Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, avant l’article 1er.
L’amendement n° 51 rectifié, présenté par M. Courteau, Mmes de la Gontrie, Rossignol, Lepage et Conconne, M. Temal, Mmes Blondin et M. Filleul, M. Sueur, Mme Monier, MM. M. Bourquin, Kanner, Jacques Bigot, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie et Sutour, Mmes Préville et Meunier, M. Antiste et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Avant l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Un rapport est présenté par le Gouvernement au Parlement avant le 1er décembre 2020 sur la mise en application de l’article L. 312-17-1 du code de l’éducation qui prévoit qu’une information consacrée à l’égalité entre les hommes et les femmes, à la lutte contre les préjugés sexistes et à la lutte contre les violences faites aux femmes et les violences commises au sein du couple est dispensée à tous les stades de la scolarité.
La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Depuis les lois de 2006, de 2010 et de 2014, et depuis d’autres lois encore, notre priorité a été, pour combattre le fléau que constituent les violences au sein du couple, de sanctionner plus sévèrement les auteurs de violences et de protéger les victimes et les enfants.
Plusieurs dispositions ont également permis de s’attaquer à la source même des violences à l’égard des femmes. Je veux parler des inégalités entre les femmes et les hommes, ainsi que des stéréotypes sexistes, qui sont très souvent à l’origine de ces mêmes inégalités.
Toutefois, si nous voulons éradiquer ce fléau au cours des prochaines années, nous devons sensibiliser les jeunes générations, et ce dès le plus jeune âge.
Nous devons faire de la prévention notre combat, car c’est dès le plus jeune âge que les stéréotypes sexistes doivent être combattus. Ils sont partout, dans la vie de tous les jours, dans les rayons de jouets, mais aussi dans les manuels scolaires, etc. À cet égard, lisez les rapports de la délégation aux droits des femmes : vous verrez où doit commencer la prévention.
C’est la raison pour laquelle j’ai fait adopter, lors des débats sur la loi de juillet 2010, un amendement tendant à inscrire dans le code de l’éducation – c’est l’article L. 312-17-1 – qu’« une information consacrée à l’égalité entre les hommes et les femmes, à la lutte contre les préjugés sexistes, et à la lutte contre les violences faites aux femmes et les violences commises au sein du couple est dispensée à tous les stades de la scolarité. »
J’ai personnellement rencontré ces dix dernières années quelque 16 000 élèves dans les établissements scolaires pour leur parler de ces sujets. Et je puis attester ici que les réactions sont largement positives et qu’elles incitent à l’optimisme. Le problème, c’est que je ne suis pas certain que ces informations soient faites dans tous les établissements scolaires et à tous les stades de la scolarité. Je m’interroge sur l’effectivité d’une telle mesure, pourtant indispensable, mais diversement appliquée.
Je demande donc qu’un bilan soit réalisé sur l’application de cette mesure à tous les stades de la scolarité. Comme le disait Romain Rolland : « Tout commence sur les bancs de l’école. »
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie Mercier, rapporteur. Mon cher collègue, vous le savez, nous ne sommes pas ici particulièrement favorables aux rapports, tout simplement parce qu’ils sont souvent remis avec retard ou ne contiennent pas les informations que l’on attendait.
Je propose donc que la délégation aux droits des femmes ou la commission de la culture se charge de cette évaluation, procède à des auditions et effectue des déplacements, afin que l’on puisse disposer d’un véritable outil pour travailler.
J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 51 rectifié.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Article 1er
L’article 515-10 du code civil est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Sa délivrance n’est pas conditionnée à l’existence d’une plainte pénale préalable. » ;
2° Le second alinéa est ainsi modifié :
a) La première phrase est ainsi modifiée :
– le mot : « audition » est remplacé par le mot : « audience » ;
– sont ajoutés les mots : « à fin d’avis » ;
b) Au début de la dernière phrase, les mots : « Elles peuvent se tenir » sont remplacés par les mots : « L’audience se tient » ;
c) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « À la demande de la partie demanderesse, les auditions se tiennent séparément. »
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Conconne, sur l’article.
Mme Catherine Conconne. Madame la présidente, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, vous le mesurez, cette proposition de loi suscite de véritables attentes.
Face aux violences faites aux femmes et aux violences intrafamiliales, nous avons deux ennemis : le temps et la réactivité. Souvent, des femmes tombent, nous en avons connu beaucoup ces derniers temps, alors qu’elles avaient entamé des procédures de protection : main courante, dépôt de plainte, séparation du conjoint violent, et j’en passe.
Avec cette proposition de loi, nous attendons que les moyens soient au rendez-vous, afin de lutter contre les problèmes de temps qui obèrent la survie de la victime et la réactivité dont nous devons faire preuve. Seuls des moyens pourront nous sauver !
Lorsqu’on les auditionne, les parquets nous disent qu’ils sont sous-dotés, en greffiers par exemple, en juges des affaires familiales. Dans les commissariats, les policiers, débordés, nous disent qu’ils n’ont pas le temps de recevoir les plaintes, parce qu’ils sont sollicités par des questions d’ordre général.
J’ai dernièrement auditionné les membres d’une association qui s’occupe de cette politique publique. Ils m’ont dit que l’État avait supprimé la moitié du temps de l’intervenant social que l’association avait mis à disposition dans une gendarmerie et dans un commissariat… Comment faire sans moyens ?
Depuis le début de ce débat, les votes sont unanimes, comme on l’a vu avec l’adoption des deux premiers amendements que nous avons proposés. Nous avons besoin de moyens. En plus des outils qui relèvent du pénal, il faut que nous ayons le courage de dire – nous, mais aussi le Gouvernement – que, sans moyens, cette loi sera vouée à rester sur une étagère, comme tant d’autres.
Madame la garde des sceaux, je vous sais courageuse, alors je vous dis : « Chiche ! »
Mme la présidente. La parole est à M. Roland Courteau, sur l’article.
M. Roland Courteau. En préambule, je me dois de rappeler, pour notre mémoire collective, que le Sénat peut s’honorer d’avoir été à l’avant-garde de la lutte contre le fléau que sont les violences au sein des couples, notamment grâce à la loi du 4 avril 2006.
J’en viens à la loi de juillet 2010. L’ordonnance de protection constituait, dans notre esprit, une réelle évolution de notre droit, qui se dotait ainsi d’un outil de protection complet et rapide des personnes victimes de violences conjugales et de leurs enfants ; je dis bien « rapide », car, dans les situations que nous évoquons, l’intégrité physique de la victime, voire sa vie même, se trouve menacée.
Ce nouveau dispositif se justifiait, selon nous, parce que le dépôt de plainte, seule voie possible, n’était pas l’acte qui protégeait le plus, à moins d’être suivi d’un placement en garde à vue. La victime n’était pas à l’abri de représailles.
Le problème est que la montée en puissance de l’ordonnance de protection a été très progressive. En outre, sa mise en œuvre s’est faite avec d’importantes différences en fonction des TGI. Cette montée en puissance aurait d’ailleurs dû être accompagnée de la formation de l’ensemble des personnels intervenant au cours de la procédure.
Les délais, parfois extrêmement longs, ont constitué un problème majeur et considérablement nuit à l’objectif de protection en urgence, allant jusqu’à conduire à la remise en cause de l’intérêt même de ce dispositif.
Or les objectifs qui avaient été fixés lors des débats en 2010, je les rappelle, étaient que l’ordonnance soit délivrée en 72 heures, c’est-à-dire en urgence et en priorité – ce n’était peut-être pas très réaliste – et qu’elle puisse être obtenue indépendamment du dépôt de plainte – la loi est d’ailleurs claire sur ce dernier point –, mais certains magistrats, il est vrai, ont pris de mauvaises habitudes. Il était donc opportun de rappeler à l’article 1er l’état du droit sur ce point.
Par ailleurs, et j’anticipe sur l’article 2, encadrer la procédure dans un délai de 144 heures, à compter de la date de la fixation de l’audience, devrait permettre au magistrat d’apprécier la recevabilité de la requête, avant que la partie défenderesse ne prenne connaissance de la démarche, ce qui devrait éviter certaines représailles.
Il y a un mieux dans cette évolution, à condition que l’audience ne soit pas fixée plusieurs dizaines de jours après. Je m’interroge donc : comment faire mieux pour répondre à l’urgence, tout en respectant le contradictoire ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, sur l’article.
Mme Marie-Pierre Monier. L’examen de ce texte sur les violences conjugales et intrafamiliales est une réelle chance, car nous avons besoin de solutions efficaces, immédiates et pérennes.
À ce jour, quelque 129 féminicides ont été commis en 2019. Ce nombre est malheureusement supérieur à celui de 2018. Chacun d’entre nous doit se sentir profondément concerné. Ce fléau est insupportable, d’autant plus que, dans un grand nombre de cas, la victime avait signalé les violences dont elle faisait l’objet auprès des autorités.
Si des outils juridiques existent aujourd’hui, ils sont souvent mal utilisés. Il faut aller plus loin, en protégeant mieux les victimes et en renforçant les garanties matérielles et juridiques dont elles bénéficient.
Le parcours des victimes est trop long. Surtout, il est bien souvent jonché d’obstacles : refus de plainte, remise en question de la gravité des faits, culpabilisation des victimes, moqueries. Ce n’est plus acceptable.
J’en profite pour saluer l’immense courage d’Adèle Haenel, qui vient de porter un nouveau coup historique à l’insupportable loi du silence qu’il nous faut briser. Désormais, j’en suis certaine, plus rien ne sera comme avant. Je veux rendre hommage à sa justesse bouleversante. Au-delà de l’occasion de libérer la parole qu’elle nous offre, elle nous rappelle que le combat contre les violences faites aux femmes ne se gagnera que si nous parvenons à déconstruire les stéréotypes de genre, car ce sont bien eux qui inscrivent en chacun de nous, dès l’enfance, la possibilité de ces violences.
Pour les combattre, nous devons irriguer toutes les politiques publiques. C’est pourquoi un vaste projet de loi sur le sujet, associant police, gendarmerie, justice, services sociaux, collectivités locales, services de santé, éducation nationale et associations militantes aurait été plus fort.
Malgré tout, il convient de soutenir les dispositions proposées, car elles vont dans le bon sens, mais il faudra prévoir les moyens que requiert la mise en œuvre de cette proposition de loi lors de l’examen du projet de loi de finances.
Il faut des moyens pour faire fonctionner les associations de terrain, qui maillent le territoire et jouent un rôle majeur d’accompagnement ; des moyens pour la formation des policiers et des gendarmes, qui sont en première ligne pour accueillir les femmes victimes de violences, car ils ont besoin de soutien pour jouer leur rôle de service public de proximité.
Sans moyens supplémentaires, sans personnels formés, ce que nous votons ici ne pourra pas avoir de réel impact sur le cours des choses.
Mme la présidente. La parole est à M. François Bonhomme, sur l’article.
M. François Bonhomme. Madame la présidente, madame la garde des sceaux, madame le rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi qui nous réunit aujourd’hui peut, je pense, constituer un tournant majeur et marquer véritablement une rupture dans le traitement du fléau des violences au sein de la famille.
En France, en 2019, il faut en moyenne un mois et demi pour protéger une femme en danger. Le délai des ordonnances de protection n’est ni tenable ni compatible avec l’urgence de protéger une femme dont la vie est en danger.
En fixant à six jours le délai maximal de délivrance d’une ordonnance sans dépôt de plainte, l’ordonnance doit constituer un moyen nouveau et décisif.
Or il y a encore trop de manquements graves, puisque, dans un cas sur cinq, le juge ne statue pas sur la restriction du droit d’hébergement des enfants, et, dans un cas sur deux, il ne traite pas de la question pourtant essentielle du logement. La situation actuelle n’est donc pas acceptable en l’état.
Renforcer l’ordonnance de protection, c’est aussi créer une interdiction de paraître pour les auteurs de violences. Il faut les empêcher d’attendre devant l’habitation. Désormais, certains lieux entiers leur seront interdits, au-delà même du seul contact physique.
Enfin, le dispositif du bracelet anti-rapprochement (BAR), au motif de deux expérimentations, l’une en 2010, l’autre en 2017, s’est révélé peu utilisé. Cette proposition de loi doit donc permettre sa généralisation.
La pose d’un BAR dès l’ordonnance de protection dans un cadre préventif et pour les situations les plus graves, ainsi que la possibilité donnée au juge aux affaires familiales de décider d’agir dans un délai réduit peuvent constituer une mesure déterminante pour éviter ces drames trop souvent répétés.
Raccourcir les délais de prononcé des ordonnances de protection est une nécessité, tout en veillant à l’articuler avec le respect du principe du contradictoire et en rappelant la nature spécifique de la procédure civile, qui repose sur des principes différents de la procédure pénale.
Cette proposition de loi peut donc ouvrir la voie à des solutions opérationnelles rapides, qui viendront, je l’espère, conforter votre circulaire pénale du 9 mai dernier, madame la garde des sceaux, par laquelle vous avez rappelé aux procureurs l’importance de cette question des violences conjugales, en les invitant à mieux utiliser les possibilités offertes par l’arsenal législatif existant.
Je crois, madame la garde des sceaux, que nous pouvons faire converger de manière décisive une prise de conscience très forte de ce fléau et l’impératif de lui donner une portée opérationnelle déterminante.
Il est réjouissant que cette proposition de loi de notre collègue Aurélien Pradié soit l’occasion de faire converger nos forces, y compris et peut-être surtout quand un texte ne vient ni du Gouvernement ni de la majorité.
C’est l’honneur du groupe parlementaire d’opposition à l’Assemblée nationale de nous permettre de dépasser nos différences pour réduire ce sinistre bilan de 119 femmes ayant à ce jour perdu la vie en 2019 sous les coups de leur conjoint.
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, sur l’article.
M. Marc Laménie. Madame la présidente, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, l’article 1er vise à modifier l’article 515-10 du code civil relatif aux conditions préalables requises pour la sollicitation d’une ordonnance de protection et les modalités de déroulement de l’audience devant le juge. Le sujet est, il est vrai, particulièrement juridique.
Dans les faits, nous avons malheureusement souvent assisté, dans nos départements respectifs, à des drames humains. Le nombre des victimes a été rappelé. Il faut essayer de trouver des solutions pour prévenir ces dernières, mais beaucoup de femmes hésitent malheureusement à porter plainte, nous l’avons vu au sujet des mains courantes. Par ailleurs, la complexité des procédures est problématique.
Les gendarmes et les policiers se plaignent de leur côté du manque de moyens humains. Dans le projet de loi de finances pour 2020, il convient de prévoir des moyens humains pour la justice, la sécurité intérieure, police et gendarmerie nationales, c’est-à-dire tous les services de sécurité, de santé, en liaison avec les collectivités locales, et les services sociaux. C’est une grande chaîne dans laquelle nombre d’acteurs peuvent intervenir, mais les démarches ne sont pas simples.
C’est pourquoi je voterai cet article.
Mme la présidente. L’amendement n° 28, présenté par Mmes Benbassa, Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Le premier alinéa est complété par les mots : « ou par une association agréée » ;
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Le présent amendement vise à autoriser les associations agréées à faire les démarches de demande d’ordonnance de protection et à agir au nom des victimes de violences conjugales. Cette habilitation nécessiterait évidemment au préalable le consentement de la requérante.
L’obtention de l’ordonnance de protection est administrativement lourde. Une fois mise en sécurité, la victime souhaitant recourir à un tel procédé doit au préalable comprendre comment rédiger, puis soumettre une telle demande, alors même qu’elle se trouve souvent en situation de détresse et n’a pas forcément les connaissances juridiques nécessaires pour mener à bien cette mission.
Afin de multiplier les chances d’obtention, il peut être pertinent que, à la demande de la victime, les associations agréées puissent formuler la demande d’ordonnance de protection. Elles sont en effet plus aguerries et mieux armées juridiquement, ayant développé une expertise procédurale en la matière. Leur rôle d’accompagnement est donc primordial, particulièrement dans des situations d’urgence.
Les associations agréées accomplissent un travail formidable dans les territoires. Elles apportent non seulement une aide juridique aux victimes, mais également un soutien psychologique indispensable. Permettre le recours à leurs services semble donc constituer un apport non négligeable à la chaîne de protection des femmes ayant été agressées par leur conjoint ou compagnon.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie Mercier, rapporteur. Ma chère collègue, je suis tout à fait d’accord avec vous sur le rôle remarquable joué par les associations.
Toutefois, cette question s’était déjà posée en 2010 et en 2014. Il faut bien comprendre qu’autoriser une association à saisir le juge, avec l’accord de la victime, la constitue partie demanderesse pour une ordonnance qui devrait en principe bénéficier à une autre personne, et qui ne serait paradoxalement pas partie à la procédure.
En outre, en l’état actuel de la rédaction du texte, une telle éventualité est incompatible avec le dispositif retenu qui vise systématiquement la partie demanderesse comme unique bénéficiaire. L’association serait bénéficiaire de l’ordonnance de protection, et non plus la victime.
C’est la raison pour laquelle nous émettons un avis défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Madame la sénatrice Benbassa, je formulerai la même observation que Mme le rapporteur.
Évidemment, le rôle des associations est fondamental dans l’accompagnement des victimes, y compris pendant toute la procédure. Pour autant, je vous rappelle que, au civil, la demande est la chose des parties et qu’une association ne peut donc pas agir à la place d’une partie. Elle peut l’accompagner, y compris par une aide extrêmement précise, mais pas faire à sa place.
C’est la raison pour laquelle j’émets un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Nous ne sommes pas signataires de cet amendement, mais je suis quelque peu surprise des explications données pour en demander le rejet. Il s’agit de permettre à une association agréée de faire les démarches visant à obtenir l’ordonnance de protection au nom de la victime, avec son accord explicite, c’est-à-dire de la mandater.
On ne peut pas dire, madame le rapporteur, que l’association serait partie à la procédure. Quand vous mandatez un avocat – je suis moi-même avocate -, il ne se retrouve pas partie à la procédure. Lorsque vous mandatez un représentant syndical dans un contentieux du travail, celui-ci n’est pas partie à la procédure.
Bref, cette explication ne me semble pas opérationnelle. Je ne vois pas ce qui s’oppose réellement à ce qu’une association agréée engage la procédure, dès lors que c’est avec l’accord explicite de la victime, même si, in fine, devant le juge aux affaires familiales, c’est la victime qui sera présente.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.
Mme Annick Billon. Pour ma part, je ne suis pas avocate. Néanmoins, après les explications de Marie-Pierre de la Gontrie, les arguments avancés par Mme le rapporteur et Mme la garde des sceaux me laissent assez perplexe.
Si vous pouvez nous expliquer pourquoi la victime ne peut pas donner mandat, je suis prête à revoir mon jugement.
Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Marie Mercier, rapporteur. Il n’y a pas de mandat qui soit donné à l’association par la victime.
L’association ne peut faire la démarche pour la victime, puisque l’ordonnance de protection sera rendue au nom de cette dernière. Ce n’est pas comme avec un avocat.
Mme Laurence Rossignol. Mais pourquoi ?
Mme Marie Mercier, rapporteur. Je le répète, l’association n’est pas mandatée pour déposer plainte au nom de la victime.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Rien ne s’y oppose !
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Je soutiens bien sûr cet amendement dont je suis cosignataire, forte aussi des explications de notre collègue de la Gontrie.
Les propos de Mme le rapporteur ne sont pas du tout convaincants : pour quelle raison serait-il impossible de mandater une association ?
Nous sommes le législateur : si notre amendement est maladroit, modifions-le ! Mais il est extrêmement important pour la victime d’être accompagnée ; nous le vivons toutes et tous sur nos territoires.
Mme la présidente. La parole est à Mme la garde des sceaux.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Il ne faut pas faire de confusion. Une association peut parfaitement accompagner une victime, et nous le souhaitons qu’elle le fasse. En effet, c’est très important pour la victime, nous pouvons l’imaginer.
Toutefois, vous demandez – peut-être est-ce la rédaction de l’exposé des motifs qui porte à confusion – que l’association puisse avoir un mandat de représentation. Or je vous rappelle que ce n’est pas possible : le monopole de l’assistance et de la représentation en justice appartient aux avocats.
Il convient donc de distinguer la représentation, dont le monopole appartient aux avocats, et l’accompagnement, qui peut parfaitement être exercé par les associations.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. En tant qu’avocate, je suis sensible aux propos de Mme la garde des sceaux, mais il est possible de déroger à ce monopole.
Madame la présidente, je propose donc un sous-amendement visant à préciser que l’association agréée est « expressément mandatée », afin de lever l’ambiguïté.
Mme la présidente. Je suis donc saisie du sous-amendement n° 130, présenté par Mme de la Gontrie, et ainsi libellé :
Alinéa 3
Compléter cet alinéa par les mots :
expressément mandatée
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marie Mercier, rapporteur. On bricole… C’est bien la victime qui est demanderesse de l’ordonnance de protection, et cela ne peut se faire par l’intermédiaire d’une association, même avec l’accord de la victime. Je m’exprime sans doute mal, mais l’ordonnance de protection porte le nom de la victime, qui est la seule à pouvoir la demander.
Mon avis est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. L’état du droit me semble suffisamment clair ; il permet à la victime, d’une part d’être accompagnée, d’autre part d’être représentée par l’avocat. C’est largement suffisant pour porter la défense des personnes concernées.
J’émets donc également un avis défavorable sur ce sous-amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 130.
(Le sous-amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° 55 rectifié, présenté par Mmes de la Gontrie, Rossignol et Lepage, M. Courteau, Mmes Blondin, Conconne et M. Filleul, MM. Temal et Sueur, Mme Monier, MM. M. Bourquin, Kanner, Jacques Bigot, Durain et Fichet, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Marie et Sutour, Mmes Préville et Meunier, M. Antiste et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
- les mots : « tous moyens adaptés » sont remplacés par les mots : « voie administrative » ;
La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Cette proposition de loi vise à instaurer de nouvelles modalités concernant l’ordonnance de protection.
L’une d’elles, très ambitieuse, est de réduire à six jours le délai au-delà duquel le juge aux affaires familiales doit rendre sa décision sur l’ordonnance de protection, celle-ci statuant sur un grand nombre de points ; nous y reviendrons lors de l’examen de l’article 2.
Dans ce délai, il faut mener un débat contradictoire, donc informer le défendeur de la date de l’audience afin qu’il soit en mesure de présenter, s’il le souhaite, des éléments à l’appui de sa défense. Ce délai de six jours est donc une sorte de défi, mais, comme l’a souligné Catherine Conconne, le temps est un enjeu essentiel dans les violences conjugales.
Le code de procédure civile prévoit trois modes de convocation du défendeur : la convocation par huissier, qui coûte environ 150 euros et n’est donc pas accessible à tous ; la convocation par recommandé avec accusé de réception, qui impose un délai de quinze jours avant la date de l’audience ; enfin, la voie administrative, où la convocation est délivrée dans la journée par un officier ou un agent de police judiciaire, gendarme ou policier.
Voilà pourquoi nous proposons, par cet amendement, de prévoir une convocation par voie administrative et non plus par tous moyens. À défaut, le défendeur ne pourrait pas être convoqué dans les temps et le juge aux affaires familiales se prononcer valablement. C’est dans ce cadre, je le précise, qu’il faudra statuer sur le bracelet anti-rapprochement.
L’enjeu de l’information du défendeur sur la date de l’audience est essentiel. C’est la raison pour laquelle je propose cette voie plus efficace.