Mme Anne-Catherine Loisier. À Biarritz comme à la tribune des Nations unies, le président Macron n’a pas manqué de souligner l’importance de la forêt en matière de lutte contre le réchauffement climatique.
À l’heure où l’Amazonie brûle, les forêts européennes aussi sont en danger et n’ont jamais été autant vulnérables.
Plusieurs effets se conjuguent : sécheresses à répétition, fortes chaleurs, attaques parasitaires, dégâts de gibiers croissants…
Aujourd’hui, plus aucune essence, plus aucun territoire n’est épargné. À ce stade, les dégâts dans les grandes régions forestières se chiffrent à plus de 2 millions de mètres cubes. On prévoit 5 à 6 millions – soit plusieurs années de récoltes – au printemps prochain, car beaucoup d’arbres ne repartiront pas.
À la catastrophe écologique s’ajoute le désastre économique : des communes forestières privées de recettes, des marchés saturés, des prix qui chutent et, demain, des trous de production qui ne permettront plus d’alimenter les besoins en constructions ou en charpentes.
Le risque incendie s’intensifie lui aussi et se répand, menaçant des régions situées beaucoup plus au nord.
Face à ces réalités liées au changement climatique qui s’accélère, il nous faut, dès à présent, adapter nos forêts : privilégier des essences plus résistantes, plus sobres en eau, diversifier et mélanger nos essences.
L’Allemagne mobilise 800 millions d’euros pour soutenir sa filière et plante 300 millions d’arbres. La Pologne s’est engagée sur 1 milliard de plants, quand la France en est à 70 millions.
Ces pays ont bien compris l’enjeu d’une forêt renouvelée, productrice de bois d’œuvre et de puits de carbone.
Le Gouvernement français tarde à s’emparer de ce sujet.
Voilà des mois que les forestiers tentent de récolter et de transformer les arbres qui peuvent encore l’être. C’est une course contre la montre pour essayer d’endiguer la propagation des parasites, chercher des débouchés.
Pour cela, il faut un accompagnement public, de l’ingénierie sur les territoires, afin de conseiller les propriétaires.
Une forêt qui sert les intérêts à la fois environnementaux, économiques et sociétaux, mais une forêt qui n’est toujours pas reconnue pour ses bienfaits !
Monsieur le ministre, à quand une valorisation des forêts et du matériau bois, puits de carbone ? À quand un plan d’adaptation aux changements climatiques pour renouveler nos essences ?
M. le président. Il faut conclure !
Mme Anne-Catherine Loisier. À quand un plan d’adaptation pour assurer nos capacités de demain ? À quand un ONF restructuré pour tracer la voie ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées des groupes RDSE et Les Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
M. Didier Guillaume, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Madame la sénatrice, merci pour votre question. Hier, nous avons passé ensemble une grande partie de la journée à l’occasion du comité stratégique bois énergie ; nous étions accompagnés par Daniel Gremillet et une centaine d’autres personnes. Il s’agissait de tracer les perspectives de la forêt française, notamment le programme national de la forêt et du bois. Vous y avez participé, madame la sénatrice, puisque vous êtes présidente d’un comité stratégique. Si nous étions ensemble, c’était pour regarder ce que va devenir la forêt française dans les années à venir. Oui, nous examinons ce qui se passe dans cette forêt !
Il y a deux problèmes, que vous connaissez bien mieux que moi, madame la sénatrice.
D’abord, le problème parasitaire, avec les scolytes, auquel nous essayons de répondre. Nous venons de mettre 16 millions d’euros en argent sonnant et trébuchant sur la table pour aider la filière, qui l’a très bien accepté hier, nous en avons parlé ensemble.
Ensuite, il y a le problème plus structurel du devenir de cette forêt avec le réchauffement climatique, avec sa dégénérescence, sujet sur lequel vous avez beaucoup travaillé. Nous devons repenser la forêt française. Le risque, c’est qu’elle disparaisse faute d’être résiliente.
Aussi, dans le cadre du programme national de la forêt et du bois 2016-2026, avec toute la filière d’amont en aval, nous réfléchissons sur ce que devront être, demain, les essences et sur la future organisation de la filière, afin que cette forêt soit régénérée. C’est la raison pour laquelle, dans les jours qui viennent, une nouvelle organisation de l’ONF va être mise en place. Il est absolument indispensable qu’un travail soit engagé entre l’ONF, les propriétaires privés et les communes forestières.
Madame la sénatrice, vous le savez aussi – je le dis très tranquillement –, nous ne pouvons pas continuer avec une filière forêt-bois d’amont en aval aussi déstructurée, dépourvue de toute contractualisation et de tout travail commun.
Aujourd’hui, nous importons du bois de pays étrangers, par exemple, de Slovénie.
M. Jean Bizet. C’est vrai !
M. Didier Guillaume, ministre. Ce n’est pas possible ! Cette restructuration, que j’appelle de mes vœux, faisons-la ensemble ! (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM, ainsi que sur des travées du groupe RDSE. – M. Jean Bizet approuve.)
malaise dans l’éducation nationale
M. le président. La parole est à M. Olivier Paccaud, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Olivier Paccaud. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
Monsieur le ministre, le 21 septembre dernier, dans le huis clos de son école vide, à Pantin, une directrice se donnait la mort. Elle s’appelait Christine Renon. Elle avait cinquante-huit ans.
Le même jour, à Nice, à son domicile, un professeur de biologie disait adieu à la vie. Il s’appelait Frédéric Boulé. Il avait, lui aussi, cinquante-huit ans.
Chaque semaine, la liste des fonctionnaires qui se suicident s’allonge : policiers, soignants, enseignants. Ils se suicident parce qu’ils sont à bout, épuisés ; parce qu’ils se sentent de moins en moins considérés ; parce qu’ils sont mal payés ; parce qu’ils sont parfois insultés, agressés ; parce qu’ils sont stigmatisés, enfin, alors qu’ils sont tout sauf des privilégiés, comme nos amis agriculteurs.
Si chaque suicide garde une part de mystère, Christine Renon n’est pas partie dans le silence : elle a laissé une lettre à ses collègues, un appel à ouvrir les yeux. Je n’en lirai qu’une phrase : « Je dois dire aussi que je n’ai pas confiance au soutien et à la protection que devrait nous apporter notre institution. » (M. Pierre-Yves Collombat applaudit.)
Depuis des années, dans l’éducation nationale, les réformes se succèdent, s’accumulent. Pourtant, le malaise persiste et même empire. La confiance dont parlait Christine Renon et qui ornait le titre de votre loi, monsieur le ministre, est rompue.
Je sais votre attachement aux professeurs. Mais que répondez-vous à ces directeurs et enseignants en souffrance, qui se plaignent de ne pas être écoutés et de voir toutes ces réformes élaborées sans leur accord, tandis que l’école est le réceptacle de tous les maux de la société ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi que sur des travées des groupes SOCR et CRCE.)
M. Ladislas Poniatowski. Excellent !
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse. Monsieur le sénateur Paccaud, votre question est très importante. Vous faites référence à un événement dramatique, le suicide d’une directrice d’école. J’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer sur ce drame. Bien entendu, c’est la société tout entière qui doit être derrière son école dans de telles circonstances.
D’après les éléments dont je dispose, on ne constate pas d’augmentation du nombre de suicides dans l’éducation nationale. (Protestations sur les travées du groupe CRCE.) Il ne faut donc pas, à mon sens, faire de généralités à partir des faits que vous avez évoqués. (Nouvelles protestations sur des travées des groupes CRCE et SOCR.)
De toute façon, un comité technique se réunira au ministère de l’éducation nationale, afin d’établir la réalité des chiffres sur cette question. Il faut donc à la fois soutenir les directeurs d’école et s’abstenir de généraliser comme vous l’avez fait dans votre question.
Je rappellerai que cette assemblée a voté à l’unanimité l’abaissement à trois ans de l’âge de l’instruction obligatoire. C’est une réforme importante de l’école primaire. On ne peut en aucun cas affirmer qu’une telle réforme fait peser une pression intolérable sur le système éducatif.
M. Bruno Retailleau. C’est une réforme pour rien !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Il est donc inutile, selon moi, d’amalgamer des problèmes sans rapport les uns avec les autres. (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)
M. Pierre-Yves Collombat. Il ne répond pas !
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. Concernant la direction d’école, j’ai déjà eu l’occasion de déclarer que ce problème devait recevoir une solution. Nous en avons débattu dans cet hémicycle. Un rapport a été remis par vos collègues Max Brisson et Françoise Laborde ; il sera une référence importante pour l’avenir.
J’ai donc pu déclarer tant aux organisations syndicales qu’à la représentation nationale que nous allions travailler sur cette question au cours des prochaines semaines. J’espère pouvoir faire émerger un consensus sur ce sujet, qui n’a pas été consensuel par le passé, de manière à faire évoluer le statut et les fonctions des directeurs d’école, mais aussi l’aide à laquelle ils ont droit.
J’observe que, en plusieurs décennies d’existence, ce problème n’a pas reçu de solution. Nous allons, pour notre part, travailler à en apporter une. Nous devons le faire avec humilité et humanité, en conservant le sens de l’intérêt général, car toute la société française doit être derrière son école. C’est pourquoi nous devons faire montre de solidarité non seulement avec les proches de Christine Renon, mais aussi de manière plus générale, afin de répondre à ces problèmes. Nous le ferons ; le processus est déjà engagé ! (Applaudissements sur des travées du groupe LaREM. – Protestations sur les travées du groupe CRCE.)
M. Pierre-Yves Collombat. Du baratin !
M. le président. La parole est à M. Olivier Paccaud, pour la réplique. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. Olivier Paccaud. Ne nions pas la souffrance qui s’exprime dans le monde enseignant ! Ce que demandent directeurs et enseignants, monsieur le ministre, c’est d’être mieux protégés et soutenus lorsque leur autorité est contestée par certains parents et élèves. C’est aussi d’être mieux payés : moins de 2 000 euros par mois après cinq ans d’études supérieures et vingt ans de carrière, pour un professeur des écoles, telle est la réalité ! C’est aussi, tout simplement, de pouvoir transmettre leur savoir aux élèves au lieu de devoir transmettre des statistiques et des rapports à leur hiérarchie, qui les harcèle sans plus les comprendre ! (Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit.)
Ce mal-être de notre école n’est pas anecdotique. Si nos enseignants ne sont plus les hussards noirs conquérants du temps de Jules Ferry, ils demeurent les piliers de la République. Lorsqu’ils vacillent, c’est la France qui est en danger ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi que sur des travées des groupes RDSE, SOCR et CRCE.)
situation en algérie
M. le président. La parole est à M. Olivier Léonhardt, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.)
M. Olivier Léonhardt. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre ; je souhaite y associer ma collègue Laurence Rossignol.
Depuis plusieurs mois, le peuple algérien se mobilise massivement, chaque semaine, de manière exemplaire et pacifique, dans les plus petits villages comme dans les grandes villes, pour conquérir sa liberté.
Si personne ne demande à la France d’agir en lieu et place de la société algérienne, le silence du Gouvernement sur ces événements est chaque jour plus gênant.
Depuis quelques semaines, un nouveau cap a été franchi par la junte au pouvoir : on relève des arrestations arbitraires et l’incarcération de citoyens algériens qui expriment simplement leur opinion. Des militants associatifs du Rassemblement actions jeunesse ou de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’homme, eux aussi, sont arrêtés.
Certes, chacun connaît les liens de la France avec l’Algérie, notamment en matière de lutte contre le terrorisme ; pour autant, ne laissons pas le cynisme politique l’emporter sur l’honneur de notre pays !
Il est temps de condamner clairement les agissements contre le mouvement démocratique. À la faute morale, n’ajoutons pas une faute politique !
N’oublions jamais que c’est le peuple algérien qui est notre allié, et non la junte en place. Il faut tendre la main au peuple algérien : voilà l’intérêt de la France ! C’est bien le peuple algérien qui sera au pouvoir, tôt ou tard : c’est inéluctable. C’est lui notre partenaire, c’est lui l’avenir !
Ne passons pas du silence gêné au silence coupable !
Alors, monsieur le Premier ministre, ma question est simple : le Gouvernement compte-t-il condamner les arrestations et les incarcérations d’opposants politiques en Algérie ? (Applaudissements sur des travées des groupes RDSE et SOCR. – Mme Christine Prunaud applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères. Monsieur le sénateur Léonhardt, la situation en Algérie est complexe depuis plusieurs mois ; vous l’avez rappelé. Pour remettre les événements dans leur contexte, rappelons la démission du président Bouteflika, suivie de la décision du parlement algérien, réuni en Congrès, de désigner un président par intérim ; on a pu constater que le terme de la période d’intérim prévu par la Constitution algérienne pour l’organisation d’élections présidentielles avait été dépassé le 9 juillet dernier.
Deux voies parallèles continuent de coexister : celle des manifestants, qui expriment une aspiration forte et profonde à ouvrir un nouveau chapitre de l’Algérie, et celle des autorités, qui repose sur la volonté de faire en sorte que la Constitution algérienne puisse s’appliquer en l’état.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Elles sont parallèles, peut-être, mais se valent-elles ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État. Dans ce contexte, le seul souhait de la France est que les Algériens trouvent ensemble les chemins d’une transition démocratique.
C’est ce que nous espérons pour l’Algérie, compte tenu de la densité et de la profondeur des liens humains qui nous rattachent à ce pays. M. Jean-Yves Le Drian a récemment eu l’occasion de le dire à son homologue algérien, M. Sabri Boukadoum, lorsqu’il l’a rencontré à l’Assemblée générale des Nations unies.
Nous avons confiance dans l’esprit de responsabilité, de civisme et de dignité qui prévaut depuis le début des manifestations et qui suscite l’admiration. Nous sommes attentifs à ce que cet esprit puisse continuer à s’exprimer pacifiquement, dans le respect de la liberté d’expression et de manifestation. Il n’y a qu’une solution : le dialogue démocratique. Nous continuerons à nous tenir aux côtés de l’Algérie et des Algériens, dans le respect et l’amitié qui président à nos relations. (Applaudissements sur des travées du groupe LaREM.)
M. le président. La parole est à M. Olivier Léonhardt, pour la réplique.
M. Olivier Léonhardt. Ma question était très simple, monsieur le secrétaire d’État : qu’allez-vous faire pour que ces opposants, ces citoyens algériens, puissent être libérés ? Ils sont aujourd’hui en prison sans aucune raison.
M. le président. Il faut conclure !
M. Olivier Léonhardt. Je compte recevoir une réponse un peu plus précise que celle que vous venez de nous donner. (Applaudissements sur des travées des groupes RDSE, SOCR et CRCE. – M. Jean-Marie Janssens applaudit également.)
conséquence de la sécheresse
M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
M. Franck Montaugé. Monsieur le ministre de l’agriculture et de l’alimentation, au fil des siècles, à mesure que l’agriculture contribuait, par ses évolutions, aux progrès de l’humanité, l’activité des hommes et des femmes qui l’incarnaient a été banalisée et même, petit à petit, dévalorisée, jusqu’à être aujourd’hui vilipendée, stigmatisée, voire incriminée. C’est cette incompréhension que les agriculteurs qui se mobilisent ces jours-ci dénoncent.
Au regard du temps long et des enjeux que nos sociétés doivent relever aujourd’hui dans l’urgence, le malaise qu’éprouvent les agriculteurs s’inscrit en réalité dans une crise de civilisation.
Nous devons tous, collectivement, faire évoluer nos paradigmes, dans l’agriculture, bien sûr, mais aussi dans les transports, le logement, ou encore l’énergie.
S’il y a malaise dans la civilisation – j’estime qu’à bien des égards nous en sommes là –, les agriculteurs ne doivent pas être les boucs émissaires d’une problématique qui concerne en réalité l’entière communauté des citoyens.
Les paysans ne sont pas le problème : ils sont l’une des solutions aux difficultés que nous devons résoudre collectivement et dans l’urgence.
Alors, monsieur le ministre, au vu de ce contexte, quelle est votre stratégie, quel est votre plan d’action ?
Où en êtes-vous de la mise en place des prestations pour services environnementaux, ou PSE, qui permettraient que soit reconnu ce qu’apportent les agriculteurs à la société dans son ensemble, au-delà des biens nourriciers ?
Comment allez-vous compenser la baisse des crédits de la politique agricole commune pour la transition vers le bio, ou pour la compensation des handicaps naturels ?
Qu’envisagez-vous de faire pour la réalisation rapide d’ouvrages hydrauliques ?
Enfin, le constat étant fait que la théorie du ruissellement ne fonctionne pas plus dans l’agriculture qu’ailleurs, comment envisagez-vous de répondre à la question de la revalorisation du revenu agricole, sur lequel la loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine et durable, dite loi Égalim, n’a eu, à ce jour, quasiment aucun effet ? (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR, ainsi que sur des travées des groupes CRCE et Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
M. Didier Guillaume, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Monsieur le sénateur Montaugé, de nouveau, je ne peux qu’être d’accord avec vous quant au constat que vous avez dressé ; c’est le constat que font l’ensemble de vos collègues, sur toutes les travées de cet hémicycle.
Je veux répondre précisément aux questions que vous me posez. Aujourd’hui, la transition agroécologique est indispensable à notre agriculture. Elle devra se faire dans tous les domaines, dans la rotation culturale comme dans le changement des pratiques agraires et des cultures.
Vous m’interrogez sur le bio : jamais autant d’agriculteurs n’ont fait la transition vers l’agriculture biologique que l’année dernière. Ils sont 6 000 de plus ; aujourd’hui, 10 % des agriculteurs de notre pays pratiquent l’agriculture biologique et 7,5 % de la surface agricole utile lui est consacrée. L’objectif est d’y destiner 15 % de la SAU en 2025 : nous nous en rapprochons chaque année et, à l’évidence, nous atteindrons ce seuil !
Mais il faut aller plus loin encore ; pour ce faire, il faut en donner les moyens aux agriculteurs. C’est pourquoi la France se bat bec et ongles pour que le montant du cadre financier de la PAC ne baisse pas. Certes, il diminuera évidemment à due concurrence de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, mais la France n’acceptera pas qu’une autre portion des sommes affectées à la PAC lui soit retirée au profit d’autres politiques. Il est indispensable de conserver le montant actuel de la PAC à « UE-27 », c’est-à-dire sans les Britanniques.
Lundi prochain, lors de la réunion du conseil des ministres européens de l’agriculture à Luxembourg, je porterai au nom de la France un mémorandum relatif à vingt pays européens, demandant que le cadre financier du budget européen de la PAC reste le même.
Pour entrer dans le détail du budget de la PAC, nous souhaitons que le premier pilier reste important. Des aides directes sont en effet nécessaires. En même temps, nous allons faire entrer dans le premier pilier la transition agroécologique, au travers de ce qu’on appelle, dans le patois gersois, l’eco-scheme. (Sourires.) L’eco-scheme devra être obligatoire pour tous les pays de l’Union européenne : nous voulons une PAC intégrée et non 27 PAC différentes.
À l’intérieur du deuxième pilier, les PSE seront évidemment mises en place : un débat s’est déjà tenu au Sénat à ce propos, sur votre initiative. Je n’ai pas changé de perspective sur la question : le Gouvernement veut accompagner la mise en œuvre de ces prestations, et nous le ferons dans le cadre de la prochaine politique agricole commune. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM. – M. Yvon Collin applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Franck Montaugé, pour la réplique.
M. Franck Montaugé. Monsieur le ministre, vous étiez le rapporteur de la loi d’orientation agricole du 13 octobre 2014, qui a donné le la en matière d’agroécologie. Il faut absolument poursuivre dans ce sens, pour l’ensemble des agriculteurs de France. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR.)
conséquence de l’incendie de l’usine lubrizol pour les agriculteurs
M. le président. La parole est à Mme Pascale Gruny, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Pascale Gruny. Monsieur le ministre de l’agriculture, depuis quinze jours, les agriculteurs subissent de plein fouet les conséquences de l’incendie de l’usine Lubrizol à Rouen.
En Normandie et en Picardie, plus de 900 exploitations agricoles sont à l’arrêt. Près de 700 000 litres de lait sont détruits chaque jour, pour un manque à gagner déjà supérieur à 3 millions d’euros.
Les agriculteurs attendent avec impatience et appréhension les résultats des analyses des suies retombées sur les sols. Vous les annoncez pour la fin de semaine, mais pour eux, chaque jour qui passe est un jour de trop !
Plus grave encore, à ce jour, pas un centime ne leur a été versé. Vous comptez faire payer le pollueur, mais en attendant, c’est à la solidarité nationale de prendre le relais.
Monsieur le ministre, cette nouvelle crise intervient alors même que les agriculteurs sont descendus dans la rue, hier, pour crier leur détresse. Au vu des efforts considérables qu’ils ont consentis depuis trente ans pour bâtir une agriculture durable et de qualité, l’agri-bashing qu’ils subissent est insupportable. Ajoutons-y la loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine et durable, dite loi Égalim, qui n’a rien changé à leur situation, vos tergiversations à Bruxelles, qui font craindre pour l’avenir de la PAC, et l’inquiétude dans laquelle vous les avez plongés en signant l’Accord économique et commercial global avec le Canada, ou CETA.
Alors, monsieur le ministre, au vu de tous ces faits, je vous pose cette question simple : y a-t-il quelqu’un dans ce gouvernement qui défende encore nos agriculteurs et qui croie encore en l’agriculture française ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
M. Didier Guillaume, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Madame la sénatrice Gruny, avant de vous répondre précisément, je veux faire une remarque : je crois vraiment que, quand il est question d’agriculture, il faudrait aussi en parler de façon positive, plutôt que de ne parler que de ce qui ne va pas ; ce n’est pas ainsi que nous réussirons ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jean-Paul Émorine. C’est une réalité !
M. Didier Guillaume, ministre. Certes, il y a une réalité ; c’est pourquoi je m’apprête à répondre à la question de Mme Gruny. Cela dit, ce n’est pas en criant avec les loups qu’on règle les problèmes, mais en travaillant sur le terrain. (Protestations.)
C’est la raison pour laquelle, concrètement, le Gouvernement s’est mobilisé immédiatement, avec l’usine Lubrizol, dans une transparence totale. Les agriculteurs ne sont pas responsables de la situation ; ce sont des victimes et c’est en tant que tels qu’ils doivent être indemnisés à 100 % : tel est l’engagement que nous avons pris.
Pour ce faire, premièrement, hier après-midi, les dirigeants de Lubrizol étaient au ministère de l’agriculture et de l’alimentation ; ils ont annoncé qu’ils allaient faire des avances directes aux agriculteurs.
Deuxièmement, concernant la filière laitière, les choses sont déjà claires, comme vous le savez. Nous avons travaillé avec le Cniel, le Centre national interprofessionnel de l’économie laitière : il prendra le relais de ces avances. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Vous savez très bien que l’État ne peut pas verser des chèques à chaque agriculteur tous les jours ! C’est pourquoi les avances vont être faites de la sorte. Nous en sommes convenus avec l’association interprofessionnelle et le président de la chambre d’agriculture. Les choses avancent : le Cniel va faire les avances aux producteurs de lait. On détruit chaque jour pour 400 000 euros de lait ! Vous pensez bien que, plus on ira vite, moins il y aura besoin de dépenser.
Concernant les autres filières agricoles touchées et, notamment, l’arboriculture, nous avons travaillé hier après-midi avec le président de la chambre d’agriculture. Le Premier ministre a demandé à Mme Borne, Mme Buzyn et moi-même d’être présents vendredi. Une cellule de crise se réunit quotidiennement, et nous mettons en place une commission de transparence et de vigilance.
Je l’ai redit hier : tout sera fait le plus rapidement possible pour que les agriculteurs soient indemnisés. J’ai également affirmé, au nom du Gouvernement, qu’il serait inimaginable qu’un seul agriculteur mette la clé sous la porte parce qu’il n’aurait pas eu la trésorerie nécessaire pour surmonter cette crise. Nous ne laisserons pas faire cela : les agriculteurs sont victimes, ils ne sont pas responsables ! (Applaudissements sur des travées du groupe LaREM.)
M. le président. La parole est à Mme Pascale Gruny, pour la réplique.
Mme Pascale Gruny. Nous ne crions pas avec les loups ! Vous avez bien vu, monsieur le ministre, que de toutes nos travées vous sont parvenues des questions relatives à l’agriculture. Il y a le feu !
Chez nous, une crise particulière s’ajoute à la crise générale. Certes, l’interprofessionnelle laitière procédera aux avances, mais ce n’est pas normal.
Je veux encore relayer une question que les agriculteurs se posent. On nous dit que l’usine paiera. Or c’est en vertu du principe de précaution que vous nous avez ordonné d’arrêter les cultures…