Mme Marie-Pierre Monier. Il s’agit d’un amendement de repli, proposé par mon collègue Maurice Antiste, visant à instaurer un seuil de 250 salariés.
M. le président. L’amendement n° 576, présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly, Gréaume et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Après le mot :
employeurs
insérer les mots :
occupant moins de deux cent cinquante salariés
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mme Laurence Cohen. La prime exceptionnelle constitue en soi un outil de contournement du salaire socialisé, ce qui peut réduire chaque année la masse salariale et donc les rentrées de cotisations sociales.
Accorder cette prime aux grandes entreprises apparaît injuste, car elles ont la capacité d’augmenter les salaires sans passer par des dispositifs dérogatoires exonérés de cotisations sociales.
En outre, ces grandes entreprises sont aujourd’hui les principales utilisatrices des dispositifs d’intéressement, qui leur permettent de verser des primes à leurs salariés sans régler les cotisations sociales obligatoires. Ainsi, l’intéressement bénéficie à hauteur de 75 % aux employés des entreprises de plus de 1 000 salariés.
À l’inverse, la prime peut se justifier pour les plus petites entreprises, qui utilisent encore peu l’intéressement, malgré l’exonération de forfait social décidée dans le cadre de la loi Pacte.
Cet amendement de repli tend donc à limiter le champ d’application de la prime exceptionnelle aux entreprises de moins de 250 salariés. Cela étant dit, mes chers collègues, le véritable problème dans ce pays ce sont les bas salaires et le refus d’augmenter le SMIC.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Tout à fait !
M. le président. L’amendement n° 727 rectifié bis, présenté par Mme Guillotin, MM. Arnell, Artano et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin et Corbisez, Mme Costes, M. Dantec, Mme N. Delattre, MM. Gold, Guérini et Jeansannetas, Mme Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Léonhardt, Requier, Roux, Vall et Cabanel, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 5
Supprimer les mots :
lorsque ces établissements et services ont versé, au cours des douze mois précédents, une prime d’intéressement en application des dispositions du code de l’action sociale et des familles
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
…. – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
… – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Véronique Guillotin.
Mme Véronique Guillotin. L’article 7 prévoit la reconduction de l’exonération des charges sociales et des prélèvements sociaux sur la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat.
Le Gouvernement propose de conditionner le versement de cette prime à la signature d’un accord d’intéressement. En théorie, les travailleurs des ÉSAT ne sont pas exclus du dispositif. Le code de l’action sociale et des familles permet en effet l’affectation d’une partie de l’excédent à l’intéressement des travailleurs handicapés. Toutefois, en pratique, les ÉSAT ne sont pas en mesure, dans leur très grande majorité, de verser une prime d’intéressement à leurs salariés. Ils ne pourront donc pas non plus les faire bénéficier de cette prime exceptionnelle.
Nous vous proposons de permettre aux ÉSAT de verser cette prime aux travailleurs handicapés – dont les revenus sont particulièrement faibles – sans avoir à conclure d’accord d’intéressement.
M. le président. L’amendement n° 424 rectifié bis, présenté par MM. Henno, Janssens, Kern et Delahaye, Mmes Joissains, Billon et C. Fournier et MM. Moga, Capo-Canellas et Cazabonne, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
… – Pour les entreprises de moins de 250 salariés, l’employeur est autorisé à attribuer une fois par an, à l’ensemble des salariés qu’il emploie, la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat, dans les conditions prévues au V.
II. – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
… – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
… – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Olivier Henno.
M. Olivier Henno. Le présent amendement vise à supprimer le fait de conditionner le versement de la prime exceptionnelle à la mise en place d’un accord d’intéressement pour les entreprises de moins de 250 salariés.
M. le président. L’amendement n° 169, présenté par M. Vanlerenberghe, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Remplacer le mot :
Le
par les mots :
La condition relative à la mise en œuvre d’un accord d’intéressement prévue au
La parole est à M. le rapporteur général, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis de la commission sur les autres amendements en discussion commune.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Cet amendement de précision tomberait en cas d’adoption de ceux visant à la suppression totale de l’accord d’intéressement. Il vise à assurer que les associations à but non lucratif et les fondations reconnues d’utilité publique puissent verser la prime exceptionnelle à leurs employés, même si elles n’ont pas mis en œuvre un plan d’intéressement.
La commission est favorable à l’amendement n° 281 rectifié. Par cohérence, elle est défavorable aux amendements visant à limiter la condition de conclusion d’un accord d’intéressement en fonction de la taille des entreprises, à savoir les amendements nos 275 rectifié bis, 423 rectifié bis, 55 rectifié bis, 449 rectifié bis, 928 rectifié bis, 448 rectifié, 829 rectifié, 530 rectifié et 576.
Toutefois, plus la prime exceptionnelle sera dérogatoire et inconditionnelle, plus grand sera le risque de la pérenniser, au détriment des finances de la sécurité sociale. Dans l’intérêt même des salariés et de leur pouvoir d’achat, il serait utile de profiter de cette prime pour promouvoir l’intéressement dans le plus grand nombre d’entreprises. Je vous rappelle, monsieur Rapin, que l’intéressement est une disposition souvent revendiquée par les gaullistes sociaux tels que vous. (Sourires.)
La commission est favorable à l’amendement n° 727 rectifié bis, mais, à partir du moment où l’on supprime les accords d’intéressement, il n’y a plus de problème pour les ÉSAT…
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Comme vous l’avez presque tous souligné, mesdames, messieurs les sénateurs, la prime exceptionnelle de 1 000 euros a été un succès, puisque 5,5 millions de salariés en ont bénéficié pour un montant moyen de 400 euros.
Il nous paraît important d’encourager cette dynamique. Nous avons souhaité que cette volonté de mieux partager la valeur créée dans les entreprises s’inscrive dans la durée. La prime exceptionnelle constituait en effet une réponse ponctuelle qui n’apportait pas véritablement de solution pérenne.
Dans les faits, une grande majorité des salariés des TPE et PME sont privés d’un mécanisme stable de partage de la valeur, qu’il s’agisse d’un accord d’intéressement ou de la participation, puisque seuls 15 % des salariés des entreprises, soit 1,4 million de personnes sur 9,6 millions, en bénéficient pour un montant moyen de 1 700 euros par an, ce qui est loin d’être négligeable. C’est la raison pour laquelle nous proposons que le bénéfice de la nouvelle prime, intégralement défiscalisée et reconduite en 2020, soit subordonné à la mise en place d’un accord d’intéressement, avant le 30 juin 2020, pour toutes les entreprises.
Par rapport à la prime exceptionnelle, l’accord d’intéressement et de participation est plus avantageux : aucune taxe pour les entreprises de moins de 250 salariés, puisque nous avons supprimé le forfait social depuis le 1er janvier 2019 ; aucune taxe pour les salariés non plus, puisque les sommes sont épargnées – mais rien n’empêche le salarié de bénéficier immédiatement des sommes versées, alors fiscalisées ; contrairement à la prime, l’accord apporte une visibilité sur plusieurs années – jusqu’à trois ans –, même s’il sera exceptionnellement possible de le conclure pour un an seulement, en 2020 ; enfin, et nous rejoignons là une des préoccupations de M. le rapporteur général, l’accord permet d’éviter les effets d’aubaine et constitue une garantie contre la substitution de la prime au salaire.
Par ailleurs, la loi Pacte permet de sécuriser le contenu des accords, qui ne pourront plus être contestés par l’Urssaf dans un délai de six mois après leur conclusion, ce qui en garantit aussi la stabilité.
Nous savons les interrogations qui sont les vôtres sur les entreprises de petite taille – certains d’entre vous proposent un seuil de onze salariés, d’autres un seuil de cinquante… Nous sommes convaincus de l’utilité de disposer d’accords d’intéressement ou de participation, même dans ces entreprises de petite taille. C’est la raison pour laquelle nous avons mis à disposition des accords types, faciles à télécharger.
De plus, ces formules d’intéressement peuvent être très simples et dépendre uniquement, par exemple, du bénéfice, du chiffre d’affaires ou d’un autre indicateur choisi par le chef d’entreprise.
Nous avons aussi prévu qu’un simple référendum, sur l’initiative des chefs d’entreprise, même pour un très petit effectif, suffise à la mise en œuvre de ces accords.
Nous sommes convaincus que l’accord d’intéressement apporte de la stabilité et qu’il permet de mettre en place des dispositifs de partage de la valeur créée dans les entreprises de manière plus pérenne que la seule prime exceptionnelle.
Pour ces raisons, le Gouvernement est défavorable à l’ensemble de ces amendements, à l’exception de l’amendement n° 169 de la commission sur les associations d’utilité publique, dont nous partageons l’objectif – j’ai bien noté qu’il tomberait si certains des autres amendements étaient adoptés, ce qui serait regrettable –, et de l’amendement n° 727 rectifié bis de Mme Guillotin sur les ÉSAT – la suppression des accords d’intéressement nous paraît ici opportune au regard des spécificités de ce type d’entreprise.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. En fait, si l’amendement n° 281 rectifié de M. Rapin était adopté, cela ne toucherait pas l’amendement n° 727 rectifié bis. Il s’agit en effet d’une prime d’intéressement, c’est-à-dire d’un dispositif quelque peu différent. La commission y est donc favorable.
Comme son nom l’indique, la prime de pouvoir d’achat n’est pas un dispositif appelé à être pérennisé. La création d’une telle niche de long terme ne serait pas saine pour la sécurité sociale. La commission demande donc le retrait de l’amendement n° 424 rectifié bis de M. Henno visant justement à la pérennisation de la prime exceptionnelle pour les entreprises de 250 salariés.
M. le président. La parole est à M. Jean-François Rapin, pour explication de vote.
M. Jean-François Rapin. Monsieur le secrétaire d’État, peut-on parler d’effets d’aubaine alors que les problèmes de pouvoir d’achat ne sont pas réglés ? Nous sommes certes dans une situation moins insurrectionnelle que l’an dernier, mais qui reste compliquée.
M. le rapporteur général a évoqué le gaullisme social. Or le premier à avoir proposé une telle prime est Xavier Bertrand, l’un des grands représentants de ce courant.
Les raisons tout à fait justifiées pour lesquelles le Président de la République a souhaité que cette prime soit mise en place ne sont pas éteintes. Il faut donc pérenniser ce dispositif tant que la situation l’exigera.
M. le président. La parole est à Mme Pascale Gruny, pour explication de vote.
Mme Pascale Gruny. Je partage les propos de M. Rapin.
L’an dernier, la prime a été décidée pour améliorer le pouvoir d’achat. Dans mon territoire, qui n’est pas différent des autres, la situation reste très difficile.
Cette prime permettait d’agir vite et sans contrainte. Pourquoi ne pas reconduire ce dispositif ?
J’ai déjà eu à rédiger des accords d’intéressement. Les choses peuvent se compliquer, même avec des modèles tout simples. On peut retenir le bénéfice comme seul critère, par exemple, mais il ne faut pas oublier qu’il sert aussi à investir ou à rembourser les emprunts. Il ne s’agit pas de retenir uniquement le solde qui figure au bas du compte de résultat…
De plus, sauf erreur de ma part, l’intéressement n’est pas exonéré d’impôt sur le revenu comme la prime. Il s’agit d’une autre différence par rapport à l’an dernier.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. J’entends dire ce soir que la prime exceptionnelle est une grande réussite. Je ne considère pas que ce soit le cas.
Selon moi, il s’agit d’une sorte de double pénalité pour la sécurité sociale, d’abord en raison de la non-compensation ; ensuite, comme les études l’ont montré, en raison de son caractère substitutif aux augmentations de salaire, au moins pour la moitié d’entre elles, ce qui induit un nouveau manque à gagner en termes de cotisations sociales. Les recettes de la sécurité sociale sont donc bien deux fois perdantes.
Cette prime permet-elle de résoudre les problèmes des salariés ? Elle n’a concerné que 2,2 millions de personnes jusqu’en décembre dernier, soit moins de 10 % des salariés du privé. Les autres n’ont-ils pas besoin d’être soutenus ? En étendant l’application du dispositif jusqu’en mars, les 5,5 millions de personnes en ayant bénéficié ne représentent qu’à peine 20 % des salariés.
Il ne s’agit donc pas du tout d’une stratégie de rattrapage du pouvoir d’achat ni de valorisation du travail. Ceux qui travaillent dans certaines entreprises – lesquelles s’arrangent souvent pour ne pas augmenter les salaires – en bénéficient et pas d’autres. Cette mesure, qui appauvrit durablement notre protection sociale, n’est pas une bonne mesure.
M. le président. La parole est à Mme Frédérique Puissat, pour explication de vote.
Mme Frédérique Puissat. Monsieur le secrétaire d’État, vous évoquez les kits mis à disposition des petites entreprises de deux à onze salariés. Or ils se révèlent assez complexes à mettre en œuvre.
Vous avez déclaré vouloir écouter les parlementaires. La commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, sensible à la situation de ces petites entreprises, a validé le fait que la prime ne soit pas conditionnée par l’intéressement. Si nous pouvions nous mettre d’accord a minima sur ce seuil, ce serait une réussite pour tous.
M. le président. La parole est à M. Olivier Paccaud, pour explication de vote.
M. Olivier Paccaud. Monsieur le secrétaire d’État, cher Olivier Dussopt, vous connaissez le proverbe : « Le mieux est l’ennemi du bien. » Or, sous un prétexte très vertueux, à savoir développer l’intéressement, vous allez punir des centaines de milliers d’employés, ainsi que des petits patrons de l’artisanat dont je me fais le porte-parole.
J’en ai rencontré beaucoup ces derniers jours. Ils étaient heureux, l’année dernière, de faire bénéficier leurs employés de cette prime, dite « Macron » – mais que l’on pourrait aussi appeler prime « Rapin » (Sourires.) – dont vous vous êtes félicité des résultats.
Mme Lienemann préférerait des hausses de salaire. Ce serait bien évidemment préférable, mais bien plus compliqué à mettre en place.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Ça n’a rien de compliqué !
M. Olivier Paccaud. Cette prime consistait en un mécanisme très simple que l’on veut rendre aujourd’hui très compliqué, voire un brin machiavélique… Revenons-en simplement à l’origine de cette prime, à ce qui a été mis en place l’an dernier. Il s’agit de la solution la plus simple et la plus attendue de très nombreux chefs d’entreprise et de très nombreux salariés.
M. le président. Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il est presque minuit. Je vous propose de prolonger notre séance jusqu’à minuit trente, afin de poursuivre plus avant l’examen de ce texte.
Il n’y a pas d’observation ?…
Il en est ainsi décidé.
La parole est à M. Philippe Mouiller, pour explication de vote.
M. Philippe Mouiller. La liberté d’entreprendre semble une notion difficile à appréhender pour le Gouvernement : il transforme la prime exceptionnelle, qui était reconnue comme une bonne idée par bon nombre d’entreprises, en obligation.
L’année dernière, on a assisté à un effet boule de neige. Les premières entreprises ont joué le jeu, puis, par le biais des syndicats notamment, la prime s’est généralisée. Cela a donc été un élément extrêmement bénéfique de valorisation, notamment de reconnaissance, pour les salariés.
Je suis intimement persuadé que la notion d’intéressement peut bénéficier de cette même dynamique, sans pour autant créer une obligation. La liberté d’entreprendre – la liberté de gérer son entreprise – est pour moi essentielle.
Concernant les petites entreprises, de nombreux artisans ont observé l’année dernière la situation. Ils avaient volontairement fait la démarche, par le biais de syndicats professionnels, de mettre en place ces primes. Ils se voient désormais bloqués par la lourdeur que vous créez.
Alors qu’il s’agit d’apporter aux salariés une reconnaissance financière, votre initiative aura un effet contraire à celui qui est recherché.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Delattre, pour explication de vote.
Mme Nathalie Delattre. Je souhaite rectifier mon amendement, pour le rendre identique à celui de M. Rapin. En effet, nous ne souhaitons pas introduire de seuil, pour préserver, comme le dit notre collègue Philippe Mouiller, la liberté d’entreprendre.
M. le président. Il s’agit donc de l’amendement n° 275 rectifié ter, qui est désormais strictement identique à l’amendement n° 281 rectifié.
La parole est à M. Martin Lévrier, pour explication de vote.
M. Martin Lévrier. Les entreprises sont libres de verser des primes. Il n’y a donc pas de remise en cause de la liberté d’entreprendre. (M. Philippe Mouiller proteste.) Certes, elles sont fiscalisées, c’est la loi.
Ce qui est intéressant, c’est l’opportunité de faire travailler l’entreprise dans une logique de dialogue social. Il y a en France un vrai déficit en la matière. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.) Ainsi, le fait d’adosser cette prime à une logique d’intéressement me paraît très pertinent.
En revanche, je ne suis pas très à l’aise concernant les petites entreprises, celles qui ont moins de onze salariés. Je souhaite donc que nous ne votions pas les deux premiers amendements identiques, afin de pouvoir discuter sur ce sujet.
Quoi qu’il en soit, il paraît intéressant de réfléchir à l’idée de développer, au sein de l’entreprise, le dialogue social, dont nous avons vraiment besoin en France.
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote.
M. Yves Daudigny. Je veux à mon tour souligner combien la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat n’est pas du salaire plein et entier, mais un outil de captation du salaire socialisé, qui peut engendrer une diminution de la masse salariale, donc des perceptions de cotisations sociales pour la sécurité sociale. Son octroi diminue les droits à la retraite des salariés et le droit au chômage et ne contribue pas au financement du système de santé, à l’assurance maladie, aux retraites et aux hôpitaux, à un moment où ils en ont éminemment besoin.
Facultative pour les entreprises, cette prime masque d’autres enjeux plus importants, comme l’augmentation du SMIC, des minima sociaux ou encore du point d’indice de la fonction publique. Je veux le souligner, l’Acoss a relevé un repli de la masse salariale de 0,3 % pour le premier trimestre de 2019, après une augmentation de 0,8 % au cours du dernier trimestre de 2018. Sans doute est-ce parce que les entreprises ont versé une prime en 2018 et procédé ensuite à une compression salariale pour amortir leurs dépenses. L’Insee conforte d’ailleurs cette analyse dans une note de conjoncture publiée au mois de mars.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Monsieur Rapin, si j’ai utilisé l’expression « effets d’aubaine », ce n’était pas pour qualifier ou sanctionner l’attitude des entreprises qui ont eu recours au dispositif et encore moins l’attitude des salariés qui en ont bénéficié. J’ai utilisé ces termes en écho à un point de convergence que nous avons avec M. le rapporteur général sur le fait que cette prime exceptionnelle ne doit pas avoir comme conséquence de se substituer aux salaires, pour les raisons qui ont été évoquées. Une partie d’entre elles ont été rappelées par M. Daudigny à l’instant, d’autres ont été rappelées par M. le rapporteur général.
Cette prime est un succès. Nous souhaitons la reconduire, en lui donnant une forme de pérennité et de stabilité, d’où le recours à la formule de l’accord d’intéressement, qui nous semble utile pour inscrire dans le temps des outils de partage des richesses produites dans l’entreprise.
J’entends les objections et les interrogations sur le côté pratique de ces outils, mais je puis vous assurer que nous avons veillé à ce qu’ils soient aussi pratiques et maniables que possible. Les accords types permettent véritablement à toutes petites entreprises d’appliquer ce dispositif dans un cadre sécurisé. C’est la raison pour laquelle nous privilégions cet aspect, en cohérence, je le répète, avec les orientations que nous avons défendues à l’occasion de l’examen de la loi Pacte. Il s’agissait de fixer des objectifs en matière de développement et de progression du nombre d’accords d’intéressement et d’accords de participation.
Par conséquent, le Gouvernement maintient un avis défavorable sur l’ensemble des amendements en discussion commune, à l’exception de l’amendement n° 727 rectifié bis de Mme Guillotin et de l’amendement n° 169 de M. le rapporteur général, l’un portant sur les ÉSAT et l’autre sur les associations reconnues d’utilité publique.
Madame Lienemann, nous n’avons pas réduit les efforts en matière de pouvoir d’achat à cette seule prime, même si cette dernière représente des sommes importantes et concerne 5,5 millions de salariés. Nous avons accompagné ce dispositif d’un renforcement extrêmement significatif de la prime d’activité, à propos de laquelle je connais vos réserves.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Ce n’est pas du salaire !
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Cela s’est traduit par un engagement budgétaire sans précédent de l’État. La loi de finances initiale pour 2019 prévoyait une augmentation forte des crédits consacrés à la prime d’activité, et la loi de finances rectificative que vous aurez bientôt à examiner tend à ajouter 800 millions d’euros supplémentaires pour financer l’augmentation des dépenses en matière de prime d’activité.
L’Insee l’a souligné, 2019 restera comme une année de progression majeure du pouvoir d’achat de l’ensemble des Français, avec des taux de progression qui n’avaient pas été atteints depuis plus de dix ans.
M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour explication de vote.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Je suis également pour une augmentation des salaires et du SMIC plutôt que pour une prime. Cela a été dit par plusieurs de mes collègues, aucune cotisation à la sécurité sociale n’est effectuée sur la base de cette dernière.
Au-delà de cet aspect, ce que vous faites avec cette prime exceptionnelle est assez grave : vous divisez les salariés entre eux. Je pense notamment aux agents publics de catégorie C de la fonction publique territoriale, dont les salaires ne sont pas bien élevés, qui n’ont pas eu droit à cette prime exceptionnelle. Ainsi, ce que vous avez demandé à d’autres, vous n’avez pas été capable de vous l’appliquer à vous-même, ce que nous ne pouvons que regretter. Les agents publics de la catégorie C, qui sont à 1 300 euros, ont d’ailleurs défilé, estimant qu’ils n’étaient pas considérés comme les autres, dans la mesure où ils n’avaient pas droit à cette prime exceptionnelle.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 275 rectifié ter et 281 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, les amendements nos 423 rectifié bis, 55 rectifié bis, 449 rectifié bis, 928 rectifié bis, 448 rectifié, 829 rectifié, 530 rectifié, 576 et 169 n’ont plus d’objet.
Monsieur le secrétaire d’État, acceptez-vous de lever le gage sur l’amendement n° 727 rectifié bis ?
M. le président. Il s’agit donc de l’amendement n° 727 rectifié ter.
Je le mets aux voix.
(L’amendement est adopté.)
M. le président. Monsieur Henno, l’amendement n° 424 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Olivier Henno. Non, je le retire.
M. le président. L’amendement n° 424 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° 726 rectifié bis, présenté par Mme Guillotin, MM. Arnell, Artano, A. Bertrand, Castelli, Collin, Corbisez et Dantec, Mme N. Delattre, MM. Gold, Guérini et Jeansannetas, Mme Jouve et MM. Labbé, Léonhardt, Requier et Cabanel, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 6
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Le A du présent I n’est pas applicable aux établissements privés non lucratifs du champ sanitaire, social et médico-social
La parole est à Mme Véronique Guillotin.
Mme Véronique Guillotin. Par cet amendement, il s’agit d’exclure la condition de mise en œuvre d’un accord d’intéressement pour le versement de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat dans les établissements privés à but non lucratif du champ sanitaire, social et médico-social.
Dans les faits une très faible part de ces établissements l’a mise en place. Or, compte tenu des revenus, souvent faibles, dans ces établissements et des difficultés rencontrées au cours des dernières années et plus particulièrement en ce moment, ainsi que des efforts importants consentis par les salariés, permettre au plus grand nombre de bénéficier de cette prime exceptionnelle apparaîtrait comme un geste notable en faveur du pouvoir d’achat des personnels qui travaillent dans ces établissements privés à but non lucratif.