Mme Sophie Primas. C’est la fin de l’universalité des prestations !
M. le président. La parole est à Mme Corinne Imbert, pour la réplique.
Mme Corinne Imbert. Je vous remercie de vos réponses, madame la ministre, mais vous venez de reconnaître que les prestations familiales ne seront réévaluées que de 0,3 % en 2020, alors que notre famille politique défend une augmentation de 1 %.
Il ne faut pas oublier que les baisses des dotations aux collectivités s’accompagnent d’une hausse des coûts du transport scolaire, des frais de cantine et d’accueil périscolaire, dépenses auxquelles les familles doivent faire face. J’entends également que l’on veut augmenter la redevance audiovisuelle pour les familles avec enfants.
Ce ne sont pas là, me semble-t-il, de bons signaux envoyés aux familles. Certains attendent le tournant social du quinquennat. Nous attendons pour notre part non seulement le tournant de la fermeté, mais surtout celui de la justice et de la considération pour les familles ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
situation au cambodge
M. le président. La parole est à M. André Gattolin, pour le groupe La République En Marche.
M. André Gattolin. Ma question s’adresse au ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
Hier, la Commission européenne, après plus de six mois d’enquête approfondie, a transmis aux autorités du Cambodge un rapport préliminaire aux termes duquel à défaut d’une réponse rapide et appropriée de son gouvernement, le Cambodge pourrait voir le système de préférence commerciale dit « Tout sauf les armes » dont il bénéficie suspendu en février prochain.
Cette procédure de la Commission constitue une première dans le cadre de ce mécanisme d’aide au développement, que nous tenons ici à saluer. Elle intervient en raison de violations réitérées des engagements pris par ce pays en matière de respect des droits humains et des droits des travailleurs par le régime de M. Hun Sen, au pouvoir depuis plus de trente-quatre ans.
Deux ans après la dissolution du principal parti d’opposition et à la suite des élections de juillet de l’an passé, amplement contestées par la communauté internationale, le régime en place connaît une inquiétante dérive autoritaire qui contrevient au processus de démocratisation auquel il avait pourtant souscrit au travers des accords de Paris en 1991, après la chute du régime des Khmers rouges.
Avant-hier, sous la pression, les autorités cambodgiennes ont levé la mesure de résidence surveillée de l’un des leaders de l’opposition, M. Kem Sokha, tandis que M. Sam Rainsy, président en exil du Parti du sauvetage national du Cambodge, a été reçu hier et ce matin même avec beaucoup de bienveillance par les autorités de la Malaisie et de l’Indonésie.
Monsieur le ministre, au-delà de la juste initiative de la Commission européenne, n’est-ce pas pour la France le moment opportun de jouer un rôle actif pour tenter de ramener le Cambodge dans la voie de la démocratisation, en conformité avec les engagements de notre pays qui, je le rappelle, présida avec l’Indonésie à la signature des accords de Paris en 1991 ? (Applaudissements sur des travées du groupe LaREM.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur André Gattolin, je connais votre attachement à la défense des libertés et de la démocratie au Cambodge et la constance de vos positions sur ce sujet.
Comme vous, nous sommes préoccupés par la situation. Vous l’avez rappelé, les élections législatives de 2018 ne se sont pas déroulées dans de bonnes conditions. Un parti d’opposition, le Parti du salut national du Cambodge, a été dissous et son leader mis en prison.
Il est clair que nous ne pouvons pas rester inertes. Avec les Européens, nous avons donc déclenché une enquête qui nous permettra de prendre un certain nombre de décisions, notamment de lever des préférences commerciales. En effet, l’Europe, ce n’est pas seulement un marché ; ce sont aussi des valeurs ! Qui veut exporter en Europe doit respecter les droits sociaux, les droits des travailleurs et se conformer aux valeurs démocratiques fondamentales.
Je me réjouis que ce langage de fermeté ait produit quelques premiers résultats, puisque M. Kem Sokha a bénéficié d’un assouplissement de ses conditions de détention : il est désormais libre de circuler sur le territoire sous contrôle judiciaire. Ce geste était nécessaire, mais il n’est pas suffisant. Nous attendons du Gouvernement cambodgien qu’il engage un véritable dialogue pour reprendre de manière crédible le chemin de la démocratisation. Si nous ne constatons pas de progrès, nous serons amenés, en février prochain, à suspendre un certain nombre de préférences commerciales. Nous demeurons vigilants. (Applaudissements sur des travées du groupe LaREM.)
otan
M. le président. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
« En état de mort cérébrale » : ces mots pour le moins provocateurs, voire insultants, du Président de la République qualifiant l’OTAN nous ont fait énormément de mal sur la scène internationale, à l’exception bien sûr de la Russie. Ces mots n’ont fait que conforter l’image d’arrogance et de déconnexion dont nous souffrons, hélas, encore trop souvent à l’étranger.
Certes, le silence retentissant des Occidentaux face à l’intervention turque est une honte, mais celle-ci n’est pas le fait de l’OTAN, ni de l’ONU, du reste, qui ne sont que l’émanation de gouvernements nationaux. Il est facile mais dangereux – le Brexit nous l’a prouvé – de désigner les institutions supranationales comme boucs émissaires de notre manque de courage politique, et ce n’est guère constructif pour l’avenir de la sécurité mondiale !
Je voudrais également rappeler que l’OTAN est, à soixante-dix ans, avec ses vingt-neuf États membres, l’alliance la plus réussie de l’histoire du monde. (On le conteste sur des travées des groupes SOCR et CRCE.) Beaucoup de pays font d’énormes efforts pour la rejoindre, car elle a su garantir la paix sur le territoire de ses États membres durant ces soixante-dix ans.
Certes, l’évolution de la situation géopolitique, avec la montée en puissance de nouveaux acteurs et le désengagement des États-Unis, doit pousser l’Europe à repenser sa stratégie de sécurité et à enfin aller vers cette défense européenne structurée et autonome que nous appelons de nos vœux depuis des années. Mais, à l’heure où le Brexit affaiblit les dynamiques européennes de coopération en matière de sécurité et de défense, où rares sont les pays européens à accepter de consacrer 2 % de leur PIB à leur défense et où, en revanche, la Russie, la Chine, la Turquie et l’Arabie Saoudite ont augmenté leur budget de défense de 30 % en moyenne ces dernières années,…
M. le président. Votre question !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. … il est d’autant plus important de ne pas éroder l’OTAN, dont le Royaume-Uni est encore membre.
M. le président. Votre question !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Monsieur le Premier ministre, la France ne devrait-elle pas se positionner comme le fer de lance de cette réforme pour pouvoir, avec empathie et bienveillance, construire cette Europe de la défense,…
M. le président. Il faut conclure !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. … au lieu de mettre l’OTAN au pilori ? (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre des armées.
Mme Florence Parly, ministre des armées. Madame la sénatrice, le Président de la République a récemment évoqué les nombreux défis auxquels l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord est confrontée. Il a en effet employé des mots très forts, mais qui sont à la hauteur de la crise de sens à laquelle cette organisation est confrontée.
Entendons-nous bien, alors que nous allons célébrer le soixante-dixième anniversaire de l’OTAN, il ne s’agit ni de nier ses succès ni de contester sa crédibilité militaire. Il s’agit plutôt de pointer les obstacles politiques que nous devons surmonter pour répondre aux défis auxquels nous sommes confrontés en matière de sécurité.
Vous l’avez rappelé, ces obstacles ont été mis en lumière de façon dramatique par les récents événements survenus dans le nord-est syrien. J’en distingue trois : d’abord, l’incertitude qui entoure la politique américaine ; ensuite, l’attitude de la Turquie, qui met en jeu la cohésion des alliés par des actions qui portent atteinte à nos intérêts en termes de sécurité ; enfin, l’insuffisance de l’effort de défense des Européens, alors que les Américains les exhortent à partager un fardeau qu’ils ne veulent plus assumer seuls.
Si certains de nos alliés ont tendance à minimiser, voire à nier, ces défis et ces difficultés, la France entend promouvoir une voie exigeante et lucide, afin de surmonter cette crise dans l’intérêt de l’Alliance atlantique et de l’Europe.
Lors du sommet de Londres, la France plaidera pour le lancement d’une véritable réflexion sur l’avenir de l’Alliance. L’OTAN doit constituer une alliance solidaire et responsable dans laquelle chaque membre, en particulier les Européens, contribue de manière crédible à l’effort de défense. La France ne souhaite pas fragiliser l’OTAN, car celle-ci est et demeure un élément clé de la sécurité européenne. Il n’y aura pas de défense européenne sans OTAN, et réciproquement ! (MM. François Patriat et Jean-Marc Gabouty applaudissent.)
fiscalité transfrontalière avec le luxembourg
M. le président. La parole est à M. Olivier Jacquin, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
M. Olivier Jacquin. Monsieur le ministre, le nord lorrain est voisin du Luxembourg : c’est une chance pour les 105 000 frontaliers qui y travaillent chaque jour. Cependant, je souhaite vous interpeller sur une injustice notable ; j’associe à ma démarche mon collègue Jean-Marc Todeschini.
Vous connaissez les conditions fiscales qui prévalent au Grand-Duché, puisqu’une convention fiscale, au demeurant insuffisante, vient d’être actualisée. Le Luxembourg développe une politique économique offensive et les entreprises y sont soumises à des impôts et à des cotisations très faibles. C’est en partie pour ces raisons que des entreprises françaises s’y installent, asséchant de ce fait les ressources de nos collectivités, qui doivent néanmoins répondre aux demandes légitimes des frontaliers en matière de services, sans parler des difficultés de recrutement en France ou des problèmes de transport.
La France dispose d’accords bilatéraux avec la Belgique, l’Allemagne et la Suisse. Cette dernière, par exemple, reverse un pourcentage des salaires bruts à nos collectivités. En revanche, la France n’a pas d’accord de ce type avec le Luxembourg. Le Grand-Duché perçoit l’intégralité de l’impôt sur le revenu des travailleurs frontaliers, sans reverser de compensation ou presque à leurs territoires de résidence.
Lors de la trente-septième session du Congrès des pouvoirs locaux du Conseil de l’Europe, qui s’est tenue à Strasbourg il y a dix jours, l’affaire a enfin été clairement mise sur la table. Une résolution pour une répartition équitable de l’impôt dans les zones transfrontalières a été adoptée à une très large majorité. Toutefois, le Premier ministre luxembourgeois vient de déclarer qu’il n’envisageait pas de signer un tel chèque.
Monsieur le ministre, le Gouvernement suivra-t-il les recommandations du Conseil de l’Europe ? Allons-nous enfin nous doter d’une véritable politique, financée, d’accompagnement économique et social de tous nos territoires transfrontaliers ? (Applaudissements sur des travées du groupe SOCR. – M. Alain Cazabonne applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics. Monsieur le sénateur Jacquin, je sais l’engagement qui est le vôtre pour tenter de rétablir une forme d’équité, notamment fiscale, entre le Luxembourg et la France sur les différents points que vous avez mentionnés. Vous l’avez dit, quelque 105 000 Français frontaliers travaillent quotidiennement au Luxembourg.
Vous avez évoqué nos accords fiscaux avec la Belgique, la Suisse ou l’Allemagne. À l’exception de celui qui nous lie au canton de Genève, ces accords présentent la particularité de contrevenir aux standards internationaux, qui prévoient que ce sont les États dans lesquels travaillent les personnes qui perçoivent l’impôt. Ainsi, dans le cadre des accords avec les pays que je viens de citer, c’est la France qui perçoit l’impôt sur le revenu des travailleurs frontaliers et elle indemnise, à due concurrence, les États dans lesquels ils travaillent.
Nous n’avons pas d’accord de ce type avec le Luxembourg. Nous avons essayé de trouver d’autres solutions, notamment un financement partagé des infrastructures et des programmes de développement économique. Le 20 mars 2018, un séminaire intergouvernemental a débouché sur l’adoption d’un protocole d’accord qui, il faut le souligner, a été approuvé par une loi promulguée le 29 octobre dernier, ce qui permettra de l’appliquer avec plus de force.
Ce protocole prévoit le financement d’infrastructures de transport dans le nord lorrain à hauteur de 240 millions d’euros, dont 120 millions d’euros par le Luxembourg. Nous veillons en particulier à ce que ce protocole vise à financer non pas une opération parmi d’autres, comme cela a pu être le cas précédemment avec la ligne à grande vitesse, mais bien un ensemble d’aménagements structurants, y compris dans le domaine du transport ferroviaire, pour le nord lorrain.
Outre ce protocole de financement d’un programme d’infrastructures, nous voulons développer une véritable coopération économique. Ainsi, il y a quelques jours, Amélie de Montchalin, secrétaire d’État chargée des affaires européennes, et Jacqueline Gourault ont entamé des discussions en vue de la conclusion d’un protocole de coopération, avec l’appui de l’Agence nationale de la cohésion des territoires. Nous entendons instaurer un partenariat en matière de financement des infrastructures et de développement économique, afin d’établir un équilibre et une coopération au bon niveau entre la France et le Luxembourg. (Applaudissements sur des travées du groupe LaREM.)
réforme des retraites
M. le président. La parole est à Mme Claudine Kauffmann, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe. (M. Jean Louis Masson applaudit.)
Mme Claudine Kauffmann. Ma question s’adresse à Mme le ministre des solidarités et de la santé.
Au-delà des clivages politiques partisans, nous nous accordons tous sur le droit, pour nos compatriotes, de bénéficier d’un régime de retraite juste et équitable, offrant à chacun la perspective d’une vie digne au terme de nombreuses années de labeur.
Si le candidat Macron s’était engagé à réformer les régimes de retraite tout en préservant le futur niveau de vie des personnes concernées, force est de constater que le président qu’il est devenu a promptement oublié cette promesse.
En effet, sous couvert d’une prétendue équité, vous proposez que, désormais, chaque euro cotisé ouvre les mêmes droits et que toute période travaillée, même d’une durée minime, soit prise en compte.
Si la réforme que vous défendez était adoptée, il serait fait abstraction, pour le calcul des pensions, des vingt-cinq meilleures années pour le privé et des six derniers mois d’activité pour le public. Il ne s’agit là que d’un nivellement par le bas, dans l’unique dessein de réduire drastiquement le niveau de toutes les pensions.
En effet, vous feignez d’ignorer que, tout au long d’une vie professionnelle de plus de quatre décennies, s’enchaînent faibles rémunérations, périodes favorables, emplois précaires et parfois aussi périodes de chômage. Votre réforme n’aboutira qu’à précariser davantage les Français les plus modestes, qui, parvenus au soir de leur vie, subiront encore les affres de la pauvreté.
De surcroît, votre projet de réforme fait totalement abstraction de la pénibilité de certains emplois. En effet, les salariés concernés ne bénéficieront d’aucune compensation. Votre vision de l’équité est pour le moins singulière !
Cette réforme des retraites, qui méprise la justice sociale, porte toujours en elle une inconnue : la valeur du point. Comment et sur quelle base allez-vous déterminer cette dernière, et comment sera-t-elle garantie contre toute baisse ? (M. Jean Louis Masson applaudit.)
M. le président. La parole est à M. le haut-commissaire aux retraites.
M. Jean-Paul Delevoye, haut-commissaire aux retraites, délégué auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice, vous avez raison de vous adresser à la ministre des solidarités, car c’est sous son autorité que le Président de la République a voulu placer le projet de réforme des retraites.
Je vous remercie d’apporter votre soutien à l’instauration d’un régime équitable, reposant sur les mêmes règles pour tous. L’objectif est de corriger les inégalités du système actuel.
Sous l’autorité du Premier ministre, nous proposons de mettre en place un système de redistribution, validé par le Conseil d’orientation des retraites. La prise en compte de la totalité de la carrière, au lieu des vingt-cinq meilleures années, profitera aux 40 % de retraités les plus modestes, celles et ceux qui touchent moins de 1 200 à 1 300 euros.
Dans notre projet, nous avons aussi pris en compte la volonté des Françaises et des Français de voir se réduire l’écart des pensions entre hommes et femmes, qui est actuellement de 40 %. Les propositions que nous formulons sont de nature à réduire cet écart de moitié.
Nos concitoyens soutiennent aussi notre proposition de faire en sorte que la pension des femmes soit majorée dès le premier enfant, ce qui fera passer de 3 millions à 8 millions le nombre de Françaises bénéficiant de cette majoration.
Nous avons enfin fait en sorte que le système par points qui accompagne les interruptions d’activité et les parcours précaires soit plus favorable. Dans le rapport que j’ai remis au Premier ministre, il est précisé que l’objectif est de réduire le coefficient de Gini, qui permet de mesurer l’inégalité des revenus.
Vous le voyez, notre préoccupation est de mettre en place un système plus juste, plus équitable et plus transparent, y compris pour la fonction publique, afin de répondre à la nécessité de renforcer la cohésion de la Nation. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM, ainsi que sur des travées des groupes UC et RDSE.)
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.
Les prochaines questions d’actualité au Gouvernement auront lieu le mercredi 20 novembre, à quinze heures.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures quinze, est reprise à seize heures trente-cinq, sous la présidence de M. Vincent Delahaye.)
PRÉSIDENCE DE M. Vincent Delahaye
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
4
Financement de la sécurité sociale pour 2020
Suite de la discussion d’un projet de loi
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2020 (projet n° 98, rapport n° 104, avis n° 103).
Rappel au règlement
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour un rappel au règlement.
Mme Laurence Cohen. Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 36 de notre règlement.
Notre groupe a toujours été très attaché au débat parlementaire. Tout en étant très critiques à l’égard du projet de loi de financement de la sécurité sociale et en ayant déposé une motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité constitutionnelle, nous avons eu à cœur d’élaborer de nombreux amendements.
Or 370 amendements déposés sur ce texte, dont 57 de nos 140 amendements, ont été déclarés irrecevables par le Sénat. Plus d’un tiers des amendements de notre groupe ne pourront donc être discutés. Un tel niveau de déclaration d’irrecevabilité est sans précédent ! Si le Conseil constitutionnel est de plus en plus strict, le Sénat prend les devants en censurant les amendements pouvant être considérés comme des cavaliers sociaux avec une rigueur étonnante, au point d’écarter certains amendements qui avaient été examinés en séance les années précédentes.
Ainsi, l’an dernier, nous avions déposé un amendement tendant à supprimer une expérimentation de l’exercice libéral en centres de santé. Cette année, la commission des affaires sociales a estimé qu’un amendement similaire était irrecevable, car il ne comportait aucune mesure relative au financement des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale. Nous avons l’impression que le durcissement des conditions de recevabilité relève davantage du hasard que de la jurisprudence ! Que dire du rejet d’un autre de nos amendements ayant pour objet d’engager un débat parlementaire sur l’homéopathie, au prétexte fallacieux qu’il reviendrait sur le déremboursement de cette pratique ?
Il me semble que le droit d’amendement, et partant le droit d’expression des groupes parlementaires, particulièrement celui des groupes minoritaires ou d’opposition, est remis en cause. Comment pouvons-nous nous exprimer dès lors que nos amendements comportant des mesures financières sont jugés irrecevables au titre de l’article 40 de la Constitution, bien que gagés, et que les autres sont également rejetés, au motif qu’ils ne comprendraient aucune mesure relative au financement des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale ?
Dans ces conditions, nous n’avons d’autre choix que de discuter du projet de loi de financement de la sécurité sociale du Gouvernement sans pouvoir formuler de propositions alternatives. J’appelle solennellement les groupes politiques à prendre la mesure de l’ampleur de la restriction du droit d’amendement, pourtant garanti par la Constitution. (Mme Michèle Vullien applaudit.)
M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, ma chère collègue.
Dans la discussion des articles du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020, nous en sommes parvenus, au sein du chapitre Ier du titre Ier de la troisième partie, à l’article 8.
troisiemE PARTIE (SUITE)
Dispositions relatives aux recettes et à l’équilibre de la sécurité sociale pour l’exercice 2020
titre ier (suite)
Dispositions relatives aux recettes, au recouvrement et à la trésorerie
Chapitre ier (suite)
Favoriser le soutien à l’activité économique et aux actifs
Article 8
I. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Le cinquième alinéa du III de l’article L. 241-10 est complété par les mots : « , à hauteur d’un taux ne tenant pas compte de l’application du 1° de l’article L. 5422-12 du même code » ;
2° L’article L. 241-13 est ainsi modifié :
a) Le I est ainsi modifié :
– après le mot : « professionnelles », sont insérés les mots : « , à hauteur du taux fixé par l’arrêté mentionné à la seconde phrase du deuxième alinéa de l’article L. 241-5 » ;
– après la deuxième occurrence du mot : « code », sont insérés les mots : « ou créés par la loi » ;
– après la seconde occurrence du mot : « travail », sont insérés les mots : « , à hauteur d’un taux ne tenant pas compte de l’application du 1° de l’article L. 5422-12 du même code » ;
b) À la fin de la première phrase du troisième alinéa du III, les mots : « dans la limite de la somme des taux des cotisations et des contributions mentionnées au I du présent article, sous réserve de la dernière phrase du troisième alinéa de l’article L. 241-5 » sont remplacés par les mots : « , à hauteur des taux des cotisations et contributions incluses dans le périmètre de la réduction, tels qu’ils sont définis au I » ;
c) Le VII est ainsi modifié :
– au premier alinéa, après la référence : « article L. 922-4 », sont insérés les mots : « du présent code et à l’article L. 6527-2 du code des transports » ;
– il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Dans le cas où la minoration, prévue au 1° de l’article L. 5422-12 du code du travail, des contributions dues au titre de l’assurance chômage à la charge de l’employeur aboutit à un montant de réduction calculé en application du III du présent article supérieur au montant des cotisations et contributions mentionnées au I applicables à la rémunération d’un salarié, la part excédentaire peut être imputée sur les contributions d’assurance chômage à la charge de l’employeur dues au titre de ses autres salariés. Le cas échéant, la part restante après cette imputation peut être imputée, selon des modalités définies par décret, sur les autres cotisations et contributions à la charge de l’employeur. L’imputation sur les cotisations et contributions autres que celles dues au titre de l’assurance chômage donne lieu à une compensation de façon qu’elle n’ait pas d’incidence pour les régimes de sécurité sociale ou les organismes auxquels ces cotisations et contributions sont affectées. »
II. – Après le premier alinéa de l’article L. 5553-11 du code des transports, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L’exonération de la contribution d’assurance contre le risque de privation d’emploi prévue au premier alinéa s’applique sur la base du taux de cette contribution ne tenant pas compte des dispositions prévues au deuxième alinéa de l’article L. 5422-12 du même code. »
III. – Le présent article est applicable à Saint-Pierre-et-Miquelon.
IV. – Le présent article entre en vigueur le 1er janvier 2021, à l’exception des dispositions résultant du troisième alinéa du a et du c du 2° du I, qui sont applicables pour les cotisations et contributions dues au titre des périodes d’activité courant à compter du 1er janvier 2019.
M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, sur l’article.
Mme Cathy Apourceau-Poly. L’examen de cet article est l’occasion pour nous de dénoncer les mesures réformant l’assurance chômage, catastrophiques pour les chômeurs comme pour les travailleurs de notre pays.
La cause de cette régression trouve justement ses racines dans les réformes récentes. Madame la ministre, le Gouvernement a fait le choix de détruire notre système de protection solidaire contre la privation d’emploi.
Tout d’abord, il a supprimé les cotisations des salariés, en donnant l’illusion à ceux-ci qu’ils gagneraient en pouvoir d’achat. Or c’est en réalité tout l’inverse qui s’est produit : vous avez baissé le salaire socialisé, c’est-à-dire la part de salaire qui permet de faire valoir ses droits à l’indemnisation chômage en cas de privation d’emploi.
Ensuite, vous avez décidé de réduire les cotisations patronales d’assurance chômage, déresponsabilisant ainsi les employeurs qui licencient leurs salariés, souvent sans cause réelle et sérieuse, ou qui recourent de manière abusive à des contrats précaires.
L’article 8 comporte une mesure scandaleuse qui, selon nous, symbolise la politique menée par ce gouvernement en faveur du patronat. Nous nous insurgeons en effet contre l’attribution d’un bonus aux employeurs qui respecteraient simplement la loi ! Décidément, le moindre prétexte est bon à saisir pour faire toujours plus de cadeaux aux entreprises.
Le dispositif de malus ne suffira pas à remplacer l’ancien système de financement de l’assurance chômage et ne garantira pas un niveau de protection suffisant pour les salariés privés d’emploi. On le constate déjà depuis le 1er novembre, date d’entrée en vigueur de votre réforme de l’assurance chômage : 850 000 chômeurs et chômeuses verront leurs indemnités baisser de 20 %, et 200 000 seront privés de toute indemnité. Ce sont donc plus d’un million de personnes qui seront frappées de plein fouet.
Les personnes les plus fragiles davantage précarisées : voilà le véritable résultat de votre politique !