M. le président. La parole est à M. Éric Kerrouche, sur l’article.
M. Éric Kerrouche. La proposition qui nous est faite est relativement circonscrite. Elle ne concerne que les compétences facultatives, dont le périmètre est par définition limité par comparaison avec celui des compétences structurantes que sont les compétences obligatoires et les compétences optionnelles.
Je pense que la suppression des compétences optionnelles est une hérésie ; elle fait peser un risque fort sur les communes et l’intercommunalité. En revanche, la souplesse proposée pour les compétences facultatives, même si on a du mal à en évaluer les conséquences, me semble ouvrir un volant de différenciation qui pourrait permettre à certaines communes, notamment les plus petites, d’être aidées. Elle peut offrir la possibilité de faire du sur-mesure. Il est exact, monsieur le ministre, que l’on entre déjà ainsi dans une logique de différenciation territoriale. Au regard de l’importance des budgets communautaires, les conséquences financières seront relativement faibles, et, partant, il me semble que c’est un risque à prendre pour mieux répondre à certaines demandes communales. Nous soutiendrons cette mesure.
En revanche, nous sommes totalement hostiles à la remise en cause des compétences optionnelles, qui nous paraît purement démagogique. (Mme le rapporteur s’exclame.)
Enfin, la neutralisation financière prévue à l’article 5 C ne nous semble pas des plus pertinentes.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L’amendement n° 346 est présenté par M. Masson.
L’amendement n° 447 est présenté par MM. de Belenet, Patriat, Amiel, Bargeton et Buis, Mme Cartron, M. Cazeau, Mme Constant, MM. Dennemont, Gattolin, Hassani, Haut, Karam, Lévrier, Marchand, Mohamed Soilihi, Patient et Rambaud, Mme Rauscent, M. Richard, Mme Schillinger, MM. Théophile, Yung et les membres du groupe La République En Marche.
L’amendement n° 827 est présenté par le Gouvernement.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
L’amendement n° 346 n’est pas soutenu.
La parole est à M. Arnaud de Belenet, pour présenter l’amendement n° 447.
M. Arnaud de Belenet. En matière de liberté et de différenciation, un certain nombre de dispositifs existent déjà. Ils sont souvent méconnus et certainement sous-utilisés. La définition de l’intérêt communautaire n’est pas toujours appropriée quand elle est prévue par les textes. Un certain nombre de dispositifs de mutualisation, comme le service commun, permettent aux communes de travailler ensemble, avec ou sans l’EPCI.
Dans les mécanismes de type service commun, le lien entre le financeur et le bénéficiaire est très précisément identifié. Le texte issu des travaux de la commission pose problème en termes d’égalité des contribuables face aux charges publiques. Optimisons, valorisons et faisons connaître les outils qui existent !
M. le président. La parole est à M. le ministre, pour présenter l’amendement n° 827.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. J’appuierai mon propos sur un exemple non pas ardéchois, mais normand. (Exclamations amusées.)
Dans le cadre de l’élaboration des deux rapports que j’ai remis sur le sujet au nom de la commission des lois, j’ai eu l’occasion d’étudier une problématique née de la loi NOTRe : celle des compétences dites « orphelines », ces compétences que personne ne voulait reprendre lors des mariages d’ensembles intercommunaux.
Dans le Calvados, une communauté urbaine est née de la fusion d’une communauté d’agglomération de moins de 250 000 habitants et d’une petite communauté de communes, située entre Mue et Thue. Or celle-ci avait fait le choix d’exercer de nombreuses compétences facultatives, par exemple en matière périscolaire. Le préfet du département, que nous avons rencontré, nous a indiqué très clairement qu’il n’y avait que deux solutions : recréer un syndicat pour exercer les compétences orphelines – cela ne me semble pas vraiment correspondre aux objectifs de la loi NOTRe – ou transformer la communauté de communes en commune nouvelle… Cela étant, ce peut être une bonne idée, chère Françoise Gatel. (Sourires.)
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Oui, mais nous ne l’imposons pas !
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. J’ai évoqué un cas particulier, mais les exemples sont légion. Dans une telle situation, monsieur de Belenet, on se trouve dans une impasse.
À mon sens, le transfert à la carte de compétences facultatives introduira de la souplesse et permettra de traiter ce type de problèmes, qui émergeront aussi demain, quand d’autres fusions ou défusions interviendront. La souplesse que nous proposons d’instaurer est très intéressante, car elle permet d’apporter des réponses très concrètes.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur ces amendements identiques.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 447 et 827.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 864 rectifié bis, présenté par M. Louault, Mmes Perrot et Vermeillet, M. Canevet, Mme Sollogoub, M. Moga et Mme Vullien, est ainsi libellé :
Au début
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Au premier alinéa de l’article L. 1321-1 du code général des collectivités territoriales, les mots : « de plein droit » sont supprimés.
L’amendement n° 865 rectifié bis, présenté par MM. Louault et Canevet, Mmes Perrot, Vermeillet et Sollogoub, M. Moga et Mme Vullien, est ainsi libellé :
Au début
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
…. – Au premier alinéa de l’article L. 1321-1 du code général des collectivités territoriales, après le mot : « bénéficiaire », sont insérés les mots : « de tout ou partie ».
L’amendement n° 863 rectifié bis, présenté par M. Louault, Mme Perrot, M. Canevet, Mmes Vermeillet et Sollogoub, M. Moga et Mme Vullien, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Remplacer les mots :
à l’ensemble des biens
par les mots :
à tout ou partie de l’ensemble des biens
La parole est à Mme Nadia Sollogoub, pour présenter ces trois amendements.
Mme Nadia Sollogoub. Il s’agit en quelque sorte d’amendements de cohérence. Le maintien du principe de « sécabilité » des compétences impose d’adapter les termes du texte.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Ces amendements, notamment l’amendement n° 865 rectifié bis et l’amendement n° 863 rectifié bis, nous semblent satisfaits. La commission en sollicite donc le retrait, faute de quoi l’avis serait défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Sollogoub, les amendements nos 864 rectifié bis, 865 rectifié bis et 863 rectifié bis sont-ils maintenus ?
Mme Nadia Sollogoub. Non, je les retire, monsieur le président.
M. le président. Les amendements nos 864 rectifié bis, 865 rectifié bis et 863 rectifié bis sont retirés.
La parole est à Mme le rapporteur.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Monsieur le ministre, depuis le début de nos travaux, vous insistez sur l’impérieuse nécessité de la liberté.
Partant de ce principe, nous traitons aussi les irritants de la loi NOTRe. Ils tiennent parfois à la constitution d’intercommunalités à marche forcée, aboutissant à des ensembles très vastes, très hétérogènes, regroupant parfois des communautés de communes qui exerçaient des compétences de proximité.
La liberté que nous demandons, ce n’est pas open bar ! C’est une liberté extrêmement contrôlée et responsable. Il ne s’agit que de compétences facultatives. L’intercommunalité peut composer sa liste de compétences facultatives à la carte selon un principe de différenciation, mais le conseil communautaire doit déterminer les conditions de leur exercice et toutes les communes membres doivent délibérer et signifier ou pas leur accord ou pas. C’est donc bien une liberté sous contrôle, exercée de manière responsable.
Je rebondirai enfin sur les propos tenus tout à l’heure par notre collègue Jean-Marc Gabouty. D’un côté, on nous répète que la liberté est quelque chose d’extraordinaire. De l’autre, à la manière du père Fouettard, on nous enjoint de faire attention, car nous risquons, en mettant en œuvre cette liberté, d’être rattrapés par le coefficient d’intégration fiscale. Autrement dit, nous avons le droit de faire, mais nous ne pouvons pas faire !
Monsieur le ministre, on a créé un système fiscal…
Mme Françoise Gatel, rapporteur. … qui répondait sans doute à des nécessités. Depuis, l’intercommunalité a profondément évolué. Le niveau d’intégration actuel me semble maximal. Ne croyez-vous pas que, pour permettre l’exercice de la liberté que vous nous offrez et que vous nous encouragez à prendre, il conviendrait de revoir les règles de fonctionnement du CIF, afin d’éviter les dégâts collatéraux pour les autres intercommunalités ?
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote sur l’article.
Mme Cécile Cukierman. Nous voterons cet article. Depuis le début de cette discussion, nous défendons la liberté communale, et nous continuerons de le faire.
Madame la rapporteure, ce à quoi nous nous attaquons au travers de cet article et des suivants, c’est, je le crois, plus qu’un irritant de la loi NOTRe. Il s’agit non d’un simple ajustement, mais d’une nouvelle vision de la place des communes et de l’intercommunalité. Il importe moins de savoir par quels moyens les élus locaux recevront l’information de l’intercommunalité que de leur redonner la capacité d’agir pour répondre aux besoins de la population. À cet égard, le présent article me semble aller dans la bonne direction. Nous tenons à souligner la qualité du travail de la commission des lois.
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Merci, ma chère collègue !
M. le président. Je mets aux voix l’article 5 A.
(L’article 5 A est adopté.)
Article 5 B (nouveau)
I. – Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° La sous-section 1 de la section 5 du chapitre Ier du titre Ier du livre II de la cinquième partie est complétée par un article L. 5211-17-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 5211-17-2. – Les compétences exercées par un établissement public de coopération intercommunale dont le transfert à ce dernier n’est pas prévu par la loi ou par la décision institutive peuvent, à tout moment, être restituées à chacune de ses communes membres.
« Cette restitution est décidée par délibérations concordantes de l’organe délibérant de l’établissement et des conseils municipaux des communes membres se prononçant dans les conditions de majorité requises pour la création de l’établissement. Le conseil municipal de chaque commune membre dispose d’un délai de trois mois, à compter de la notification au maire de la commune de la délibération de l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale, pour se prononcer sur la restitution proposée. À défaut de délibération dans ce délai, sa décision est réputée défavorable.
« Pour les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre additionnelle, la délibération de l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale mentionnée au deuxième alinéa définit le coût des dépenses liées aux compétences restituées ainsi que les taux représentatifs de ce coût pour l’établissement public de coopération intercommunale et chacune de ses communes membres dans les conditions prévues au 4 du 3° du B du III de l’article 85 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006.
« La restitution de compétences est prononcée par arrêté du ou des représentants de l’État dans le ou les départements intéressés. » ;
2° Au troisième alinéa du III de l’article L. 5211-41-3, après la référence : « L. 5216-5, », sont insérés les mots : « et par dérogation à l’article L. 5211-17-2, ».
II. – À l’avant-dernier alinéa du 4 du 3° du B du III de l’article 85 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006, la référence : « L. 5211-17 » est remplacée par la référence : « L. 5211-17-2 ».
M. le président. L’amendement n° 347 n’est pas soutenu.
Je mets aux voix l’article 5 B.
(L’article 5 B est adopté.)
Article 5 C (nouveau)
L’article L. 5211-28 du code général des collectivités territoriales est complété par un V ainsi rédigé :
« V. – Pour tout établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, il est déterminé un coefficient de référence égal :
« 1° Si l’établissement a été créé antérieurement au 1er janvier 2020, au coefficient d’intégration fiscale de cet établissement pris en compte au titre de l’exercice 2019 ;
« 2° Si l’établissement a été créé à compter du 1er janvier 2020, au coefficient d’intégration fiscale de cet établissement pris en compte au titre du premier exercice suivant sa création.
« Dans le cas où le coefficient d’intégration fiscale d’un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre pris en compte au titre de l’année de répartition est inférieur à son coefficient de référence, la différence entre le montant de la dotation d’intercommunalité qu’aurait perçue l’établissement au titre de l’année de répartition si son coefficient d’intégration fiscale était resté égal au coefficient de référence, en application des 1° à 4° du IV, et le montant effectivement perçu est attribuée à ses communes membres sous la forme d’une dotation de consolidation, répartie entre elles au prorata de leur population telle que définie à l’article L. 2334-2. Le montant de cette dotation de consolidation est prélevé sur le montant total de la dotation d’intercommunalité. »
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.
L’amendement n° 348 est présenté par M. Masson.
L’amendement n° 448 est présenté par MM. de Belenet, Patriat et les membres du groupe La République En Marche.
L’amendement n° 569 est présenté par MM. Kerrouche, Marie et Durain.
L’amendement n° 828 est présenté par le Gouvernement.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
L’amendement n° 348 n’est pas soutenu.
La parole est à M. François Patriat, pour présenter l’amendement n° 448.
M. le président. La parole est à M. Didier Marie, pour présenter l’amendement n° 569.
M. Didier Marie. L’article 5 C prévoit que, en cas de restitution de compétences par les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre à leurs communes membres, la baisse de la dotation d’intercommunalité versée à l’établissement, conséquence de la diminution de son coefficient d’intégration fiscale, sera compensée à due concurrence par une dotation de consolidation répartie entre ses communes membres au prorata de leur population dite « DGF ».
Le droit actuel nous paraît pourtant clair en matière de transfert ou de restitution de compétences, puisqu’il dispose que les attributions de compensation doivent être modifiées après intervention de la commission locale d’évaluation des charges transférées lorsque l’EPCI à fiscalité propre est doté de la fiscalité professionnelle unique. Lorsqu’il est soumis au régime de la fiscalité additionnelle, les élus sont amenés à revoir les taux d’imposition communaux et intercommunaux en conséquence. Le financement des transferts ou restitutions de compétences est donc déjà assuré.
Pour sa part, la dotation d’intercommunalité n’a jamais eu pour objet de financer l’exercice des compétences transférées à l’EPCI à fiscalité propre. Elle visait à encourager le développement de politiques publiques intercommunales supplémentaires, sans lien avec les transferts de compétences.
Le mécanisme institué au travers de cet article nous paraît donc injustifié. C’est pourquoi le présent amendement vise à le supprimer.
M. le président. La parole est à M. le ministre, pour présenter l’amendement n° 828.
M. Sébastien Lecornu, ministre. Je vais profiter de l’occasion pour répondre à Mme Gatel.
J’ai montré ma curiosité bienveillante à l’égard des évolutions projetées par le Sénat en matière d’intercommunalité, mais je tiens à rétablir quelques vérités sur les questions financières, pour éviter que n’apparaissent des contradictions importantes entre les travaux de la commission des lois et ceux menés par la commission des finances dans le cadre de l’examen des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ».
J’imagine que le Sénat rejettera cet amendement, mais je le présente aussi pour que tout le monde assume véritablement ses choix. En commençant à figer le CIF comme le prévoit le texte de la commission, on réforme la DGF par petits bouts.
La commission entend protéger les intercommunalités qui feront redescendre des compétences et qui, ipso facto, se désintégreront juridiquement et financièrement parlant. Dans le même temps, le CIF des intercommunalités qui voudront renforcer l’intégration en prenant des compétences supplémentaires va progresser. Qui financera ?
Mme Françoise Gatel, rapporteur. Tout le monde !
M. Sébastien Lecornu, ministre. Non, madame Gatel, pas tout le monde ! Uniquement les EPCI qui décideront de ne pas bouger ! (M. Didier Marie approuve.) Je vous invite à bien y réfléchir et à assumer vos choix. Je suis incollable sur ces questions, c’est mon cœur de métier ! (Exclamations amusées.)
Je ne suis pas, tant s’en faut, le porte-parole de l’Assemblée des communautés de France, l’AdCF, mais vous instaurez une forme de prime à la désintégration. C’est peut-être ce que vous souhaitez faire, pourquoi pas, mais, dans vos territoires, vous devrez en répondre devant les élus, qui sont aussi vos grands électeurs. Les intercommunalités qui voudront prendre une compétence supplémentaire verront leur CIF augmenter et, puisque vous avez décidé de protéger les EPCI qui feront redescendre des compétences, ce sont celles qui auront décidé de ne pas bouger qui paieront la facture au travers de la diminution de leur dotation d’intercommunalité. Tel est le dispositif retenu par la commission des lois ; je ne peux pas y être favorable.
Je vous le dis tout net, lorsque des présidents d’intercommunalité et des maires m’écriront pour me demander pourquoi leur dotation d’intercommunalité diminue, je renverrai au vote du Sénat. À cet égard, je regrette que nous ne soyons pas très nombreux dans cet hémicycle pour débattre de dispositions qui auront des incidences financières très importantes et très graves pour les intercommunalités. Quand nous procéderons aux notifications de dotations d’intercommunalité à l’avenir, je veux que tous les destinataires sachent bien que c’est le Sénat qui aura permis les évolutions constatées… (Mme le rapporteur s’exclame.)
M. Marie a raison : le CIF n’est pas un moyen financier d’exercer la compétence ; c’est l’attribution de compensation qui permet de le faire.
M. Didier Marie. Bien sûr !
M. Sébastien Lecornu, ministre. Il faut le redire.
Enfin, je voudrais savoir pourquoi la commission a choisi 2019 comme année de référence. Ce choix me semble un peu curieux et créera des injustices. Il faudra l’expliquer à tous ceux qui ont déjà commencé à bouger.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Nous pourrions débattre du sujet pendant des heures. D’ailleurs, ce sera peut-être le cas…
Monsieur le ministre, vous nous dites que nous réformons la DGF par petits bouts. Je vous répondrai avec une pointe d’ironie : a-t-on jamais réussi à la réformer de manière globale ? (Sourires.)
M. Philippe Dallier. On a essayé, on a renoncé !
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Je suis tout à fait prêt à parler avec vous des injustices en matière de dotations d’intercommunalité et des effets induits du CIF, surtout si l’on s’intéresse aux communautés de communes, notamment aux plus rurales !
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. Partiellement seulement ! Nombre de présidents de communauté de communes n’ont pas vu les effets de la réforme de la dotation d’intercommunalité. Je vous invite à les rencontrer. Nous étions d’ailleurs tombés d’accord sur un constat : il faut réformer le CIF dans son ensemble.
Vous avez évoqué l’AdCF et la désintégration. Quelle est la commune de France qui a donné le ton en la matière ? Annecy, dont le maire préside l’AdCF…
Nous avons la volonté d’avancer sur ces questions. Pourquoi avoir choisi 2019 ? Il faut bien une année de référence. Je crois sincèrement qu’il faut réfléchir à l’architecture institutionnelle et que nous pouvons converger sur ce sujet. Encore une fois, au-delà des questions financières, qu’il faut évidemment traiter, le plus important est que l’intercommunalité soit utile pour l’avenir de nos territoires et que nos concitoyens acceptent le fait intercommunal.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour explication de vote.
M. Jean-Marc Gabouty. Je suis ravi qu’Arnaud de Belenet se soit déclaré tout à l’heure attaché au principe de subsidiarité, mais il a dit aussi craindre pour le processus d’intégration communautaire : cela me semble légèrement contradictoire, car la subsidiarité ne supporte pas toujours l’intégration communautaire !
Concernant le CIF et la DGF bonifiée, il s’agit tout de même d’un meccano fiscal datant de la fin des années quatre-vingt-dix, qui a fait suite à la loi Chevènement et reste en vigueur dans ses grandes lignes. Il faudra bien le revoir un jour.
À l’époque, la Cour des comptes avait estimé qu’il fallait calculer la DGF au niveau intercommunal. Cette proposition mérite peut-être réflexion, même si elle n’avait pas été très bien reçue par les élus. Il me semble que l’on devrait effectivement instaurer une DGF intercommunale regroupant les DGF des communes, la dotation d’intercommunalité et l’ensemble des financements d’État, mais la répartition entre l’intercommunalité et les communes devrait être faite par l’État. Ce mode de calcul de la DGF permettrait à mon avis de gommer en partie les écarts entre EPCI en matière de répartition des compétences. Nous pourrions peut-être essayer d’œuvrer dans cette voie, monsieur le ministre.
M. le président. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour explication de vote.
M. Éric Kerrouche. Les dispositifs des articles 5 A et 5 B sont plutôt intéressants, mais pas celui de l’article 5 C. Je partage pleinement l’avis de M. le ministre sur ce point : ce n’est pas sérieux ! En effet, l’article 5 C adresse vraiment un mauvais signal en garantissant une stabilité de ressources aux intercommunalités qui transféreraient des compétences aux communes et réduiraient ainsi leur niveau d’intégration. Cela va à rebours de ce qui se pratique actuellement ; c’est un coup de canif assez fort porté au mouvement vers l’intégration communautaire.
M. le président. La parole est à M. Didier Marie, pour explication de vote.
M. Didier Marie. Je serai plus sévère encore que mon ami et collègue Éric Kerrouche. Prévoir que les communes pourront faire remonter des compétences à l’intercommunalité, ce qui peut paraître de bonne politique, et que, inversement, l’intercommunalité pourra en faire redescendre aux communes peut relever d’une certaine forme de simplification, sur la base d’accords locaux. Toutefois, on neutralise les effets financiers d’une réduction du niveau d’intégration et on élargit le champ des compétences qui pourront redescendre aux communes, en rendant les compétences optionnelles facultatives. On ouvre donc la porte à un possible détricotage de grande ampleur de l’intercommunalité !
C’est la raison pour laquelle si je me suis abstenu sur l’article 5A, je suis totalement opposé à l’article 5C. On voit bien quels risques son dispositif présente pour l’intercommunalité.
M. le président. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.
Mme Cécile Cukierman. Nous voterons l’article 5C, dans la logique de nos votes sur les précédents articles.
Votre réaction me surprend, monsieur le ministre. Si l’on s’est fixé un objectif politique et que les outils pour l’atteindre ne fonctionnent pas, il faut les modifier. On ne peut pas menacer le Sénat, comme vous l’avez fait, parce qu’il est susceptible d’adopter une disposition qui vise simplement à redonner du pouvoir aux communes au sein des intercommunalités, ce que tout le monde appelle de ses vœux depuis trois jours.
Je ne reviendrai pas sur la possibilité de mener une véritable refonte de la fiscalité locale, mais j’ai relevé, lors de la discussion générale, qu’un certain nombre de dispositions de ce texte relevaient déjà de ce débat, que nous poursuivrons demain à l’occasion de l’examen d’autres textes, à commencer par le projet de loi de finances.
Il y a certes un principe de liberté, mais les outils destinés à le mettre en œuvre imposent en réalité des contraintes très fortes. Par exemple, les élus sont libres de créer ou non un regroupement pédagogique intercommunal, mais on leur donne parfois à entendre que, s’ils constituent une commune nouvelle, il n’y aura pas de suppressions de postes… On voit donc que la liberté de l’élu est assez contrainte par le discours de l’État.
M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue !
Mme Cécile Cukierman. Les propos menaçants que vous avez tenus en évoquant cet article ne sont pas bienvenus, monsieur le ministre.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Sébastien Lecornu, ministre. Madame la sénatrice Cukierman, l’article 5A, c’est la liberté. Le Gouvernement a présenté un amendement de suppression pour permettre le débat et je ne crois pas avoir été particulièrement vindicatif en le défendant.
L’article 5C, comme l’ont dit MM. Kerrouche et Marie, pose la question de la responsabilité du Parlement quant à l’impact budgétaire de ses choix. Ainsi rédigée, la disposition est injuste. Vous qui êtes attachée à la justice, madame la sénatrice, n’êtes-vous pas choquée qu’une intercommunalité qui déciderait de ne rien faire – n’est-ce pas la plus belle des libertés ? (Sourires.) – puisse voir sa dotation d’intercommunalité diminuer ? Je ne vois pas en quoi un tel mécanisme serait juste. Il s’agit aussi d’être cohérents : depuis trois jours, on n’a de cesse de regretter que la loi NOTRe ait créé de l’instabilité. Or, avec le dispositif de cet article, les conseils communautaires qui feront le choix de la stabilité seront pénalisés financièrement parce que l’on aura voulu protéger ceux qui feront redescendre des compétences aux communes : mécaniquement, leur dotation d’intercommunalité diminuera, en conséquence de l’augmentation de celle des EPCI qui choisiront de renforcer leur niveau d’intégration.
Je ne suis nullement dans le registre de la menace, madame Cukierman, mais c’est aussi mon travail de ministre chargé des collectivités territoriales que de porter à la connaissance du Sénat, une assemblée dans laquelle la sagesse est de mise, cet élément factuel important.
Le Sénat est souverain dans son vote, bien entendu, mais il doit assumer les décisions qu’il prend.