M. le président. Je mets aux voix l’ensemble constitué de l’article 2 et de l’annexe A.
(L’article 2 et l’annexe A sont adoptés.)
Vote sur l’ensemble de la première partie
M. le président. Je mets aux voix l’ensemble de la première partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020.
(La première partie du projet de loi est adopté.)
DEUXIÈME PARTIE
DISPOSITIONS RELATIVES À L’EXERCICE 2019
Article 3
I. – Le 3° de l’article L. 131-8 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Le a est complété par les mots : « , à l’exception de la contribution mentionnée au III de l’article 136-8 » ;
2° Le b est ainsi modifié :
a) Au cinquième alinéa, le taux : « 5,03 % » est remplacé par le taux : « 4,77 % » ;
b) À l’avant-dernier alinéa, le taux : « 2,25 % » est remplacé par le taux : « 3,2 % » ;
c) Au dernier alinéa, le taux : « 5,05 % » est remplacé par le taux : « 3,07 % » ;
3° Au e, après la référence : « II », sont insérés les mots : « et du III bis » et, à la fin, le taux : « 1,72 % » est remplacé par le taux : « 1,98 % ».
II. – Au dernier alinéa du III de l’article L. 14-10-5 du code de l’action sociale et des familles, les mots : « 40 % du produit des contributions visées aux 1° et 2° » sont remplacés par les mots : « 24 % du produit des contributions mentionnées aux 1° et 3° ».
III. – Le premier alinéa de l’article L. 131-7 du code de la sécurité sociale n’est pas applicable aux pertes de recettes résultant :
1° De la modification de la rédaction de l’article L. 136-8 du code de la sécurité sociale résultant du II de l’article 14 de la loi n° 2018-1203 du 22 décembre 2018 de financement de la sécurité sociale pour 2019 et du 2° du III de l’article 3 de la loi n° 2018-1213 du 24 décembre 2018 portant mesures d’urgence économiques et sociales ;
2° De la modification de la rédaction de l’article L. 137-15 du code de la sécurité sociale résultant de l’article 16 de la loi n° 2018-1203 du 22 décembre 2018 de financement de la sécurité sociale pour 2019 ;
3° De la modification de la rédaction du V de l’article 7 de la loi n° 2018-1203 du 22 décembre 2018 de financement de la sécurité sociale pour 2019 résultant du III de l’article 2 de la loi n° 2018-1213 du 24 décembre 2018 portant mesures d’urgence économiques et sociales.
IV. – Les dépenses exposées pour la rémunération des personnes, mentionnées au 1° de l’article 1er, à l’article 3 et au premier alinéa de l’article 4 de l’ordonnance n° 2018-359 du 16 mai 2018 fixant les modalités de transfert des personnels administratifs des juridictions mentionnées au 1° du I de l’article 109 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle et celles de leur accès aux corps des services judiciaires ou aux corps communs du ministère de la justice, affectées au sein des juridictions compétentes pour connaître du contentieux général et du contentieux technique de la sécurité sociale demeurent, sous réserve des transferts de personnels déjà effectués dans le cadre de la mise en œuvre des lois de finances pour 2019 et 2020, prises en charge jusqu’au 31 décembre 2020 par les organismes de sécurité sociale dans les conditions fixées par l’article L. 144-5 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction antérieure au 1er janvier 2019.
Il en est de même, jusqu’à la même date, pour les agents contractuels recrutés, au sein des mêmes juridictions, en remplacement des personnels mentionnés au premier alinéa du présent IV.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, sur l’article.
Mme Laurence Cohen. Cet article, qui va nous permettre un échange assez approfondi, est celui que nous contestons le plus dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Nous l’avons déjà dit lors de la discussion générale, il repose sur la non-compensation des exonérations. Ce faisant, le Gouvernement tourne le dos à la loi Veil du 25 juillet 1994. Même si cela s’est déjà produit par le passé, l’ampleur des exonérations non compensées est énorme.
Vous allez me dire que, d’un point de vue comptable, le passage d’une caisse à l’autre ne pose finalement pas tant de problèmes que ça, nos compatriotes n’y voyant pas forcément un véritable inconvénient. Du point de vue de la justice sociale et de la solidarité, il en va tout autrement. Je dois rappeler ici que le budget de l’État est financé en grande partie par l’impôt sur le revenu, alors que le budget de la sécurité sociale est financé par les cotisations sur le travail. Le transfert du déficit d’un budget sur l’autre fait peser le financement des exonérations sur le travail.
Si ces mesures ne nous conviennent pas, c’est parce qu’elles sont injustes pour notre système de solidarité, notre système de sécurité sociale. Les sommes qui sont en jeu, on l’a vu, atteignent plusieurs milliards d’euros. Nous nous élevons donc contre cet article. En s’entêtant dans cette logique, le Gouvernement fait payer un lourd tribut aux assurés sociaux, à notre système de protection sociale et à notre économie. Deuxième injustice, il fait supporter par le régime de la sécurité sociale des mesures d’urgence qui ne devraient pas lui incomber et qui ont été arrachées au terme de mois de lutte par les « gilets jaunes ».
Pour toutes ces raisons, nous allons présenter un certain nombre d’amendements qui vont, je l’espère, être votés par l’ensemble de nos collègues, si j’en crois leurs interventions lors de la discussion générale.
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, sur l’article.
M. Yves Daudigny. L’art de la politique est peut-être, comme pour la pédagogie, la répétition…
Il y a un an, le Gouvernement annonçait que la sécurité sociale dégagerait, après dix-huit ans de déficit, un excédent en 2019. Nous y sommes : le déficit cumulé du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse pour 2019 sera de 5,4 milliards d’euros. Pour 2020, le déficit prévisionnel est à peine réduit à 5,1 milliards d’euros. Certes, la masse salariale est moins favorable que prévue, certes les dépenses des branches maladie et vieillesse sont plus élevées qu’attendues, mais, surtout, les mesures adoptées dans le cadre de la loi Mesures d’urgence, en décembre dernier, pèsent pour près de 2,7 milliards d’euros et ne sont pas compensées par le budget de l’État.
En refusant de compenser par les crédits du budget de l’État les conséquences de ses propres choix fiscaux, le Gouvernement déroge à la loi Veil de 1994, qui avait instauré une sorte de règle d’or – le président de la commission des affaires sociales l’a bien exprimé cet après-midi –, selon laquelle « toute mesure d’exonération, totale ou partielle, de cotisations de sécurité sociale donne lieu à compensation intégrale aux régimes concernés par le budget de l’État ». Vous organisez – le terme a déjà été utilisé – une sorte de pillage de l’édifice social issu des ordonnances de 1945, qui est non pas le produit d’un monde ancien, mais un édifice de valeurs : la solidarité, la justice, dont découle l’autonomie de la sécurité sociale.
À l’aube du retour à l’équilibre de la sécurité sociale, Bercy – c’est ainsi que l’on s’exprime – fait peu de cas de son autonomie, accroît son emprise et prépare la captation des excédents potentiels des années suivantes. Comment ne pas percevoir l’orchestration politique de ce déficit, que l’on crée pour le déplorer et pouvoir poursuivre une politique d’austérité ? Quelle sera la prochaine étape ? La fongibilité totale du budget de l’assurance maladie dans celui de l’État ? Hier, il nous a été indiqué que cette perspective n’était pas réelle ; nous osons l’espérer…
M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, sur l’article.
M. René-Paul Savary. La situation est assez particulière : on connaît les difficultés des hôpitaux, on connaît les difficultés que l’on va rencontrer avec la réforme des retraites, mais, face à cela, on découvre de jour en jour un PLFSS qui est de plus en plus complexe, avec un déficit organisé et une obsolescence programmée.
Il y a un déficit organisé, puisque vous ne compensez pas ce qui devrait l’être dans le budget de la sécurité sociale, ce qui met celui-ci en déséquilibre et oblige à prendre un certain nombre de mesures qui ne sont pas forcément d’une redoutable cohérence. Il y a aussi une obsolescence programmée, puisque vous-même, madame la ministre, ne savez pas encore comment vous allez régler le problème des hôpitaux ; c’est en tout cas ce que vous venez de nous dire. Nous pensions que les décisions étaient déjà prises, qu’il y aurait une réponse construite aux difficultés des hôpitaux, et l’on apprend que rien n’est encore fait…
Ainsi, avec le déficit, l’argent complémentaire qu’il faudra prévoir pour les hôpitaux et les mesures paramétriques qui ne sont pas prises pour la branche vieillesse afin de préparer la réforme, eh bien, il reste un certain nombre d’inconnues graves dans l’examen de ce PLFSS.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 526 rectifié est présenté par MM. Antiste, Todeschini et Lalande, Mme G. Jourda, M. Duran, Mmes Taillé-Polian, Monier et Artigalas et MM. Jomier et Temal.
L’amendement n° 570 est présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly, Gréaume, Lienemann et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, pour présenter l’amendement n° 526 rectifié.
Mme Marie-Pierre Monier. Le I l’article 231 A du code général des impôts dispose notamment : « Les employeurs redevables de la taxe sur les salaires mentionnés à l’article 1679 A peuvent bénéficier d’un crédit d’impôt assis sur les rémunérations qu’ils versent à leurs salariés au cours de l’année civile. »
L’article 3 du PLFSS pour 2020 propose, quant à lui, que ce crédit d’impôt ne fasse pas l’objet d’une compensation à la sécurité sociale. Or les compensations de pertes de recettes ou de transferts de charges entre l’État et la sécurité sociale sont régies par le principe de « compensation intégrale », défini à l’article L. 131-7 du code de la sécurité sociale. De plus, cette politique d’exonération de cotisations sociales a des conséquences directes sur le financement de notre système de protection sociale, fondé sur la solidarité et la collectivité.
Par ailleurs, la Cour des comptes relève, dans son dernier rapport, un déséquilibre des comptes de la sécurité sociale, qui s’explique, avant tout, par la politique d’exonération de cotisations sociales.
C’est la raison pour laquelle il est proposé, au travers de cet amendement, la suppression de cet article.
M. le président. La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour présenter l’amendement n° 570.
Mme Cathy Apourceau-Poly. Nous proposons, au travers de cet amendement, la suppression de cet article.
Au moyen de celui-ci, vous vous apprêtez à prendre une décision grave pour notre système de sécurité sociale : vous amputez son budget de plus de 3 milliards d’euros alors que vous ne cessez de mettre en avant un déficit de 5 milliards d’euros pour justifier de coupes budgétaires pour les hôpitaux.
La compensation par l’État de mesures d’exonérations sociales est bien – faut-il encore le rappeler ? – le principe et non l’exception. Passer de l’exception au principe, c’est ce que vous êtes en train d’acter, en prévoyant la non-compensation, par l’État, des mesures dites « gilets jaunes », qui coûtent plus de 3 milliards d’euros à la sécurité sociale.
Quelque 3 milliards d’euros sur un déficit de 5 milliards, c’est une attaque sans précédent de l’autonomie de la sécurité sociale. Quelles en seront les conséquences pour nos concitoyens ? Des coupes budgétaires sur les hôpitaux, avec fermetures d’établissements publics, de services, de lits, et des Ehpad sinistrés !
Quel signal envoyez-vous à l’ensemble de la population ? Les faibles primes accordées à quelques-uns ne suffiront pas à compenser la facture de la casse du service public de la santé.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Ces amendements identiques tendent à supprimer l’article 3.
Au-delà des dispositions de non-compensation, à la suppression desquelles j’ai dit être favorable, cet article comporte des mesures utiles, notamment pour ce qui concerne la répartition des recettes entre les branches, qui me semblent devoir être conservées pour que le PLFSS soit équilibré.
La commission a donc émis un avis défavorable sur ces amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Les orateurs me pardonneront la brièveté de mon avis.
Le Gouvernement a également émis un avis défavorable sur ces amendements, pour les raisons avancées par le rapporteur général. Il n’est favorable ni à la suppression totale ni à la suppression partielle de l’article 3. Nous allons examiner d’autres amendements qui tendent à supprimer partiellement l’article ; je développerai, à cette occasion, mon argumentation sur la compensation.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 526 rectifié et 570.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de sept amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 527 rectifié, présenté par MM. Antiste, Todeschini et Lalande, Mme G. Jourda, M. Duran, Mmes Taillé-Polian, Monier et Artigalas et MM. Jomier et Temal, est ainsi libellé :
Alinéas 1 à 12
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Viviane Artigalas.
Mme Viviane Artigalas. Au travers de l’article 3 du texte, le Gouvernement acte, cela a été dit, la non-compensation à la sécurité sociale des décisions qu’il prend.
Les pertes de recettes ou les transferts de charges entre l’État et la sécurité sociale sont pourtant régis par le principe de « compensation intégrale », défini à l’article L. 131-7 du code de la sécurité sociale. Ce principe a été respecté pendant le précédent quinquennat, mais, depuis 2017, des entorses à cette règle ont été observées, comme le crédit d’impôt de taxe sur les salaires, qui n’a pas fait pas l’objet d’une compensation à la sécurité sociale en 2018.
Pour 2020, ces non-compensations à la sécurité sociale s’élèveraient à un montant estimé à 3,5 milliards euros : 1,2 milliard d’euros d’exonération de cotisations sociales sur les heures supplémentaires, 1,5 milliard d’euros de baisse de la CSG pour les retraités gagnant moins de 2 000 euros par mois et une diminution de 800 millions d’euros sur le forfait social. Par conséquent, l’article 3 prive la sécurité sociale de 3,5 milliards d’euros de ressources qui devaient lui revenir.
Le présent amendement vise donc à supprimer les alinéas de l’article relatifs à cette non-compensation.
M. le président. L’amendement n° 943, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
II. – Le dernier alinéa du III de l’article L. 14-10-5 du code de l’action sociale et des familles est ainsi rédigé :
« Avant imputation aux sections mentionnées aux IV, V et VI, l’ensemble des contributions mentionnées aux 1°, 1° bis et 3° de l’article L. 14-10-4 du présent code destinées aux personnes handicapées, soit au titre des établissements et services financés par la sous-section mentionnée au 1 du I du présent article, soit au titre de la présente section, doit totaliser au moins 20 % du produit de ces contributions. »
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Il s’agit d’un amendement de pure coordination visant à réparer une erreur matérielle relative aux ressources de la CNSA.
M. le président. Les quatre amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 168 est présenté par M. Vanlerenberghe, au nom de la commission des affaires sociales.
L’amendement n° 274 rectifié ter est présenté par Mme N. Delattre, MM. Artano, Castelli et Corbisez, Mme Costes, MM. Dantec et Jeansannetas, Mme Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Léonhardt, Requier et Cabanel.
L’amendement n° 572 est présenté par Mmes Cohen, Apourceau-Poly, Gréaume, Lienemann et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 806 rectifié est présenté par MM. Daudigny et Kanner, Mmes Féret, Grelet-Certenais et Jasmin, M. Jomier, Mmes Lubin, Meunier et Rossignol, M. Tourenne, Mmes Van Heghe et Artigalas, MM. Leconte, Montaugé, Sueur, Antiste et Bérit-Débat, Mmes Blondin, Bonnefoy et Conconne, MM. Courteau, Duran, Fichet et Gillé, Mmes Harribey et G. Jourda, M. Lalande, Mmes Lepage, Monier, Perol-Dumont, Préville et Taillé-Polian, MM. Temal, Tissot et les membres du groupe socialiste et républicain.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Alinéas 9 à 12
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. le rapporteur général, pour présenter l’amendement n° 168.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Cet amendement vise à ne supprimer que les alinéas 9 à 12 de l’article 3, c’est-à-dire les mesures de non-compensation. Nous limitons donc la suppression à ces dispositions.
Je n’en dis pas plus, nous en avons suffisamment parlé.
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Delattre, pour présenter l’amendement n° 274 rectifié ter.
Mme Nathalie Delattre. Bien sûr, le groupe du RDSE dénonce cette dérogation, assumée par le Gouvernement, à la loi Veil. Les mesures dites « gilets jaunes » correspondent non pas à une politique de sécurité sociale, mais à une revalorisation du pouvoir d’achat.
Pour compléter les propos du rapporteur général, je veux indiquer que les efforts des professionnels destinés à tenter d’enrayer le trou de la sécurité sociale ne seront pas récompensés. En effet, nous n’en verrons pas la traduction dans ce budget, puisqu’ils sont masqués par cette non-compensation.
Pour toutes ces raisons, nous souhaitons la suppression des alinéas 9 à 12 de l’article 3.
M. le président. La parole est à Mme Michelle Gréaume, pour présenter l’amendement n° 572.
Mme Michelle Gréaume. Comme M. le rapporteur général et ma collègue Nathalie Delattre, nous proposons, au travers de cet amendement, la suppression des alinéas 9 à 12 de l’article 3.
Cet amendement a obtenu un large consensus, tant sur les bancs de l’Assemblée nationale qu’au sein de la commission des affaires sociales du Sénat.
Le Gouvernement doit entendre que la compensation, par l’État, de mesures d’exonérations sociales est bien le principe et non l’exception. Il n’a pas à financer les choix politiques de l’État par l’argent des assurés sociaux. Il est de la responsabilité de l’État de financer ses propres politiques.
Par ailleurs, c’est un non-sens absolu que de demander aux assurés sociaux de financer eux-mêmes l’augmentation de leur pouvoir d’achat, sans parler des travailleurs et travailleuses qui n’ont pas bénéficié des mesures d’urgence économiques et sociales ; ceux-ci paient les frais d’une mesure qui ne les concerne pas ! En effet, la prime est facultative ; la loi n’oblige pas les entreprises à verser cette prime à leurs salariés, il s’agit seulement d’une incitation.
L’objet de cet amendement est de revenir non sur la nature des mesures prises, mais sur les conséquences budgétaires de ces dernières.
M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, pour présenter l’amendement n° 806 rectifié.
M. Yves Daudigny. Même si c’est répétitif, peut-être faut-il le rappeler, les mesures auxquelles se rapporte cet article 3 sont l’anticipation de l’exonération de cotisations sociales sur les heures supplémentaires, la perte de recettes liée à la création d’un taux intermédiaire de CSG, à 6,6 %, ainsi que l’exonération de forfait social pour les entreprises de moins de 250 salariés versant de l’intéressement ou de la participation, mesure décidée dans le cadre de la loi Pacte, et qui engendre une perte de recettes de 500 millions d’euros.
Monsieur le secrétaire d’État, même si, depuis le vote de la loi Veil, il y a eu d’autres exemples de mesures n’ayant pas fait l’objet de compensation à la sécurité sociale, la différence, avec la décision du Gouvernement, aujourd’hui, c’est que vous en bâtissez une doctrine. C’est un nouveau paradigme, un nouvel usage ; ce n’est pas une mesure technique, c’est une doctrine, avec laquelle nous ne pouvons pas du tout être d’accord, parce qu’elle implique une fongibilité entre le budget de l’État et celui de la sécurité sociale. C’est donc la fin de l’autonomie de la protection sociale dans notre pays.
M. le président. L’amendement n° 528 rectifié, présenté par MM. Antiste, Todeschini et Lalande, Mme G. Jourda, M. Duran, Mmes Taillé-Polian, Monier et Artigalas et MM. Jomier et Temal, est ainsi libellé :
Alinéas 10 et 12
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Gisèle Jourda.
Mme Gisèle Jourda. La non-compensation, par l’État à la sécurité sociale, des dispositions de la loi du 24 décembre 2018 portant mesures d’urgence économiques et sociales représente un manque à gagner de près de 2,8 milliards d’euros pour les comptes sociaux. Elle s’oppose au principe, posé par la loi Veil en 1994, selon lequel « toute mesure d’exonération, totale ou partielle, de cotisations de sécurité sociale donne lieu à compensation intégrale aux régimes concernés par le budget de l’État. » Cela suscite des interrogations sur les marges de manœuvre réelles dont nous disposons, alors que deux échéances cruciales sont encore devant nous.
D’une part, le grand chantier de la dépendance nécessitera un besoin de financement public supplémentaire de l’ordre de 6,2 milliards d’euros d’ici à 2024 et de 9,2 milliards d’euros d’ici à 2030. C’était tout l’objet des propositions du rapport Grand Âge et autonomie, de Dominique Libault, ancien directeur de la sécurité sociale et actuel président du Haut Conseil du financement de la protection sociale. Face au défi majeur du vieillissement de la population, ce rapport apportait des réponses claires et ambitieuses aux inquiétudes des Français sur l’accompagnement de leurs vieux jours. Alors que le retour aux excédents de la sécurité sociale est durablement reporté, il est quasi certain que la dynamique qu’il enclenchait sera fragilisée par les incertitudes relatives au financement de la perte d’autonomie.
D’autre part, on peut également s’interroger sur la santé financière des pensions, alors que le Gouvernement a lancé une réforme d’ampleur de notre système de retraite. On craint, en particulier, que la rupture avec le principe de non-compensation ne conduise le Gouvernement à faire supporter par la sécurité sociale le financement des régimes de retraite de la fonction publique, qui sont aujourd’hui du ressort de l’État.
Cet amendement vise donc à revenir sur la non-compensation des mesures décidées au travers de la loi portant mesures d’urgence économiques et sociales : la baisse de la CSG pour les retraités, avec la création d’un taux intermédiaire, et l’avancement de l’exonération sur les heures supplémentaires.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. L’amendement n° 527 rectifié tend à supprimer non seulement les non-compensations, mais encore des mesures rectificatives de répartition de recettes entre branches. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement, car, ces corrections de répartition étant utiles, il faut les conserver.
Elle a en revanche émis un avis favorable sur l’amendement n° 943 du Gouvernement, ainsi, évidemment, que sur les amendements identiques au sien.
L’amendement n° 528 rectifié de M. Antiste vise à supprimer la non-compensation des baisses de recettes liées à la loi MUES, mais il ne va pas aussi loin que celui de la commission, qui entend également revenir sur l’absence de compensation de plusieurs mesures du PLFSS pour 2019. La commission en demande donc le retrait ; à défaut, elle émettra un avis défavorable. En tout état de cause, cet amendement deviendrait sans objet si celui de la commission était adopté.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 527 rectifié, pour une partie des raisons avancées par M. le rapporteur général, et à l’amendement n° 528 rectifié, pour des raisons différentes de celles de la commission.
Sur les amendements identiques, dont celui du rapporteur général, je veux dire quelques mots, que j’ai déjà prononcés précédemment.
Je l’indique pour la clarté des débats, l’État compense très largement les exonérations que supporte la sécurité sociale ; je pense aux allégements généraux financés par l’affectation d’une fraction de TVA, à hauteur de plus de 51 milliards d’euros.
En outre, nous assumons bien évidemment le fait de demander à la sécurité sociale de financer les mesures d’urgence économiques et sociales relatives à la CSG et aux heures supplémentaires. Il s’agit là de 2,8 milliards d’euros. Je n’accepte donc pas – pardonnez la brutalité de mon propos – que l’on parle d’un « déficit organisé ». On constate un déficit de 5,4 milliards d’euros sur l’année 2019, et les mesures que nous souhaitons faire financer par la sécurité sociale s’élèvent à 2,8 milliards d’euros.
Ces simples chiffres démontrent que, avec ou sans ces mesures d’urgence économiques et sociales, le budget de la sécurité sociale est en déficit. Au reste, nous veillons à ce que, en 2020, ce déficit retrouve un niveau inférieur à celui de 2017, afin de reprendre la trajectoire de retour à l’équilibre de ce budget.
Par ailleurs, comme M. Daudigny a eu l’honnêteté de le rappeler à l’instant, on a dérogé, de manière assez régulière – j’ai dénombré une vingtaine de cas –, au principe posé par la loi Veil. Il s’est parfois agi de compensations extrêmement faibles à l’échelle du budget de la sécurité sociale ; je pense à une exonération de 25 millions d’euros, en 2014. Il s’est parfois agi de mesures beaucoup plus importantes ; je pense notamment à l’exonération de cotisations minimales maladie, pour les travailleurs indépendants, adoptée en 2013, qui représente aujourd’hui 1 milliard d’euros non compensés par l’État à la sécurité sociale – c’était donc déjà une somme importante. Tout cela pour rappeler aux uns aux autres que ce principe n’a pas toujours été respecté.
Nous avons la conviction que l’effort accompli, non par l’État ni par la sécurité sociale, mais par l’intégralité de ceux qui peuvent, pour répondre à la crise sociale qu’a traversée notre pays et qui a eu des débouchés au travers du grand débat national, actionner la dépense publique, est important. Il s’agit d’un effort de 17 milliards d’euros, dont 14 milliards sont assumés par l’État.
Le déficit de ce dernier s’est, de manière structurelle, accru alors que, dans le même temps – et c’est heureux –, celui de la sécurité sociale se réduisait. Notre choix nous paraît donc équilibré et soutenable ; cela ne remet pas en cause le retour à l’équilibre de la sécurité sociale, et cela ne se traduit pas non plus par une augmentation de sa dette, puisque – j’ai eu l’occasion de le dire avant la suspension – notre effort de désendettement et d’apurement de la dette sociale est trois fois supérieur au déficit constaté en 2019.
Tout cela démontre bien que nous avons fait du désendettement et de l’apurement de la dette sociale une priorité, que ces mesures ne remettent pas en cause.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces amendements de suppression partielle.