Mme la présidente. Il faut conclure !
M. Fabien Gay. Nous aurons un vrai débat sur ce thème. Vous n’arrivez pas à mener le combat contre les banques pour financer l’emploi. Aussi, je ne vois pas comment vous allez faire pour remplir les objectifs qui sont les vôtres, et notamment trouver les 41 milliards d’euros qu’il nous faut investir.
Mme la présidente. Mon cher collègue, dans la mesure où nous n’en sommes qu’au début de l’examen de ce texte, je pense que vous aurez largement l’occasion de vous exprimer par la suite.
La parole est à M. Jean-François Husson, sur l’article.
M. Jean-François Husson. Comme d’autres collègues, je veux m’attarder quelques instants sur les objectifs de l’article 1er, qui, en définitive, sont les objectifs énergétiques que la France s’est fixés à la suite de la révision de la stratégie nationale bas-carbone et de la programmation pluriannuelle de l’énergie.
Le fait de fixer des objectifs ambitieux à l’horizon de 2050 peut se comprendre, mais seulement dans la mesure où l’on détermine une trajectoire et l’on fixe plusieurs étapes nous permettant d’évaluer notre capacité à concrétiser ces objectifs, et de savoir comment rattraper un éventuel retard, corriger notre trajectoire ou ralentir, le cas échéant, le processus.
Madame la secrétaire d’État, convenez que ces objectifs, aussi ambitieux soient-ils dans les intentions, engagent davantage vos successeurs que vous-même.
Autre point important, je rappelle que nous ne respectons pas les objectifs fixés dans les premiers budgets carbone. Ainsi, nous dépassons de 4 % les objectifs en termes d’émissions de gaz à effet de serre pour la période 2015-2018, et de 6 % pour la période 2019-2023.
Faut-il vous rappeler que la Cour de justice de l’Union européenne a été saisie par la Commission européenne pour des infractions répétées de la France en matière de lutte contre la pollution atmosphérique ? Faut-il également rappeler que l’objectif de 23 % d’énergies renouvelables dans notre mix énergétique à l’horizon de 2020 ne sera pas atteint, puisque l’on atteint péniblement les 17 % ?
M. Roland Courteau. Exactement !
M. Jean-François Husson. Si l’on veut redonner confiance dans l’action publique – c’est important, et j’ose penser que l’objectif est partagé sur toutes les travées de notre hémicycle – et donner du crédit à l’action politique en faveur de l’écologie et de l’environnement, il faut se fixer des objectifs réalistes, mais aussi peut-être s’inspirer des exemples venant des pays d’Europe du Nord où l’action s’inscrit dans la durée, s’appuie sur un consensus politique et un accord national avec les entreprises, ainsi qu’avec les citoyens. C’est à ce prix, et à ce prix seulement, que nous réussirons.
Enfin, madame la secrétaire d’État, il est important d’accompagner les filières, d’accorder des moyens humains, de proposer des soutiens financiers, pas seulement de la part de l’État d’ailleurs. Ainsi, je crois beaucoup aux certificats d’économies d’énergie, par exemple, sujet sur lequel nous aurons l’occasion de revenir.
En ce début d’examen du texte,…
Mme la présidente. Merci !
M. Jean-François Husson. … je tenais simplement à appeler votre attention sur ces différents éléments.
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Férat, sur l’article.
Mme Françoise Férat. Avec l’article 1er, nous abordons les objectifs de la politique énergétique. Ce projet de loi fixe de nouvelles ambitions pour la transition énergétique, la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre et le réchauffement climatique. C’est ce qu’il convient de faire ; il nous faut réussir !
Comme l’indique le bilan annuel du programme scientifique international Global Carbon Project, les émissions de CO2 continuent d’augmenter dans le monde, à l’inverse des promesses faites lors de la conclusion de l’accord de Paris. En 2018, elles ont progressé d’environ 2,7 % : c’est pire qu’en 2017, où l’augmentation avait atteint 1,6 %.
Les principaux pays émetteurs sont la Chine, l’Inde et les États-Unis, qui consomment de plus en plus de charbon et de pétrole. Les émissions européennes baissent très légèrement, à hauteur de 0,7 % en 2018. La France avait réduit ses émissions de CO2 durant la période 2006-2010. Celles-ci sont passées de 367 millions de tonnes par an en moyenne à 335 millions de tonnes en 2011, puis à 304 millions de tonnes en 2014. La trajectoire était bonne, mais, depuis 2015, année de la signature des accords sur le climat, faut-il le rappeler, nos émissions de CO2 remontent : elles ont atteint 309 millions de tonnes en 2015 et 316 millions de tonnes en 2016. Nous ne respectons pas nos objectifs !
Nous ne pourrons malheureusement pas relever tous les défis environnementaux en même temps et surtout à la même vitesse. C’est pourquoi l’urgence numéro 1 est, me semble-t-il, de réduire les émissions de gaz à effet de serre, tels que le CO2.
Si je comprends les inquiétudes de nos concitoyens à l’égard du nucléaire, que notre rapporteur a évoquées avec raison, force est de constater qu’il reste un formidable allié dans la lutte contre le réchauffement climatique et peut permettre la nécessaire transition. Pour information, la Suède, souvent citée en exemple, a divisé par deux ses émissions de CO2 entre 1970 et 1990, grâce à une production d’énergie reposant pour moitié sur les sources renouvelables et pour moitié sur le nucléaire.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Duran, sur l’article.
M. Alain Duran. Les transports sont absents de ce texte, mais je voudrais vous parler, madame la secrétaire d’État, de la situation absurde que nous vivons aujourd’hui, en Occitanie, avec le « train des primeurs », qui transporte – ou transportait – les primeurs depuis Perpignan jusqu’au marché d’intérêt national de Rungis. L’exploitation de cette ligne, qui aurait dû cesser à la mi-juillet, se poursuit dans des conditions ubuesques, comme l’a rappelé mon collègue Fabien Gay. En effet, depuis vendredi dernier, le train circule à vide, les professionnels préférant désormais livrer leurs marchandises par la route. Le sillon est certes conservé, ce dont nous pouvons nous féliciter, mais pour quoi faire ? La demande existe et existera toujours, mais la pérennité de la ligne n’est pas assurée dans ces conditions.
Alors que l’article 1er prévoit d’atteindre la neutralité carbone en 2050, quelles mesures ou incitations proposez-vous pour éviter ce non-sens économique, ce non-sens écologique que représenterait le report du fret ferroviaire sur 80 camions supplémentaires circulant chaque jour sur nos autoroutes ? Ce serait, madame la secrétaire d’État, un très mauvais signal quand, en même temps, nous allons inscrire dans la loi la réduction de la consommation d’énergies fossiles de 40 % d’ici à 2030.
M. Roland Courteau. Exactement !
M. Alain Duran. Si la loi, comme vous l’avez dit, ne fait pas tout, l’État, compte tenu de son poids dans la structure actionnariale de la SNCF, porte une lourde responsabilité dans ce triste feuilleton de l’été. Madame la secrétaire d’État, que nous proposez-vous ? (Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme la présidente. La parole est à M. Maurice Antiste, sur l’article.
M. Maurice Antiste. À l’occasion de l’ouverture de la 24e Conférence mondiale sur le climat, en Pologne, le Président Macron avait promis des mesures « historiques et structurantes » en matière de transition énergétique et de lutte contre les changements climatiques. À ce jour, ni la LOM ni la programmation pluriannuelle de l’énergie, la PPE, ne semblent corroborer les annonces présidentielles.
Pourtant, il y a une véritable urgence à agir en matière écologique et climatique, comme l’ont réaffirmé en commission les députés à propos de l’article 1er, quand bien même cette disposition législative n’a qu’une portée symbolique. On dit, dans un tel cas, que la mesure a au moins le mérite d’exister, mais j’ai toujours en tête un dicton de chez moi : « sé pa lè’w fen pou mété kannariw’ an difé », ce qui signifie « ce n’est pas lorsque tu as faim que tu dois commencer à faire cuire ton repas ».
Je rappelle que les émissions de gaz à effet de serre engendrées par les activités humaines ont provoqué une augmentation de la température d’environ 0,74°C en un siècle. Elles se situent d’ailleurs au-dessus de l’objectif pour 2017, avec une progression globale de 6,7 %, atteignant 10,6 % pour le secteur des transports, 22,7 % pour les bâtiments et 3,2 % pour l’agriculture.
Les conséquences du dérèglement climatique sont multiples et alarmantes – fonte des glaciers, montée du niveau de la mer, désertification, dégradation des systèmes agricoles, augmentation de l’activité cyclonique… – et constituent une source de grandes souffrances et de destructions dans nos territoires et ailleurs. L’outre-mer en est la première victime !
C’est pourquoi nous attendons beaucoup de votre politique écologique et énergétique et nous avons déposé des amendements pour améliorer le texte qui nous est proposé. J’espère, madame la secrétaire d’État, que vous saurez faire primer l’intérêt général sur toute considération politique et démontrer ainsi que l’urgence climatique constitue bien une priorité pour le Gouvernement.
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Poadja, sur l’article.
M. Gérard Poadja. Le Gouvernement affiche une grande ambition au travers de cet article : diviser par six les émissions de gaz à effet de serre, atteindre la neutralité carbone en 2050, réduire l’utilisation d’énergies fossiles de 40 % d’ici à 2030. L’État affirme une ambition toujours plus forte, mais quelles solutions concrètes donne-t-il aux collectivités pour la mettre en œuvre ?
En 2009, le Grenelle fixait déjà l’objectif de l’autonomie énergétique des outre-mer et de l’utilisation d’énergies renouvelables à hauteur de 50 % en 2020. Mais la réalité est que, aujourd’hui, les énergies renouvelables ne représentent que 36 % du mix énergétique à La Réunion, 20 % en Guadeloupe, 13 % en Nouvelle-Calédonie, 7 % en Martinique, 5 % à Mayotte…
Pourquoi les outre-mer sont-ils si loin du compte ? Parce que le Gouvernement n’a pas donné suffisamment de moyens pour atteindre ces objectifs ambitieux. En 2010, il a stoppé net les incitations fiscales pour les investissements dans le photovoltaïque. La filière, qui commençait à émerger, s’est effondrée. De même, entre 2012 et 2014, l’État a construit des centrales thermiques fonctionnant au diesel dans plusieurs territoires ultramarins, qui les approvisionneront en électricité produite à partir d’énergie fossile jusqu’en 2050. Dès lors, à quoi bon fixer des objectifs de réduction de l’utilisation des énergies fossiles si l’État ne nous donne pas les moyens de les atteindre ?
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bonnefoy, sur l’article.
Mme Nicole Bonnefoy. Avec d’autres collègues issus des différentes travées de cette assemblée, nous avions déposé un amendement, hélas qualifié de cavalier législatif, visant à attribuer à l’autorité de police la possibilité d’interdire la circulation sur les routes nationales des véhicules de transport de marchandises de plus de 3,5 tonnes en transit, pour des motifs liés à l’environnement, à la sécurité publique et à la sécurité routière.
Je regrette que l’irrecevabilité de cet amendement ait été déclarée. Il entrait pourtant dans le champ de l’article 1er, puisque son adoption aurait permis de réduire sensiblement les émissions de gaz à effet de serre et d’aider les communes traversées par ces routes nationales empruntées à tort par un nombre croissant de poids lourds en transit de tendre vers la neutralité carbone, objectif fixé par le présent texte. Nous sommes privés d’un vrai débat sur une mesure pourtant juste et attendue.
Mme la présidente. La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud, sur l’article.
Mme Patricia Morhet-Richaud. L’hydroélectricité est un secteur stratégique, au-delà de la seule production d’énergie. En effet, il recouvre des enjeux énergétiques, économiques, environnementaux et de sécurité.
L’hydroélectricité représente de 12 % à 14 % de la production d’électricité nationale et 61 % de la production d’électricité d’origine renouvelable. La Commission européenne a mis la France en demeure de se mettre en conformité avec l’article 106 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne en procédant à la mise en concurrence des concessions hydroélectriques arrivant à échéance.
Conformément aux principales dispositions désormais applicables au renouvellement des concessions hydrauliques, à la suite de l’adoption de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, l’État a la possibilité de recourir à des partenariats public-privé pour exécuter ces contrats.
Je voudrais saluer les initiatives prises par les collectivités, notamment par le département des Hautes-Alpes, qui a récemment décidé de participer, le cas échéant, au capital des SEM hydroélectriques qui pourraient être créées. J’espère que l’État sera attentif aux ambitions des territoires, qu’il accompagnera avec bienveillance la création de ces sociétés d’économie mixte qui pourraient regrouper les concessions de plusieurs barrages, par exemple celui de Serre-Ponçon.
Mme la présidente. La parole est à M. Franck Montaugé, sur l’article.
M. Franck Montaugé. Bien que revues pour certaines d’entre elles à la baisse, les ambitions du texte que nous discutons aujourd’hui restent extrêmement élevées au regard de l’urgence des enjeux. Dans ce contexte, les moyens nécessaires devront être disponibles, mobiliser la capacité contributive de l’État en direction des particuliers aux moyens modestes n’étant pas la moindre des questions.
Quelques principes d’intérêt général devraient, me semble-t-il, guider nos débats.
En dépit de l’extension totale de l’économie de marché au secteur des énergies, je pense que l’énergie de première nécessité pour les particuliers relève de la notion de bien commun. À cet égard, la péréquation tarifaire, pour ce qu’il en reste, devra être préservée, ainsi que les tarifs réglementés, qui protègent les plus modestes dans le temps long.
L’ouverture des marchés de l’électricité dans l’Union européenne s’est fondée sur le principe de libre concurrence, considéré dogmatiquement comme devant conduire à un optimum bénéfique aux consommateurs, et donc sur la destruction des monopoles existants. À ma connaissance, la démonstration de la prétendue supériorité du modèle de marché n’a jamais été faite et nous avons souvent demandé au Gouvernement, sur certaines de nos travées, des évaluations de l’efficacité des marchés du point de vue des différents types de consommateurs. Elles nous ont toujours été refusées et, jusqu’à preuve du contraire, cela me conforte dans l’idée que, dans cette industrie de l’électricité fortement capitalistique, la tarification au coût marginal est, à long terme, dans l’intérêt du consommateur particulier.
Sans pour autant entraver le développement et la montée en puissance des énergies renouvelables, la France ne doit pas sacrifier son entreprise nationale, EDF, dont on sait la contribution majeure, avec tous ses personnels, à la reconstruction du pays et à sa performance économique et industrielle depuis 1946. Si l’on veut que la France réussisse sa transition énergétique, EDF devra y prendre une part majeure et décisive, sans que l’ouverture du capital après la découpe annoncée dans le cadre du plan Hercule vienne enclencher un démantèlement définitif. Nous nous opposerons, le moment venu, à la financiarisation qui s’inscrit en filigrane dans le projet annoncé.
L’État doit jouer un rôle majeur dans le cadre d’une stratégie industrielle assumée et discutée avec le Parlement, loin des errements que nous déplorons, en ce moment même, concernant Alstom et d’autres grandes entreprises françaises, sacrifiées avec leur personnel.
Mme la présidente. La parole est à M. Patrice Joly, sur l’article.
M. Patrice Joly. Madame la secrétaire d’État, la présentation de ce projet de loi s’inscrit dans un contexte d’urgence climatique, face à laquelle il est primordial de réagir et d’agir.
Cependant, malgré tout son intérêt, ce projet de loi ne permet pas, pour des raisons réglementaires, de traiter l’ensemble des problématiques liées à l’énergie. La question des transports vient d’être évoquée, je prendrai ici deux autres exemples.
Premièrement, concernant la privatisation des barrages, il me paraît parfaitement anormal d’envisager d’examiner un texte de loi relatif à l’énergie et au climat en excluant l’hydroélectricité de ce débat d’une portée majeure pour la souveraineté nationale. Il s’agit en effet de la première source d’énergie propre et renouvelable. Ce secteur stratégique a dégagé un bénéfice net de 1,25 milliard d’euros l’année dernière. Comment accepter, dès lors, de confier les barrages à la gestion privée, guidée par des intérêts strictement marchands ? La privatisation, c’est la mort de toute politique écologiste dans ce secteur. Comment, d’une manière plus générale, coordonner une politique énergétique si elle est laissée au secteur privé ?
Il faut ajouter que ces barrages ont été financés en partie par les impôts des Français. Les investissements sont par ailleurs amortis. Enfin, il existe un risque réel de hausse des prix de l’électricité produite dans ces conditions : d’autres privatisations, comme celle des autoroutes, en attestent.
Quand le Gouvernement traitera-t-il de l’avenir de l’hydroélectricité, et en particulier de sa gestion, si ce n’est pas au travers de ce projet de loi ?
Par ailleurs, je voudrais aussi évoquer la petite hydroélectricité, celle des petites chutes, des moulins en particulier, qui doit pouvoir être mobilisée pour atteindre les objectifs de production d’énergie renouvelable. S’agissant de ces petites productions, il est indispensable que soient trouvés des compromis adaptés entre les enjeux de continuité écologique, souvent avancés, et les enjeux énergétiques, qui méritent d’être reconnus.
Enfin, le recours à la biométhanisation présente plusieurs avantages environnementaux et économiques. Il favorise notamment le développement d’emplois locaux non délocalisables et engendre une véritable économie circulaire dans nos territoires ruraux. Cependant, la biométhanisation peut soulever des réticences lorsqu’elle est liée à certaines formes d’élevage ou d’utilisation intensive des terres agricoles, qui nuisent à notre bilan alimentaire et écologique. C’est pourquoi je soutiens l’idée de mes collègues de mettre en place un label de « méthanisation verte », qui distinguerait la bonne méthanisation, favorisant l’élevage et une certaine forme d’agriculture, et la mauvaise, pouvant les menacer. Je souhaite que cette question soit sérieusement étudiée par votre ministère.
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Jacquin, sur l’article.
M. Olivier Jacquin. Vous affichez une ambition très forte pour notre mix énergétique, madame la secrétaire d’État, et je salue le fait que des députés aient inscrit dans le texte la nécessité de répondre à l’urgence écologique et climatique, mais je voudrais moi aussi souligner la faible place faite, dans ce projet de loi, au domaine des transports, qui est pourtant la source de 30 % de nos émissions de gaz à effet de serre et représente 31 % des consommations d’énergie. L’étude de l’ANSES parue ce jour est tout à fait éclairante à cet égard. On nous dit que si ce projet de loi ne traite guère des transports, c’est parce qu’un texte sur les mobilités est en cours de discussion, mais ce dernier n’évoque que bien trop peu le sujet de l’énergie et des pollutions.
Le rapport de juin 2019 du Haut Conseil du climat souligne la nécessité d’agir en cohérence avec nos ambitions. Or la LOM ne traite pas du transport des marchandises, ne prend pas en compte les externalités négatives, ne propose pas de nouveaux modèles économiques pour relancer la voie d’eau et le ferroviaire. À cet égard, le sinistre épisode du train Perpignan-Rungis vient souligner les carences de ce débat.
In extremis, on a ajouté une réduction de 2 centimes de l’exonération dont bénéficie le gazole pour les poids lourds, exonération qui crée une distorsion de concurrence. Je déplore que deux amendements, portant l’un sur une redevance kilométrique pour les poids lourds, l’autre sur la contribution carbone des donneurs d’ordres, aient été déclarés irrecevables.
In extremis encore, on nous propose de créer une éco- contribution pour le transport aérien, mais rien pour le transport maritime, dont les émissions de dioxyde de soufre sont pourtant considérables.
Je terminerai en citant un jeune de dix-sept ans, Jeff, que j’ai rencontré lors d’une marche pour le climat à Nancy. Alors que je lui exposais la difficulté de convaincre de la nécessité d’agir pour le climat, il m’a fait la réponse suivante : « dites-leur de devenir adultes avant qu’on ne le soit ».
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Longeot, sur l’article.
M. Jean-François Longeot. Comme ma collègue Nicole Bonnefoy l’a indiqué précédemment, nous avons été un certain nombre ici à déposer un amendement sur la circulation des poids lourds sur les routes nationales et départementales, qui a été déclaré irrecevable.
Il faut tout de même que nous réfléchissions à cette problématique. On a abandonné l’écotaxe, et aujourd’hui on s’aperçoit que les camions, notamment étrangers, circulent de plus en plus sur nos routes tant départementales que nationales, se fournissent en gazole en Espagne ou dans d’autres pays limitrophes sans rien consommer sur notre territoire, mais en nous laissant supporter les charges liées à leur trafic.
Sans même parler des accidents, j’évoquerai les problèmes environnementaux que pose la circulation de ces poids lourds sur nos routes nationales et départementales. Je trouve étonnant que notre amendement ait été écarté, car c’est une question de bon sens. On nous a indiqué qu’il existait une réglementation permettant aux préfets d’obliger les poids lourds à emprunter les autoroutes, mais elle n’est pas appliquée, madame la secrétaire d’État. Dès lors, comment comptez-vous demander à Mmes et MM. les préfets de nos départements de faire appliquer cette réglementation ? (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste. –Mme Nicole Bonnefoy et M. Martial Bourquin applaudissent également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Angèle Préville, sur l’article.
Mme Angèle Préville. Nous comprenons maintenant autrement, et sans doute mieux qu’auparavant, le règne végétal et son interaction avec le reste du monde. Les végétaux sont ainsi passés du statut de paysage ou d’environnement, objectif et passif, à celui de condition absolue de la vie et de l’existence humaine sur la Terre. Le règne végétal ne constitue plus simplement un ornement naturel, un élément accessoire pour la vie animale et humaine, mais le cadre même du vivant en général. Les végétaux sont capables d’intégrer symbiotiquement leur environnement via leurs messages chimiques et de communiquer avec leurs semblables, de mémoriser puis de remobiliser des informations de manière à reconfigurer ou même coloniser un sol, de mobiliser et d’aménager leur environnement sous forme d’habitat ou de niche ; c’est ainsi que naissent les forêts et les écosystèmes.
Les végétaux constituent les conditions d’émergence du vivant en termes de production et de reproduction de l’atmosphère respirable et de création de sols fertiles, les plantes représentant 99 % de la biomasse sur Terre.
Selon le philosophe-chercheur Quentin Herniaux, il importe de penser le végétal sous l’angle non de ce qu’il est, mais de ce qu’il fait pour nous, en reconfigurant l’espace du vivant, mais aussi de ce que nous lui faisons. Les végétaux et la nature dans son ensemble seront alors des alliés dans la lutte contre le réchauffement climatique. Nous ne devons pas les négliger, sous peine de passer à côté d’effets bénéfiques indéniables.
Ainsi, pour lutter contre le réchauffement climatique, il nous faut, conjointement, lutter contre le recul de la biodiversité : ces deux sujets sont indissociables. (M. Joël Labbé applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, sur l’article.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Ce projet de loi relève tout de même largement des vœux pieux et donne le sentiment que les actions menées dans notre pays manquent de cohérence d’ensemble pour atteindre les objectifs ambitieux qu’il fixe.
Pour espérer parvenir à la neutralité carbone en 2050, il faut agir immédiatement et de manière globale. Il est faux de dire que la transition écologique ne coûtera pas cher. Des arbitrages d’ensemble, cohérents, sont nécessaires. Or je ne trouve pas cohérent que l’on nous renvoie à la LOM pour les transports, à la loi ÉLAN pour le logement, et que l’on ne parle pas de l’industrie, alors que la stagnation ou la diminution de nos émissions de gaz à effet de serre tient à la désindustrialisation et à la faible croissance du pays. Si nous voulons garder une industrie puissante, elle devra être hyper-performante du point de vue énergétique, grâce à l’émergence de filières d’avenir. Or rien de tout cela n’est exprimé de façon claire dans le texte qui nous est proposé.
Ce texte manque également d’une stratégie de service public et d’implication de l’État. Si on veut aller vite, il faut que l’État, c’est-à-dire la puissance publique dans sa diversité, donne le « la », qu’il soit exemplaire. Il faut accompagner les collectivités locales pour l’isolation des bâtiments, pour une réorganisation des transports, et bien sûr imaginer une nouvelle façon de concevoir l’urbanisme ou l’agriculture.
Nous avons impérativement besoin d’une telle vision d’ensemble, dans laquelle la notion de service public doit guider la recherche de l’intérêt général. Or tout ce qui nous est proposé tant à détricoter le service public : la remise en cause des tarifs réglementés, l’ouverture du capital des entreprises énergétiques, la disparition de certains secteurs industriels où la puissance publique était présente, la privatisation des barrages hydroélectriques…
Enfin, il n’est question nulle part dans le projet de loi du lien entre l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre sur la planète et la multiplication des échanges, parfois inutile. Il ne s’agit pas de prôner le repli sur soi, mais il est injustifiable et néfaste pour l’environnement de développer les échanges uniquement pour permettre à des multinationales d’augmenter leurs profits à la marge. Or vous allez nous demander de ratifier des traités de libre-échange qui vont accroître les émissions de gaz à effet de serre, vous êtes impuissants à canaliser le transit des camions étrangers !
Mme la présidente. Il faut conclure, ma chère collègue !