PRÉSIDENCE DE M. Vincent Delahaye
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi relatif à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique.
Rappel au règlement
M. le président. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour un rappel au règlement.
M. Éric Kerrouche. Avant la suspension, lors de la discussion de l’article 26 bis, le sous-amendement n° 984 à l’amendement n° 414 rectifié que j’avais déposé avec le groupe socialiste, devait être présenté par Mme Françoise Gatel ou M. Mathieu Darnaud, au nom de la commission des lois. Il ne l’a pas été, et c’est M. Philippe Bas qui a pris la parole.
Or, mes chers collègues, au titre de l’article 46 bis de notre règlement, « le rapporteur dispose d’un temps de deux minutes et demie par amendement pour exprimer l’avis de la commission. »
En l’espèce, ce sous-amendement, qui avait reçu un avis favorable de la commission, n’a donc pas été présenté. Je conçois que l’on puisse avoir des divergences sur le fond, mais, sur la forme, il aurait été préférable qu’il le soit. Je tenais à exprimer mes regrets quant à la façon dont tout cela s’est déroulé.
M. le président. Acte vous est donné de ce rappel au règlement, mon cher collègue.
Article 26 quater (nouveau)
Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa de l’article L. 2123-9, les mots : « des communes de 10 000 habitants au moins » sont supprimés ;
2° Au premier alinéa de l’article L. 2123-11-1, les mots : « , dans les communes de 10 000 habitants au moins, » sont supprimés.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 99 rectifié, présenté par MM. Cabanel, Artano et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin et Corbisez, Mme Costes, MM. Gabouty, Gold et Guérini, Mme Guillotin, M. Jeansannetas, Mme Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Léonhardt, Requier, Roux et Vall, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
1° Au premier alinéa de l’article L. 2123-9, les mots : « d’une part, ainsi que les adjoints au maire des communes de 10 000 habitants ou moins, d’autre part » sont remplacés par les mots : « les adjoints au maire des communes, l’ensemble des conseillers départementaux et régionaux titulaires d’une délégation, les présidents et vice-présidents d’établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre de plus de 10 000 habitants » ;
La parole est à Mme Maryse Carrère.
Mme Maryse Carrère. La loi du 31 mars 2015 visant à faciliter l’exercice, par les élus locaux, de leur mandat a consolidé le droit à la suspension du contrat de travail des salariés qui interrompent leur carrière professionnelle pour se consacrer à leur mandat, en étendant à deux mandats la durée du bénéfice du droit à la réintégration dans leur entreprise.
Toutefois, seuls les maires, d’une part, et les adjoints au maire des communes d’au moins 10 000 habitants, d’autre part, ont accès à la mesure. Cette situation contribue au déficit d’attractivité des mandats pour les jeunes et les actifs du secteur privé, et ce, particulièrement, dans les plus petites communes.
Nous proposons donc d’ouvrir le droit à suspension du contrat de travail et à réintégration à tous les adjoints au maire, sans seuil de population. Nous proposons également d’ouvrir ce dispositif aux conseillers départementaux et régionaux titulaires d’une délégation, ainsi qu’aux présidents et vice-présidents des EPCI de plus de 10 000 habitants.
M. le président. L’amendement n° 531 rectifié ter, présenté par Mme Noël, M. D. Laurent, Mme Deromedi et MM. de Nicolaÿ, Charon, Laménie, Danesi et Bonhomme, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
….- L’article L. 3142-83 du code du travail est complété par quatre alinéas ainsi rédigés :
« Le même droit est accordé, sur sa demande, et jusqu’à l’expiration de son mandat, au salarié membre, ou à la tête :
« - d’un exécutif municipal d’une commune,
« - d’un exécutif intercommunal, départemental ou régional,
« - de l’Assemblée de Corse. »
La parole est à Mme Sylviane Noël.
Mme Sylviane Noël. Cet amendement, similaire à celui qui vient d’être défendu, va aussi dans le même sens que l’amendement que j’ai présenté tout à l’heure. Il s’agit de permettre à un membre d’un exécutif local de suspendre son contrat de travail jusqu’à l’expiration de son mandat, à condition qu’il justifie d’un an d’ancienneté en contrat à durée indéterminée à la date de son entrée en fonction.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Sur l’initiative de notre collègue Éric Kerrouche, la commission a étendu le droit de suspendre son contrat de travail à l’ensemble des adjoints au maire, indépendamment de la taille de leur commune. En conséquence, l’amendement n° 99 rectifié nous paraît en grande partie satisfait par le texte de la commission. Il en va de même de l’amendement n° 531 rectifié ter, très largement satisfait par le droit en vigueur. Nous demandons le retrait de ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Carrère, l’amendement n° 99 rectifié est-il maintenu ?
Mme Maryse Carrère. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 99 rectifié est retiré.
Madame Noël, l’amendement n° 531 rectifié ter est-il maintenu ?
Mme Sylviane Noël. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 531 rectifié ter est retiré.
Je mets aux voix l’article 26 quater.
(L’article 26 quater est adopté.)
Article additionnel après l’article 26 quater
M. le président. L’amendement n° 555 rectifié bis, présenté par Mmes Canayer et Lavarde, M. P. Martin, Mme Morhet-Richaud, MM. Mouiller et Bonhomme, Mme Bruguière, M. Chaize, Mme Deromedi, MM. Daubresse, Chevrollier et de Nicolaÿ, Mmes Lassarade et Gruny, M. Husson, Mme Duranton et MM. Savary, Segouin, Laménie et Bonne, est ainsi libellé :
Après l’article 26 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 2123-1 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un article L. 2123-… ainsi rédigé :
« Art. L. 2123-…. – Le conseiller municipal est réputé relever de la catégorie de personnes qui dispose, le cas échéant, de l’accès le plus favorable au télétravail dans l’exercice de son emploi, sous réserve de la compatibilité de son poste de travail. »
La parole est à Mme Agnès Canayer.
Mme Agnès Canayer. Cet amendement tend à favoriser l’accès au télétravail pour les conseillers municipaux, afin de faciliter l’exercice de leur mandat.
Si son emploi est compatible avec le télétravail, le conseiller municipal serait ainsi assimilé aux personnes bénéficiant du meilleur accès au télétravail dans l’exercice de cet emploi, en application de toute disposition législative et réglementaire, ou de toute disposition de chartes ou d’accords, que le conseiller municipal soit salarié ou agent public.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. Il est également favorable. Je remercie Mme la sénatrice Canayer d’avoir accepté de reprendre légèrement la rédaction de son amendement.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 26 quater.
Article 27
Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° L’article L. 2123-18-2 est ainsi rédigé :
« Art. L. 2123-18-2. – Les membres du conseil municipal bénéficient d’un remboursement par la commune des frais de garde d’enfants ou d’assistance aux personnes âgées, handicapées ou à celles qui ont besoin d’une aide personnelle à leur domicile, qu’ils ont engagés en raison de leur participation aux réunions mentionnées à l’article L. 2123-1. Ce remboursement ne peut excéder, par heure, le montant horaire du salaire minimum de croissance. Les modalités de remboursement sont fixées par délibération du conseil municipal.
« Dans les communes de moins de 3 500 habitants, le remboursement auquel a procédé la commune est compensé par l’État.
« Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret. » ;
2° L’article L. 2123-18-4 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « , dans les communes de 20 000 habitants au moins, » et les mots : « qui ont interrompu leur activité professionnelle pour exercer leur mandat » sont supprimés ;
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Dans les communes de moins de 3 500 habitants, l’aide financière accordée par la commune est compensée par l’État. Le montant de cette compensation ne peut excéder, par heure, le montant horaire du salaire minimum de croissance. » ;
3° Au premier alinéa des articles L. 3123-19-1 et L. 4135-19-1, les mots : « qui ont interrompu leur activité professionnelle pour exercer leur mandat » sont supprimés ;
4° (nouveau) Au premier alinéa des articles L. 6434-4, L. 7125-23 et L. 7227-24, les mots : « qui ont interrompu leur activité professionnelle pour exercer leur mandat » sont supprimés ;
5° (nouveau) À la première phrase du second alinéa du XII de l’article L. 2573-7, les mots : « , et dans les communes de 20 000 habitants au moins, aux adjoints au maire, qui ont interrompu leur activité professionnelle pour exercer leur mandat et » sont remplacés par les mots : « et aux adjoints au maire ».
M. le président. L’amendement n° 103, présenté par M. de Legge, est ainsi libellé :
Alinéa 3, première phrase
Remplacer le mot :
bénéficient
par les mots :
peuvent bénéficier
La parole est à M. Dominique de Legge.
M. Dominique de Legge. L’article 27 est important, puisqu’il crée un droit, pour les membres du conseil municipal, à bénéficier d’un remboursement par la commune des frais de garde d’enfants, de personnes handicapées ou de personnes âgées.
Qui dit droit dit, pour la commune, dépense obligatoire !
Certes, j’ai bien noté que cette dépense serait prise en charge par l’État pour les communes de moins de 3 500 habitants. Mais je croyais qu’un principe avait été posé, en vertu duquel celui qui décide paye. Je ne vois donc pas pourquoi la prise en charge par l’État se limiterait aux communes de moins de 3 500 habitants.
Si j’ai déposé cet amendement sous cette forme, c’est-à-dire en ouvrant une possibilité, sans en faire une obligation, c’est pour éviter de tomber sous les fourches caudines de l’article 40 de la Constitution.
Je pense qu’un débat mérite d’être ouvert sur la question, à l’image de celui, très intéressant, que nous avons eu précédemment sur le statut de l’élu.
Ainsi, monsieur le ministre, vous prévoyez un décret d’application pour cette mesure. Envisagez-vous que le dispositif soit ouvert à tous, y compris aux élus bénéficiant déjà d’une indemnisation ?
D’autres problèmes d’ordre technique vont se poser. Que se passera-t-il s’il existe déjà un mode de garde par la famille ou via des emplois familiaux – on voit bien quelques risques de dérive à ce niveau-là ? À partir de quel âge le dispositif se déclenchera-t-il pour les personnes âgées ou handicapées ? Faudra-t-il fournir une attestation de reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé par la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées – l’ancienne attestation Cotorep –, une attestation GIR, ou que sais-je encore ?
Dernier élément que je souhaite porter au débat, la mesure concerne les conseillers municipaux. Pourquoi pas les conseillers départementaux et les conseillers régionaux ?
Il me semble donc nécessaire d’avoir une discussion sur cet article. La mesure est bonne, mais la rédaction retenue appelle à la prudence. Ouvrir la possibilité sans imposer d’obligation nous permettra aussi de mesurer l’effet du dispositif, effet qui, ai-je noté, n’a fait l’objet d’aucune étude.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Je comprends les inquiétudes exprimées par Dominique de Legge sur ce sujet des frais de garde, et ce d’autant que nous avions demandé, dès le début des auditions et de l’examen du texte, après plusieurs échanges avec le Gouvernement, que soit bien prise en compte la nécessité d’étendre la prise en charge par l’État de ces frais de garde jusqu’aux communes de 3 500 habitants.
Nous avions également posé la question – peut-être le ministre pourra-t-il nous apporter quelques éclairages… – de l’évaluation du coût d’une telle mesure pour les collectivités. De mémoire, je crois que les prévisions avoisinaient 1 million d’euros.
L’interrogation que vous soulevez, mon cher collègue, reste donc entière. Si l’on compense ces frais de garde – c’était tout de même la source principale d’inquiétude quand on connaît les capacités de prise en charge – pour les communes de moins de 1 000 habitants, mais aussi de moins de 3 500 habitants, il n’en demeure pas moins que, s’agissant des communes plus importantes, la question se pose.
Donc je comprends les inquiétudes et, encore une fois, le ministre pourra sans doute nous éclairer. Je crois néanmoins que nous avons progressé sur cette question. Il faudra peut-être, comme nous le demandions tout à l’heure pour le rescrit, évaluer la portée de cette mesure et son coût à terme, en particulier si une charge exponentielle venait à être observée pour les collectivités de plus de 3 500 habitants.
En l’état, je demande le retrait de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Sébastien Lecornu, ministre. Je salue l’arrivée de Sophie Cluzel, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées. Sa présence nous permettra, comme vous m’y avez invité hier, monsieur le président de la commission de lois, de débattre d’une question importante liée à l’allocation aux adultes handicapés, l’AAH. Je vous indique d’ores et déjà, monsieur le président, que je demande la priorité sur l’amendement n° 985.
Monsieur le sénateur de Legge, les frais de garde constituent un marqueur important de ce texte. C’est un droit nouveau que l’on crée ! Par conséquent, je demanderai le retrait de votre amendement ou j’émettrai un avis défavorable : commencer à rétablir le caractère facultatif de la mesure va précisément à l’encontre de cette notion de droit nouveau.
Par ailleurs, dans les communes de plus de 3 500 habitants, les collectivités territoriales les plus importantes, ce droit a parfois déjà été mis en place, selon ce que les chefs d’exécutif ont bien voulu proposer à leurs élus. Des départements le font depuis des années, tout comme certaines régions ou certaines grandes villes.
Enfin, pour parler des sommes engagées, 10 millions d’euros seront à charge de l’État du fait de l’extension de la mesure jusqu’aux communes de moins de 3 500 habitants. Dans le texte initial, le seuil était fixé à 1 000 habitants. Mais j’ai permis lors de ma première audition devant la commission des lois que l’on brave l’article 40, ce qui a autorisé certains parlementaires, dont M. Arnaud de Belenet, à déposer des amendements visant à élever ce seuil à 3 500 habitants. D’ailleurs, je m’étais déjà engagé sur ce point dans la presse, madame la sénatrice Cukierman, pour répondre à l’un de vos tweets…
D’après les estimations, donc, 10 millions d’euros seront à la charge de l’État et 3 millions d’euros à celle des communes.
Comme l’a très justement signalé M. le rapporteur, il restera à quantifier, comme pour tous les droits que nous ouvrons, le taux de recours à ce droit, rien n’étant automatique. Il me semble que, lors des discussions budgétaires, notamment celle de l’année prochaine, nous pourrons commencer à fournir quelques éléments à ce sujet.
Nous avons beaucoup parlé de parité au cours des derniers jours. En l’espèce, ce n’est pas qu’une question de parité ! Ce dispositif concernant les frais de garde permettra à des élus locaux ayant la charge d’une personne en situation de handicap ou d’une personne en situation de dépendance, à leur domicile, de pouvoir confier cette personne à quelqu’un et de s’absenter quelques heures pour vaquer à leurs occupations au conseil municipal.
Certains ont un peu ridiculisé la mesure dans la presse ; elle serait un peu accessoire. Je ne le pense pas.
M. le sénateur Collombat évoquait précédemment la nécessité de définir un statut de l’élu, en tout cas de poser des jalons quant aux conditions de cet engagement politique et citoyen. Prévoir un accompagnement en matière de frais de garde, c’est une mesure concrète. Ce sont des moyens que nous mettons sur la table, dans le cadre de la solidarité nationale. Cela va dans le bon sens !
M. Pierre-Yves Collombat. C’est pour demain…
M. Sébastien Lecornu, ministre. S’agissant de l’amendement n° 103, je formule donc une demande de retrait.
M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge, pour explication de vote.
M. Dominique de Legge. Monsieur le ministre, pour vous dire les choses comme je les ressens, vous ne m’avez pas véritablement convaincu. En particulier, vous n’avez pas répondu à deux ou trois questions basiques que j’ai soulevées.
Certains élus perçoivent aujourd’hui des indemnités, qui sont représentatives de frais engagés pour l’exercice du mandat. Ouvrez-vous un droit de manière automatique ou réservez-vous celui-ci aux élus ne touchant pas de telles indemnités ? Le débat mérite d’être posé !
Je sais très bien ce qu’il va advenir de mon amendement. Je peux choisir de le maintenir, tout en sachant que je serai battu. Alors on ne manquera pas de me dire : « Ah, monsieur le sénateur, vous ne défendez pas les communes et la liberté d’exercice des mandats locaux ». Je peux choisir de le retirer : cela règlera beaucoup de problèmes, mais marquera le début du commencement des difficultés ! Vous avez tout de même bien compris, mes chers collègues, – je l’ai senti au travers des propos du rapporteur – que la mesure n’est pas si simple à mettre en œuvre, tant sur le fond que sur la forme.
Par conséquent, monsieur le ministre, si vous aviez la gentillesse de compléter votre réponse à mes questions, je pourrais envisager de retirer cet amendement. Cela vaut le coup que nous prenions trois minutes pour traiter un sujet aussi important que la création d’un nouveau droit.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Sébastien Lecornu, ministre. M. le sénateur de Legge en appelle à ma gentillesse ; par définition, je ne peux pas me soustraire à sa demande !
Oui, la mesure est universelle et concerne tous les élus municipaux, qu’ils aient reçu délégation ou non, donc qu’ils soient indemnisés ou non. D’ailleurs, et sans vouloir le lancer, car nous manquons de temps, je suis étonné qu’il n’y ait pas eu débat sur le sujet.
Nous n’exigeons même pas de conditions de ressources. Vous pressentez, monsieur de Legge, que ce droit nouveau puisse être complexe dans son application ; j’ai justement souhaité, au moins, que n’importe quel élu de la République puisse se faire rembourser ses frais de garde, selon les modalités indiquées dans le projet de loi.
Nous partons donc sur un dispositif le plus universel possible et – je ne suis pas têtu – s’il faut l’adapter l’année prochaine, en loi de finances ou par d’autres truchements, pour nous assurer que le taux de recours est le bon, nous le ferons.
Vous pouvez donc retirer votre amendement.
M. Dominique de Legge. Dans ces conditions, je retire mon amendement, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 103 est retiré.
Je mets aux voix l’article 27.
(L’article 27 est adopté.)
Demande de priorité
M. le président. Conformément à l’article 44, alinéa 6, du règlement, le Gouvernement demande la priorité sur l’amendement n° 985, afin qu’il soit examiné après l’article 27.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Favorable.
M. le président. L’amendement n° 985, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 28 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au second alinéa de l’article L. 821-3 du code de la sécurité sociale après les mots : « en milieu ordinaire de travail » sont insérés les mots : « et les indemnités de fonction des élus locaux ».
La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées. Je suis heureuse d’être parmi vous ce soir, mesdames, messieurs les sénateurs, pour évoquer ce sujet si important de la participation des personnes en situation de handicap à la vie publique.
Tout d’abord, permettez-moi de saluer l’effort collectif qui a été fait, le Gouvernement ayant levé l’irrecevabilité pour la mesure concernant les remboursements de frais du sénateur Kerrouche. Cela montre bien que nous sommes tous concernés, tous mobilisés.
Comme vous le savez, je suis moi-même particulièrement mobilisée sur le sujet. À l’occasion des débats qui se sont tenus hier soir, vous avez légitimement posé la question du traitement des indemnités de fonction dans le calcul de l’allocation aux adultes handicapés.
Quelques mots sur l’AAH, tout d’abord.
Cette allocation concerne aujourd’hui 1,2 million de bénéficiaires, soit 1,7 million de personnes couvertes si l’on prend les conjoints et les enfants en compte.
Ce minimum social, témoin de la solidarité nationale, a d’ailleurs été fortement revalorisé. Alors qu’il s’élevait à 819 euros en début de quinquennat, il a fait l’objet de deux revalorisations exceptionnelles. Le dernier décret de revalorisation, paru le 11 octobre, porte son montant à 900 euros. Cela représente un effort de plus de 2 milliards d’euros sur le quinquennat et, pour 90 % des bénéficiaires, plus de 80 euros d’augmentation par mois, soit une hausse de 11 %.
S’agissant du lien entre allocation aux adultes handicapés et indemnités d’élu, comme vous le savez, ces dernières se décomposent en deux parties.
La fraction représentative des frais d’emploi est destinée à couvrir les frais nécessaires à l’exercice des fonctions des élus locaux, équivalant à une forme de dédommagement. Cette partie est exclue du calcul de l’AAH, comme de celui de l’ensemble des prestations sociales, depuis l’adoption de la loi du 31 mars 2015 visant à faciliter l’exercice, par les élus locaux, de leur mandat.
L’indemnité de fonction, quant à elle, est soumise à l’impôt sur le revenu. Elle est prise en compte pour le calcul de l’allocation aux adultes handicapés.
Nous avons un objectif commun : faciliter l’accès des personnes en situation de handicap, notamment des bénéficiaires de l’AAH, à des fonctions électives. Aussi nous proposons, par le présent amendement du Gouvernement, d’inscrire dans la loi le principe d’une prise en compte spécifique des indemnités de fonction des élus locaux pour le calcul de l’AAH.
Il serait précisé, à l’article L. 821-3 du code de la sécurité sociale, que les indemnités de fonction des élus locaux sont en partie exclues du montant des ressources servant au calcul de l’allocation, selon des modalités fixées par décret.
L’inscription au niveau législatif de ce principe permettra de garantir un traitement avantageux pour ces indemnités. Les nouveaux élus locaux, par ailleurs bénéficiaires de l’AAH et ne percevant pas d’autres revenus d’activité, pourront ainsi être assurés de les cumuler intégralement avec leur allocation pendant une période de six mois.
M. Loïc Hervé. Très bien !
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État. Ils bénéficieront ensuite d’abattements spécifiques, permettant de prendre en compte leur situation.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je partage avec vous cet objectif de soutien aux personnes en situation de handicap, notamment aux bénéficiaires de l’AAH, dans l’accès à des fonctions électives. C’est un devoir commun de favoriser leur participation à la vie sociale. C’est notre responsabilité collective. Nous pouvons encourager cette participation avec ce type d’accompagnement.
Je veillerai à donner des instructions aux caisses d’allocations familiales, les CAF, pour qu’elles s’assurent, elles-mêmes, que ces droits sont bien garantis.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Je vous remercie de nous avoir rejoints, madame la secrétaire d’État. Votre présence dans ce débat était évidemment très attendue, compte tenu de l’importance du sujet que le Gouvernement a accepté de traiter, à la demande du Sénat. Il s’agit effectivement d’un sujet essentiel pour faciliter la participation des personnes handicapées à la vie de la cité, par l’exercice de mandats électifs.
N’ayant pas pu réunir la commission, il m’est difficile de donner son avis. Je vais donc m’exprimer en mon nom personnel et, s’ils le veulent bien, en celui des rapporteurs, puisque nous venons de découvrir cet amendement, qui diffère du nôtre.
Il eût été plus simple, pour nous, de travailler en nous basant sur la rédaction que nous avions proposée. Mais nous souhaitons que cette mesure figure dans le projet de loi. En outre, j’avais indiqué au ministre chargé des collectivités territoriales que nous ne pourrions accepter que le texte quitte le Sénat sans une première forme de traitement de la question dans notre assemblée, compte tenu de l’unanimité qui s’était exprimée sur toutes les travées de celle-ci.
J’émets par conséquent un avis favorable, en mon nom et en celui de mes collègues rapporteurs.
Je souligne que je le donne à titre conservatoire.
Nous devrons tirer parti de la navette pour nous assurer que le dispositif proposé n’est pas une pure et simple transposition du dispositif déjà existant pour toute activité professionnelle reprise par un allocataire de l’AAH – le régime classique que l’on appelle, dans le langage courant, le régime d’« intéressement à la reprise d’activité ». Mais je suppose que l’intention du Gouvernement est bien de mettre en place un dispositif spécifique pour les personnes handicapées accédant à des fonctions électives.
Par ailleurs, nous serons très attentifs à l’appréciation que nous pourrons porter sur le montant de l’abattement, tel que défini par décret. Je comprends d’ailleurs, de la rédaction retenue, que le même décret définira l’abattement pour une reprise d’activité en milieu ordinaire de travail et pour l’exercice d’un mandat local.
Pour nous, il y a bien là une certaine complexité. Je ne pense pas qu’elle cache des difficultés, et je n’ai pas d’a priori négatif à cet égard. Mais vous devez comprendre, monsieur le ministre, madame la secrétaire d’État, que nous avons besoin de travailler avec vous dans la suite de la navette, pour que la commission se sente pleinement à l’aise avec la proposition que vous lui faites.
Sous ces réserves, je veux vous remercier d’avoir pris à cœur cette question. Je crois tout à fait à la sincérité du Gouvernement dans son désir d’améliorer la situation de nos concitoyens handicapés quand ils exercent un mandat municipal.