M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Corbisez, pour la réplique.
M. Jean-Pierre Corbisez. Nos élus locaux sont déjà bien échaudés par le projet de loi relatif à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique, concernant notamment le financement de la revalorisation de l’indemnité des élus par l’augmentation des impôts locaux. À six mois des élections municipales, le Gouvernement est dans l’obligation d’apporter de vraies réponses juridiques, techniques et financières aux élus locaux ; à défaut, on peut s’attendre à des catastrophes.
M. le président. La parole est à M. Michel Vaspart.
M. Michel Vaspart. Je parle au nom d’Édouard Courtial, qui a rédigé cette intervention.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, chacun garde en mémoire les images terribles de la catastrophe du tunnel du Mont-Blanc qui, le 24 mars 1999, avait suscité une très grande émotion en France, ou celles de l’effondrement du pont Morandi de Gênes, l’année dernière. Hier encore, un pont long de 140 mètres s’est écroulé à Taïwan.
Ces infrastructures sont donc un enjeu majeur de sécurité pour les usagers. Cependant, comme le soulignent Patrick Chaize et Michel Dagbert dans leur excellent rapport, l’état et la gestion de ces ouvrages soulèvent de nombreuses inquiétudes.
Les propositions qu’ils formulent vont indéniablement dans le bon sens ; je pense notamment au constat qu’ils posent d’un besoin urgent d’investissement, compte tenu du vieillissement du patrimoine, mais aussi à l’affirmation de la nécessité de mettre en place une gestion sur le long terme.
De même, l’idée de créer un fonds spécial et de mettre en œuvre une ingénierie à destination des collectivités locales est intéressante, même si certaines de ces dernières ont déjà pris le problème à bras-le-corps. Tel est le cas du conseil départemental de l’Oise, qu’Édouard Courtial a eu l’honneur de présider, et qui a voté en 2017 un plan de 5 millions d’euros par an pendant dix ans dédié au renforcement de la sécurité des 700 ouvrages que compte son territoire et qui sont régulièrement suivis.
Mais ce sujet pose des difficultés pratiques lorsque les ponts enjambent des voies SNCF ou des voies d’eau.
Ces difficultés sont de deux ordres : premièrement, la responsabilité relative à l’entretien voire à la reconstruction de l’ouvrage est souvent confuse ; la seconde difficulté a trait, une fois la responsabilité établie, à l’obtention des autorisations nécessaires pour intervenir, en particulier au-dessus d’une voie d’eau.
Je prendrai rapidement l’exemple du pont Saint-Ladre, à Crépy-en-Valois. Construit en 1929 par la compagnie des chemins de fer, il appartient au gestionnaire de la chaussée, mais son entretien doit être assuré par la SNCF. En 2008, la SNCF inspecte le pont. En 2013, le département intervient auprès de la SNCF pour connaître l’état de la structure, et celle-ci fait savoir qu’elle envisage la reconstruction du pont, pour finalement abandonner cette idée en 2015. En 2016, le département introduit un référé pour que la justice statue sur la responsabilité. Un expert est désigné, qui conclut à l’interdiction du passage des poids lourds. Depuis, c’est le statu quo.
Vous l’aurez constaté, monsieur le secrétaire d’État,…
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Michel Vaspart. … les résistances administratives et juridiques sont nombreuses, malgré une volonté d’agir. Que peut faire le Gouvernement pour y remédier ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire, chargé des transports. Monsieur le sénateur, vous avez tout à fait raison de mettre en lumière les difficultés administratives multiples que l’on rencontre lorsqu’on cherche à produire une solution partagée : les diagnostics sont difficiles à établir ; l’ingénierie, que vous avez évoquée – cela est peut-être moins vrai à Crépy-en-Valois que dans des territoires plus ruraux –, n’est pas toujours forcément à disposition des acteurs locaux ; il est compliqué de préciser quelles sont les responsabilités respectives du gestionnaire et de la collectivité.
C’est bien tout l’objet de la loi Didier, qui, à mon avis, représente une avancée considérable pour clarifier la responsabilité et donner un cadre financier et budgétaire clair.
Les ouvrages analogues à celui de Crépy-en-Valois, liés aux voies ferrées, sont au nombre de 8 700.
Cette liste est en cours de recensement ; elle sera publiée dans une version définitive le 1er janvier prochain, et les ouvrages qui y sont inscrits feront l’objet de conventions de financement établissant très précisément la charge pour l’État et la charge pour la collectivité concernée, étant entendu que tout ce dont nous avons parlé, s’agissant de rendre disponibles l’ingénierie nécessaire ou des contrats types à destination des plus petites collectivités, représente ou représentera une avancée considérable.
M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Houllegatte.
M. Jean-Michel Houllegatte. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, Mark Twain disait : « La catastrophe qui finit par arriver n’est jamais celle à laquelle on s’est préparé. » Pour ne pas céder au fatalisme, j’ajouterai que, dans un ouvrage de référence publié en 1989 et intitulé Catastrophes ? Non merci !, Jean-Louis Nicolet nous proposait une démarche pragmatique en nous invitant à penser désormais les objets technologiques comme des systèmes complexes, dont les éléments, en interaction dynamique les uns avec les autres, pouvaient entrer en résonance jusqu’au dépassement des limites de rupture.
D’où l’importance de l’analyse, de l’expertise, de la vigilance et de la surveillance, qui permettent, le cas échéant, de déclencher les interventions prédictives ou curatives les plus appropriées.
Or, s’agissant de nos collectivités territoriales, qui gèrent désormais à elles seules plus de 90 % du réseau routier français, le rapport met en évidence divers constats.
Le transfert des compétences qui s’est opéré s’agissant notamment de la voirie et des ouvrages d’art associés ne s’est pas toujours accompagné des plans de récolement des ouvrages et de toute la documentation technique associée. Ceux-ci ont souvent été égarés ou se sont avérés incomplets, à moins que l’évolution des interventions sur les ouvrages n’y ait pas été retracée.
Quant aux compétences des agences techniques de l’État qui exerçaient dans les différents services, elles ont été redéployées, voire supprimées. Et les financements nécessaires à l’entretien n’ont pas été transférés.
Ma question est simple, monsieur le secrétaire d’État : vous avez parlé de l’ANCT ; pouvez-vous nous préciser selon quelles modalités cette agence pourra intervenir auprès des collectivités ? Par ailleurs, n’est-il pas nécessaire de lancer un véritable plan national pour développer et diffuser les innovations technologiques, en matière de maintenance des ponts notamment, et – vous en avez parlé – de décliner les diverses possibilités offertes par les outils numériques, maquettes numériques de reconstitution des plans, géolocalisation, capteurs à jauge de déformation ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire, chargé des transports. Je commencerai par préciser que les modalités concrètes d’exercice des missions de l’ANCT sont encore en cours de construction ; il m’est donc aujourd’hui impossible de vous dire exactement comment l’ANCT sera précisément en mesure de soutenir les collectivités en matière d’ingénierie – mais telle sera, évidemment, l’une de ses missions. Il faut a minima concevoir l’action du Cérema et celle de l’ANCT comme concomitantes, ou en tout cas parallèles ; leur vocation est de produire l’ingénierie dont les collectivités ont bien besoin.
S’agissant des objets connectés et, plus largement, de la maintenance prédictive, que vous avez évoqués, ces perspectives – je l’ai dit dans mon propos liminaire – me paraissent représenter un futur désirable, dans la mesure où des expérimentations existent déjà. En général, celles-ci portent sur des objets qui ont présenté des fragilités, des difficultés ou des dysfonctionnements particuliers, mais il me semble que, pour les objets les plus fréquentés, ceux sur lesquels la circulation est la plus importante, ou pour ceux sur lesquels il existe déjà des restrictions, de tels équipements pourraient avoir un sens, afin de s’assurer de la santé des ouvrages en temps réel.
Je le dis d’autant plus volontiers que des contrôles routiers menés sous l’autorité du Gouvernement ont démontré que 10 % des poids lourds en circulation étaient en surcharge et qu’il existait donc, pour les ouvrages très fréquentés, une surcontrainte qui peut éventuellement les fragiliser et rendre nécessaire une maintenance plus régulière.
Pour ces raisons, la dimension technologique que vous évoquez me paraît tout à fait essentielle ; il faudra que nous réfléchissions collectivement à un plan d’équipement des plus grands ouvrages à échéance relativement courte, de manière que nous disposions, petit à petit, d’informations de plus en plus précises et en temps réel sur la santé de nos ouvrages, partout en France.
M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Houllegatte, pour la réplique.
M. Jean-Michel Houllegatte. Vous aurez peut-être l’occasion de me répondre par ailleurs, mais je souhaitais également évoquer la nécessité de développer la recherche et l’innovation, en matière d’utilisation de nouveaux matériaux notamment – je pense aux polymères en particulier. Ces nouveaux matériaux peuvent être tout à fait appropriés à des opérations de maintenance sans que leur emploi n’affecte ni l’esthétique ni les autres caractéristiques du pont. Il me semble important, donc, qu’un plan de recherche soit développé dans ce domaine.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Mizzon.
M. Jean-Marie Mizzon. Je veux interroger M. le secrétaire d’État sur un cas particulier qui fait l’actualité, chez nous, en Moselle, avant peut-être de la faire au plan national : celui du pont de Petite-Rosselle.
Cet ouvrage construit au milieu du XIXe siècle pour les besoins de l’exploitation charbonnière et permettant la liaison routière entre les communes de Petite-Rosselle et de Forbach est aujourd’hui dans un état de délabrement tel qu’il est urgent de procéder à sa reconstruction.
L’État en étant propriétaire – toutes les recherches effectuées par la commune l’attestent –, il est normal qu’il assure la charge de cette reconstruction.
Mme la ministre Élisabeth Borne en était d’ailleurs entièrement d’accord puisque, le 19 mars dernier, en séance publique, elle déclarait : « le pont de Rosselmont appartient sans ambiguïté à l’État, eu égard à la reprise par celui-ci du patrimoine des houillères. […] Je confirme qu’il appartient à l’État, dans le cadre de sa mission de gestionnaire de l’ancien patrimoine des houillères, de remettre ce pont en état. Les travaux à cette fin vont être programmés. »
Par conséquent, vous comprendrez la perplexité du maire de Petite-Rosselle à la réception du courrier du préfet de la Moselle l’informant que les travaux seraient seulement cofinancés à hauteur de 35 %, qui plus est au titre de la DETR, privant ainsi la commune d’un autre projet prioritaire. C’est la double peine !
Monsieur le secrétaire d’État, qu’en pense l’État ? Et que va faire l’État ?
M. Patrick Chaize, rapporteur. Bonne question !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire, chargé des transports. C’est une très bonne question, monsieur le sénateur. Et mes services ne sont pas d’accord avec vos affirmations.
Je vous propose donc d’emprunter la troisième voie, qui consiste à reprendre les propos de Mme la ministre, que vous avez cités. Elle avait proposé une prise en charge partielle des travaux de régénération.
M. Hervé Maurey, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Totale, et pas partielle ! C’était ici même, en séance publique !
M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d’État. Je vérifierai ce point, car je ne veux pas m’aventurer plus avant, et je vous ferai une réponse écrite sur ce sujet. Mais il me semble qu’elle avait émis le souhait que les collectivités et l’État se mettent autour de la table pour une prise en charge partielle…
MM. Michel Dagbert et Hervé Maurey, rapporteur et président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Totale !
M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d’État. … ou totale – nous préciserons ce point – et que cette initiative n’avait pas pu prospérer. Cette situation mérite donc une clarification, et je m’engage à revenir vers vous par écrit sur ce sujet.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Mizzon, pour la réplique.
M. Jean-Marie Mizzon. Merci, monsieur le secrétaire d’État. Je prends acte de cet engagement. Mme la ministre l’avait non seulement dit, mais écrit.
M. Jean-Marie Mizzon. Je prends à témoin sur ce point Hervé Maurey, qui connaît parfaitement ce dossier.
M. Hervé Maurey, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Je confirme !
M. Jean-Marie Mizzon. La commune en question a fait des recherches : elle a épluché toutes les délibérations depuis 1850, sachant que les choses, chez nous, sont compliquées, à cause de la période d’occupation – il faut savoir lire l’allemand et même la Spitzschrift ! Elle n’a trouvé aucune trace, ni directe ni indirecte, qui pourrait laisser penser qu’elle a pris part, de près ou de loin, à la construction de ce pont.
En revanche, cette commune a fait effectuer des recherches aux archives départementales. Elle y a trouvé nombre de traces qui attestent que ce sont bien les houillères de Petite-Rosselle qui ont construit ce pont – plans portant le sceau des houillères, notes de calcul, devis : tout laisse penser que là est la vérité.
Je disais tout à l’heure que ce pont faisait l’actualité départementale ; j’attire votre attention, monsieur le secrétaire d’État, sur le fait qu’il faut faire vite si nous ne voulons pas que cette actualité devienne nationale !
M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre.
M. Antoine Lefèvre. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, dans le cadre de la loi Didier du 7 juillet 2014, l’État a procédé à un recensement des ouvrages d’art de rétablissement des voies publiques interrompues par une nouvelle infrastructure de transport pour lesquelles aucune convention de répartition des charges n’existait avant l’entrée en vigueur de cette loi.
Parmi ces ouvrages, l’État identifiera ceux dont les caractéristiques, notamment techniques et de sécurité, justifieront la conclusion d’une convention dans les conditions définies par la loi.
Or bon nombre d’ouvrages SNCF affectant des routes départementales ou voies communales de mon département, l’Aisne, ne figurent pas dans la liste provisoire qui a été publiée par l’État au mois d’août dernier.
Lors de leur reconstruction, ces ouvrages ont en effet donné lieu à l’établissement de procès-verbaux de récolement fixant la répartition des charges d’entretien des ouvrages auxquels le Conseil d’État a admis une valeur conventionnelle.
Cependant, ces procès-verbaux ne contiennent aucune disposition en matière de répartition des charges de grosses réparations, de démolition et de reconstruction des ouvrages, si bien que le gestionnaire de la voie portée ne dispose d’aucun moyen de recours à l’égard de l’exploitant de la nouvelle infrastructure en dehors des opérations d’entretien courant.
Si seuls les ouvrages figurant sur la liste qui sera définitivement arrêtée par l’État pourront faire l’objet d’une convention nouvelle, le problème est donc le suivant : la question des interventions majeures sur les ouvrages non recensés restera entière pour les collectivités gestionnaires de ces voies portées – nos deux rapporteurs l’ont déjà signalé !
Ma question est simple, monsieur le secrétaire d’État – elle a déjà été posée précédemment : au-delà des enjeux d’ingénierie, dont vous avez parlé, quels moyens financiers comptez-vous donner aux collectivités qui sont confrontées à ces problèmes importants ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire, chargé des transports. L’objet même de l’actuel recensement, qui se déroule jusqu’au 31 décembre prochain, est de permettre aux collectivités de demander l’inscription sur cette liste d’objets qui n’y figurent pas aujourd’hui, afin que le dossier de tel ou tel ouvrage soit instruit par l’État et que celui-ci soit inclus, le cas échéant, dans l’arrêté qui sera pris en début d’année.
S’agissant du financement, j’ai commencé à ébaucher une réflexion collective – j’ai saisi mes collègues Sébastien Lecornu, ministre chargé des collectivités territoriales, et Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics – destinée à étudier la possibilité que les opérations d’entretien non récurrentes conduites par les collectivités fassent l’objet d’une inscription dans la section d’investissement de leur budget, afin que ces dépenses ne pèsent pas sur la section de fonctionnement et ne soient donc pas soumises au pacte de Cahors.
Par ailleurs, nous étudions la possibilité que ce débat sur les ouvrages d’art puisse avoir lieu au sein des conseils départementaux, et qu’éventuellement des moyens non récurrents, via la DETR et la DSIL, puissent aussi alimenter la part du financement qui relève des collectivités.
M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre, pour la réplique.
M. Antoine Lefèvre. Merci, monsieur le secrétaire d’État, pour votre réponse. Il faudra effectivement des moyens plus importants, assortis de systèmes dérogatoires, pour faire face à ces enjeux, qui sont essentiels.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bonnefoy.
Mme Nicole Bonnefoy. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je veux évoquer la question de l’ingénierie et de l’expertise apportées par les services de l’État, notamment par les établissements publics que sont le Cérema et l’Ifsttar, l’Institut français des sciences et technologies des transports, de l’aménagement et des réseaux.
Le rapport d’information a mis en avant les carences de la politique de gestion des ponts menée par l’État, s’agissant tant des méthodes d’évaluation des ponts que de leur entretien. Nous connaissons pourtant l’importance de la mise en œuvre d’une politique de surveillance et d’entretien pour la sécurité des ouvrages d’art.
Alors que l’expertise des établissements publics précités paraît de plus en plus indispensable pour effectuer une analyse des risques et réaliser les travaux d’entretien nécessaires, les moyens qui leur sont accordés sont en constante diminution.
Les effectifs du Cérema n’ont en effet cessé de baisser, la réduction annuelle du plafond d’emploi étant de l’ordre de 4 % ces dernières années. Cette baisse des effectifs, comme vous pouvez l’imaginer, n’est pas sans conséquence sur son activité ; le Cérema indique d’ailleurs que la mise en œuvre de sa stratégie d’évolution relative à la gestion du patrimoine est entravée par cette diminution.
Comme le notent les auteurs du rapport, cette situation pourrait non seulement réduire ses capacités d’intervention, mais aussi entraîner une perte de compétences de l’établissement.
Il en est de même pour l’Ifsttar, où, ces dernières années, les personnels travaillant dans le domaine des ouvrages d’art sont également beaucoup moins nombreux qu’auparavant.
Il est à craindre que cette tendance ne se poursuive et même ne s’accentue dans les années à venir, puisque le projet de loi de finances pour 2020 prévoit notamment une baisse de 1 700 postes pour le ministère de la transition écologique et solidaire.
Au vu de ces éléments, monsieur le secrétaire d’État, comment comptez-vous garantir cette expertise d’excellence et en assurer la transmission ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire, chargé des transports. Madame la sénatrice, je profite de votre intervention pour rebondir sur la question sur la recherche que m’a posée tout à l’heure M. le sénateur Houllegatte – les deux sujets sont liés.
Le Cérema comme l’Ifsttar possèdent de nombreuses compétences, connaissances et savoir-faire ; ils sont capables de se projeter dans l’avenir sur le sujet des technologies « embarquées », ces technologies qui permettront de traiter le plus adéquatement possible les problèmes d’entretien et de régénération des ponts.
Je précise quand même, s’agissant du Cérema, que le travail de 10 % de ses effectifs, soit 300 personnes, est aujourd’hui consacré aux ouvrages d’art. Et le Cérema, en plus du guide que j’évoquais tout à l’heure, publié en septembre 2018, met à disposition des collectivités un certain nombre d’outils, logiciels, formations, entretiens techniques, afin d’assurer l’apport nécessaire en ingénierie.
Quant à la dimension budgétaire dont vous avez parlé, je ne doute pas qu’elle fera de nouveau l’objet de vifs débats lors de l’examen du projet de loi de finances.
M. le président. La parole est à M. Didier Mandelli.
M. Didier Mandelli. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, mes propos vont rejoindre ou reprendre un certain nombre de ceux des orateurs qui m’ont précédé.
Les images de la catastrophe de Gênes ont marqué tous les esprits ; la création de cette mission a donc pris tout son sens là où il s’agissait de répondre aux interrogations légitimes de nos concitoyens.
Son excellent travail sur la sécurité des ponts a mis en exergue les nombreuses lacunes de la France, en particulier l’absence de contrôle effectif, faute d’un recensement exhaustif de nos ouvrages.
Selon la mission – cela a été dit –, 25 000 ponts sont en mauvais état structurel et posent, à ce titre, des problèmes de sécurité pour les usagers. Il y a donc urgence à agir.
Le projet de loi d’orientation des mobilités était justement l’occasion de répondre à cette urgence en permettant à l’État de soutenir financièrement les collectivités au travers des financements alloués à l’Afitf.
Nous avions anticipé, au Sénat, en inscrivant dans le texte qu’« en partenariat avec les collectivités territoriales, premiers gestionnaires de ce patrimoine, et dans le cadre d’une programmation pluriannuelle, l’État accompagnera l’inventaire, la surveillance, l’entretien et, le cas échéant, la réparation de ces ouvrages, qui sont des actifs clés pour l’attractivité française et présentent aujourd’hui des risques de sécurité mal connus. »
Je regrette que cette solution n’ait pas été retenue par l’Assemblée nationale, qui lui a préféré un simple accompagnement logistique sans aucune garantie financière.
À la suite de la catastrophe du tunnel du Mont-Blanc en 1999, l’État a pourtant débloqué, via l’Afitf, des fonds exceptionnels de 1,2 milliard d’euros sur onze ans entre 2007 et 2018, afin de financer la mise en sécurité des tunnels de notre réseau routier.
La mission d’information démontre bien que nous ne sommes pas à l’abri d’un accident qui toucherait nos ponts les plus vétustes. Faut-il prendre le risque d’attendre un drame en France pour que nos ponts bénéficient des fonds nécessaires à leur mise en sécurité ?
Entendez-vous, monsieur le secrétaire d’État, reprendre les propositions formulées par le Sénat dans le cadre du projet de loi d’orientation des mobilités ou valider la création du fonds préconisé par la mission ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire, chargé des transports. Monsieur le sénateur, je salue les travaux que vous avez accomplis dans le cadre de l’examen du projet de loi d’orientation des mobilités. Nous avons eu l’occasion de nous connaître, notamment au sein de l’Afitf.
Tout d’abord, on ne l’a pas dit aujourd’hui, « mauvais état » ne veut pas dire « dangereux ». On estime que 6 % des ponts en France sont en mauvais état, c’est-à-dire qu’ils présentent des dégradations nécessitant un entretien à un horizon plus ou moins lointain, mais en général relativement proche. Les ponts qui sont jugés dangereux sont interdits à la circulation. Je ne veux pas laisser prospérer l’idée qu’il y aurait des ponts dangereux un peu partout sur le territoire.
S’agissant du financement, vous avez évoqué deux points : d’une part, les financements inscrits dans le projet de loi d’orientation des mobilités, cette fameuse trajectoire qui est portée à 120 millions d’euros par an à compter de 2023 ; d’autre part, les financements nouveaux qui seront le fruit des discussions actuelles sur les ouvrages dits de « rétablissement » et dont le périmètre pour l’État et pour les collectivités sera établi de façon objective. Pour ces derniers, l’État consacrera des fonds nouveaux. Nous parlons bien de deux trajectoires, dont l’une est incluse dans le projet de loi d’orientation des mobilités et l’autre reste à créer, à débattre et à inscrire en loi de finances.
M. le président. La parole est à M. Olivier Jacquin.
M. Olivier Jacquin. Monsieur le secrétaire d’État, pendant l’examen du projet de loi d’orientation des mobilités, j’avais directement interpellé Mme la ministre au sujet du pont de la commune de Pierre-la-Treiche en Meurthe-et-Moselle. Ce pont, construit par Voies navigables de France, VNF, pour établir une circulation sur un canal en 1980, est aujourd’hui en mauvais état. Or il ne donne pas lieu à un entretien et à une surveillance régulière de la part de VNF. Mme la ministre m’avait confirmé par écrit que ce pont faisait bien partie de l’inventaire des ouvrages concernés par la loi Didier.
Au mois de juin dernier, nous avons organisé une rencontre entre le maire et VNF, en présence du sous-préfet, pour faire un point précis. Je ne constate aucun empressement pour avancer sur cette question et établir la convention qui fixera la responsabilité des uns et des autres, ainsi que les financements concernés, ce que je peux comprendre au vu de la situation budgétaire de VNF.
J’ai cru comprendre qu’une pré-évaluation sommaire de la situation de VNF pour les 2 200 ouvrages concernés estimait l’impact financier à près de 50 millions d’euros, soit la moitié du budget d’investissement de cet opérateur, et soulignait le manque d’ingénierie propre à VNF pour les ouvrages d’art. Je viens de vous entendre dire, monsieur le secrétaire d’État, que l’on pouvait envisager de solliciter la DETR et la DSIL pour la part communale. C’est la réponse que l’on nous fait systématiquement. Pouvez-vous nous apporter plus de précisions ?