M. le président. L’amendement n° A-2, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéas 11, 13, 14 et 15
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Brune Poirson, secrétaire d’État. Le Gouvernement souhaite que les amendements nos 211 rectifié bis, 143 rectifié, 386 rectifié et 629 rectifié soient réexaminés.
Je me suis toujours efforcée d’être la plus transparente possible vis-à-vis des sénateurs et du Sénat. Mon but n’est pas de détricoter le texte à l’Assemblée nationale – j’ai déjà eu l’occasion de vous le dire à plusieurs reprises, mesdames, messieurs les sénateurs –, mais bien de travailler et d’échanger jusqu’au bout avec vous, comme l’a d’ailleurs souligné M. Karoutchi.
Si je partage pleinement, non seulement les objectifs de ces quatre amendements, mais aussi les ambitions qu’ils visent à traduire, leurs dispositions posent des difficultés concrètes de mise en œuvre. Elles sont également en contradiction avec le droit européen.
À cet égard, je précise que, dès la semaine prochaine, dans le cadre du conseil des ministres de l’environnement à Luxembourg, j’aurai des échanges avec mes collègues pour accélérer la mise en œuvre des évolutions à apporter au droit communautaire sur tous ces sujets. À plusieurs reprises, vous m’avez fait part de votre frustration à propos de notre dépendance ou, en tout cas, de notre soumission aux décisions élaborées au niveau européen.
J’ai noté que la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable avait émis un avis défavorable sur ces amendements, mais qu’aucun scrutin public n’avait pour autant été organisé. Il me paraît nécessaire de pouvoir délibérer en toute responsabilité, publiquement, et avec vous, sur ces points essentiels.
Sur le fond, je veux de nouveau le rappeler, je partage totalement les ambitions et objectifs portés par ces amendements. Nous devons néanmoins choisir des leviers ne présentant pas de faiblesses trop évidentes, notamment lorsque ceux-ci sont fragiles sur le plan juridique ou inopérants, c’est-à-dire difficiles à mettre en œuvre en pratique, voire dangereux à court terme.
Vous l’avez dit vous-même, madame Taillé-Polian, vous avez travaillé sur ces amendements sans connaître leur impact. À titre d’exemple, j’évoquerai l’un d’entre eux, qui vise à interdire sans délai, c’est-à-dire d’ici quelques semaines, la vente d’un nombre très important de produits de consommation courante. Ainsi disparaîtraient brutalement des rayons les packs de lait, par exemple. Nombre de palettes de livraison des magasins et usines, qui sont entourées d’un filmage plastique pour la stabilité et la sécurité, devraient aussi être supprimées.
Oui, nous devons trouver des solutions de rechange, mais il faut prendre le temps d’y parvenir !
Il y a d’autres exemples : les livraisons de produits dans les exploitations agricoles ou les ampoules médicamenteuses emballées dans des plastiques opaques pour les protéger de la lumière et, par là même, assurer la sécurité sanitaire et médicale des patients.
Dans le même ordre d’idée, faut-il interdire sans délai certaines substances dans les produits plastiques, alors que certaines d’entre elles sont susceptibles de se retrouver en quantité limitée dans des pièces techniques des automobiles, des navires ou des produits du secteur aéronautique et spatial ?
Oui, de nombreux équipements que nous utilisons au quotidien contiennent des pièces en plastique. Certes, nous devons faire évoluer cette situation, mais, dans l’immédiat, il faut bien que les avions continuent de voler et les voitures de rouler ! (M. Jean-Michel Houllegatte s’exclame.) Des délais d’adaptation sont donc nécessaires.
Encore une fois, je partage toute l’ambition que tendent à refléter ces amendements. Nous devons plus que résolument tendre vers une société qui peut, qui doit se libérer, et même se désintoxiquer du plastique. Mais faisons-le efficacement, de façon à ce que nous puissions y arriver très concrètement !
Au travers des exemples que je viens de citer, on voit bien que, au-delà du problème juridique, un travail plus approfondi sur l’impact – vous avez vous-même reconnu ne pas toujours avoir les moyens de l’étudier, madame Taillé-Polian – et sur la mise en œuvre de ces mesures doit être conduit collectivement.
C’est pourquoi, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous invite à adopter l’amendement du Gouvernement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Marta de Cidrac, rapporteure. Après avoir examiné cet amendement, la commission a émis un avis favorable.
M. le président. La parole est à Mme Sophie Taillé-Polian, pour explication de vote.
Mme Sophie Taillé-Polian. Madame la secrétaire d’État, assumez vos actes en amendant le texte dans le cadre du travail parlementaire ! Vous dites que vous ne voulez pas détricoter le projet de loi. En fait, vous ne voulez pas le faire dans le cadre d’un débat démocratique à l’Assemblée nationale. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Sophie Primas. Et nous, ne sommes-nous pas la démocratie ?
Mme Sophie Taillé-Polian. Vous préférez mettre les questions sous le tapis grâce à un seul amendement.
En une seule phrase, vous traitez de questions qui concernent, intéressent et préoccupent les Français : les perturbateurs endocriniens ou le suremballage, par exemple. À quand la fin du plastique ? Vous mettez toutes ces questions dans un joli petit paquet et les enveloppez dans un brouillard organisé.
Si vous voulez effectivement prendre ces sujets à bras-le-corps, laissez les députés travailler sur eux ! La vérité, c’est que vous et votre majorité à l’Assemblée nationale ne voulez pas assumer la suppression de ces dispositions. Vous préférez les faire disparaître maintenant, en fin de séance au Sénat, dans un amendement qui vise à agglomérer tous ces sujets.
Un tel procédé n’est pas correct à mes yeux, notamment eu égard aux débats que nous avons eus et à la gravité des sujets concernés.
Oui, beaucoup de travail reste à faire pour en finir avec les plastiques ; c’est évident ! Mais, au lieu de tout supprimer d’un coup, sans livrer le sens de cette décision aux Français, travaillez et présentez des amendements au Parlement ! Une commission mixte paritaire se réunira : nous pourrons nous positionner par rapport aux travaux qui auront été menés.
De la sorte, il y aurait des espaces démocratiques. Or, en présentant cet amendement, madame la secrétaire d’État, vous les supprimez !
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.
Mme Éliane Assassi. M. Roger Karoutchi nous a précédemment expliqué que, au moment de l’examen de la révision constitutionnelle, personne n’était revenu sur l’existence de la seconde délibération… Sans doute ! J’ajouterai que la confrontation avec cette procédure n’est pas inédite pour nous ; c’est une réalité.
Néanmoins, voilà un moment que je siège dans cet hémicycle, et c’est la première fois que l’on refuse des amendements à des parlementaires au motif qu’ils n’ont pas fait l’objet d’une étude d’impact.
Nous sommes en train de créer une jurisprudence, qui s’attaque, sur le fond, au droit d’amendement constitutionnel des parlementaires. (Mme la secrétaire d’État le conteste). C’est un déni de démocratie ! On attaque la démocratie en refusant à des parlementaires de déposer des amendements. C’est ainsi que je lis la décision gouvernementale, et je vous dis, mes chers collègues : attention !
M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.
Mme Nathalie Goulet. Je n’ai pas assisté à l’ensemble des débats, mais j’ai suivi de très près le sujet et, ayant été reçue par vous-même, madame la secrétaire d’État, sur la question des plastiques, je sais l’attention que vous lui portez. Je sais aussi la négociation que vous menez actuellement.
J’attire l’attention de mes collègues sur un point : aux alentours de 2008, on trouvait la seconde délibération formidable, parce que, dans les matières fiscales, elle permettait d’assortir la réserve parlementaire ! (M. Roger Karoutchi s’exclame.)
Cette mesure, en tout cas, n’a jamais posé de problème. Elle existe, et, pour ma part, je ne souhaite faire de procès d’intention ni au Gouvernement ni à la commission.
Cela étant, madame la secrétaire d’État, vous nous expliquez que le Gouvernement était défavorable à cette mesure et que la commission n’a pas non plus demandé de scrutin public. Mais il n’y a pas obligation à faire systématiquement un scrutin public !
Considérons tout de même, mes chers collègues, l’image que nous sommes en train de donner à l’extérieur… On annonce actuellement sur les réseaux sociaux un « cafouillage en séance » : on ferait un pas en avant, et deux en arrière ! (Mme Sophie Primas s’exclame.) C’est ce qu’écrit Public Sénat, qui, comme vous le savez, mes chers collègues, a l’habitude de très bien servir le travail réalisé dans cet hémicycle.
La question qu’il faut se poser est donc la suivante : pourquoi, madame la secrétaire d’État, n’avez-vous pas choisi d’utiliser la seconde délibération pour repousser l’échéance de 2020 à 2022 ou 2023, tout en conservant une petite avancée inscrite dans le texte, afin que le sujet puisse être discuté à l’Assemblée nationale ?
Cette seconde délibération, à mes yeux, mérite une explication et n’est en rien un cafouillage : il s’agit d’un changement de stratégie ou de positionnement. Et je n’aime pas que soit diffusée à l’extérieur de cet hémicycle l’idée que nous n’aurions pas fait notre travail ou que nos collègues présents en séance au moment de l’examen de ces amendements auraient été inattentifs.
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.
M. Guillaume Gontard. On peut effectivement s’interroger sur la raison pour laquelle on utilise cette procédure.
Comme M. Roger Karoutchi, je n’ai rien contre cette dernière : elle existe ; rien à redire à cela ! Néanmoins, on a le choix de l’utiliser ou non. Aujourd’hui, on a décidé d’y avoir recours. Pourquoi ? Pourquoi sur ces quatre amendements ?
On nous oppose l’argument de la transparence. On préfère jouer cartes sur table, nous dit-on, et tout se passera merveilleusement bien à l’Assemblée nationale. D’accord ! Dans ce cas, Mme la secrétaire d’État peut peut-être nous promettre que l’on ne procédera à aucun autre changement et que les dispositions introduites par le biais des autres amendements seront maintenues… Nous savons très bien qu’il n’en sera rien !
Pourquoi sur ces quatre amendements ? Nous faisons ici le travail du Gouvernement, qui se retrouve gêné par ces dispositions. La fin du plastique à usage unique en 2040, les microbilles, les perturbateurs endocriniens, le suremballage : ce sont tout de même des mesures symboliques de ce projet de loi !
J’insisterai particulièrement sur la fin du plastique à usage unique en 2040 – c’était un amendement de notre groupe. On me parle d’étude d’impact, on me dit qu’une telle mesure n’est pas possible … L’échéance était fixée à 2040, mes chers collègues, et associée à un accompagnement de la filière !
Je rappelle que, sur proposition du Gouvernement, a été votée à l’Assemblée nationale la fin des véhicules à hydrocarbures en 2040. Nous avons donc respecté une certaine logique, sachant que l’on peut imaginer atteindre cet objectif de se passer d’hydrocarbures.
Mme la secrétaire d’État choisit, en plus, de ne faire qu’un seul paquet de tous ces amendements. C’est bien un choix : elle aurait tout aussi bien pu décider de traiter chaque amendement séparément, ce qui nous aurait permis de discuter de manière plus précise.
Je fais également remarquer que nous sommes vendredi soir et que la plupart des auteurs de ces dispositions – je pense à mon collègue Joël Labbé – sont absents. Or on emploie le mot « transparence »… Je ne suis pas certain que cette manière de procéder soit élégante !
Enfin, j’observe que l’on demande des scrutins publics – on n’ose pas voter de nouveau à main levée – et qu’il y a une véritable collusion entre la majorité sénatoriale et le Gouvernement ; apparemment, on aide celui-ci à se sortir d’un mauvais pas…
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. J’écoutais la précédente intervention avec attention jusqu’à ce qu’il soit question de collusion entre la majorité sénatoriale et le Gouvernement… Là, j’ai été pris d’un début de spasme ! (Sourires.)
M. Pierre Ouzoulias. Apportez-lui un verre d’eau ! (Nouveaux sourires.)
M. Roger Karoutchi. Enfin, tout est possible en ce bas monde !
Les choses sont ce qu’elles sont, mes chers collègues, et cette discussion me donne l’impression d’un faux débat institutionnel…
Madame Taillé-Polian, si le Gouvernement propose une modification et obtient, ici, un vote favorable contre ces quatre amendements, absolument personne n’empêche le groupe socialiste de les déposer de nouveau à l’Assemblée nationale et de les soumettre au débat. S’ils sont adoptés, la question sera revue en CMP. Ne dites donc pas que le débat démocratique ne trouve sa place qu’à l’Assemblée nationale, comme si ce n’était pas le cas ici !
Or le débat démocratique se déroule jusqu’au terme de l’examen, c’est-à-dire jusqu’au vote final du texte. Il y a donc bien débat démocratique, jusqu’au bout, au Sénat, et c’est la grandeur de notre assemblée que de s’exprimer en toute connaissance des dossiers.
Que je soutienne ou non les amendements concernés, je préfère savoir ce que compte faire le Gouvernement. J’ai suffisamment dénoncé ici le fait que ce dernier ne nous disait pas tout, car il se réservait la possibilité d’agir tranquillement à l’Assemblée nationale, avec sa majorité, contre nous, pour préférer que l’on nous dise clairement les choses.
Pour le reste, je reconnais que Mme la secrétaire d’État aurait peut-être mieux fait de prévoir une seconde délibération séparée pour chacun des amendements. Même si ces derniers ont un peu la même finalité, ce regroupement donne le sentiment d’un vote bloqué. Il y a donc un cumul tout à fait constitutionnel, mais relativement original, d’une seconde délibération et d’un vote bloqué. Cela dit, la Constitution le permettant, on peut le faire.
Pour ma part, je pense qu’il faudra peut-être – on a le droit de rêver – que le Gouvernement se décide, si l’on procède un jour à la réforme constitutionnelle dont on parle depuis deux ans, mais que l’on ne voit toujours pas arriver, à rééquilibrer les pouvoirs entre le Parlement et le Gouvernement. Dans ce cadre, on pourra examiner si l’on maintient cette seconde délibération ou si l’on ne la conserve qu’au profit de la commission.
M. le président. La parole est à M. Joël Bigot, pour explication de vote.
M. Joël Bigot. Je suis quelque peu surpris par ce qui se passe, même si le cadre institutionnel le permet tout à fait et si la procédure en cours est parfaitement constitutionnelle.
Ce qui m’inquiète, c’est que, chemin faisant, on assiste à une sorte de dérive. Au printemps dernier, un incident a eu lieu sur un amendement de Laurence Rossignol, sur lequel nous avons dû revenir quelques jours plus tard. Aujourd’hui, alors que nous terminons l’examen d’un texte à l’issue de quatre jours de débats particulièrement riches, fructueux, tendus, dans le cadre desquels nous avons pu échanger nos arguments, on nous explique soudainement qu’il y a eu des moments d’égarement et qu’il conviendrait de revenir sur le droit chemin. Cette symbolique, quasi mystique, me choque un peu.
Pourquoi revient-on sur ce sujet et nous oblige-t-on à nous faire hara-kiri, alors que les institutions permettent que le débat se tienne à l’Assemblée nationale et soit suivi d’une éventuelle CMP, afin que, in fine, le texte définitif traduise ce qui s’est passé dans nos assemblées ?
À mes yeux, on assiste à l’heure actuelle à une sorte de dérive. Peut-être le Sénat constitue-t-il un contre-pouvoir que les gouvernants supportent de plus en plus mal…
En tout cas, j’aimerais savoir pourquoi il faut refaire les textes à répétition. Nous entamons la nouvelle année parlementaire ; c’est le premier texte que nous examinons. Il ne faudrait pas que nous nous abonnions à ce type de démarches, car ce serait préjudiciable pour la démocratie.
M. le président. La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour explication de vote.
M. Pierre Ouzoulias. Je vais reprendre point par point vos arguments, madame la secrétaire d’État.
Vous avez parlé de fragilité juridique. Or tous nos amendements ont été examinés en commission et ont été retoqués à la moindre suspicion de fragilité, que ce soit au titre de l’article 40, de l’article 45 ou, plus largement, de la sécurité juridique. Je félicite d’ailleurs la commission pour son travail de qualité : les amendements qui sont présentés ici, en séance, ont été correctement validés. Vous ne pouvez donc nous opposer cet amendement.
À cet égard, d’ailleurs, la commission a refusé de nombreux amendements qui, on le voit au fil du débat, auraient tout à fait eu leur place dans ce cadre et auraient permis d’approfondir nos discussions, notamment sur les problématiques informatiques. Nous respectons néanmoins son choix.
En tout cas, madame la secrétaire d’État, ne prétendez pas que la commission n’a pas fait son travail quant à la validité juridique de ces dispositions !
J’en viens à l’étude d’impact. Si votre gouvernement se situait dans le strict respect de la Constitution et de la déférence qu’il doit au Parlement, je pourrais entendre cet argument. Toutefois, vous le savez très bien, depuis le début de cette législature, chaque fois qu’il veut aller vite ou se passer d’une étude d’impact, il transforme ces projets de loi en propositions de loi.
Dès lors que vous utilisez ce stratagème pour éviter d’avoir à produire les études d’impact qui nous sont dues, ne venez pas nous dire qu’il manque des études d’impact pour étayer nos arguments !
Vous avez évoqué l’Europe. Celle-ci mérite mieux que de vous fournir des arguments pour ne pas prendre vos responsabilités ! Je crains que les citoyens et les citoyennes qui suivent nos débats n’en concluent que, une nouvelle fois, le Parlement français se trouve dans l’incapacité de légiférer parce que se trouve au-dessus de lui une Europe qui irait jusqu’à discuter de la contenance des bouteilles d’eau.
Sincèrement, madame la secrétaire d’État, ne croyez-vous pas que l’Europe à mieux à faire, à l’heure du Brexit et de la montée en puissance, à l’est, des partis néo-fascistes ? À mon sens, il n’est pas de son intérêt de s’occuper de tels sujets !
Je terminerai en évoquant la rupture avec le pétrole. Bien évidemment, cette évolution sera difficile, et même très difficile. C’est d’ailleurs pourquoi il faut l’engager sans attendre et de façon résolue.
M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Houllegatte, pour explication de vote.
M. Jean-Michel Houllegatte. Je comprends tout à fait le principe de la procédure de seconde délibération : ce peut être un filet de secours.
Toutefois, les amendements concernés n’ont pas été votés à la sauvette, dans un moment d’égarement, de distraction ou d’épuisement. Ils ont été préparés, travaillés et votés de façon transpartisane. S’ils ont été adoptés, c’est bien parce que, sur ces travées, une majorité s’est dégagée, qui n’émanait pas d’un groupe particulier, mais qui revêtait – c’est un point qui me paraît extrêmement important – un caractère transpartisan.
Une direction a été donnée. Le processus parlementaire se poursuivra à l’Assemblée nationale, au travers des mécanismes de navette, et celle-ci jouera son rôle. Le Sénat a parfaitement joué le sien en donnant une direction ! Or la France ne va pas s’arrêter parce que le Sénat a livré une orientation. Ce n’est pas l’apocalypse que nous préparons à travers ces amendements !
Pour ma part, je suis particulièrement gêné par l’emploi de cette procédure. Tout au long de ses travaux, le Sénat a démontré son sérieux et la forte ambition qu’il souhaitait imprimer en matière de transition écologique et de développement durable. J’ai l’impression que l’on revient en arrière, que l’on affaiblit cette position et, d’une certaine manière, que l’on se dédit. Je suis donc particulièrement triste de voir ce débat se terminer ainsi.
M. le président. La parole est à Mme la rapporteure.
Mme Marta de Cidrac, rapporteure. Pour ma part, je suis un peu étonnée. Même si je l’ai tout de même entendu dans vos interventions, mes chers collègues, j’ai l’impression que nous oublions un fait important : depuis le début, nous avons su travailler ensemble, d’un bout à l’autre de cet hémicycle ; c’est la force de notre travail, qui a été collectif et pour lequel je souhaite tous vous remercier.
Peut-être faut-il replacer les choses au bon niveau – pardonnez-moi de le dire ainsi. Le sujet est de savoir quelles sont les dispositions portées, du début jusqu’à la fin, par notre commission. Nous l’avons très bien fait, chacun, avec sa sensibilité, défendant des apports issus de son territoire et de ses propres convictions. Nous avons su nous écouter, nous entendre et bâtir ce travail ensemble.
Nous voilà maintenant en train de parler de procédure législative… J’ai comme l’impression – c’est mon regret – que le côté politicien reprend le dessus (Protestations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain.), au moment où nous devrions nous retrouver autour de toutes les dispositions que nous avons votées en commun.
Je suis une jeune sénatrice – pas forcément en âge, mais en expérience. Cette procédure existe. Je ne vois pas pourquoi l’on remettrait en cause ce qui, semble-t-il, fonctionne bien et fait l’honneur de notre Parlement. Laissons tout un chacun s’exprimer ! Considérons de nouveau le travail réalisé par la commission, auquel vous avez contribué, mes chers collègues, et qui l’a conduite à s’orienter dans le sens de cet amendement gouvernemental.
Je suis très sereine. Quand notre collègue Nathalie Goulet s’interroge sur l’image que nous donnons, je lui réponds que nous donnons une image de parfaite démocratie. Chacun de nous s’exprime, et c’est très bien ainsi.
Posons-nous la vraie bonne question : ne devons-nous pas construire, ensemble, cette transition écologique qui s’impose, comme nous l’avons tous rappelé ?
Dans le cadre de cette transition, comprenez que l’on puisse s’opposer à des délais trop courts ou que des dispositions puissent paraître contraignantes aux yeux de certains d’entre nous. Ne refaisons pas un débat que nous avons déjà mené.
M. Guillaume Gontard. Ce n’est pas nous qui refaisons le débat !
Mme Marta de Cidrac, rapporteure. Exprimons-nous en toute sérénité, puisque nous allons voter dans quelques instants, et essayons d’avancer encore tous ensemble.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.
M. Hervé Maurey, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Certains arguments appellent une réponse susceptible de rassurer celles et ceux qui les ont avancés.
Nous ne remettons pas en cause les orientations du texte, monsieur Houllegatte ; nous ne procédons pas à un retour en arrière. Chacun pourra convenir que je n’ai pas été particulièrement tendre avec le Gouvernement au cours des heures écoulées – n’est-ce pas, madame la secrétaire d’État ?
Sur ce point précis, le Gouvernement demande que l’on réexamine 4 amendements sur les 222 que nous avons adoptés. Je rappelle à mes collègues situés à la gauche de cet hémicycle que, si les chiffres que l’on m’a communiqués sont exacts, quelque 18 amendements du groupe CRCE et 28 du groupe socialiste et républicain ont été votés.
M. Roger Karoutchi. C’est trop ! (Sourires.)
M. Hervé Maurey, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. On ne les remet évidemment pas en question. Il ne faut pas laisser penser que l’on revient en arrière ou que l’opposition sénatoriale est maltraitée. Ce n’est évidemment pas le cas.
Le Gouvernement a choisi de revenir sur ces quatre amendements : ce choix lui appartient, comme il nous appartient de rejeter sa proposition. Personne n’est obligé de la voter !
Je suis d’autant moins choqué par cette demande que celle-ci porte sur des amendements ayant recueilli un avis défavorable de la commission. Il n’y a donc aucune remise en cause du travail du Sénat ou de la commission. Je tenais à le dire, pour tenter d’apporter un peu d’apaisement. (Mmes Sophie Primas et Laure Darcos applaudissent.)
M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° A-2.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.
Je rappelle que l’avis de la commission est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 180 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 306 |
Pour l’adoption | 195 |
Contre | 111 |
Le Sénat a adopté.
Je mets aux voix l’article 10, modifié.
(L’article 10 est adopté.)
Vote sur l’ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l’ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Guillaume Gontard, pour explication de vote.
M. Guillaume Gontard. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, Mme la rapporteure l’a souligné avec raison : après avoir accompli un travail important en commission, nous avons, depuis le début de nos discussions en séance publique mardi dernier, encore beaucoup enrichi ce texte.
Il faut bien le dire : à l’origine, ce projet de loi était pauvre. (Mme la secrétaire d’État manifeste son désaccord.) Il manquait de contenu : le nombre d’amendements adoptés le prouve bien.
En outre, le texte initial avait été dicté par les lobbies : on l’a clairement vu au sujet de la consigne. Nous avons également mené un travail collectif pour le recentrer sur l’intérêt général. Nous avons tous contribué à cet effort collaboratif, avec nos sensibilités respectives, et en relayant les différentes problématiques venant des territoires.
M. le président de la commission l’a rappelé, le Sénat a adopté 18 amendements du groupe CRCE. C’est vrai : c’est peut-être parce que nos propositions étaient dignes d’intérêt.
Mme Marta de Cidrac, rapporteure. Oui !