M. le président. La parole est à Mme Anne-Catherine Loisier. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste. – Mme la présidente de la commission des affaires économiques applaudit également.)
Mme Anne-Catherine Loisier. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à saluer le travail remarquable de nos rapporteurs et de nos administrateurs, dans le contexte particulier que la présidente de notre commission a souligné.
Le projet de loi soumis à notre examen, censé faciliter l’accès à une énergie décarbonée et abordable pour tous, se concentre sur l’offre énergétique, les tarifs et la lutte contre la fraude. Il ne s’attache pas aux sujets majeurs, tels que la maîtrise de la demande dans les secteurs les plus émetteurs et fait peu de place à l’évaluation et à l’exemplarité de l’État.
En complément des observations présentées par mon collègue Jean-Pierre Moga, j’insisterai sur trois points.
D’abord, la lutte contre le changement climatique et l’objectif de neutralité carbone. Comment atteindre zéro émission nette de carbone d’ici à 2050 en nous privant du levier des puits de carbone ? Selon des chercheurs suisses, 900 millions d’hectares de canopée en plus des 2,8 milliards d’hectares actuels pourraient absorber 205 des 300 gigatonnes de carbone rejetées dans l’atmosphère depuis la fin du XIXe siècle.
En ce sens, je proposerai un amendement visant à étendre le champ obligation des certificats d’économies d’énergie à la captation de carbone. En créant un volet spécifique au sein du dispositif des CEE, nous soutiendrions les investissements dans les pratiques vertueuses et les services environnementaux devenus essentiels. Je pense à tout ce qui valorise les espaces naturels et les matériaux biosourcés, préservant et développant ainsi des capacités de stockage du CO2 dans le sol et les végétaux, ainsi que des capacités de substitution par l’usage de matériaux biosourcés.
Ensuite, il faut agir sur un autre levier : la petite hydroélectricité. Pouvons-nous véritablement nous permettre de nous priver de ce potentiel, même de petite taille ? Comment expliquerons-nous aux générations futures que, alors que notre planète étouffait, nous n’avons pas jugé nécessaire d’optimiser le potentiel d’énergies renouvelables décarbonées des petites unités d’hydroélectricité ?
M. Laurent Duplomb. Bravo !
Mme Anne-Catherine Loisier. Sortons du dogmatisme : les expériences des dernières années démontrent que, en matière d’énergie et de stratégie bas-carbone, il n’y a pas une solution miracle, venue des ENR électriques, mais plutôt un mix de technologies qui se complètent.
Enfin, sur ce sujet de l’offre énergétique, je souhaite réaffirmer la spécificité de notre pays, qui, du fait de son mix électrique essentiellement nucléaire, donc décarboné, doit rechercher d’abord une meilleure efficacité énergétique et des changements dans les usages, plutôt qu’une coûteuse conversion des moyens de production existants.
Il serait opportun, madame la secrétaire d’État, de contrôler et d’évaluer la rentabilité des projets ENR, auxquels les soutiens publics devraient avoisiner 200 milliards d’euros à l’horizon de 2045. Ces soutiens massifs pèsent de plus en plus sur le pouvoir d’achat de nos concitoyens et ne sont pas tenables à long terme. La CSPE explose, et 70 % de ses recettes vont désormais au soutien aux ENR plutôt qu’à la mobilité propre et à la rénovation thermique. La Cour des comptes comme la CRE appellent à un renforcement du pilotage budgétaire de ces charges et à un meilleur contrôle des appels d’offres, avec une possibilité de révision des mécanismes, notamment du fait des progrès technologiques. Le coût de la maintenance des ENR a diminué de plus 35 % ces dernières années, sans que les engagements relatifs aux prix d’achat puissent être ajustés.
Madame la secrétaire d’État, envisagez-vous une réflexion sur l’ensemble de la chaîne de valeur des industries ENR, au travers d’un bilan environnemental complet intégrant le transport et les matériaux, mais aussi les emplois créés ? De fait, il faut bien constater qu’il n’y a pas de développement industriel autour des ENR en France.
Dans le contexte actuel d’urgence climatique, peut-on se satisfaire de stratégies qui ne permettent aucune réduction des émissions de gaz à effet de serre avant 2028 et ne mobilisent les financements que pour le remplacement des capacités de production actuelles, pourtant largement décarbonées, par de coûteuses ENR bas-carbone ? Il est temps de reconsidérer ces choix de soutien public : 200 milliards d’euros pour les ENR d’ici à 2045, contre 25 milliards d’euros à l’horizon de 2023 pour la mobilité propre ou la rénovation thermique, principaux vecteurs de réduction des émissions de carbone.
Le groupe Union Centriste sera attentif à apporter des améliorations en ce sens au cours des débats qui vont suivre. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
M. le président. La parole est à M. Franck Menonville. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires.)
M. Franck Menonville. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, notre nouveau regard sur l’énergie devra être un levier majeur de la réduction des gaz à effet de serre. En effet, c’est parce que l’énergie fossile a été utilisée massivement jusqu’à présent que nous faisons aujourd’hui face au péril écologique que nous connaissons sur la planète.
Il appartient au Parlement de fixer les objectifs. Nous souhaitons une politique française ambitieuse en matière de réduction des gaz à effet de serre. Elle nécessitera d’accentuer le développement des énergies renouvelables et décarbonées.
Cela ne doit pas nous faire oublier que la France bénéficie d’un atout considérable dans la production d’électricité décarbonée : le nucléaire, qui reste un moyen fiable et non émetteur de CO2 de produire de l’électricité. La fermeture de près d’un quart des réacteurs français a été annoncée, mais elle doit être assortie d’alternatives crédibles ; nous y serons attentifs. La France doit rester en pointe sur cette technologie, en attendant que ces alternatives crédibles existent véritablement.
Les énergies renouvelables doivent être encouragées et des synergies doivent naître entre la production d’énergie et l’agriculture. Il est nécessaire de consolider un cadre stable et pérenne pour la filière biogaz afin de sécuriser les porteurs de projet.
La production locale de méthane dispose de plusieurs avantages : elle permet une gestion des effluents agricoles, et le biogaz assure un complément de revenus aux agriculteurs et consolide la résilience de notre agriculture.
L’agriculture fait déjà beaucoup pour l’environnement. Elle peut faire beaucoup aussi en matière d’énergie.
Plus généralement, le couple biocarburants et agriculture est porteur de nombreuses promesses, notamment en matière de biokérosène – songeons à l’importance du transport aérien !
La lutte contre le changement climatique passera par nos territoires, mais aussi par le monde de l’entreprise. C’est notamment le cas pour les dispositions de lutte contre la fraude aux certificats d’économies d’énergie. Elles réaffirment notre engagement dans le processus de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Par ailleurs, nous sommes convaincus tant du bien-fondé de ce dispositif que de l’intérêt de la production d’hydrogène décarboné à partir d’énergies renouvelables. Néanmoins, nous serons particulièrement attentifs au cadre qui sera proposé pour le développement de cette solution d’avenir.
Les enjeux de climat et d’énergie sont considérables. Ces combats doivent être menés aussi à l’échelle européenne et de façon coordonnée.
Pour toutes ces raisons, le groupe Les Indépendants contribuera à défendre ce texte, enrichi par le travail de nos rapporteurs, de nos commissions et par le débat qui s’ouvre devant la Haute Assemblée. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste. – MM. Bernard Buis et Yvon Collin applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Lamure. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Élisabeth Lamure. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, permettez-moi de féliciter à mon tour les rapporteurs ainsi que l’équipe des administrateurs : ils ont beaucoup de mérite d’avoir préparé l’examen de ce texte dans les conditions qui leur ont été imposées et que Mme la présidente de la commission a rappelées à juste titre.
En présentant son rapport en commission des affaires économiques, Daniel Gremillet a évoqué la pauvreté de ce projet de loi. Je partage ce constat, l’intention du texte étant essentiellement de faire entériner par le législateur les choix de la PPE. C’est donner bien peu d’importance au Parlement sur un sujet qui suscite une si grande préoccupation.
Je note pour ma part deux grands absents dans les sujets qu’un texte portant sur l’énergie et le climat aurait dû aborder : l’industrie et le transport.
L’industrie nucléaire n’est abordée que sous un angle négatif, malgré sa qualité première en lien direct avec les objectifs du projet de loi : réduire les émissions de gaz à effet de serre pour limiter le réchauffement climatique. Tout au plus avez-vous consenti à reporter de dix ans la diminution à 50 % de la part du nucléaire dans le mix énergétique. Nous n’avions pourtant cessé de répéter lors de la discussion du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte, sans avoir été entendus, que l’objectif de 2025 était inatteignable. La preuve en est aujourd’hui ! À quoi cela sert-il de fixer des objectifs dont on sait pertinemment qu’ils sont irréalistes ?
Pour ma part, je ne suis ni pro ni anti-nucléaire, mais je salue l’excellence de la filière française, dont nous aurons forcément besoin pour atteindre l’objectif de neutralité carbone en 2050.
Hormis le nucléaire, il y a l’industrie que l’on qualifie de lourde, celle que l’on peine à garder en France et qui a des besoins énergétiques importants. Le rapport de notre collègue Valérie Létard, présenté au nom de la mission d’information sur les enjeux de la filière sidérurgique dans la France du XXIe siècle, a bien montré l’importance du coût de l’énergie pour l’industrie, notamment pour les entreprises électro-intensives. Or certaines d’entre elles verront leur contrat de fourniture historique arriver à terme en 2020, ce qui rend urgente la négociation d’un nouveau tarif, car, pour le maintien et la compétitivité de ces entreprises, des contrats de longue durée sont nécessaires. Notre collègue Jean-Pierre Vial, très investi sur ce sujet qu’il connaît bien en Savoie, a déposé un amendement en ce sens, mais il ne pourra faire l’objet d’une discussion ayant été déclaré irrecevable, bien qu’il s’agisse uniquement d’énergie…
Quelle est donc la réponse du Gouvernement sur ce point très important pour les entreprises industrielles fortes consommatrices d’énergie ?
Le deuxième sujet que je souhaite évoquer est celui des transports, essentiellement le transport des marchandises, qui a une importance majeure pour notre économie. Ce sujet est absent du projet de loi, sous prétexte, je crois, d’en appeler à la LOM, sauf que la LOM ne l’aborde pas !
Le constat est connu depuis longtemps : 80 % des marchandises transportées le sont par la route, d’où l’engorgement des grands axes et les émissions de CO2 que l’on connaît et qui ont des conséquences directes sur le climat et la santé. Or notre territoire métropolitain a la chance de disposer d’un bon réseau ferré, d’un bon réseau fluvial, les deux étant très largement sous-utilisés.
Je prends souvent l’exemple de l’axe Marseille-Lyon. Sur le Rhône, où la navigation est gérée par la CNR, qui par ailleurs assure la production d’hydroélectricité, le transport fluvial n’utilise qu’un tiers des capacités, alors qu’une barge poussée peut transporter en conteneurs l’équivalent de 200 à 300 camions, avec d’ailleurs un coût de transport trois fois moins important que par la route.
À Fos-Marseille, je crois me souvenir que c’est une quinzaine de trains qui quittent le port chaque jour, alors qu’au départ de Hambourg 150 trains irriguent chaque jour tout le nord de l’Europe jusqu’à nos portes, pour livrer les marchandises objets d’import-export.
Le précédent ministre de la transition écologique – je veux parler de M. Hulot (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.) – s’en était ému dans cette enceinte. L’actuelle ministre des transports s’en est elle aussi émue. Pour autant, force est de constater que rien ne bouge.
Madame la secrétaire d’État, allez-vous à votre tour vous en émouvoir et, surtout, agir en faveur du climat ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Angèle Préville. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
Mme Angèle Préville. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, ce projet de loi, qui devait marquer une étape majeure dans notre transition énergétique et écologique, n’est ni à la hauteur des enjeux ni pourvu d’une vision globale à long terme. Nous n’y percevons pas les actions concrètes à mener face à l’urgence climatique qui s’impose à nous ni les moyens mis en œuvre pour y parvenir. Il s’agit là d’une loi d’affichage, avec des mesures insuffisantes !
En préambule je tiens à rappeler, à toutes fins utiles, que quasiment toute l’électricité de notre pays est décarbonée. Or de grands enjeux semblent avoir été balayés à la même vitesse que celle à laquelle nous avons dû examiner le texte, ce que je déplore à mon tour. Je pense notamment à l’absence totale des transports dans ce texte, alors qu’ils représentent 39 % des émissions de gaz à effet de serre.
Insuffisantes, les dispositions relatives à la rénovation énergétique des passoires thermiques sont repoussées graduellement à une date bien trop éloignée, après 2022, alors qu’on parle d’urgence et que cette année-là, année d’élection majeure, vous ne serez peut-être plus en mesure d’appliquer votre promesse de campagne.
Je déplore aussi la quasi-absence de la production hydroélectrique, qui ne fait l’objet d’aucune mesure contraignante à court terme, alors qu’elle est incontournable dans la transition énergétique, et, enfin, l’incapacité à trancher le débat sur le nucléaire.
Cela me conduit à une première réflexion. La diminution de la part du nucléaire introduit deux nouveautés majeures.
La première est le passage d’une production d’électricité en masse, concentrée, à une production plus diffuse, répartie sur le territoire et accompagnée de la montée des énergies renouvelables, qui sont bien moins puissantes, ce qui entraîne des problèmes d’acceptabilité par nos concitoyens. Je rappelle pour exemple les résistances rencontrées avec les projets éoliens.
La deuxième nouveauté est la disparition des grosses « machines tournantes » que sont les alternateurs des centrales thermiques. Bien qu’ils soient condamnés à terme, ils sont essentiels au maintien du réseau et des fréquences. Parmi les énergies renouvelables, seule l’hydroélectricité est susceptible de fournir cette qualité. C’est là toute sa pertinence, notamment pour la petite hydroélectricité.
Nos concitoyens doivent être éclairés afin de saisir les enjeux de ces changements et de faire des choix.
M. Jean-Pierre Decool. Très bien !
Mme Angèle Préville. Cela me conduit à une autre réflexion sur le sujet.
Vos objectifs pour le report des fermetures de réacteurs nucléaires, dépourvus de chiffrage crédible et assortis d’un calendrier artificiel et propre à être modifié à l’envi, posent problème. L’impact social est négligé. Le Gouvernement est en deçà des responsabilités qui s’imposent à lui. Ces décisions sont les siennes et doivent être assumées, qu’il s’agisse du nucléaire ou des centrales à charbon, les plans de réemploi doivent être au cœur de ses préoccupations. Le volet social doit être pleinement inclus dans l’urgence climatique.
Sur la question de la fermeture des centrales à charbon, permettez-moi de vous interroger de nouveau sur l’avenir : comment maintenir le réseau dans l’ouest du pays, alors que l’EPR de Flamanville est retardé ?
S’agissant de notre entreprise historique EDF, nous avons des interrogations. Sa situation est durablement fragilisée. En effet, l’essor des énergies renouvelables et les progrès en matière d’économies d’énergie peuvent entraîner à terme une chute des prix sur le marché européen, car, vous le savez, nous sommes dans le foisonnement, avec des échanges perpétuels avec nos pays voisins.
Par ailleurs, le coût de production des réacteurs nucléaires d’un parc vieillissant augmente du fait d’un taux d’utilisation en baisse, de la multiplication des arrêts, du grand carénage qui se met en place et des problèmes de sécheresse dus au réchauffement climatique. À cela s’ajoutent les obligations de l’Arenh.
L’intérêt stratégique doit être au centre de la résolution de cette équation. Nous y serons vigilants.
Le groupe socialiste et républicain attend de ces débats des avancées sur les dispositions que nous jugeons insuffisantes : la rénovation thermique et l’incitation à la mobilité verte, afin de diminuer drastiquement notre empreinte carbone. Nous devons opter pour des comportements plus sobres et plus vertueux.
Afin d’assurer une continuité du service public et des politiques en faveur de l’intérêt général qui lient urgence écologique et responsabilité sociale, nous défendrons des propositions très concrètes pour lutter contre la précarité énergétique qui touche un trop grand nombre de nos concitoyens.
Enfin, la lutte contre le réchauffement climatique est liée aux écosystèmes. Nous nous étonnons que nos amendements sur la préservation de la biodiversité aient été déclarés irrecevables. C’est se méprendre sur les enjeux climatiques énergétiques qui nous attendent. La nature est une alliée que nous ne devons pas négliger. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à M. Stéphane Piednoir. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Stéphane Piednoir. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, force est de constater que le texte qui nous est soumis réalise une prouesse assez extraordinaire : fixer à un horizon lointain une série d’objectifs déclaratifs tous plus ambitieux les uns que les autres sans les assortir des moyens nécessaires à leur réalisation. Pis, il se contente de ces objectifs à long terme, sans dire concrètement comment mettre en œuvre, demain matin, des dispositifs pour une véritable transition énergétique dans les territoires.
À ce titre, le projet de loi est décevant. Il manque singulièrement d’envergure et, surtout, de traduction effective de proclamations politiques pourtant largement déployées à l’article 1er à grand renfort de dates, d’estimations diverses et de calculs qui m’impressionnent : neutralité carbone pour 2050, facteur 6 pour les émissions de gaz à effets de serre, réduction de la consommation des énergies fossiles à 40 %, production d’énergie hydraulique à 27 gigawatts en 2028 ou encore 40 % d’hydrogène bas-carbone dans la consommation industrielle…
En vérité, je me demande sincèrement si tout cela est bien sérieux…
M. Michel Savin. C’est vrai !
M. Stéphane Piednoir. … et s’il ne s’agit pas simplement de servir la cause d’une diminution significative de la production nucléaire dans notre pays, mesure idéologique prise durant le précédent quinquennat pour tenter de satisfaire une partie de la majorité d’alors, aujourd’hui encore aux responsabilités… (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Jacques Grosperrin. Eh oui !
M. Stéphane Piednoir. Sur l’article 1er en particulier, je tiens cependant à saluer le travail de notre rapporteur, Daniel Gremillet, qui a clarifié certains de ces objectifs.
En inscrivant l’urgence écologique et climatique dans ce texte, chacun comprend qu’il faut aller vite pour réduire nos émissions de CO2. Alors pourquoi renoncer à la production nucléaire, la plus vertueuse dans ce domaine ? Réduire à 50 % la part de notre production d’électricité d’origine nucléaire ne restera qu’une annonce idéologique sans un plan d’action concret de diversification de notre mix énergétique.
M. Laurent Duplomb. Bravo !
M. Stéphane Piednoir. Dans ce contexte, pourquoi ne pas privilégier davantage l’hydrogène, par exemple ?
Chacun sait qu’on ne progresse pas parce qu’on a peur mais parce qu’on croit au progrès. Pour paraphraser le cheikh Yamani, « l’âge de pierre ne s’est pas arrêté faute de pierres » ! (Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.)
Je veux poursuivre mon propos en évoquant la rénovation énergétique des logements, sujet ô combien important, puisque le bâtiment représente environ 45 % de la consommation d’énergie dans notre pays.
Si les objectifs affichés depuis plusieurs années semblent volontaristes, autour de 500 000 logements rénovés par an, on est loin d’une mise en œuvre effective et unifiée sur le terrain. J’en veux pour preuve le caractère très flou des missions du service public de la performance énergétique de l’habitat. Pourtant, tous ceux qui ont une expérience dans ce domaine peuvent témoigner de la nécessité de clarifier le jeu des nombreux acteurs, de faciliter l’accès à un conseil neutre, indépendant et efficace pour les particuliers, déboussolés par la multitude des messages auxquels ils sont régulièrement confrontés. Une stratégie globale est à arrêter, avec sans doute les régions comme chefs d’orchestre et – pourquoi pas ?– les intercommunalités comme relais dans les territoires.
Vous le savez, madame la secrétaire d’État, la rénovation thermique d’un logement peut être onéreuse – elle coûte 30 000 euros en moyenne, et parfois bien plus. Cela mérite de concentrer nos efforts sur cet axe.
Sur le sujet de ce qu’on appelle les passoires énergétiques – on en dénombre environ 7 millions dans notre pays –, nous devons faire preuve d’imagination, non pas pour sanctionner et taxer toujours plus, mais au contraire pour encourager et valoriser les propriétaires bailleurs qui effectuent les travaux. Je proposerai un amendement en ce sens.
Enfin, nous savons que ce texte prévoit une future loi quinquennale, et je m’en félicite. Elle permettra, je l’espère, d’avoir un débat parlementaire sérieux et approfondi pour déterminer les objectifs à rechercher en matière énergétique et, surtout, pour fixer les priorités d’action pour le consommateur lambda, qui conçoit que des changements de comportement et des efforts de rénovation vont être nécessaires, mais qui aspire à une déclinaison pragmatique expurgée de toute empreinte idéologique. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État. Je souhaite remercier le rapporteur de la commission des affaires économiques, la rapporteure pour avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, ainsi que tous les orateurs.
Sachez que le message est passé : j’ai bien entendu que les délais d’examen ont été trop courts. J’espère néanmoins que les débats nous permettront d’approfondir les sujets et d’adopter les mesures dont nous avons tous besoin.
S’agit-il d’une grande ou d’une petite loi et quelle est sa place dans l’ambition que nous portons pour la transition écologique ?
La transition écologique, la lutte contre le réchauffement climatique et la préservation de la biodiversité sont des actions de système. Même si je sais que je m’adresse au législateur, je répondrai que la loi ne peut pas tout – nous le savons tous. La loi porte une vision, fixe les orientations et donne des moyens juridiques pour agir. Ce texte intervient après d’autres lois qui ont posé des normes et organisé des actions.
Vous l’avez dit, la loi sans les moyens n’est rien. C’est la raison pour laquelle une partie de la réponse se trouvera dans le projet de loi de finances et dans notre capacité à investir.
De plus, tout ne se décide pas au niveau national, tout ne dépend pas de l’État.
M. Roland Courteau. Il peut tout de même !
Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d’État. Les collectivités territoriales sont aussi des acteurs importants. Vous l’avez dit, la mobilisation territoriale est absolument essentielle. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.)
Je travaille avec les collectivités territoriales depuis que j’ai reçu le portefeuille de secrétaire d’État au ministère de la transition écologique et solidaire. Nous travaillons pour le déploiement de la transition écologique et solidaire au quotidien au plus près des territoires. Les collectivités territoriales auront à apporter une partie de la réponse aux questions qui nous sont posées : la rénovation des bâtiments, les transports, le développement des énergies renouvelables.
Vous avez parlé de l’industrie. Vous avez raison : les filières industrielles sont un enjeu majeur. Elles ne sont pas traitées dans ce texte, parce qu’elles le seront dans le pacte productif 2025 pour le plein emploi porté par Bruno Le Maire. Dans ce cadre, le groupe de travail sur l’énergie a pour objectif de développer notre autonomie, de trouver des solutions françaises et de préserver la compétitivité de l’énergie pour nos entreprises, en particulier pour les industries électro-intensives. La question est traitée dans tous les comités stratégiques de filière, parce que c’est là que ces sujets se traitent.
Par ailleurs, les financements ne sont pas tous publics. J’ai évoqué les financements budgétaires de l’État, mais nous devons aussi mobiliser les banques et les grands financeurs privés. C’est l’objectif que poursuit le Gouvernement au travers de la création, annoncée au Conseil de défense écologique, du plan France transition écologique qui devrait nous permettre de mobiliser des financeurs privés.
Enfin, il faut mobiliser les citoyens. Je suis d’accord avec ceux qui disent que la transition écologique doit aussi être sociale et solidaire. Nous devons porter attention aux plus modestes, à ceux qui sont touchés de plein fouet par le changement climatique, aux ménages dont le budget ne permet pas de faire face à l’augmentation des factures. C’est important, car notre modèle social est en cause. Le Gouvernement a déjà pris de nombreuses mesures, notamment le chèque énergie, dont le dispositif a été fortement étendu, le nombre de ménages éligibles étant passé d’environ 3 millions à 5,8 millions cette année.
Ce projet de loi est donc important, c’est un maillon d’un système qui va nous permettre d’aller plus vite, plus fort et d’atteindre les objectifs que nous nous fixons en matière de transition écologique.
Ces objectifs sont-ils compatibles avec l’accord de Paris ? La réponse est oui ! Ils sont compatibles avec la neutralité carbone en 2050, neutralité qui nous permettra d’atteindre un autre objectif de l’accord de Paris, avec une trajectoire à 2 degrés, voire à 1,5 degré.
Le Parlement est-il suffisamment associé ? La PPE est fixée par décret depuis la loi de 2015. C’est le législateur qui l’a décidé. Nous avons toutefois progressé, puisque le projet de loi prévoit une loi quinquennale fixant les grandes lignes de la programmation pluriannuelle de l’énergie. Un équilibre entre les pouvoirs législatif et exécutif a ainsi été trouvé, ce dont je me réjouis.
Il est exact que nous avons installé le Haut Conseil pour le climat en parallèle de la démarche législative. Il est néanmoins important de le doter d’un fondement législatif, qui lui conférera une importance à la hauteur des enjeux et permettra de sécuriser son rôle consultatif.
Des hypothèses sous-jacentes à la programmation pluriannuelle de l’énergie ont été avancées. Je tiens à dire que c’est une programmation ambitieuse, qui s’appuie d’abord sur une volonté de réduction de la consommation et de sobriété indispensable. La bonne énergie est d’abord celle que l’on ne consomme pas, celle que l’on réduit. La programmation porte également un mix énergétique ambitieux et un volet compensation. Ce dernier est important, car bien qu’il soit résiduel et national, il s’agit de la séquestration du carbone.
J’aimerais maintenant répondre sur quelques points plus particuliers.
La rénovation thermique des bâtiments est évidemment une priorité, mais, là encore, la loi ne peut pas tout. La loi de 2015 a confié aux régions un rôle de chef de file qu’elles n’ont pas pleinement exercé. En outre, le système de distribution des aides n’est pas complètement opérationnel et nécessite une amélioration. Tout cela ne relève pas principalement du niveau législatif. Nous allons mener ce chantier avec Julien Denormandie afin de contractualiser avec les collectivités territoriales et d’améliorer la performance du système et son pilotage.
Nous devons aussi améliorer le label RGE, ce qui relève du niveau réglementaire, et la lutte contre la fraude, qui ne relève ni du niveau réglementaire ni du niveau législatif. Au-delà des dispositions déjà prévues dans le texte pour lutter contre la fraude aux CEE, ce dernier enjeu est d’abord opérationnel.
Nous allons fusionner le crédit d’impôt pour la transition énergétique et les aides de l’ANAH dans le projet de loi de finances, mais nous devons engager parallèlement un chantier de transformations de l’action de l’État et des collectivités territoriales délégataires afin de rendre le dispositif plus opérationnel et plus efficace.
Nous allons travailler sur le droit des copropriétés, non pas dans ce texte, mais dans une ordonnance d’application de la loi ÉLAN. Nous devons permettre aux propriétaires d’un bien en copropriété de disposer d’un système simplifié et de dispositions favorisant la rénovation en copropriété.
Nous allons également élargir les aides aux propriétaires bailleurs et recentrer les aides sur les ménages les plus modestes, qu’ils soient propriétaires ou locataires, pour tenir compte de la nécessité de toucher d’abord les passoires thermiques.
J’en viens au biogaz et à l’éolien offshore. Plusieurs orateurs ont appelé l’attention du Gouvernement sur la nécessité de nous doter d’une trajectoire suffisamment ambitieuse en ces matières. Je partage cette préoccupation. La PPE a été mise en consultation, les derniers réglages sont en cours, mais je crois qu’il sera possible de ne pas réduire les prix du biogaz trop vite afin de permettre le développement de la filière.
La modification du plafond de l’Arenh est nécessaire pour limiter les hausses que les consommateurs subissent. En effet, les concurrents d’EDF souhaitent souscrire des volumes plus importants d’électricité de base. Nous recherchons le bon équilibre. Cela supposera probablement aussi une discussion sur le tarif, mais nous ne souhaitons pas lier juridiquement les deux sujets dans le texte…