M. Joël Guerriau. J’exposerai les mêmes arguments que mon collègue Thani Mohamed Soilihi.

L’idée de cet amendement consiste à se caler sur les règles de la commande publique, en faisant en sorte que le délai de paiement auquel s’astreignent les collectivités et, en particulier, l’État pour le règlement de leurs commandes puisse s’appliquer aux subventions aux associations.

Je propose une légère différence, en portant ce délai à quatre-vingt-dix jours, parce que la commission a rejeté mon amendement. Je considère en tout cas qu’il faut, de toute façon, prévoir un délai, parce que le calendrier des associations n’est pas celui des collectivités locales. La collectivité a son rythme, ses dates de décision, ses dates d’orientation du budget prévisionnel et des comptes administratifs. En outre, à l’ordre du jour du conseil municipal peut survenir une demande de subvention assez tardive par rapport aux besoins de l’association qui en est l’auteur et qui est soumise au rythme de fonctionnement de la collectivité.

Ainsi, la collectivité peut accroître ces problèmes de délai et de trésorerie.

Je pense donc qu’il est de bon ton de se fixer ce type de limite. Cela atténuerait l’effet négatif, pour une association, d’une dépense n’ayant pas encore été couverte par une subvention publique et qui peut entraîner des difficultés financières, de trésorerie, parfois lourdes.

Rétablir cet article serait donc une bonne chose, que le délai soit de soixante ou de quatre-vingt-dix jours, car prévoir un délai de versement d’une subvention me paraît de nature à rassurer les associations et à éviter un certain nombre de situations que j’ai moi-même pu constater comme élu local, depuis un certain nombre d’années.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteur. Cet article procédait du même esprit que le précédent : aujourd’hui, pour les subventions d’un montant très important, les collectivités territoriales et les associations se mettent d’accord sur le fractionnement des versements, qui sont liés à leurs charges, trimestrielles ou semestrielles. Cela se fait naturellement.

Cet article est donc conçu, je le répète, dans le même état d’esprit que l’article 1er : on pense pouvoir tout régler, mais cela n’est pas possible.

D’abord, les collectivités bénéficient de dotations elles-mêmes très fragmentées et versées de plus en plus tardivement. Si l’on n’aide pas les collectivités à fractionner les subventions aux associations, elles n’y arriveront pas.

Je ne sais pas quelles associations d’élus vous avez auditionnées, monsieur le secrétaire d’État, mais je n’en ai vu aucune mention dans le rapport de l’Assemblée nationale ; peut-être l’avez-vous fait directement, en dehors de la commission des lois. En tout état de cause, le fractionnement de ces montants correspond à une forte demande des élus.

Par ailleurs, la vie d’une association est liée à la relation qu’elle entretient avec ses banques. Or, celles-ci ont aussi un rôle à jouer : elles peuvent soutenir les associations quand les délais de versement d’une subvention sont longs, et éviter de se faire un peu d’argent sur un retard de deux ou trois semaines. C’est aussi le rôle du Gouvernement d’attirer l’attention sur ces organismes financiers ; je pense que, en disant cela, je fais plaisir à un certain nombre de sénateurs, sur toutes les travées.

L’article 1er bis n’apporterait, lui non plus, pas grand-chose : quand les collectivités locales éprouveront des difficultés à verser, dans les soixante jours, l’intégralité d’une subvention, elles ne pourront pas plus le faire. Il est donc sage de laisser subsister le fonctionnement naturel des relations entre collectivités et associations, comme cela s’est toujours passé. Aucune collectivité ne souhaite mettre en péril une association, quelle qu’elle soit, en ne versant pas, dès qu’elle le peut, les subventions accordées.

Avis défavorable sur tous les amendements et sur le sous-amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 49 rectifié et sur les amendements n° 13 et 16 rectifié bis ?

M. Gabriel Attal, secrétaire dÉtat. Il semble y avoir une incompréhension ; en tout cas, je vais tâcher de clarifier l’objet de l’article 1er bis.

Cet article n’impose pas une contrainte aux collectivités territoriales, il donne une garantie aux associations.

M. François Bonhomme. C’est subtil !

M. André Reichardt. Il faudra nous expliquer !

M. Gabriel Attal, secrétaire dÉtat. Prenons un exemple concret. Une association bénéficie d’une subvention de la part d’une collectivité territoriale et reçoit donc une notification à ce titre. Elle peut devoir recourir à des prestataires pour la réalisation d’une manifestation ayant donné lieu à cette notification de subvention. Or lesdits prestataires peuvent demander à l’association si celle-ci dispose réellement des fonds pour la payer.

Grâce à cette disposition, l’association pourra prouver qu’elle sera en mesure de payer, puisqu’elle saura que, dans les deux mois suivant la notification, la collectivité territoriale lui versera la subvention notifiée.

Cela dit, la collectivité continue de pouvoir notifier sa subvention quand elle le souhaite ; on ne lui impose pas de le faire dans un délai précis. Simplement, quand l’association reçoit sa notification, elle peut indiquer à ses éventuels partenaires ou prestataires qu’elle sera payée dans les deux mois qui suivent – la collectivité est d’accord puisqu’elle a envoyé sa notification en connaissance de cause –, et qu’elle pourra payer ses fournisseurs, ce qui garantit que la manifestation prévue pourra avoir lieu. Il ne s’agit que de cela.

Pour répondre à votre question sur l’audition des associations d’élus, madame la rapporteur, par définition, ce ne sont pas les députés qui l’ont conduite, puisque cette mesure a été introduite par un amendement gouvernemental en séance à l’Assemblée nationale.

Nous avons échangé avec l’ARF, l’AMF et l’ADF, qui sont favorables à cette solution. Nous avons même discuté de l’ampleur du délai, puisqu’il y avait des propositions pour trente jours, d’autres pour quatre-vingt-dix jours, comme le suggère M. Guerriau. Ces trois associations se sont accordées pour le délai de soixante jours, qu’elles considèrent comme tout à fait tenable, et cela constitue, elles en sont bien conscientes, une garantie très concrète pour les associations. C’est précisément cela que propose le Gouvernement.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur l’amendement n° 13 et sur le sous-amendement n° 49 rectifié, puisque nous souhaitons que les collectivités conservent leur liberté sur le délai de notification. Il demande le retrait de l’amendement n° 16 rectifié bis de M. Guerriau – un amendement de repli, si je comprends bien.

M. le président. La parole est à M. François Grosdidier, pour explication de vote.

M. François Grosdidier. Monsieur le secrétaire d’État, chers collègues de la majorité présidentielle ou de la gauche, s’il vous plaît, pour paraphraser, en quelque sorte, le président Pompidou, cessez d’emmerder les maires !

Nous passons notre temps à regretter l’inflation législative, mais nous sommes là face à un cas typique de nouvelle réglementation, dans une situation où les relations entre les communes et les associations se régulent très facilement, dans toutes les municipalités qui tournent bien.

Pour ma part, je ne connais pas de maire qui décide d’accorder des subventions à des associations mais qui décide, en même temps, de les verser avec retard, créant ainsi des dysfonctionnements dans la trésorerie de ces associations. Chaque municipalité entretient un dialogue permanent, normal, avec les associations, et elle tient compte des besoins de trésorerie tant de la commune que des associations, quand elles en sont tributaires.

Par ailleurs, je ne sais pas si vous avez été maires, monsieur le secrétaire d’État, monsieur Gabouty, mais qu’est-ce que c’est que cette histoire de notification ? Les droits d’une association courent non pas à compter de la notification, mais à partir du vote de la délibération, dès lors que celle-ci est affichée. Une délibération est créatrice de droits, et ceux-ci ne peuvent pas être retirés unilatéralement par le conseil municipal, même en respectant le parallélisme des formes.

M. Jackie Pierre. Absolument !

M. François Grosdidier. Nul besoin, donc, de ces garanties législatives supplémentaires !

D’ailleurs, si une garantie devait être instituée aujourd’hui en matière de délai de paiement, ce serait à propos des dotations de l’État et de l’Union européenne accordées aux communes !

M. Rachid Temal. Aussi, oui !

M. François Grosdidier. Les communes comptent ces délais en mois, en années parfois, et le législateur n’y apporte aucune réponse ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)

M. Rachid Temal. Mais ce n’est pas l’un ou l’autre !

M. Ladislas Poniatowski. L’intervention de M. Grosdidier est pleine de bon sens !

M. Jackie Pierre. Comme d’habitude !

M. le président. La parole est à M. François Bonhomme, pour explication de vote.

M. François Bonhomme. Comme précédemment, avec l’excédent raisonnable, je ne vois pas ce que le fait de prévoir un délai soixante jours pour verser une subvention va apporter.

Je le rappelle, toute association n’a pas droit, par nature, à une aide financière d’une collectivité ; mais, lorsque la seconde a décidé d’attribuer une subvention, on peut penser qu’elle a la volonté d’aider la première et non de compliquer les choses.

On laisse entendre, en proposant le rétablissement de l’article 1er bis, que les associations qui ont manifesté leur volonté d’aider la collectivité veulent les mettre en difficulté en laissant traîner les versements ensuite. C’est une première contradiction, monsieur le secrétaire d’État.

Par ailleurs, vous dites que c’est non pas une contrainte pour les collectivités, mais une garantie pour les associations. Vous m’excuserez, mais je trouve cela très subtil, trop subtil, trop intelligent, peut-être, pour que je comprenne le distinguo.

En tout cas, cette volonté d’imposer une contrainte inutile me semble surtout constituer une opération de rachat, d’expiation par rapport à ce qui s’est passé, au début de ce gouvernement, à l’égard des associations. En supprimant la réserve parlementaire, vous avez affaibli inutilement les associations qui étaient aidées par ce biais-là. À la suite de votre réforme de l’ISF, il y a eu une baisse des dons aux associations,…

M. Patrick Kanner. Rétablissez-le !

M. François Bonhomme. … ce qui a également fragilisé le secteur associatif.

Que vous souhaitiez mener une opération de câlinothérapie ou de rachat, je le comprends, mais que cela ne prenne pas la forme de contraintes nouvelles pour les collectivités ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)

M. le président. La parole est à M. Alain Marc, pour explication de vote.

M. Alain Marc. Je rejoins tout à fait les intervenants précédents ; faisons confiance aux relations qui existent depuis toujours entre les communes et les associations.

Voyons, les maires ne font pas exprès de ne pas verser en temps et en heure leurs subventions ! D’ailleurs, bien souvent, ils versent une partie de celles-ci en avance, pour que la trésorerie des associations s’en porte mieux.

Cela ne vous aura pas échappé, monsieur le secrétaire d’État, les maires sont des élus ; et les associations, par exemple par le biais de la presse, peuvent exercer une pression considérable sur une commune qui ferait exprès de retarder le versement de ses subventions ! Je ne comprends pas pourquoi nous en sommes là aujourd’hui.

Je ne sais pas s’il faut cesser d’emmerder les maires, pour paraphraser à mon tour le Président Pompidou, mais il me semble que les choses se passent pour le mieux dans nos territoires.

La secrétaire de mairie de ma commune que j’ai eue aujourd’hui au téléphone m’indiquait qu’il est possible de prendre une délibération attribuant une subvention à une association dès janvier et de l’intégrer ensuite au budget qui ne sera voté qu’en mars.

Aujourd’hui, on peut quasiment tout faire en termes de comptabilité publique. C’est une simple question de volonté et de bonne entente entre les dirigeants de l’exécutif de la collectivité locale et les associations demanderesses. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)

M. Claude Kern. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Catherine Conconne, pour explication de vote.

Mme Catherine Conconne. J’ai l’impression de revivre les débats de la loi sur la parité.

M. François Bonhomme. Il n’y a aucun rapport !

Mme Catherine Conconne. Selon certains, les choses allaient se faire naturellement, il n’était pas nécessaire d’imposer quoi que ce soit… Or nous savons bien que, sans contrainte, ça ne marche pas ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.)

M. Claude Kern. Si, ça marche !

Mme Catherine Conconne. S’il vous plaît, ne m’interrompez pas !

J’ai été élue municipale pendant dix-sept ans.

M. Ladislas Poniatowski. Ça ne se voit pas !

Mme Catherine Conconne. J’ai siégé dans un conseil général et dans un conseil régional pendant plusieurs années. La réalité est tout autre que ce que vous décrivez.

Bien évidemment, certaines choses fonctionnent bien, notamment dans les petites mairies, mais, dès que la commune a une certaine taille, la réalité est tout autre pour les associations. Il est donc légitime d’imposer une certaine contrainte, car, généralement, obtenir le paiement d’une subvention relève pour elles du parcours du combattant. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. François Grosdidier. Il faut changer les élus, alors ! Il faut les virer !

Mme Catherine Conconne. Vous pouvez hurler tant que vous voudrez, vous ne m’enlèverez pas mon droit de parole !

M. le président. Mes chers collègues, ayez l’obligeance de vous écouter les uns les autres.

Mme Catherine Conconne. Merci, monsieur le président, de rétablir l’ordre dans le camp d’en face !

Après avoir reçu une notification, les associations doivent souvent attendre une bonne année pour percevoir ne serait-ce que la moitié de leur subvention. Ce retard peut parfois s’expliquer par des raisons de trésorerie – je le sais d’autant mieux que j’ai été élue municipale d’une commune qui tire le diable par la queue chaque fin de mois. Toutefois, certaines collectivités dorment sur des dizaines de milliers d’euros de trésorerie ! Ces dernières, par un phénomène de lenteur naturelle, prennent leur temps pour verser les subventions prévues. Et des dizaines et des dizaines de milliers d’associations, confrontées à ce rythme qui ne correspond pas à leur quotidien, sont en souffrance !

Je voterai cette disposition pour rendre hommage et faire justice à ces associations qui s’occupent de la misère du monde. On ne peut les installer dans une souffrance permanente !

M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures trente-cinq, est reprise à seize heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)

PRÉSIDENCE DE M. Gérard Larcher

M. le président. La séance est reprise.

Article 1er bis (supprimé) (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à améliorer la trésorerie des associations
Discussion générale

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Souhaits de bienvenue à une délégation de Wallis-et-Futuna

M. le président. Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, j’ai le grand plaisir de saluer la présence, dans notre tribune officielle, des trois rois de Wallis-et-Futuna, territoire de la République française, qui nous rendent visite ensemble pour la première fois. (Mmes et MM. les sénateurs ainsi que Mmes et MM. les membres du Gouvernement se lèvent et applaudissent longuement.)

Il s’agit de Lavelua Takumasiva Patalioné Kanimoa, roi d’Uvea, de Tuiagaifo Lino Leleivai, roi d’Alo, et de Keletaona Eufenio Takala, roi de Sigave, accompagnés de leurs ministres coutumiers. Au nom du Sénat, je leur renouvelle mes souhaits de bienvenue.

Ils sont en déplacement officiel à Paris, monsieur le Premier ministre, pour la signature du contrat de convergence et de transformation de Wallis-et-Futuna. Ils sont également venus échanger avec nous sur des questions statutaires et de vie quotidienne, accompagnés de notre collègue Robert Laufoaulu, sénateur des îles Wallis et Futuna.

Nous connaissons leur attachement à la République, tout comme à la Haute Assemblée. Je forme le vœu que leur séjour à Paris soit l’occasion d’échanges fructueux pour leurs territoires et pour la République française. (Applaudissements.)

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Questions d’actualité au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Je rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat.

J’appelle chacun de vous à être attentif au respect de son temps de parole et au respect des uns et des autres.

pénurie de médicaments

M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Ma question s’adresse à Mme la ministre des solidarités et de la santé.

Depuis plusieurs années, la pénurie de médicaments ne cesse de s’accentuer. Le Gouvernement a tardé à réagir, à tel point que la situation est désormais alarmante : des bébés ne peuvent être vaccinés à temps, des personnes touchées par le cancer ne peuvent recevoir leurs médicaments, des malades de Parkinson peuvent être gravement atteints par la rupture de leur traitement. La liste est longue…

Face à ce constat, vous avez annoncé, madame la ministre, la volonté d’agir du Gouvernement. Pourtant, vos déclarations ne semblent pas montrer une volonté de s’attaquer à l’impuissance publique face aux laboratoires pharmaceutiques. Or ce point est majeur.

Les laboratoires renchérissent les coûts en organisant les pénuries, prônent le recours aux flux tendus en réduisant les stocks pour maximiser les profits et délocalisent hors de France la production et la recherche. Sanofi, par exemple, après avoir fermé de nombreux sites, prévoit la suppression de 1 500 emplois en 2019, dont 300 dans le secteur de la recherche-développement, alors même que cette entreprise a touché chaque année 150 millions d’euros de crédit d’impôt recherche, sans même compter ce qu’elle a perçu au titre du CICE.

Par ailleurs, les laboratoires laissent arriver d’Asie des lots de mauvaise qualité, qui sont bloqués lors des contrôles et contribuent à la pénurie.

Il est temps que tout cela change, que la filière pharmaceutique soit considérée comme stratégique et vitale, que l’État soit capable d’assurer l’approvisionnement de médicaments de qualité à des prix abordables. Que compte faire concrètement le Gouvernement pour atteindre ces objectifs ? (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé.

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Madame la sénatrice Marie-Noëlle Lienemann, je ne suis pas d’accord avec vous : le Gouvernement n’a pas tardé pour agir. L’Agence du médicament a demandé à tous les industriels de la pharmacie de mettre en place des plans de gestion des risques pour éviter les ruptures.

Cela étant, vous avez raison, il s’agit d’un phénomène mondial, qui s’accélère. Les pénuries sont vingt fois plus nombreuses aujourd’hui qu’elles ne l’étaient voilà dix ans. Nous avons donc décidé de monter notre dispositif d’un cran pour agir contre ces pénuries, qui inquiètent énormément nos concitoyens et les professionnels de santé.

J’ai présenté lundi une feuille de route autour de quatre grands axes pour mieux prévenir, gérer et informer les patients.

Le premier vise à faire toute la transparence sur ces pénuries et à mieux informer à la fois les patients et les professionnels afin de rétablir la confiance et la fluidité entre tous les acteurs.

Le deuxième axe vise à mieux lutter contre les pénuries par de nouvelles actions de prévention et de gestion des risques sur l’ensemble de la chaîne de production et de distribution du médicament.

Le troisième axe consiste à renforcer non seulement la coordination nationale pour lutter contre les pénuries, mais aussi la coordination internationale. Comme je l’ai souligné, il s’agit d’un phénomène mondial, et l’Europe doit aussi s’organiser.

Enfin, nous allons mettre en place une nouvelle gouvernance nationale en instaurant un comité de pilotage, que j’installerai en septembre prochain, afin de réunir tous les acteurs autour de la table.

Je souhaite aussi rassurer nos concitoyens : l’ensemble des acteurs de la chaîne du médicament, notamment les pharmaciens et les médecins, font aujourd’hui tout leur possible pour assurer la distribution des médicaments d’intérêt thérapeutique majeur. Je les remercie sincèrement de leur implication.

Le comité de pilotage permettra de rendre compte régulièrement de l’avancée de cette feuille de route.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour la réplique.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Ces déclarations me semblent tout de même très en deçà de l’enjeu et des risques.

Nous vous demandons, madame la ministre, de prendre en compte des propositions que nous avons déjà faites dans cette assemblée.

La première consiste en la création d’un pôle public du médicament, tant pour la production que pour la recherche. Nous voyons bien que nous ne pouvons rester à la merci du bon vouloir des laboratoires pharmaceutiques, car il y va de la santé de nos concitoyens et de la souveraineté nationale.

La deuxième consiste en l’élaboration d’un plan public de distribution en mobilisant, d’une part, la pharmacie centrale des armées,…

M. le président. Il faut conclure !

Mme Marie-Noëlle Lienemann. … et, d’autre part, l’Agence générale des équipements et produits de santé.

Enfin, notre troisième proposition consiste à nous opposer immédiatement à toutes les délocalisations dans le secteur du médicament. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain.)

grenelle des violences conjugales

M. le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour le groupe socialiste et républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)

Mme Laurence Rossignol. Soixante-quinze féminicides depuis le début de l’année : soixante-quinze meurtres – non pas passionnels, comme on le lit encore, mais possessionnels – commis dans de nombreux cas par des hommes qui préfèrent leur femme morte plutôt que libre ; soixante-quinze femmes âgées de 20 à 90 ans tuées par la violence machiste.

À la demande des associations et des familles de victimes, le Gouvernement, par votre voix, madame la secrétaire d’État, a annoncé un Grenelle des féminicides, qui se tiendra de septembre à novembre. La mise en commun des expériences sera bien évidemment utile. J’espère que, d’ici là, les conclusions de l’Inspection générale de la justice seront connues et que la même enquête sera menée dans les services de police et de gendarmerie. Toutefois, plusieurs décisions pourraient d’ores et déjà être prises, sans devoir patienter cinq longs mois supplémentaires.

Ni la lutte contre les violences faites aux femmes ni la faiblesse des budgets pour les prévenir et pour protéger les victimes ne datent de mai 2017. J’en tiens pour preuve, madame la secrétaire d’État, que vous êtes chargée de mettre en œuvre le cinquième plan triennal de mobilisation, ce qui veut dire que le premier remonte à quinze ans.

Le budget qui y est consacré, lequel avait pourtant augmenté de 50 % entre 2012 et 2017, n’a jamais été à la hauteur des besoins. Vous ne manquerez sans doute pas de me répondre que la hausse des moyens s’est poursuivie ces deux dernières années. Mais vous admettrez sans doute avec moi que les moyens ne sont toujours pas suffisants. Ainsi, le CIDFF de Saint-Nazaire m’indiquait il y a quelques jours que, en 2018, il n’avait pu traiter que 1 300 des 2 300 demandes de rendez-vous.

Le ministère des finances est en train d’établir les budgets de tous les ministères pour 2020. Vous bénéficiez, grâce à la mobilisation des féministes, des associations, des familles, des militantes, des médias d’un rapport de force exceptionnel. Madame la secrétaire d’État, je n’ai qu’une question à vous poser : avez-vous aujourd’hui la certitude que votre budget sera doublé en 2020 pour enfin répondre aux besoins ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur des travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations.

Mme Marlène Schiappa, secrétaire dÉtat auprès du Premier ministre, chargée de légalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations. Je vous remercie de votre question, madame la sénatrice Laurence Rossignol.

À la demande des associations, le Gouvernement a effectivement décidé d’organiser un Grenelle des violences conjugales du 3/9/19 – date qui fait écho au 3919, le numéro d’aide pour les femmes victimes de violence que nous devons faire davantage connaître – au 25 novembre, journée mondiale de lutte contre les violences envers les femmes.

Nous voulons que ce Grenelle soit le plus large possible. J’ai passé plus de deux heures, ce matin, avec la totalité des associations accueillant, à l’échelle nationale, des femmes victimes de violences conjugales. Elles seront toutes parties prenantes et ont toutes salué l’engagement du Gouvernement dans la construction de ce Grenelle.

La question des moyens est importante. En face de toute nouvelle politique publique, il faut évidemment de nouveaux moyens. J’ai d’ailleurs assuré aux associations que nous mobiliserons des moyens supplémentaires pour accueillir le surcroît d’appels que nous espérons au 3919. Je rappelle que nous avons alloué plus de 120 000 euros supplémentaires à ce numéro et que le budget des associations a augmenté de 21 % en moyenne – le budget de certaines d’entre elles a même été multiplié par deux, par trois voire par quatre.

Toutefois, il faut aller au-delà de la question des moyens pour se pencher sur celle de l’effectivité des politiques publiques que nous mettons en œuvre. Il faut véritablement que toutes les administrations, que les services de police, de justice et de gendarmerie sur les territoires puissent être engagés. C’est le sens de ce Grenelle.

Tous les ministres concernés seront présents pour travailler et coconstruire avec les associations, les parties prenantes, les experts, les familles et les proches de victimes. Ce Grenelle sera conclu par le Premier ministre Édouard Philippe, pour arrêter ensemble un agenda concret et des mesures concrètes qui pourront s’appliquer partout sur le territoire. Il s’agit également de lutter contre les disparités entre territoires, notamment dans les zones rurales et dans les territoires d’outre-mer.

Tout le monde sera bienvenu pour participer à ce Grenelle. Tout expert, tout élu, toute partie prenante peut nous contacter à l’adresse électronique grenelle@pm.gouv.fr.

Sans attendre, nous avons ouvert cet été…