bonne dernière de l’Union européenne en 2018, la France devrait regagner des places avec un déploiement, en fibre, qui dépasse les quatre millions de prises en 2019, contre moins de trois en 2017.
Les industriels sont donc au rendez-vous, et il convient de saluer leurs efforts. Mais le plus dur reste à faire : si les grandes villes sont couvertes à 85 % et les villes moyennes à 53 %, les zones rurales, les plus difficiles à couvrir en raison de la dispersion de l’habitat, le sont seulement à 15 %.
Il y a donc de quoi s’interroger sur l’après-2022 : comment seront couverts ces territoires ruraux ? Par quelle technologie ?
Certaines collectivités ont d’ores et déjà choisi l’option des procédures Amel, en quelque sorte du partenariat public-privé.
D’autres privilégient les réseaux d’initiative publique (RIP), mais elles ont besoin de visibilité pour répondre à l’attente des populations et des entreprises.
Dans le budget que nous examinons, le Gouvernement nous propose de rouvrir ce guichet pour financer de nouveaux RIP. Nous nous en félicitons, mais il le fait au compte-gouttes en recyclant d’anciennes autorisations d’engagement et sans crédits nouveaux, de sorte que le compte n’y est pas.
C’est pourquoi, madame la secrétaire d’État, nous vous suggérons d’adresser un message clair aux Français et aux entreprises qui ne sont pas encore couverts par la fibre en abondant les crédits inscrits sur cette ligne à la hauteur des besoins réels.
Je reviendrai sur cet amendement lors de son examen.
Pour conclure, je poserai deux questions rapides.
En matière de déploiement de la 5G, il est crucial que la France ne prenne pas de retard. Les opérateurs ont besoin de la publication des textes d’application d’août dernier. Où en êtes-vous, madame la secrétaire d’État ? Lors des débats parlementaires, vous nous affirmiez que le processus devrait être rapide.
Concernant l’avenir de l’internet des entreprises, après les premiers pas prometteurs de l’entreprise Kosc Telecom, ouvrant le marché à la concurrence, voilà que cette dernière risque de mettre la clé sous la porte faute, semble-t-il, de respect des engagements de ces fournisseurs, également concurrents. Sa reprise semble poser également problème.
Ne craignez-vous pas, madame la secrétaire d’État, que cette dispersion ne mette à mal l’écosystème dynamique et surtout particulièrement souple et adaptable qui s’était mis en place ces derniers mois à la grande satisfaction de l’ensemble des PME ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDSE et Les Républicains. – M. Franck Menonville applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Martial Bourquin, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, d’année en année, la mission « Économie » est progressivement privée de ses outils de politique industrielle. Parmi ses quatre programmes, une seule action concerne désormais l’industrie.
Certes, celle-ci est principalement consacrée à la compensation carbone des électro-intensifs, absolument nécessaire à la sauvegarde de leur existence et de leur compétitivité, face à la multiplication par quatre du prix du carbone en cinq ans.
La sanctuarisation des crédits de la compensation carbone fonde l’avis favorable de notre commission. Je m’inquiète, néanmoins, de la tendance globale à la réduction des crédits de la mission « Économie ».
Hors compensation carbone, le budget dédié à l’industrie baisse cette année de 5 %. D’abord, la fuite des crédits se poursuit, avec leur transfert vers les PIA ou vers le fonds pour l’innovation et l’industrie (FII), pour l’instant fantôme. La vigilance du Parlement est requise : d’année en année, la lisibilité de la politique industrielle se réduit, rendant notre contrôle très difficile.
Des lignes budgétaires sont de nouveau supprimées cette année. En particulier, pour le deuxième budget consécutif, le Gouvernement veut éteindre le financement par dotation des activités de garantie bancaire de Bpifrance. Pourtant, celles-ci sont orientées à 90 % vers des TPE françaises dont l’accès au crédit reste limité. Plus de 60 000 entreprises en bénéficient chaque année. Pis, le Gouvernement admet lui-même dans les documents budgétaires que les crédits consacrés spécifiquement aux PME industrielles sont de 0 million d’euros pour 2020 !
La commission des affaires économiques souhaite redonner de l’ambition à la politique industrielle. D’une part, nous proposons de restaurer les crédits dédiés à Bpifrance, dans son rôle d’accompagnement du tissu des entreprises, soumis aux aléas de la conjoncture économique. Nous avons, d’autre part, souhaité, en seconde partie du projet de loi de finances, mieux accompagner la transition environnementale et écologique de notre industrie.
C’est un « mur d’investissement » qu’il faut mettre en place pour « verdir » notre outil productif. Les dirigeants de PME sont souvent bien seuls. Le Gouvernement doit aussi développer une véritable vision prospective et stratégique, afin d’accompagner l’évolution des filières, notamment celle du plastique ou du diesel, face à des défis sans précédent.
Je voudrais enfin dire un mot du débat qui s’annonce autour de la fiscalité de production. Alors que le Gouvernement prépare pour 2020 un « pacte productif », le taux de taxation de l’industrie française est sept fois supérieur à celui de l’Allemagne, pesant sur l’investissement et la compétitivité des entreprises.
Une évolution est nécessaire, à commencer certainement par la suppression de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S), annoncée de longue date. Mais on ne peut envisager que la réforme des impôts de production pèse sur les ressources des collectivités locales, déjà très sollicitées par la suppression de la taxe d’habitation. Il nous faut des garanties fermes en ce sens et une compensation à l’euro près sera le préalable à tout débat serein.
Le mieux, c’est que nous ayons des ressources dynamiques, et en aucun cas uniquement des dotations.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis. (MM. Jérôme Bascher et Franck Menonville applaudissent.)
M. André Reichardt, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la commission des lois a examiné les crédits du programme 134, « Développement des entreprises et régulations », au titre de ses compétences en matière de droit commercial et de droit de la consommation.
Ce projet de budget témoigne de la volonté du Gouvernement de recentrer l’action de l’État en matière de développement économique sur un nombre restreint de priorités, au prix d’un désengagement de certains secteurs de l’économie et de l’assèchement de plusieurs dispositifs de soutien aux entreprises.
À l’inverse, les moyens dévolus par l’État à ses missions régaliennes de régulation concurrentielle des marchés et de protection des consommateurs sont à peu près consolidés.
La commission des lois a été sensible au fait que le souci de maîtriser la dépense publique se traduise au sein de ce programme non par une politique de rabot, mais par des choix et des efforts de réorganisation : une fois n’est pas coutume, madame la secrétaire d’État, et c’est tant mieux.
Il est heureux que l’État accepte enfin de tirer les conséquences des lois de décentralisation et de supprimer des doublons coûteux pour les finances publiques.
Encore faut-il que les autres acteurs publics chargés du développement économique aient les moyens de prendre le relais de l’action de l’État. Ce n’est malheureusement pas le cas. Les chambres de commerce et d’industrie subissent une nouvelle baisse sévère de leurs recettes fiscales. Concernant les régions, les 128 millions d’euros supplémentaires qu’elles tireront du dynamisme de la TVA ne suffiront pas à couvrir l’ensemble des charges nouvelles qui leur sont transférées.
La commission des lois craint en particulier que l’extinction progressive du Fisac n’ait des conséquences très préjudiciables pour l’artisanat et le petit commerce, sans que les régions puissent intégralement compenser le retrait de l’État. C’est pourquoi elle a déposé, comme les commissions des finances et des affaires économiques, un amendement tendant à rehausser à 30 millions d’euros les autorisations d’engagement et les crédits de paiement destinés au Fisac.
Dans le domaine de la régulation concurrentielle des marchés et de la protection des consommateurs, la commission des lois reste préoccupée par la diminution du volume des contrôles diligentés par les administrations compétentes au cours des dernières années. Elle appelle à accélérer la réorganisation du réseau déconcentré de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), qui a été durement affectée par les réductions successives d’effectifs.
Enfin, la commission a dressé un bilan d’étape de la mise en œuvre du nouveau régime d’installation des professions réglementées du droit, issu de la loi du 6 août 2015. Elle a constaté que l’Autorité de la concurrence s’était fondée sur une méthodologie rigoureuse pour proposer une cartographie des zones d’installation. Toutefois, il apparaît à la commission, d’une part, que le risque d’une dépréciation excessive de la valeur patrimoniale des offices existants n’a pas été entièrement écarté à moyen et long terme, d’autre part, que la procédure de nomination dans les nouveaux offices reste beaucoup trop lourde.
L’Autorité de la concurrence a formulé de nombreuses propositions de simplification qui n’ont pas encore été prises en compte intégralement. Certaines d’entre elles nécessiteront d’ailleurs l’intervention du législateur. Il faudra rouvrir ce dossier.
In fine, au vu de ces observations, la commission des lois a donné un avis favorable à l’adoption des crédits de ce programme, sous réserve de l’adoption de son amendement n° II-515. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque unité de discussion comprend le temps de l’intervention générale et celui de l’explication de vote.
Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de dix minutes pour intervenir.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Xavier Iacovelli.
M. Xavier Iacovelli. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui la mission « Économie » du projet de loi de finances pour 2020. Les politiques publiques financées par les crédits de cette mission visent donc, d’abord, à développer l’activité et la compétitivité des entreprises, dans un contexte de ralentissement de la croissance européenne.
Ces politiques publiques concernent, en particulier, le développement international des entreprises et visent à élaborer un environnement conciliant, une concurrence saine entre acteurs économiques et la protection des consommateurs.
Le premier objectif de cette mission est de favoriser l’adaptation de l’économie française aux nouveaux enjeux.
Cette adaptation passera nécessairement par l’allégement des démarches administratives au travers de la mise en place d’une plateforme en ligne unique pour gérer les formalités de création, mais aussi par l’accès à l’innovation dans le cadre de la mission « French Tech » pour les start-up.
Réguler, sécuriser et moderniser : tel est le second objectif de la mission que nous examinons aujourd’hui. La DGCCRF concentrera donc ses interventions sur les enquêtes au service de la lutte contre les fraudes économiques.
C’est la condition pour protéger les entreprises, mais aussi les consommateurs. La DGCCRF devra prendre en compte les nouveaux modèles économiques et les risques émergents pour s’assurer de la loyauté des marchés.
Le renforcement de l’efficacité des aides aux entreprises, l’amélioration de l’efficacité du soutien public à l’internationalisation des entreprises et la nécessité d’assurer le fonctionnement loyal et sécurisé des marchés sont autant d’enjeux auxquels il nous faut répondre. Tels sont les objectifs qui guident cette mission.
Le déploiement de la 5G conduira l’Agence nationale des fréquences à jouer un rôle déterminant dans la régulation, la sécurisation et la modernisation de notre économie. Son action sera guidée par deux principes : confiance et transparence à l’égard des citoyens.
Pour le programme 134, « Développement des entreprises et régulations », les autorisations d’engagement s’élèveront à 1 047,4 millions d’euros, contre 898,2 millions d’euros en 2019, soit une hausse de 15,1 %, et les crédits de paiement à 1047,4 millions d’euros, contre 912,3 millions d’euros l’an dernier, ce qui représente une hausse de 14,8 %.
Au vu du temps qui m’est imparti, je souhaiterais revenir en particulier sur le programme 343, « Plan France Très haut débit ».
Au-delà de l’enjeu économique et social de cette nouvelle économie numérique, le très haut débit permettra de désenclaver les territoires éloignés des grandes villes.
Il s’agit là d’une demande forte de la part des élus locaux, que nous représentons dans cette assemblée et, à travers eux, de millions de Français.
L’État a décidé un tel déploiement sur l’ensemble du territoire français d’ici à 2022 pour permettre à tous les citoyens d’accéder au numérique. Depuis la fin de l’année 2016, sous la présidence de François Hollande, 50 % de la population en bénéficie, avec un an d’avance sur le calendrier prévu.
Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2020, le programme prévoit la participation de l’État au financement de la couverture intégrale du territoire en internet fixe très haut débit, soit 3,3 milliards d’euros d’ici à 2022.
Lancé en 2013, le plan France Très haut débit répond à un triple objectif : renforcer la compétitivité de notre économie et l’attractivité de la France ; développer les services publics innovants sur l’ensemble du territoire ; et, comme je l’ai rappelé, permettre l’accès au numérique pour tous les Français.
Il est en effet urgent d’apporter une solution de connectivité aux foyers mal desservis. C’est pourquoi l’atteinte de cet objectif requiert l’utilisation de toutes les technologies.
En prévoyant un guichet de la cohésion numérique, comme l’a annoncé le Premier ministre à Cahors le 14 décembre 2017, le plan France Très haut débit apporte une solution de connectivité aux foyers mal desservis.
Une enveloppe de 100 millions d’euros est notamment attribuée pour proposer un soutien financier aux Français concernés pour l’installation d’équipements de réception d’internet.
Le plan s’inscrit enfin dans l’ambition de long terme : doter le pays de nouvelles infrastructures de pointe, au travers de la généralisation de la couverture gigabit sur l’ensemble du territoire.
Au total, l’État investira 3,3 milliards d’euros pour le déploiement du très haut débit.
Le Gouvernement a rappelé l’exigence de tenir les objectifs, quitte à compléter les financements nécessaires pour que la France apparaisse en leader sur le déploiement du très haut débit. Nous ne pouvons que nous en féliciter.
En 2020, les autorisations d’engagement du programme 343 s’élèveront à 330 millions d’euros et les crédits de paiement à 440 millions d’euros.
Pour toutes les raisons évoquées, nous soutenons les crédits qui sont présentés. Ils constituent une réponse satisfaisante aux objectifs annoncés : rendre plus efficaces les aides aux entreprises, renforcer leur compétitivité et permettre à tous les Français d’accéder aux mêmes ressources numériques sur l’ensemble du territoire. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)