M. Fabien Gay. Monsieur le président, je suis souvent d’accord avec vous, mais pas cette fois-ci ! On fracasse la fonction publique en un quart d’heure : vous pouvez tout aussi bien nous demander de plier les gaules !

L’article 28 crée une procédure de détachement d’office pour les fonctionnaires dont le service ou les missions sont externalisés, c’est-à-dire privatisés. Il est symptomatique du désengagement de l’État, dans le droit fil du rapport CAP 2022 et des circulaires récentes du Premier ministre qui encouragent le délestage de missions de l’État sur le secteur privé ou les collectivités.

La logique est toujours la même : on asphyxie d’abord le service public. Ainsi, il perd sans cesse du terrain face aux intérêts privés par l’intermédiaire de privatisations successives, de délégations de service public et autres partenariats public-privé. Ce sont autant de secteurs d’activité dans lesquels les intérêts privés prennent la relève.

Quels sont les résultats de ces politiques pour les usagers ? Partout où le service public a perdu du terrain, les tarifs ont augmenté et le service s’est dégradé.

Cet article est en définitive l’un des rouages du vaste programme de réorganisation de l’État et des collectivités territoriales, qui contribue à planifier votre suppression de 120 000 fonctionnaires, monsieur le secrétaire d’État.

Ce sont autant de mesures autoritaires contraignantes qui portent un coup à notre fonction publique historique, à la fonction publique « à la française ». Vous avez une conception rabougrie de l’intérêt général, qui se rétrécit à mesure que l’austérité budgétaire progresse à tous les niveaux.

C’est bien dans ce cadre-là que s’inscrit ce fait problématique : la perte de statut des agents par le biais de ce détachement automatique et leur éventuelle radiation d’office, à leur demande. Autant dire que les pressions vont être fortes !

Pour notre part, nous sommes totalement opposés à cette vision de l’avenir des services publics et, donc, de leurs agents, condamnés à devenir des salariés du secteur privé, répondant à d’autres finalités que la satisfaction de l’intérêt général, la rentabilité par exemple.

Alors que le mouvement des « gilets jaunes » a montré l’attachement de nos concitoyens au service public comme clé de redistribution sociale, à l’échelon tant national que local, nous ne pouvons que condamner cette orientation et demander la suppression de cet article.

Franchement, monsieur le président, je ne crois pas qu’il soit possible de régler cette question en quinze minutes !

M. le président. Mes chers collègues, je lèverai la séance après l’examen de ces deux amendements de suppression. Monsieur le président de la commission, il n’est pas raisonnable de poursuivre plus longtemps nos débats en l’absence d’accord.

La parole est à M. Didier Marie, pour présenter l’amendement n° 162 rectifié bis.

M. Didier Marie. Les interventions de mes collègues sur l’article, et plus spécifiquement sur la question sensible des CTS, sur laquelle je reviendrai, ont illustré l’ampleur des difficultés que ferait peser un tel article sur l’ensemble de la fonction publique de l’État.

Ce sont des pans entiers, à l’instar de ces agents, qui pourraient être détachés contre leur gré, sans droit d’option en cas d’externalisation de leur activité vers le privé.

À nos yeux, un fonctionnaire doit avoir la possibilité de refuser ou non d’être détaché auprès d’une personne morale de droit privé en cas d’externalisation de son emploi. Le contraindre au détachement revient à nier les principes fondamentaux sur lesquels repose notre fonction publique, qui est une fonction publique de carrière, sujet sur lequel nous revenons depuis le début de l’examen de ce projet de loi.

Le Gouvernement justifie cet article par l’existence de situations spécifiques au sein de certaines collectivités qui externalisent des services. Il convenait plutôt de restreindre ce dispositif à ces quelques situations particulières, dont le Parlement aurait débattu. En revanche, un dispositif global n’est pas acceptable. C’est pourquoi nous proposons aussi la suppression de l’article 28.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Loïc Hervé, rapporteur. La commission est défavorable à ces amendements, car ils visent une suppression pure et simple de l’article, à laquelle nous ne souscrivons pas.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Olivier Dussopt, secrétaire dÉtat. Demain, j’aurai l’occasion de revenir plus longuement sur la question des conseillers techniques sportifs que beaucoup ont évoquée, alors qu’elle n’est pas au cœur de l’article. Je pourrai ainsi répondre, mesdames, messieurs les sénateurs, à celles et ceux d’entre vous qui habitent parfois loin d’ici – je connais bien cette situation en tant qu’Ardéchois – et qui devront revenir demain matin pour poursuivre ce débat.

Je dirai un mot sur l’économie générale de l’article 28.

Quelle est la situation actuelle lorsqu’un employeur public fait le choix d’externaliser un service ?

Les agents contractuels sont tenus de suivre le service externalisé et voient leur contrat transféré. Les agents titulaires ont, quant à eux, un droit d’option.

À titre d’illustration, je prendrai l’exemple de l’externalisation d’un service de restauration collective, scolaire ou pas – il peut s’agir d’un choix politique, que l’on partage ou non, mais qui est légal : les agents contractuels seront obligés de suivre, alors que les agents titulaires pourront refuser de le faire. Ainsi, l’employeur pourrait se retrouver avec des cuisiniers titulaires, mais sans plus de restaurant à gérer.

C’est pourquoi nous prévoyons une procédure de détachement d’office avec un régime protecteur à quatre titres.

Première protection, la rémunération ne peut évidemment pas baisser. À l’Assemblée nationale, nous avons même introduit une disposition en vertu de laquelle, si un opérateur privé paie mieux ses salariés que les agents publics qui le rejoignent, le salaire de ces agents doit être relevé à due concurrence pour atteindre ceux de leurs nouveaux collègues du secteur privé.

Deuxième protection, le texte prévoit la possibilité de réintégration dans la fonction publique sans aucun préjudice en termes de carrière, dès lors que les agents détachés sont candidats à un poste vacant et qu’ils sont retenus.

Troisième protection, on prévoit le retour de ces agents sans préjudice sur le déroulement de leur carrière à la fin de l’externalisation, lorsque celle-ci est temporaire, ce qui est le cas de la plupart des externalisations par délégation de service public.

Quatrième et dernière protection, dans le cas où l’agent public détaché trouve opportun de rester parmi les salariés de l’employeur privé, il a la possibilité de démissionner en bénéficiant de l’indemnité de départ volontaire. Ce système beaucoup plus protecteur que le détachement volontaire qui existe jusqu’à présent a été créé à dessein.

Pour toutes ces raisons, nous considérons le système équilibré et émettons un avis défavorable sur les amendements de suppression.

Enfin, la question des conseillers techniques sportifs rejoint celle du détachement d’office auprès d’autres organismes que les entreprises, puisque l’alinéa 11 ne concerne pas que les CTS. Nous aurons l’occasion d’y revenir demain matin.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 43 et 162 rectifié bis.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Mes chers collègues, nous avons examiné 62 amendements au cours de la journée ; il en reste 84.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Article 28 (début)
Dossier législatif : projet de loi de transformation de la fonction publique
Discussion générale

9

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, jeudi 27 juin 2019, à dix heures trente, à quatorze heures trente et le soir :

Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de transformation de la fonction publique (texte de la commission n° 571, 2018-2019).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée le jeudi 27 juin 2019, à zéro heure trente-cinq.)

 

nomination de membres dune mission dinformation

Aucune opposition ne sétant manifestée dans le délai dune heure prévu par larticle 8 du règlement, la liste des candidatures préalablement publiée est ratifiée.

Mission dinformation sur le thème « La sécurité en mer et le sauvetage maritime »

M. Pascal Allizard, Mmes Annick Billon, Maryvonne Blondin, MM. Michel Canevet, Bernard Cazeau, Jean-Pierre Corbisez, Mmes Dominique Estrosi Sassone, Corinne Féret, MM. Jean-Luc Fichet, Joël Guerriau, Dominique de Legge, Henri Leroy, Didier Mandelli, Christophe Priou, Mme Christine Prunaud, M. Jean François Rapin, Mmes Lana Tetuanui, Catherine Troendlé, MM. Michel Vaspart et Yannick Vaugrenard.

 

nomination de membres dune éventuelle commission mixte paritaire

La liste des candidats désignés par la commission des affaires économiques pour faire partie de léventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à préserver les intérêts de la défense et de la sécurité nationale de la France dans le cadre de lexploitation des réseaux radioélectriques mobiles a été publiée conformément à larticle 12 du règlement.

Aucune opposition ne sétant manifestée dans le délai dune heure prévu par larticle 9 du règlement, cette liste a est ratifiée.

Les représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire sont :

Titulaires : Mmes Sophie Primas, Catherine Procaccia, M. Pascal Allizard, Mmes Anne-Catherine Loisier, Viviane Artigalas, M. Rachel Mazuir, Mme Noëlle Rauscent ;

Suppléants : MM. Patrick Chaize, Olivier Cigolotti, Yvon Collin, Fabien Gay, Franck Montaugé, Mmes Patricia Morhet-Richaud et Sylviane Noël.

 

Direction des comptes rendus

ÉTIENNE BOULENGER