M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. François Bonhomme, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui vise à instituer un médiateur territorial dans certaines collectivités territoriales. Comme cela a été rappelé, elle a été déposée en juillet dernier par notre collègue Nathalie Delattre, que je salue.
Ce texte fait le constat que des médiateurs ont déjà été institués dans tous les niveaux de collectivités territoriales, mais aussi que nos concitoyens attendent une proximité plus importante. Il tend donc à encourager ce mode alternatif de règlements des litiges, qui nous fait encore trop souvent défaut.
La médiation a pour objet principal de prévenir la judiciarisation des litiges. C’est là sa principale vertu. Je vous rappelle sa définition : elle fait intervenir un tiers, le médiateur, qui s’efforce de soumettre aux deux parties une proposition de solution de leur différend, qu’elles sont ensuite libres d’accepter, ou non. Le médiateur, je le rappelle, n’est pas investi du pouvoir d’imposer sa décision, comme l’est, par exemple, le juge.
Les collectivités territoriales sont aujourd’hui libres de mettre en place des médiateurs institutionnels pour résoudre à l’amiable les différends pouvant survenir avec leurs administrés.
L’Association des médiateurs des collectivités territoriales, que nous avons auditionnée, estime à environ soixante le nombre de médiateurs existants aujourd’hui, et, en général, leur action est ressentie plutôt positivement.
Pour autant, dans le silence des textes, leurs modalités de nomination et la procédure suivie ne font pas l’objet de garanties légales. De surcroît, leur institution n’est aujourd’hui nullement obligatoire.
Le droit en vigueur offre en outre plusieurs autres formes de médiation visant à prévenir la judiciarisation des litiges entre les collectivités territoriales et leurs administrés : je pense au Défenseur des droits, à la médiation administrative, réformée en 2016, et au régime de la médiation de la consommation, issu du droit de l’Union européenne et applicable aux collectivités territoriales pour la mise en œuvre d’un service public industriel et commercial, qui est considéré comme un service marchand.
Compte tenu de l’attente de proximité de la part de nos concitoyens, mais aussi du droit en vigueur, nous avons mené avec Nathalie Delattre et François Pillet – dont l’esprit continue de planer ici et, j’en formule le vœu, de nous nourrir (Sourires.) – un travail conjoint, que j’espère fructueux, afin de trouver un accord sur ce texte.
Nous sommes convaincus que les collectivités territoriales ont tout intérêt, lorsqu’elles en ont la possibilité, à instituer un médiateur territorial. Nous envisageons ce dernier comme un régulateur bienveillant des aléas de la vie administrative, et ils sont nombreux. Sur le plan local, cela nous paraît tout à fait opportun.
Face à ce constat, et reconnaissant l’utilité de la médiation dans les territoires, la commission des lois a souhaité encourager le recours aux médiateurs territoriaux, sans toutefois l’imposer, et ce tout en clarifiant le cadre juridique dans lequel ceux-ci opèrent.
Ainsi, nous avons tout d’abord laissé aux collectivités territoriales ou aux groupements la liberté de choisir de recourir, ou non, à ce dispositif, et ainsi rendu facultative la création d’un médiateur territorial à l’article 1er.
Nous avons ensuite renforcé la sécurité juridique du dispositif proposé, sans renoncer à ses objectifs. Pour cela, nous avons mieux défini le champ de compétences du médiateur territorial, en excluant les litiges avec une autre personne publique, de nature contractuelle ou relevant de la gestion des ressources humaines.
Nous avons ensuite complété les garanties entourant la nomination et l’exercice des fonctions, en rendant incompatibles les fonctions de médiateur territorial avec celles d’élus ou d’agents des groupements dont serait membre une collectivité territoriale nommant un médiateur.
Nous avons aussi clarifié le régime procédural de la médiation territoriale, en faisant de la saisine d’un tel médiateur une cause d’interruption du délai de recours contentieux et en alignant les principes de la médiation sur ceux qui régissent la médiation en matière administrative.
Enfin, nous avons adopté des dispositions transitoires pour les médiateurs en fonction à la date d’entrée en vigueur de la loi, et modifié l’intitulé de la proposition de loi, de façon à le mettre en cohérence avec son contenu. Je vous proposerai donc, au nom de la commission des lois, quelques ajustements en séance. Il s’agira notamment de mieux circonscrire les relations contractuelles, que nous souhaitons exclure de la compétence du médiateur territorial.
Je vous proposerai qu’il soit incompétent pour traiter des litiges relevant du code de la commande publique, d’une part, et du champ de la médiation de la consommation, de l’autre. En effet, l’un et l’autre font l’objet d’un régime spécifique en application d’une directive européenne, codifiée au titre Ier du livre VI du code de la consommation. Je pense que cette rédaction répondra à l’attente de M. Emmanuel Capus, qui a déposé un amendement sur ce sujet.
Outre des amendements de précision, je vous proposerai également d’adopter plusieurs amendements, notamment de Mme Laurence Harribey, visant à compléter utilement le texte sur les incompatibilités et la publicité du rapport du médiateur territorial.
Pour l’ensemble de ces raisons, j’appelle de mes vœux l’adoption de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Sébastien Lecornu, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis heureux de vous retrouver, comme désormais chaque après-midi et chaque matinée. (Sourires.)
Il s’agit aujourd’hui d’examiner cette proposition de loi visant à favoriser le développement des médiateurs territoriaux, qui a été déposée dans le cadre de la niche parlementaire du groupe du RDSE. À cet égard je tiens à remercier Nathalie Delattre, qui est à l’origine de cette proposition de loi, pour le travail mené sur ce texte ; nous avons eu l’occasion, cela a été souligné, d’échanger régulièrement en amont, pour le faire évoluer de manière constructive.
Les travaux de la commission des lois, monsieur le rapporteur, sont allés en grande partie dans le bon sens, laissant davantage de libertés aux collectivités territoriales et à leurs groupements. Nous y reviendrons plus en détail dans un instant.
À l’origine de cette proposition de loi se trouve un constat que vous avez dressé, madame Delattre, à partir de l’exemple vertueux de la ville de Bordeaux, laquelle a institué un médiateur territorial pour prévenir la judiciarisation – parfois excessive – de certains différends.
Pour faire simple, face à un différend, les deux parties peuvent saisir un médiateur, qui leur propose alors une solution, qu’elles sont évidemment libres d’accepter ou non. De telles pratiques sont bien connues dans le cadre du droit des entreprises.
Plusieurs collectivités ont déjà mis en place un médiateur. En effet, sur le fondement des données de l’Association des médiateurs des collectivités territoriales, on peut estimer à environ une cinquantaine le nombre total de médiateurs existants dans les collectivités territoriales et les EPCI.
L’objectif qui se trouve derrière cette proposition de loi est évidemment louable, puisqu’il s’agit de développer et de généraliser de bonnes pratiques, qui permettent parfois de répondre à un besoin de proximité exprimé par nos concitoyens.
Pour ce faire, vous avez articulé votre texte autour de deux grands axes.
Le premier vise à instituer obligatoirement un médiateur territorial dans les communes de plus de 60 000 habitants et les EPCI à fiscalité propre de plus de 100 000 habitants, les conseils départementaux et les conseils régionaux.
Le second tend à fixer un cadre clair à l’intervention du médiateur territorial et à son statut.
Nous avons échangé avant l’examen du texte en commission des lois, et je vous l’avais dit : dans sa version initiale, celui-ci comportait quelques écueils – j’emploie ce terme avec bienveillance.
Je reviens quelques instants sur la rédaction initiale. Dans celle-ci, il était prévu d’obliger certaines collectivités et leurs groupements à instituer un médiateur territorial. L’adoption d’une telle disposition aurait créé une contrainte nouvelle, alors même – vous avez l’habitude de me l’entendre dire ici, mesdames, messieurs les sénateurs – que le Gouvernement s’est fixé un objectif d’allégement et de simplification des normes applicables aux collectivités territoriales, notamment aux communes.
Lors de sa conférence de presse du 25 avril dernier, le Président de la République a été clair sur la place et le rôle des maires au sein de la République, ainsi que sur sa volonté de faciliter l’exercice de leur mandat.
Comme vous le savez, et comme le Premier ministre l’a indiqué ce matin même, je porterai prochainement un projet de loi structuré autour des thématiques de l’engagement et de la proximité, et articulé autour du parcours de l’élu local.
Il s’agira de répondre à plusieurs interrogations. Avant l’élection : comment encourager les citoyens à s’engager dans un mandat local ? Pendant le mandat : comment rendre plus facile le quotidien de celles et ceux qui se sont engagés – en clair, comment ne pas les décourager ? Enfin, après le mandat : comment remercier ceux qui se sont engagés et les accompagner dans leur reconversion ? C’est toute la question des modalités selon lesquelles la République peut apprendre à remercier celles et ceux qui l’ont servie.
Pour avoir accompagné le Président de la République lors des 96 heures de débats qu’il a eues avec plus de 5 000 élus locaux, je puis vous dire que le message exprimé par les maires était limpide : « Faites-nous confiance et cessez de nous imposer des normes ! »
L’obligation figurant dans la proposition de loi initiale allait donc à contre-courant, à la fois, de ce que les élus locaux disent sur le terrain et de ce que de nombreux sénateurs défendent ici, notamment dans le cadre de textes que nous avons examinés ensemble récemment. On peut, à ce titre, se référer à la proposition de loi instituant des funérailles républicaines.
Je remercie donc le rapporteur, tout autant que Mme Delattre, d’avoir déposé et fait adopter un amendement en commission tendant à rendre optionnelle, pour toutes les collectivités et leurs groupements, l’instauration de ce médiateur territorial.
Par ailleurs, cette proposition de loi fixe un cadre très précis au médiateur territorial. Actuellement, il n’y a pas de règles en la matière. Votre texte, madame Delattre, vient donc pallier ce que vous considérez, aujourd’hui, comme un manque, en proposant un socle de règles communes. Cela signifie donc que les règles seront les mêmes, que l’on parle d’une petite commune rurale ou d’une grande ville comme Bordeaux.
Je vous l’avais expliqué, si je comprends votre souhait de donner un cadre global, légitime et visible à cette fonction de médiateur territorial, tel que le texte est en ce moment encore rédigé, avant l’exercice du pouvoir d’amendement des sénateurs, on perd toute possibilité d’adaptation aux particularités d’une commune ou d’un EPCI. Il faut peut-être, là aussi, commencer à faire vivre la notion de « différenciation territoriale » dans les textes.
La crainte du Gouvernement – exprimée, de nouveau, avec bienveillance – est finalement que cette proposition de loi ne vienne rigidifier l’instauration d’un médiateur, voire la freiner dans certaines collectivités disposant de moyens modestes.
Je vais en donner quelques exemples.
Tout d’abord, qui peut devenir médiateur territorial ? À l’article 1er, il est prévu que le médiateur ne puisse exercer une fonction publique élective ou être un agent de la collectivité ou du groupement, ou d’une collectivité appartenant audit groupement.
Évidemment, l’idée, très légitime, est d’éviter que le médiateur ne soit juge et partie. Sauf que certaines collectivités ont déjà choisi d’avoir un médiateur élu. Et c’est parfois aussi le gage de la proximité, car l’élu connaît la collectivité, mais aussi les citoyens. Ce lien peut être utile dans de petites communes.
Il est à noter que le texte prévoit que le médiateur territorial soit le correspondant du Défenseur des droits : cette notion, intéressante, mérite d’être définie plus précisément, tout comme l’articulation avec les services du Défenseur des droits, dont l’organisation et le fonctionnement, il faut le rappeler, relèvent de la loi organique.
Ensuite, qu’en est-il de la durée de la fonction ? Celle qui a été retenue est de cinq ans, renouvelable une fois et non révocable. Pourquoi pas, mais – cela n’aura échappé à personne dans cet hémicycle – cette durée de cinq ans n’est pas alignée sur la durée du mandat municipal. N’y a-t-il pas là le risque de contraindre la collectivité ?
Vous le constatez, mesdames, messieurs les sénateurs, je pose beaucoup plus de questions que je n’en résous dans mon propos, ce qui montre ma position bienveillante à l’égard de ce texte.
Des collectivités ont développé des formules diverses. Les faire entrer dans un cadre rigide contraignant, uniforme au plan national ne nous paraît pas souhaitable. Je formule le vœu, en tout cas, que nous tenions compte de ce point dans nos débats.
Je vous avais proposé, madame la sénatrice, de réfléchir à une articulation pour éviter d’imposer un tel cadre uniforme à des plus petites communes. Je sais que les délais d’examen étaient contraints et que le temps vous a sûrement manqué pour creuser la question. Cela étant, les travaux en commission ont déjà permis de faire évoluer le texte, et cette évolution mérite d’être saluée.
Aussi, d’après moi, ce texte mériterait d’être encore travaillé, comme nous nous apprêtons à le faire. Nous devons réfléchir ensemble aux éventuels effets de bord qu’il pourrait créer sur le terrain, notamment en termes de rigidité et d’obligation.
Cette proposition de loi constitue, en tout cas, une base extraordinairement intéressante de travail, en vue du projet de loi à venir. Je m’en remettrai donc, toujours avec bienveillance, à la sagesse du Sénat quant à son adoption.
Je ferai donc de même que pour la proposition de loi du sénateur Pierre-Yves Collombat et des membres de son groupe, texte qui a été examiné hier : j’entends me servir, au sens noble du terme, des travaux menés au Sénat et m’en inspirer avant la présentation devant le conseil des ministres du projet de loi qui sera construit autour de l’engagement et de la proximité.
Tous les éléments qui donneront lieu au consensus le plus large possible seront utilisés pour élaborer ce texte, qui sera soumis, au mois de septembre prochain, à votre examen. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.)
M. le président. La parole est à M. Emmanuel Capus.
M. Emmanuel Capus. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, bien que la médiation n’ait été introduite dans le code de procédure civile qu’en 1995, elle est une idée très ancienne, profondément ancrée dans l’histoire des relations humaines. Son concept trouve sa racine dans le théâtre grec, où le rôle du médiateur est confié tantôt à un dieu, tantôt à un homme. (Sourires.)
Aujourd’hui, au sein de nos territoires qui attendent toujours plus de proximité, la médiation démontre bel et bien son utilité et son efficacité comme mode alternatif de règlement des litiges.
Au niveau local, un certain nombre d’initiatives ont déjà été prises par de nombreux maires, désireux de s’inspirer d’une pratique ayant fait ses preuves dans des secteurs très divers.
Ainsi, ont été créés des médiateurs municipaux, mais également des médiateurs départementaux et même, plus récemment, un médiateur régional. C’est le cas à Angers,…
M. François Bonhomme, rapporteur. Quel exemple d’excellence ! (Sourires.)
M. Emmanuel Capus. … et je salue l’action d’Hervé Carré, qui assure en ce moment même la présidence de la jeune Association des médiateurs des collectivités territoriales.
Ces structures de médiation contribuent à rapprocher les usagers de l’administration, en permettant notamment une meilleure compréhension des règles de droit et des pratiques administratives. En outre, elles coexistent avec plusieurs autres formes de médiation, comme le Défenseur des droits ou la médiation administrative.
Ainsi, les dizaines de médiateurs, déjà institués dans tous les niveaux de collectivités territoriales, contribuent, par leur action, à éviter complications et conflits juridiques, tant pour les administrés que pour l’administration, ou encore les juridictions administratives, qu’ils peuvent contribuer à désengorger.
La proposition de loi que nous examinons cette après-midi vise à conforter cette pratique, en clarifiant les missions du médiateur territorial, en définissant ses obligations et en affirmant son indépendance. Je félicite donc notre collègue Nathalie Delattre d’avoir pris l’initiative de son dépôt.
Si je suis profondément convaincu de l’utilité du médiateur territorial, régulateur bienveillant des aléas de la vie administrative, je me félicite également que les travaux en commission, sous l’impulsion du rapporteur, aient permis de ne pas accroître inutilement les charges des collectivités territoriales en supprimant le caractère obligatoire de l’institution d’un tel médiateur.
En effet, si la consécration législative d’un cadre juridique propre à cette catégorie de médiation apparaît essentielle et nécessaire, il est tout aussi important de laisser les élus apprécier localement et librement leurs besoins, en fonction de leur situation. L’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité informe d’ailleurs régulièrement les élus de cette possibilité.
Ce n’est donc pas l’instrument qui a été remis en cause, mais son caractère obligatoire ; ce dernier a été supprimé à la pleine satisfaction de tous.
Je souscris aussi aux modifications apportées par la commission, visant notamment à mieux définir les compétences et les fonctions du médiateur territorial, à garantir son indépendance et son impartialité et, enfin, à mieux encadrer le régime procédural pour assurer sa transparence et sa lisibilité pour les parties.
J’ai toutefois déposé deux amendements, afin de ne pas limiter inutilement – à mon sens – et exagérément les missions du médiateur, ce qui ne me semble pas souhaitable si l’on veut que son action soit utile, efficace et complète.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, compte tenu de l’utilité de la médiation au sein de nos territoires – elle a fait ses preuves –, il nous apparaît totalement opportun de consacrer dans la loi la possibilité offerte aux collectivités territoriales et à leurs groupements d’instituer un médiateur territorial.
Le groupe Les Indépendants – République et Territoires approuve donc pleinement cet objectif et votera ce texte, que certains de ses membres ont même cosigné. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à M. Arnaud de Belenet.
M. Arnaud de Belenet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme celle dont nous avons discuté hier, cette proposition de loi participe à l’enrichissement des débats, afin de faciliter l’exercice des mandats des élus locaux et, au-delà, la vitalité et l’intelligence collective territoriale de l’initiative et de la gestion.
Dans son discours de politique générale, ce matin, le Premier ministre a précisé les trois défis que le Gouvernement et sa majorité souhaitent relever pour tisser un lien de confiance raffermi avec les élus locaux. Car, sans ces derniers, la démocratie, pour reprendre la formule d’Édouard Philippe, est une « coquille vide ».
Comme les orateurs précédents l’ont précisé, la médiation constitue avant tout un mode alternatif de règlement des différends. Elle vise, dans la mesure du possible, à éviter le recours à l’institution judiciaire pour résoudre un conflit.
Selon l’Association des médiateurs des collectivités territoriales, il existe déjà une soixantaine de médiateurs dans les différents échelons territoriaux. Cette proposition de loi visait à institutionnaliser le médiateur territorial dans les collectivités locales, avec un seuil minimum pour les communes et les intercommunalités.
La commission des lois a souhaité apporter de justes modifications, afin de donner plus de souplesse au dispositif et d’en préciser davantage les contours, en liaison avec l’auteure de la proposition de loi et le pouvoir exécutif.
De manière non exhaustive, la commission a rendu facultative pour les collectivités la possibilité d’instituer un médiateur territorial. C’est évidemment une bonne chose : le caractère obligatoire nous paraissait également excessif. Elle a ensuite redéfini le champ de compétences du médiateur, en excluant notamment les litiges de nature contractuelle, afin que les litiges relevant de la commande publique ne soient pas concernés.
La commission des lois a également souhaité renforcer les garanties entourant la nomination et l’exercice des fonctions, en rendant incompatible celle de médiateur territorial avec celle d’élu ou d’agent des groupements dont serait membre une collectivité territoriale qui nommerait un médiateur.
Par souci d’impartialité, nous comprenons parfaitement cette modification. Toutefois, comme le soulignait le ministre Alain Richard en commission, reste en suspens la question de la rémunération au vu de la charge de travail que les fonctions de médiateur peuvent représenter. Je suis heureux que cette proposition de loi soit l’occasion d’évoquer ce sujet. À cet égard, le cas de la ville d’Angers, en matière de rémunération, reste une exception : cette expérimentation locale mériterait peut-être de prospérer.
Autre clarification apportée par la commission des lois : la saisine du médiateur territorial, qui constitue un motif d’interruption du délai de recours contentieux, sachant qu’elle a précisé que ces nouvelles dispositions ne s’appliqueraient qu’aux saisines intervenues postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi, c’est-à-dire le 1er janvier 2021.
Je veux enfin remercier Nathalie Delattre et le groupe du RDSE de cette initiative, que nous partageons d’autant plus à la suite des améliorations apportées par notre collègue rapporteur François Bonhomme, en attendant celles que pourrait suggérer M. le ministre.
Souplesse, liberté, responsabilité nous guident, et nous soutiendrons évidemment cette initiative. (Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – M. Yves Détraigne applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je dois vous dire en préambule que je ne souscris pas à l’exposé des motifs de cette proposition de loi, étant un incurable défenseur de la démocratie participative (Exclamations.) – pardon, de la démocratie représentative !
M. François Bonhomme, rapporteur. C’est le retour du refoulé ! (Rires.)
M. Pierre-Yves Collombat. Vous en parlez tellement, mes chers collègues, que l’on finit par être intoxiqué ! (Mêmes mouvements.)
Pour avoir été pendant un certain nombre d’années maire d’une commune modeste, je pense que c’est le travail du maire et des élus que d’écouter leurs concitoyens. Combien de conflits, même matrimoniaux, n’avons-nous pas réglés, les uns et les autres ? (Sourires.) Pour ma part, je ne partage pas cette façon de voir les choses, de même que l’hymne au grand débat me laisse quelque peu perplexe.
Cela dit, si l’on s’en tient simplement au côté pratique des choses, et compte tenu des modifications qui ont été apportées au texte, notamment de la décision de laisser au choix des élus la décision de mettre en place un tel médiateur, je n’y vois aucune contre-indication : si tel ou tel élu pense que, dans sa situation présente, la présence d’un médiateur est importante, je ne vois pas pourquoi on l’en priverait.
Par ailleurs, ce qui m’a fait quelque peu évoluer dans ma façon de voir les choses, c’est que, effectivement, la situation n’est pas comparable entre les grandes collectivités et les petites ou les moyennes communes. En raison de leurs différences de taille, celles-ci ne rencontrent pas les mêmes problèmes et n’ont pas les mêmes types de rapport avec les citoyens, la bureaucratie n’étant pas la même.
Si l’on tient compte également de la prolifération des très grandes intercommunalités, dont il n’est pas toujours facile de connaître les compétences, et encore moins de savoir qui les exerce et comment,…
M. François Bonhomme, rapporteur. Même pour les élus, ce n’est pas toujours facile !
M. Pierre-Yves Collombat. … j’en suis venu à la conclusion que, peut-être, dans certaines circonstances, le médiateur constitue un outil intéressant, non pas à la place des élus, mais avec eux.
Nous voterons donc cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – M. Yves Détraigne applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme Laurence Harribey.
Mme Laurence Harribey. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi, lorsqu’elle a été présentée à l’examen de la commission des lois, visait à rendre obligatoire la désignation d’un médiateur territorial dans les régions, les départements, les communes de plus de 60 000 habitants et les intercommunalités de plus de 100 000 habitants.
Cette proposition, comme certains collègues l’ont dit, n’est pas nouvelle, puisqu’elle reprend pour l’essentiel un texte de 2014, qu’avaient cosigné, notamment, le président Gérard Larcher et Jacqueline Gourault, aujourd’hui ministre. Mais ce texte n’avait jamais été inscrit à l’ordre du jour du Sénat, alors que l’intention était déjà de privilégier la médiation comme mode alternatif de règlement des conflits.
Toujours est-il que ce texte, comme l’a souligné son auteure, Nathalie Delattre, s’inscrit aujourd’hui dans un contexte plus favorable, avec à la fois la mise en évidence d’un véritable besoin de médiation et des expériences de plus en plus nombreuses, menées sur une base volontaire.
Deux régions, douze départements, vingt-deux communes, deux EPCI : cela commence quand même à être consistant et l’on peut s’en inspirer.
Certes, on peut s’interroger sur l’intérêt de la multiplication des textes isolés, qui, par touches fragmentées, abordent la question des relations des citoyens à la collectivité locale, mais ce texte a le mérite de tendre à tirer les enseignements des expériences territoriales qui se sont développées pour donner un cadre juridique unique, avec l’avantage de s’appuyer sur ce qui existe et de créer un socle de règles communes.
Par ailleurs, ce texte se distingue de celui de 2014 par le seuil à partir duquel, au départ, il était fait référence, mais aussi par l’intégration des EPCI. Son niveau de précision est également plus élevé, qu’il s’agisse des compétences du médiateur, de ses pouvoirs ou des garanties propres à assurer l’exercice de ses missions.
De fait, notre groupe adhère de manière claire à sa philosophie générale, et nous nous sommes appliqués à l’enrichir de manière constructive. Je souligne d’ailleurs la qualité des échanges que nous avons eus au sein de la commission des lois, ainsi que l’ouverture du rapporteur et des auteurs du texte.