M. Yves Daudigny. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Véronique Guillotin.
Mme Véronique Guillotin. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, cette mission « Santé » du projet de loi de finances a fait couler beaucoup d’encre au cours des dernières semaines, prise au cœur d’un débat sur l’immigration et l’accueil des demandeurs d’asile.
Cette mission contient effectivement deux programmes. Celui qui est consacré à l’aide médicale de l’État reste au cœur des préoccupations, puisqu’il représente désormais 82 % des crédits de la mission. Néanmoins, attachée aux questions de prévention, je commenterai d’abord les ressources allouées au programme 204.
Ce programme est remanié dans son périmètre, passant de 7 opérateurs en 2015 à 2 opérateurs en 2020. Cette année, ce sont les dotations de l’ANSM et de Santé publique France qui sont transférées à l’assurance maladie.
Au regard des objectifs, nous espérons que ces transferts successifs, sous couvert de simplification, ne dégraderont pas la lisibilité des actions et de leur budget.
Ne subsistent donc dans le programme 204 que quelques crédits épars, dont le financement de l’INCa, de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), et du fonds d’indemnisation des victimes de la Dépakine pour un peu plus de 200 millions d’euros. Cela nous interroge sur la volonté du Gouvernement de pérenniser ce programme, pratiquement vidé de son contenu.
La prévention est présentée comme une « priorité » du Gouvernement, et elle doit l’être !
Avec une baisse globale de 3 % à budget constant, nous notons une stagnation des crédits consacrés à l’action n° 12, Santé des populations, et à l’action n° 14, Prévention des maladies chroniques et qualité de vie des malades, à laquelle vient s’ajouter la baisse du budget de la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca), examiné hier en séance et réduit de 4 millions d’euros par rapport à 2014.
Sur ces sujets majeurs, nous espérions – et espérons encore – un engagement fort de l’État.
Je vais déjà saluer les trois mesures positives : la lutte contre le tabac, dont on a vu les effets ; l’accroissement du fonds en faveur de la santé environnementale et la politique de vaccination obligatoire, qui portera probablement des fruits en termes de couverture vaccinale de la population.
Mais j’insisterai aussi sur deux autres sujets.
D’une part, le taux de vaccination contre la grippe, qui tue encore 10 000 personnes chaque hiver, stagne chez les plus de 65 ans. Les mesures de simplification de l’accès à la vaccination décidées dans le plan « Ma santé 2022 » devraient, je l’espère, corriger cette situation. Quant à la vaccination des professionnels de santé, je continue à penser que l’obligation vaccinale reste souhaitable.
D’autre part, un indicateur sur la qualité microbiologique de l’eau a attiré mon attention – sujet dont on parle peu, mais qui est éminemment important. Il stagne, après une amélioration avant 2015. Encore plus de 12 % des prélèvements d’eau potable ne sont pas microbiologiquement conformes, et c’est sur les petits réseaux, de moins de 500 habitants, que cette non-conformité est significativement plus élevée. Cela peut nous interroger.
Avec la disparition annoncée de ce programme, madame la secrétaire d’État, aurons-nous encore une visibilité sur ces sujets, et un moment pour en discuter ?
J’évoquerai, enfin, les comités de protection des personnes (CPP), qui jouent un rôle important dans l’accès précoce aux médicaments innovants. Nous saluons l’augmentation pérenne de leur budget à hauteur de 700 000 euros, qui permettra le financement de 14 équivalents temps plein supplémentaires. C’est une avancée, qui reste toutefois insuffisante pour permettre aux 39 CPP de fonctionner de manière continue. Mais nous ne manquerons pas de revenir plus en détail sur le sujet, lors de l’examen de la proposition de loi que je défendrai avec mes collègues Catherine Deroche et Yves Daudigny.
J’en viens maintenant au programme 183, consacré presque exclusivement au financement de l’aide médicale de l’État, à hauteur de 934 millions d’euros, ce qui en fait, d’après le rapport conjoint de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et de l’Inspection générale des finances (IGF) « le milliard le plus scruté de la dépense publique ».
À titre personnel, ce n’est pas celui qui m’inspire le plus ! Face à de tels sujets, complexes et sensibles, j’aime à me rappeler les grands principes guidant ma réflexion : l’humanisme et le respect de la personne ; la protection de la santé publique ; la bonne gestion des deniers publics. Il y a donc un équilibre à trouver : ni trop, ni trop peu…
La commission des finances a déposé plusieurs amendements, afin de transformer l’AME en aide médicale d’urgence (AMU), de réduire le panier de soins et de créer un droit de timbre.
L’AME est trop souvent considérée comme un élément de politique migratoire, alors qu’elle est un dispositif de santé publique. En accord avec la rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales, mon groupe, dans sa grande majorité, ne soutiendra pas ces amendements.
S’agissant des modifications introduites à l’Assemblée nationale, nous prenons note des mesures visant à lutter contre la surconsommation et la fraude. Je partage la nécessité de combattre ces dernières, quand elles existent ! Les moyens de contrôle seront-ils toutefois suffisants ?
Revenons-en à des termes budgétaires.
Les dépenses au titre de l’AME, bien qu’en augmentation, ne représentent que 0,5 % des dépenses de l’assurance maladie. L’impact des dernières annonces sur le budget de la mission – soit 15 millions d’euros d’économies prévues – va dans le sens d’une maîtrise budgétaire, que nous saluons.
Toutefois, veillons à ce que certaines de ces mesures, notamment l’allongement du délai d’accès, ne soient pas contre-productives, car des pathologies prises en charge avec retard nécessitent des traitements plus longs, plus lourds et plus coûteux. Une évaluation stricte et rapide de la mesure sera nécessaire. On peut effectivement regretter le peu de chiffres, de statistiques à même de nous éclairer dans notre réflexion, ce qui, souvent, est propre à ouvrir la voie aux fantasmes.
Je terminerai en rappelant que les médecins continueront à exercer leur profession et à soigner les malades, tous les malades ! Faisons leur confiance pour apprécier, au cas par cas, les besoins de chaque patient ; il est indispensable de préserver cette marge d’appréciation des soignants, qui sont en première ligne.
Voilà deux ans, à la même tribune, j’ai conclu en disant qu’il fallait se pencher sur le sujet avec pragmatisme et sans posture. C’est dans ce même état d’esprit, dans l’attente de quelques réponses sur le volet concernant la prévention et avec les quelques réserves émises que mon groupe, dans sa grande majorité, votera en faveur des crédits de la mission « Santé ». (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Dominique Théophile. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM.)
M. Dominique Théophile. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le montant global des crédits de la mission « Santé » ouverts pour 2020 s’élève à un peu plus de 1 milliard d’euros en crédits de paiement.
Ce montant enregistre une baisse de 19 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2019, celle-ci affichant un montant légèrement supérieur à 1,4 milliard d’euros. Cette baisse ne révèle toutefois pas un manque d’ambition sur une mission aussi importante que celle-ci.
Ce différentiel s’explique principalement par le transfert, de l’État à l’assurance maladie, du financement de l’Agence nationale de la sécurité du médicament et des produits de santé et de l’Agence nationale de santé publique.
Cette baisse s’explique également par les efforts financiers demandés aux opérateurs de santé dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.
C’est un budget cohérent et concret, qui porte haut les engagements de la stratégie nationale de santé 2018-2022 et du plan Ma santé 2022. Il doit permettre de développer la politique de prévention, d’assurer la sécurité sanitaire et d’organiser une offre de soins de qualité pour nos concitoyens de l’Hexagone et des outre-mer.
La mission « Santé » comprend deux programmes, que je détaillerai brièvement.
Le programme 204, « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins », doit permettre d’améliorer l’état de santé général de la population. Son ambition est de réduire les inégalités sociales et territoriales de santé, mais également de prévenir et de maîtriser les risques sanitaires.
Nous pouvons nous réjouir qu’un effort particulier soit apporté à la recherche sur le cancer : les chiffres de cette maladie demeurent préoccupants, et les progrès encore limités. Un peu plus de 41 millions d’euros en crédits de paiement sont ainsi consacrés pour 2020 au financement de l’Institut national du cancer, chargé de la stratégie décennale de lutte contre le cancer.
Les crédits ouverts pour la prévention des risques liés à l’environnement et à l’alimentation connaissent, quant à eux, une forte augmentation. Ils s’élèvent pour 2020 à 25 millions d’euros contre un peu plus de 18 millions d’euros en 2019. Ces crédits permettront de renforcer le rôle et l’action de l’Institut national de la recherche agronomique (INRA) ou de l’Anses.
Les dépenses d’indemnisation des victimes de la Dépakine vont, par ailleurs, faire l’objet d’ajustements structurants afin d’accélérer le traitement, jusque-là complexe, des dossiers. Le dispositif d’indemnisation, dont la gestion est assurée par l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (Oniam), a effectivement connu une montée en charge progressive au cours des dernières années. Les crédits seront ainsi portés à 53,6 millions d’euros pour l’année 2020.
Le programme 183, « Protection maladie », agit en faveur de l’accès aux soins des publics les plus défavorisés et de l’indemnisation des victimes de l’amiante. Avec un budget global supérieur à 942 millions d’euros, il est inchangé par rapport à la loi de finances initiale pour 2019.
Le programme 183 est consacré, pour l’essentiel, à l’aide médical de l’État, dont la gestion est confiée à la Caisse nationale de l’assurance maladie. Permettez-moi, mes chers collègues, de m’attarder un instant sur ce dispositif.
Autant le rappeler d’emblée, il n’est pas question, à mon avis, de supprimer l’aide médicale de l’État !
M. Yves Daudigny. Heureusement !
M. Dominique Théophile. Il n’est pas non plus question de supprimer le droit à l’assurance maladie pour les demandeurs d’asile, de revenir sur le panier de soins ou d’exiger une participation financière aux bénéficiaires à l’AME.
Selon nous, rien dans ce budget ne vient remettre en cause les grands principes humanitaires, auxquels nous sommes tous attachés.
Au cours des dernières années, le nombre de bénéficiaires de l’AME a augmenté de manière importante. Près de 300 000 personnes bénéficient du dispositif aujourd’hui. Cette hausse a entraîné un accroissement des dépenses de l’État : en 2018, celles-ci s’élevaient à 848 millions d’euros, soit une hausse de 6 % par rapport à 2017.
Ce constat a conduit le Gouvernement à s’interroger sur l’efficience du système, et sur ses éventuels abus.
Un rapport de l’IGAS a proposé certaines améliorations. Nombre d’entre elles ont été intégrées au texte lors de son examen à l’Assemblée nationale, afin d’améliorer la gestion des demandes et de mieux réguler les dépenses de l’AME et des soins urgents.
Ces améliorations concernent notamment la lutte contre les abus, qui se voit ici renforcée. Il est envisagé de conditionner la prise en charge de certaines prestations programmées et non urgentes, pour les bénéficiaires majeurs de l’AME, à un délai d’ancienneté. Les demandeurs devront désormais se présenter en personne à la caisse primaire d’assurance maladie pour déposer leur demande d’aide.
Enfin, un délai de carence de trois mois est également évoqué pour les demandeurs d’asile souhaitant bénéficier de la protection universelle maladie.
L’enjeu n’est pas ici de restreindre les droits des personnes migrantes, mais de réprimer les abus constatés dans le cadre de l’AME, et de permettre à ceux qui y sont éligibles d’en bénéficier pleinement.
Lors de l’examen de ce texte en commission des finances, plusieurs amendements du rapporteur spécial ont été adoptés. Ils limitent, voire suppriment l’AME, en lui substituant une aide médicale d’urgence.
Ce débat n’est pas nouveau. De telles propositions sont contraires à l’esprit de solidarité et d’humanisme qui anime notre groupe. Les raisons en sont nombreuses et elles ont été énoncées à de multiples reprises.
La commission des affaires sociales, saisie pour avis, a d’ailleurs proposé d’adopter les crédits de la mission « Santé » sans modification. Pour ces différentes raisons, notre groupe votera les crédits tels qu’ils ont été proposés par le Gouvernement. Dans le cas contraire, il votera contre. (Mme Élisabeth Doineau applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, en raison du temps qui m’est imparti, mon propos se concentrera sur quatre points.
Premièrement, j’évoquerai le périmètre plus que réduit de la mission « Santé ». Comme cela a été dit par mes prédécesseurs, notamment par la rapporteure Corinne Imbert, que je tiens à remercier pour la qualité de son rapport, nous examinons les crédits d’une mission « Santé » très restreinte, ce que je déplore fortement.
Le transfert de l’ANSM et de l’ANSP vers l’assurance maladie est non seulement un non-sens sur le fond, mais entraîne, pour la mission « Santé », et plus précisément pour le programme 204, une réduction à la portion congrue. La mission devient quasi fantomatique. Nous avons d’ailleurs déposé, pour la nouvelle lecture du PLFSS, demain, un amendement pour arrêter ce transfert.
Deuxièmement, je souhaite m’intéresser à l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux (Oniam) et à la responsabilité de Sanofi dans le scandale de la Dépakine. L’État verse une dotation à l’Oniam pour indemniser les victimes de scandales sanitaires, se substituant ainsi à certains exploitants. Une nouvelle fois, comment ne pas être profondément choqué par l’attitude du laboratoire Sanofi, qui refuse de prendre ses responsabilités et d’indemniser les victimes de la Dépakine ? Pour notre part, nous sommes favorables à certaines pistes évoquées par la rapporteure.
Comme souvent, madame la secrétaire d’État, vous allez répondre qu’une réflexion est en cours, mais, en tant que parlementaire, je suis preneuse d’informations, et je pense ne pas être la seule dans cet hémicycle.
Le troisième point que je souhaiterais aborder porte sur les crédits liés à plusieurs actions, à savoir celle sur les traumatismes et les violences, celle sur la prévention des addictions, ainsi que celle en faveur de la santé mentale : autant d’actions essentielles qui auraient besoin d’un soutien particulier de l’État. Je dois donc vous faire part de l’étonnement de notre groupe, quand il a constaté que ces actions ne bénéficient d’aucune augmentation de crédits par rapport à l’an dernier.
Comment expliquer une telle stagnation des crédits, au moment même où le Gouvernement a organisé un Grenelle contre les violences conjugales et a fait des annonces ambitieuses le 25 novembre dernier, journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes ? Comment ne pas regretter qu’il n’y ait pas de crédits supplémentaires pour créer de nouvelles unités de prise en charge globale du psycho-traumatisme ?
Comment comprendre cette stagnation, après la formidable mobilisation du 23 novembre, qui a vu défiler plusieurs milliers de personnes dans toute la France, réclamant un milliard d’euros ? Quel décalage entre les annonces du Premier ministre et la réalité budgétaire ! Personne, aucune association d’aide aux victimes, d’accompagnement des femmes victimes de violences, n’est dupe. Nous aurons l’occasion d’y revenir lors de l’examen de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».
Dans le domaine des addictions, là aussi, nous nous étonnons que, malgré le lancement du plan gouvernemental en fin d’année 2018, nous retrouvions cette année exactement les mêmes montants.
Enfin, nous faisons la même critique quant aux crédits consacrés à la santé mentale, car, là encore, pas un euro de plus n’est consacré à cette action, malgré la situation dramatique vécue par les établissements psychiatriques et les structures extrahospitalières.
Enfin, j’en viens à mon quatrième point, l’AME. Depuis plusieurs mois, le Président de la République franchit des limites très dangereuses sur la politique migratoire.
Madame la secrétaire d’État, vous êtes chargée de la santé : comment le Gouvernement a-t-il pu déposer un amendement au dernier moment à l’Assemblée nationale pour réduire de 15 millions d’euros les crédits liés à l’AME ?
Pourquoi alimenter de nombreux fantasmes autour de l’AME, quand seuls 38 cas de fraude ont été constatés l’année dernière, pour un préjudice d’à peine 500 000 euros, soit 0,06 % du montant total de l’AME ? Bien sûr, la loi doit punir les fraudeurs, mais avouez que c’est infinitésimal. Pourquoi ne pas montrer la même diligence à l’égard de la fraude patronale, qui s’élève à plusieurs milliards ?
Madame la secrétaire d’État, au-delà de la baisse de crédits, c’est bien le fond de votre réforme qui est profondément choquant, puisque vous prévoyez non seulement de restreindre les conditions d’accès à l’AME, en créant un délai de carence pour accéder à la protection universelle maladie (PUMa), mais également de réduire la durée de l’AME de moitié pour les déboutés d’asile et les personnes sans-papiers. Tous les médecins que nous avons auditionnés s’opposent à ce genre de mesures restrictives, qui risquent de favoriser des épidémies et sont contraires au serment d’Hippocrate.
Madame la secrétaire d’État, avec votre réforme, vous remettez purement et simplement en cause l’accès universel aux soins, en stigmatisant les personnes étrangères.
Je vous rappelle que l’AME ne représente que 0,4 % des quelque 204 milliards d’euros de dépenses de soins. C’est un dispositif de santé publique, de prévention des maladies et des infections qui profite à toute la société, et ne relève en aucun cas du tourisme médical.
Par son attitude, le Gouvernement, qui chasse sur les terres de la droite extrême, encourage une remise en cause toujours plus profonde de l’AME, notamment au moment de l’examen du PLF.
Je souhaite m’adresser à notre collègue M. Joyandet et à une partie de la commission des finances ; je leur demande de renoncer à la suppression de près d’un tiers des crédits liés à l’AME, au droit de timbre et à la limitation du panier de soins, pour les raisons que je viens d’évoquer. Si ces amendements étaient maintenus, nous ne pourrions les voter, comme, je pense, bon nombre de mes collègues de la commission des affaires sociales, toutes sensibilités politiques confondues. Pour conclure, nous ne voterons pas les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.)
M. le président. La parole est à Mme Colette Mélot.
Mme Colette Mélot. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons à présent les crédits de la mission « Santé » du projet de loi de finances pour 2020, consacrée aux dépenses de santé non couvertes par le budget de la sécurité sociale. Cette mission regroupe deux programmes. Le programme 183 concentre 82 % des crédits ; il est essentiellement consacré au financement de l’aide médicale de l’État pour un montant stable de 934,4 millions d’euros, et au fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante. Le programme 204 rassemble un peu moins de 18 % des crédits de la mission ; il finance les actions de prévention, de sécurité sanitaire et d’amélioration de l’offre et de la qualité des soins pris en charge par l’État.
L’enveloppe globale pour 2020 s’élève à 1,144 milliard d’euros en crédits de paiement, contre 1,422 milliard en 2019, soit une diminution de presque 20 %, très inégalement répartie entre les deux programmes. En effet, l’effort de maîtrise budgétaire repose essentiellement sur la révision du périmètre du programme 204, désormais réduit à peau de chagrin, après le transfert vers l’assurance maladie des crédits de financement de l’Agence nationale de la sécurité du médicament et des produits de santé et de l’Agence nationale de santé publique. Les actions de ce programme ont connu une baisse de 69 % de leurs crédits depuis 2013, tandis que les dépenses finançant l’AME connaissent une hausse de 27 % sur la même période.
Nous partageons les interrogations émises par le rapporteur spécial de la commission des finances, M. Joyandet, sur la place de ce programme au sein du budget de l’État et sur l’efficacité de la dépense au regard de ses objectifs de performance. En définitive, quelle est la priorité du Gouvernement en matière de prévention ? Les indicateurs proposés ont-ils démontré leur pertinence et l’efficacité des dépenses de prévention ?
Le seul opérateur restant intégralement financé par cette mission est l’Institut national du cancer (INCa), dont les missions ont été élargies par l’adoption de la loi du 8 mars 2019 visant à renforcer la prise en charge des cancers pédiatriques.
Aussi, la mission « Santé » du PLF pour 2020 tend à se résumer au financement de l’AME, sans doute le milliard le plus polémique de la dépense publique. Cette somme ne représente que 0,6 % de la dépense publique de santé en France, mais notre pays est l’un des plus généreux en termes d’accès au soin pour les étrangers en situation irrégulière. Le récent rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et de l’Inspection générale des finances (IGF) sur l’AME confirme l’existence d’un « tourisme sanitaire » : un quart des migrations irrégulières aurait une motivation d’ordre médical, telle que l’insuffisance rénale.
Nous partageons l’avis du rapporteur spécial, qui dénonce une sous-budgétisation des crédits de l’AME consacrés aux soins urgents. Afin de maîtriser la hausse tendancielle des prestations, le Gouvernement propose notamment d’instaurer un délai d’ancienneté, de réguler l’accès aux soins non urgents et de renforcer les contrôles au stade de l’instruction des demandes. Il s’agit de vérifier la durée minimale de présence sur le territoire ouvrant droit à l’AME, fixée à trois mois, et d’effectuer des contrôles ciblés sur les soins les plus onéreux.
La commission des finances souhaite aller plus loin. Elle propose d’instaurer un droit de timbre de 30 euros, de remplacer le dispositif par une aide médicale d’urgence et de restreindre le panier de soins, afin d’harmoniser la couverture de soins offerte aux étrangers en situation irrégulière présents en France avec celle de nos partenaires européens, tels que l’Espagne, le Danemark ou encore l’Allemagne.
Si nous soutenons la proposition du Gouvernement, nous ne sommes pas favorables à une transformation aussi radicale de l’AME ; seulement un migrant éligible sur deux y a recours, faute de connaissance du dispositif. Durcir les conditions d’accès et la couverture santé des migrants risque d’aggraver l’état de santé de cette population déjà précaire et de reporter la charge des soins sur les hôpitaux.
Ainsi, selon l’issue des discussions, soit nous voterons en faveur de la mission, soit nous nous abstiendrons. (M. Jean-Louis Lagourgue applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Doineau.
Mme Élisabeth Doineau. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, année après année, la mission « Santé », composée des programmes 204, « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins », et 183, « Protection maladie », se résume toujours davantage à un débat centré sur l’aide médicale de l’État. Cette attention exacerbée portée à l’action n° 02 du programme 183 s’explique sans doute par le fait que l’AME absorbe progressivement la quasi-totalité de l’enveloppe dévolue à la mission « Santé », soit 82 % de celle-ci pour 2020, contre près de 45 % en 2010.
Cela s’explique par un double phénomène. Premièrement, l’État a des difficultés à contenir, jusqu’à récemment, les dépenses liées à l’AME – elles ont quasiment doublé entre 2004 et 2017 – et tous les gouvernements précédents ont fait preuve d’un manque de sincérité, puisque jamais cette mission n’a été abondée à hauteur des besoins.
Deuxièmement, la plupart des agences responsables de la politique sanitaire ont basculé vers l’assurance maladie. En effet, le programme 204 ne comprend plus, comme opérateur à part entière, que l’INCa. Or, ce dernier a lui-même vocation à voir ses moyens reportés à terme sur le budget de l’assurance maladie.
Pour 2020, les modifications de périmètre du programme 204 le conduisent à enregistrer une baisse de ses crédits de 58 %, alors que le budget de l’AME restera lui sensiblement inchangé par rapport à 2019.
Cet automne, sur fond de débat sur la politique migratoire, l’aide médicale de l’État est la cible de nombreuses critiques et d’une réforme gouvernementale, alors même que le rapport de l’IGAS et de l’IGF d’octobre note que l’AME « n’est pas un outil de politique migratoire ».
Concernant la gestion du dispositif, je souligne plusieurs évolutions intéressantes. Grâce notamment à une stabilisation du nombre de bénéficiaires, l’AME jouit d’une plus grande sincérité budgétaire. Le recours au fichier Visabio et la centralisation de la gestion de l’AME par les caisses primaires d’assurance maladie (CPAM) de Paris, de Bobigny et de Marseille vont permettre un renforcement du pilotage du dispositif et du contrôle des dossiers, tout en homogénéisant leurs traitements. Aussi, comme l’année dernière, je salue la position responsable et mesurée de notre rapporteure pour avis, Corinne Imbert.
L’AME est une nécessité humanitaire, sanitaire et économique. À sa manière, elle participe à la politique publique de prévention sanitaire. Un droit de timbre et l’accès aux seuls soins d’urgence, comme le propose le rapporteur pour avis de la commission des finances, seraient tout bonnement contre-productifs. Les gains visés à court terme seraient dépassés par les coûts induits, notamment le recours aux urgences. Selon les référentiels des groupes politiques, l’AME incarne soit un mal nécessaire, soit le salut de notre nation. Cependant, en définitive, dans une vision purement pragmatique, l’AME est et restera une aide indispensable, avec un rapport bénéfices-risques avantageux.
Est-il nécessaire de remettre en perspective le montant de l’AME face à celui de la consommation de soins et de biens médicaux en France ?
J’en viens à la réforme proposée par le Gouvernement. Nous déplorons une nouvelle fois le mauvais signal envoyé au Parlement par le Gouvernement, qui introduit sa réforme par voie d’amendements, la nuit même précédant l’examen de la mission « Santé » par l’Assemblée nationale. Certes, madame la secrétaire d’État, vous attendiez la remise du rapport de l’IGAS et de l’IGF pour agir. Mais celui-ci peine, en définitive, à trancher le débat et à apporter des éléments objectivables et chiffrés face aux nombreuses rumeurs et fantasmes. La mission évoque des « suspicions de migrations pour soins » et rejette l’idée d’une réduction du panier de soins. Elle propose plutôt de conditionner la dispensation de certains soins à un délai d’ancienneté.
À mon sens, les pistes les plus pertinentes de réforme de l’AME sont à chercher du côté de la simplification des échanges d’informations et des procédures entre les CPAM et les hôpitaux. Enfin, je rappelle le point de vigilance évoqué par Mme Imbert. Le conditionnement de l’accès à certains soins pour les bénéficiaires de l’AME devra pleinement laisser aux soignants une marge d’appréciation suffisante dans l’évaluation des besoins de chaque patient.
Sinon, quel est le risque ? Décourager un recours aux soins, entraînant in fine une explosion des dépenses de santé et des maladies infectieuses.
Pour conclure, je m’interroge sur le devenir de la mission « Santé », hors aide médicale de l’État. Ne faudrait-il pas la refonder, en s’appuyant sur quelques programmes forts ? C’est le sens de l’amendement que je défendrai avec mon collègue Jean-François Longeot. La maladie de Lyme est l’une des dix maladies infectieuses les plus fréquentes en France. Le diagnostic, la prise en charge et le traitement de cette maladie divisent la communauté scientifique, laissant les malades dans une errance thérapeutique et dans un désert d’incertitude.
La recherche est un acteur majeur de la prévention. Nous proposons donc de créer un programme spécifique « Recherche contre les maladies vectorielles à tiques », abondé à hauteur de 5 millions d’euros. Cette somme est minime, mais elle constitue une première étape. C’est bien moins que les 15 millions d’euros d’économies demandées à l’AME. Je vous invite à répondre à cet appel des parlementaires, madame la secrétaire d’État.
Le groupe Union Centriste votera les crédits de la mission « Santé », tels qu’ils ont été présentés à la commission des affaires sociales. (M. Philippe Bonnecarrère applaudit.)