Mme Michelle Gréaume. J’ajoute, pour terminer, que ces régimes dérogatoires que vous pointez du doigt répondent tous à des situations spécifiques imposant des organisations de service très particulières, car les métiers de la fonction publique territoriale sont innombrables, avec des astreintes, du travail de nuit et du travail le week-end. Il s’agit donc d’un simple prétexte pour poursuivre la mise en œuvre de votre plan de destruction de l’emploi public.
Mme la présidente. L’amendement n° 83 rectifié quater n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. L’article 18, que cet amendement tend à supprimer, harmonise le temps de travail au sein de la fonction publique en mettant fin aux régimes dérogatoires qui ont pu être maintenus dans le versant territorial.
Je veux rassurer nos collègues : les sujétions particulières auxquelles sont soumis certains emplois pourront toujours être prises en compte.
L’avis est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. L’avis du Gouvernement est défavorable, pour des raisons identiques à celles qu’a exposées Mme la rapporteur.
J’ajoute, d’une part, que les sujétions – travail de nuit, travail du week-end, fractionnement – sont évidemment prises en compte, comme dans le secteur privé, et, d’autre part, que la rédaction que nous avons proposée à l’Assemblée nationale permet d’écarter explicitement du champ de ce débat l’ensemble des personnels enseignants ou de recherche. Nous avons en outre indiqué à plusieurs reprises – comme certains d’entre vous viennent de le faire – que, s’agissant de la fonction publique hospitalière, la question ne se posait même pas.
Les interventions du groupe CRCE et celle de M. Marie ont avancé que, selon les rapports sur la fonction publique territoriale, certains agents travaillent aujourd’hui plus de 1 607 heures par an. C’est précisément par souci d’équité que nous entendons faire en sorte que la durée de travail de tous ceux qui ne peuvent justifier de sujétions particulières soit ramenée à 1 607 heures, durée pour laquelle ils sont d’ailleurs rémunérés. Les rapports cités pointent en effet un écart entre le contrat de travail, l’engagement, la durée du travail de l’agent et la réalisation effective ou non du temps de travail.
Madame Gréaume, vous avez affirmé que je me serais opposé à ces dispositions ; ce n’est pas vrai, et je vous invite à consulter un certain nombre de documents à ce sujet. Ainsi, à l’Assemblée nationale en octobre 2017, alors que j’étais encore député, j’avais dit à Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics, que je souscrivais au rétablissement de la journée de carence à l’aune de l’expérience de maire que j’ai eu la chance de connaître durant dix ans.
Dans ce cadre, j’ai mis en œuvre un certain nombre de dispositions pour réduire le nombre de jours de congé, qui ne paraissait pas justifié, et pour ouvrir la discussion sur l’annulation des congés d’ancienneté qui existaient dans ma collectivité, sans fondement légal. Ma successeur, auprès de qui je reste engagé comme conseiller municipal, a eu l’occasion de délibérer en mars 2018, comme l’a fait le mois suivant la communauté d’agglomération à laquelle j’ai la chance d’appartenir, pour revenir sur un accord antérieur à 2001 et ainsi, d’une certaine manière, appliquer avec quelques mois d’avance la disposition que je propose pour l’ensemble des collectivités.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 387, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 1
Remplacer les mots :
de dix-huit mois
par les mots :
d’un an à compter du renouvellement général de leurs assemblées délibérantes
II. – Alinéas 2 à 4
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. L’abrogation de la possibilité de dérogation prévue à l’article 7–1 de la loi de 1984 entraîne la renégociation des protocoles d’accord visés. Le Gouvernement propose que celle-ci se déroule dans un délai de douze mois, à compter non pas de la publication de la loi, mais du renouvellement des assemblées délibérantes des collectivités concernées, c’est-à-dire douze mois après mars 2020 pour les communes et les intercommunalités et douze mois après le renouvellement de 2021 pour les régions et les départements.
Considérant que les mois précédant ces renouvellements pourront être consacrés à la réflexion et à la préparation et que ces dossiers relèvent plutôt d’un calendrier de début de mandat, cette solution nous a paru équilibrée. La disposition adoptée par la commission des lois portant ce délai à dix-huit mois nous semble aller trop loin, eu égard tant à la période de préparation qui s’ouvre qu’au délai suffisant que nous proposons.
Mme la présidente. L’amendement n° 344 rectifié bis, présenté par Mme Noël, M. D. Laurent, Mme Deromedi, M. Bonhomme, Mme Duranton et M. Mandelli, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Remplacer les mots :
dix-huit mois
par les mots :
deux ans maximum
La parole est à Mme Sylviane Noël.
Mme Sylviane Noël. L’article 18 permet une harmonisation de la durée du travail dans la fonction publique territoriale en supprimant les régimes dérogatoires, les collectivités territoriales disposant d’un délai d’un an à compter du prochain renouvellement des exécutifs locaux pour définir de nouvelles règles relatives au temps de travail des agents. Ce délai trop bref ne permettant pas un dialogue social de qualité, notamment en cas d’alternance politique, le présent amendement tend à le porter à deux ans, ainsi, d’ailleurs, que le recommandait le rapport Laurent de 2016 sur le temps de travail dans la fonction publique.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Le Gouvernement propose, par l’amendement n° 387, de ramener à douze mois le délai dont bénéficieront les employeurs publics territoriaux ayant maintenu des régimes dérogatoires pour redéfinir des règles de temps de travail conformes au droit commun.
Nous avons été sollicités par les employeurs territoriaux, qui nous ont fait part de leur souhait de bénéficier d’une année de plus, donc d’un total de vingt-quatre mois, ainsi que le demande Mme Noël, par l’amendement n° 344 rectifié bis.
Nous avons coupé la poire en deux en prévoyant un délai de dix-huit mois, qui nous semble raisonnable pour mener à bien la concertation avec le personnel. Nous attendons l’harmonisation du temps de travail depuis si longtemps qu’il ne paraît pas excessif d’y consacrer six mois de plus et de donner ainsi un peu plus de souplesse aux collectivités, notamment en cas d’alternance. De plus, la rédaction du Gouvernement ne nous semble pas fonctionner, dans la mesure où il existe des établissements publics soumis à la loi du 26 janvier 1984, comme les syndicats mixtes ou le CNFPT, dont l’assemblée délibérante ne se renouvelle pas intégralement en une fois.
La commission maintient donc sa position et demande le retrait des deux amendements en discussion ; à défaut, son avis sera défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 344 rectifié bis ?
Mme la présidente. La parole est à M. Didier Marie, pour explication de vote.
M. Didier Marie. Mme la rapporteur vient de le souligner, la commission a retenu dix-huit mois après discussions ; nous avions d’ailleurs déposé un amendement en ce sens.
Je rappelle à M. le secrétaire d’État comme à nos collègues que, en Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, le collège des employeurs territoriaux, qui était favorable à une application des 35 heures, avait lui-même déposé un amendement pour que cette période puisse atteindre deux ans, de manière que les nouveaux exécutifs aient le temps de s’installer et de mettre en place les conditions d’un dialogue social de qualité. Le Gouvernement s’y était opposé.
Il me semble que la proposition de la commission va dans le bon sens.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 344 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° 146 rectifié bis, présenté par MM. Durain, Marie, Kanner et Jacques Bigot, Mme de la Gontrie, M. Fichet, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Sueur, Sutour, Tourenne, Antiste, Bérit-Débat, Montaugé, Temal et Raynal, Mme Monier et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Ces règles entrent en application le 1er janvier suivant leur définition par les collectivités ou les établissements publics.
La parole est à M. Jérôme Durain.
M. Jérôme Durain. Cet amendement vise à fixer l’entrée en vigueur de ces nouvelles règles au 1er janvier qui suivra leur adoption.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Cet amendement tend à préciser que les nouvelles règles relatives au temps de travail entrent en application le 1er janvier suivant la date à laquelle elles auront été définies par l’autorité territoriale, ce qui ne me paraît pas souhaitable.
Pour les agents soumis à un cycle de travail correspondant à une année civile, il est évident que les nouvelles règles entreront pleinement en application au 1er janvier suivant, mais ce n’est pas le cas partout et pour tous les agents.
La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, son avis sera défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jérôme Durain. Je retire l’amendement !
Mme la présidente. L’amendement n° 146 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° 355 rectifié bis, présenté par MM. Durain, Marie, Kanner et Jacques Bigot, Mme de la Gontrie, M. Fichet, Mme Harribey, MM. Kerrouche, Leconte, Sueur, Sutour, Antiste, Bérit-Débat, Montaugé, Temal et Raynal et Mme Monier, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Remplacer cet alinéa par sept alinéas ainsi rédigés :
II. – L’article 7-1 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 précitée est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « dans les limites applicables aux agents de l’État » sont remplacés par les mots : « sur une base de trente-cinq heures de travail effectif par semaine » ;
2° Après le même premier alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Après avis du comité social territorial, l’organe délibérant des collectivités territoriales et des établissements publics mentionnés au premier alinéa du présent article adapte la durée du travail en cas notamment de travail de nuit, de travail le dimanche, de travail en horaires décalés, de travail en équipes, de modulation importante du cycle de travail ou de travaux pénibles ou dangereux.
« Après avis du comité social territorial, il fixe la durée du congé annuel de ses agents appréciée en nombre de jours effectivement ouvrés, d’une durée minimale de cinq fois leurs obligations hebdomadaires de service. » ;
3° À la première phrase du deuxième alinéa, les mots : « du premier alinéa » sont remplacés par les mots : « des trois premiers alinéas » ;
4° Le dernier alinéa est supprimé à l’échéance du délai prévu au I du présent article.
La parole est à M. Jérôme Durain.
M. Jérôme Durain. Cet amendement tend à appliquer la définition du temps de travail par le code du travail, soit 35 heures par semaine, tout en permettant de réduire cette durée en cas de pénibilité et d’horaires atypiques.
L’article 18 oblige à renégocier les accords locaux sur le temps de travail conclus antérieurement à l’adoption de la norme des 1 607 heures annuelles dans les dix-huit mois qui suivent le renouvellement des assemblées. Dans sa rédaction actuelle, il fait l’impasse sur les raisons qui ont prévalu à la négociation de tels accords : la pénibilité et les sujétions particulières de certains emplois dans les collectivités et les établissements publics locaux, tels que les SDIS et les Ehpad, les services ouverts en continu, de nuit et/ou le week-end, mais aussi les faibles marges de manœuvre financières et statutaires pour compenser la disponibilité et la souplesse en cas d’aléa, d’urgence ou de situations exceptionnelles – intempéries ou événements festifs –, ou encore la volonté des employeurs, des agents et de leurs représentants de partager le travail et de créer des emplois.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Cet amendement vise à ce que les sujétions particulières auxquelles sont soumis certains agents territoriaux soient prises en compte dans la définition du temps de travail.
L’amendement est pleinement satisfait par la rédaction actuelle de l’article 7-1 de la loi statutaire et par le décret du 12 juillet 2001 pris pour son application. La commission en demande donc le retrait ; à défaut, l’avis sera défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Monsieur Durain, l’amendement n° 355 rectifié bis est-il maintenu ?
M. Jérôme Durain. Oui, madame la présidente.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 355 rectifié bis.
(L’amendement n’est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 18.
(L’article 18 est adopté.)
Articles additionnels après l’article 18
Mme la présidente. L’amendement n° 203 rectifié bis, présenté par M. Brisson, Mme Lavarde, MM. Bazin, Schmitz et Panunzi, Mme Bonfanti-Dossat, M. Bascher, Mme Micouleau, M. Piednoir, Mme Gruny, M. Dufaut, Mme Bruguière, M. Savary, Mmes L. Darcos et Deroche, MM. Savin, Cuypers, Courtial et Bouloux, Mmes Duranton, Imbert et Lamure, MM. Segouin et B. Fournier, Mme Chauvin, MM. Mandelli, Gremillet et Laménie et Mme Delmont-Koropoulis, est ainsi libellé :
Après l’article 18
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le deuxième alinéa de l’article L. 912-1 du code de l’éducation, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les obligations de service des enseignants du second degré sont définies sur une base annuelle, en tenant compte de la durée annuelle de travail effectif mentionnée à l’article 65 bis de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État. »
La parole est à M. Max Brisson.
M. Max Brisson. Si j’en crois les propos tenus précédemment, cet amendement ne me vaudra pas que des amis… Il porte en effet sur la définition hebdomadaire du service des enseignants du second degré, laquelle entraîne des rigidités dans le fonctionnement des établissements et a pour conséquence la perte d’un nombre appréciable d’heures d’enseignement pour les élèves.
Il ne s’agit pas, bien sûr, de faire enseigner davantage des professeurs devant les élèves, mais de concevoir leur service d’enseignement sur une base annuelle, comme dans l’enseignement supérieur. Je rappelle, en outre, que le temps passé par les enseignants devant les élèves ne constitue qu’une partie de leur temps de travail.
Cet amendement ne porte que sur la répartition des heures d’enseignement, afin de la rendre plus conforme aux besoins de l’institution et à l’intérêt des élèves. Il vise à définir les obligations de service des enseignants du second degré sur une base annuelle et non plus hebdomadaire, en tenant compte de la durée annuelle de travail effectif mentionnée à l’article 65 bis de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État. Les enseignants du second degré se trouveraient dès lors dans la même situation que leurs collègues certifiés ou agrégés détachés dans l’enseignement supérieur.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
Mme Catherine Di Folco, rapporteur. Cet amendement tend à annualiser les obligations de service des enseignants du second degré, définies aujourd’hui sur une base hebdomadaire. Il correspond à une recommandation ancienne, reprise par nos collègues Max Brisson et Françoise Laborde dans leur récent rapport sur le métier d’enseignant.
M. Brisson n’est pas de ceux qui entretiennent des fantasmes sur le temps de travail des enseignants : ce n’est pas parce que les enseignants du secondaire assurent entre 15 et 20 heures de cours hebdomadaires qu’ils ne travaillent que 15 à 20 heures par semaine ; il faut évidemment ajouter le temps de préparation des cours, de correction des copies, de participation aux travaux des équipes pédagogiques, de permanence dans l’établissement. Nous le savons tous, comme nous savons que le métier d’enseignant est difficile et souvent éprouvant physiquement et mentalement. La représentation nationale se doit de le reconnaître et de témoigner sa confiance à l’égard de ces professionnels, qui jouent un rôle déterminant pour la formation de la jeunesse comme pour la cohésion de notre société. Nos professeurs sont d’ailleurs moins bien payés que la moyenne de l’OCDE et même deux fois moins bien qu’en Allemagne en début de carrière.
L’annualisation des obligations de service, comme le soulignent nos collègues Brisson et Laborde, n’aurait pas pour objet de faire davantage travailler les enseignants, mais de mieux répartir leur temps de travail et de mieux tenir compte du temps de présence en établissement en dehors des cours. Elle pourrait également limiter les situations dans lesquelles un enseignant se trouve contraint de partager son service hebdomadaire entre plusieurs établissements. Dans ces conditions, l’avis de la commission est favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État. Le Gouvernement partage évidemment l’appréciation portée par Mme la rapporteur dans la première partie de son propos quant au rôle des enseignants et à la nécessité de dire et de répéter que le temps de travail d’un enseignant ne se résume pas au temps passé devant les élèves, mais qu’il inclut d’autres aspects, tels que l’accompagnement de projets, la préparation des cours, la correction des copies, et j’en passe. Il ne saurait donc y avoir de faux débat sur la durée effective du temps de travail des enseignants.
Contrairement à ce que vient d’exprimer Mme la rapporteur à l’instant, nous considérons que le maintien d’une norme hebdomadaire est un gage d’équité et d’organisation auquel le Gouvernement est attaché, même si – M. Brisson le sait en raison de son implication sur les textes relatifs à l’éducation – cette question fait l’objet de discussions récurrentes. Le Gouvernement reste donc sur la position qu’il a toujours défendue devant le Parlement, en faveur du maintien d’une norme hebdomadaire. Par conséquent, l’avis est défavorable sur cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Durain, pour explication de vote.
M. Jérôme Durain. Notre groupe s’est déjà exprimé sur la question de l’annualisation du temps de travail des enseignants dans le cadre de la discussion du projet de loi pour une école de la confiance. La disposition adoptée en commission mixte paritaire jeudi 13 juin prévoit la possibilité d’expérimenter la répartition des heures d’enseignement sur l’ensemble de l’année scolaire, sous réserve d’un accord majoritaire des enseignants, ce qui fait sauter un verrou supplémentaire. Nous avions exprimé nos inquiétudes quant à cette mesure.
Cet amendement tend à aller encore plus loin en sortant du seul domaine de l’expérimentation pour ouvrir la porte à une annualisation des heures, sans préciser la forme que celle-ci pourrait prendre. On ne sait ni qui en prendrait la décision ni si l’accord des enseignants concernés serait obligatoire.
Nous pouvons entendre que, dans des cas très précis, l’annualisation peut avoir quelques vertus, par exemple en EPS, mais les dispositions légales existantes permettent déjà ces adaptations.
Sa généralisation serait préjudiciable à la fois pour les élèves et pour les enseignants.
S’agissant des enseignants, vous avez vous-même déposé un autre amendement, dans l’objet duquel vous rappelez que ceux-ci effectueraient en moyenne entre 41 et 44 heures de travail effectif par semaine. Quel serait ce chiffre si leur temps de travail était annualisé ? Cette mesure risque de dégrader profondément leurs conditions de travail. Elle n’est donc pas acceptable.
Elle serait, surtout, préjudiciable pour les élèves, qu’elle se traduise par un changement d’enseignant en milieu d’année ou par un rythme d’apprentissage déséquilibré par le regroupement des heures de certaines matières sur des périodes plus courtes. Rien de tout cela n’est dans leur intérêt.
Nos enfants ont besoin de stabilité et de régularité, le processus d’apprentissage nécessite de prendre du temps. L’étalement sur une année leur permet d’assimiler petit à petit le savoir qui leur est transmis ; l’alternance des matières rythme une journée, puis une semaine. C’est ainsi que l’on apprend, en reprenant ce qui a été vu au cours précédent, durant l’ensemble de l’année scolaire.
Le cadre réglementaire du service des enseignants doit absolument être maintenu, car il s’agit d’un garde-fou essentiel pour préserver à la fois les conditions de travail des enseignants et celles des élèves.
Mme la présidente. Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il est minuit passé. Je vous propose de prolonger notre séance jusqu’à zéro heure trente, afin de poursuivre plus avant l’examen de ce texte.
Il n’y a pas d’observation ?…
Il en est ainsi décidé.
La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Concernant cet amendement, dont le mérite revient à notre collègue Max Brisson, qui connaît bien ces sujets, et dont je suis cosignataire, avec d’autres collègues, je veux dire que je le soutiendrai. Notre collègue a insisté sur l’engagement des enseignants et sur l’intérêt des élèves. C’est en effet un sujet primordial qu’il convient d’évoquer.
Nous avons entendu des marques de respect et de reconnaissance pour les efforts fournis par l’ensemble des personnels des trois fonctions publiques en termes de temps de travail, mais aussi de salaires. Ceux-ci sont souvent modestes au regard de leur engagement.
On fait souvent référence aux lois de 1984, une date bien éloignée. Modestement, je me demande si ces textes sont toujours adaptés aux évolutions de la société et du travail. Nous devons sans doute nous poser la question.
En tout état de cause, je voterai cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Max Brisson, pour explication de vote.
M. Max Brisson. Je remercie Marc Laménie de son soutien appuyé.
Madame la rapporteur, j’apprécie beaucoup l’avis que vous avez rendu, ainsi que les propos que vous avez tenus sur les professeurs. Nous avons travaillé toute la semaine sur le projet de loi pour une école de la confiance, et la Haute Assemblée a dit la confiance qu’elle porte aux professeurs. C’est important par les temps qui courent, comme il est important de rappeler que leur temps de travail ne se résume pas au temps passé devant les élèves, mais qu’il inclut la préparation des cours et la correction des copies.
Monsieur Durain, je ne partage absolument pas vos remarques à propos de la pédagogie et des élèves. L’annualisation du temps de travail des enseignants est au service des élèves, dans la mesure où elle doit permettre une organisation pédagogique beaucoup plus souple et la construction de projets d’établissement. À ce titre, il est surprenant que celles et ceux qui, lorsqu’ils étaient aux affaires, ont beaucoup mis en avant lesdits projets se refusent à donner aux établissements les moyens de les mener à bien, en raison de la rigidité des obligations réglementaires de service hebdomadaire.
Il est vrai que la loi pour une école de la confiance va permettre d’en sortir, dans le cadre de l’expérimentation et avec l’accord de tous les professeurs concernés. C’est un premier pas que l’on doit au Sénat et à Jean-Michel Blanquer, mais les établissements ne seront capables de s’adapter à la réalité de leurs élèves, et donc de mettre en place des pédagogies différenciées, que lorsqu’ils pourront sortir de ce cadre très rigide qu’est l’obligation réglementaire de service.
Monsieur le secrétaire d’État, je me doutais de votre réponse, parce que je sais combien il a fallu négocier avec Jean-Michel Blanquer pour introduire cette mesure dans l’article 8 du projet de loi pour une l’école de la confiance. J’ai pourtant la ferme conviction que nous n’irons vers une école différenciée, mieux adaptée aux élèves, qu’en levant ce verrou et en donnant davantage de souplesse à chaque établissement pour organiser une pédagogie plus appropriée, sans pour autant que, sur une année, les professeurs passent plus d’heures devant les élèves. (MM. Yves Bouloux et Jean-Marc Boyer applaudissent.)
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 18.
L’amendement n° 198 rectifié bis, présenté par MM. Brisson, Bascher et Bazin, Mmes L. Darcos et Bonfanti-Dossat, MM. Panunzi et Schmitz, Mmes Micouleau et Gruny, M. Dufaut, Mme Bruguière, MM. Savin, Cuypers, Bonhomme, Courtial et Bouloux, Mmes Duranton, Imbert et Lamure, MM. Segouin et B. Fournier, Mme Chauvin, MM. Mandelli et Laménie et Mme Delmont-Koropoulis, est ainsi libellé :
Après l’article 18
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement présente au Parlement, dans un délai d’un an à compter de la publication de la présente loi, un rapport recensant le temps de travail effectif des professeurs du premier et du second degré.
La parole est à M. Max Brisson.
M. Max Brisson. Cet amendement aura sans doute moins les faveurs de Mme la rapporteur, puisqu’il vise à demander un rapport.
Le temps de travail déclaré – c’est la seule source dont nous disposons – par les enseignants s’élève en moyenne à plus de 44 heures hebdomadaires dans le premier degré et à 41 heures dans le second degré, masquant de grandes disparités : il varie parfois du simple au double selon le corps d’appartenance ou l’âge.
Une part considérable du travail des professeurs, y compris en établissement, s’effectue au-delà du temps passé devant leurs élèves. Pourtant, ce travail n’est pas reconnu, et l’institution n’en connaît pas le détail autrement que sur des bases déclaratives. Les organisations syndicales sont d’ailleurs fondées à parler de « travail caché », ce qui ne permet pas de bien valoriser la fonction enseignante.
Voilà pourquoi, malgré le peu d’appétence de notre institution, de la commission des lois et particulièrement de son président, pour les rapports demandés au Gouvernement, cet amendement vise, dans un souci de bonne politique et de transparence, à ce que le Gouvernement présente au Parlement, dans un délai d’un an à compter de la publication de la présente loi, un rapport recensant le temps de travail effectif des professeurs du premier et du second degré.